Cass. 1re civ., 7 mars 2018, n° 16-23.179
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
AG Insurance (Sté)
Défendeur :
Axa France IARD (SA) , Logistique globale européenne (Sté) , Gresas (SCRL) , Prezioso Technilor (SAS) , Tandem (SEM) , AG Insurance (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Avel
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Boutet, Hourdeaux, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 15 octobre 2009, un incendie s'est déclaré dans une cabine de grenaillage de la société Logistique globale européenne (la société LGE), locataire de bâtiments industriels appartenant à la société Sempat, toutes deux assurées auprès de la société Axa assurances IARD (la société Axa) ; que la cabine avait été vendue à la société LGE par la société de droit belge Gresas, assurée auprès de la compagnie AG Insurance ; que la société Prezioso Technilor, aux droits de laquelle vient la société Prezioso Linjebygg (la société Prezioso), avait préalablement réalisé les études techniques et accompli une mission de maîtrise d'œuvre ; que la société Sempat et la société Axa, d'une part, la société AG Insurance, d'autre part, ont, au vu du rapport de l'expert désigné en référé, sollicité l'indemnisation de leurs préjudices ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° A 16-23.179 et sur le premier moyen du pourvoi n° A 16-24.030, pris en ses première, deuxième et troisième branches, réunis, ci-après annexés : - Attendu que la société Gresas et la société AG Insurance font grief à l'arrêt de dire que les conséquences dommageables de l'incendie devraient être supportées à concurrence de 50 % par la société Gresas, de 25 % par la société Prezioso, et de 25 % par la société LGE, et de les condamner à payer diverses sommes à la société Axa, à la société Sempat et à la société LGE en indemnisation de leurs préjudices ;
Attendu que l'arrêt relève que la société Gresas a sous-estimé le risque d'incendie dans la cabine et que le revêtement utilisé ne pouvait pas relever de la classification M1, réservée aux matériaux non inflammables, contrairement à ce qui a été indiqué, antérieurement à la vente, par la société Gresas à la société Prezioso, responsable des études techniques et maître d'œuvre de l'opération ; qu'il retient exactement que la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux s'applique au producteur d'un produit affecté d'un défaut, quelle que soit la destination, privée ou professionnelle, de l'usage de ce produit ; qu'il constate que la cabine de grenaillage n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre eu égard à la nature de l'activité pour laquelle elle était conçue et que, dès lors, la société Sempat et son assureur sont fondés à réclamer au fabricant du produit défectueux, coresponsable in solidum des conséquences dommageables de l'incendie, l'indemnisation de l'intégralité du préjudice subi du fait de cet incendie ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ces chefs ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° A 16-24.030, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé : - Attendu que la société Gresas fait grief à l'arrêt de la condamner, sur le fondement du partage de responsabilité retenu, à payer diverses sommes à la société Axa, à la société Sempat et à la société LGE ;
Attendu qu'ayant relevé que la cabine n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, la cour d'appel, qui n'était saisie d'aucun appel en garantie de la société Gresas à l'encontre des sociétés Prezioso et LGE, a exactement retenu que la société Sempat et son assureur étaient fondés à réclamer au fabricant du produit défectueux, coresponsable in solidum des conséquences dommageables de l'incendie, l'indemnisation de l'intégralité du préjudice subi du fait de celui-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi n° A 16-24.030 : - Attendu que la société Gresas fait grief à l'arrêt de dire qu'elle devra être garantie par la société AG Insurance au titre des condamnations prononcées contre elle, à l'exception de la somme de 272 000 euros correspondant à la valeur de remplacement de la cabine de grenaillage du fait de l'application de la clause d'exclusion de garantie 22B4, et de limiter, en conséquence, la condamnation in solidum de la société AG Insurance avec la société Gresas au profit de la société Axa au titre des indemnités versées à la société LGE, alors, selon le moyen, qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'en l'espèce, ayant elle-même retenu que la loi belge, et plus précisément la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, s'appliquait à la police d'assurance souscrite par la société Gresas auprès de la société AG Insurance, la cour d'appel ne pouvait décider que la clause d'exclusion de garantie prévue à l'article 22 B4 des conditions générales de cette police était applicable dans les rapports entre la société Gresas et la société AG Insurance en se bornant à énoncer que cette clause n'était pas contraire aux dispositions de l'article L. 113-1 du Code des assurances français, sans vérifier, comme elle y était invitée, si ladite clause était valable en droit belge ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 3 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la juridiction était tenue d'appliquer à la police d'assurance soumise au droit belge les dispositions impératives du Code des assurances français, qualifiée de loi de police, au nombre desquelles figurent les articles L. 112-4 et L. 113-1 du Code des assurances, la société Gresas n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° A 16-23.179, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; Attendu que, pour rejeter la demande formée par la société AG Insurance tendant à être garantie par la société Prezioso des condamnations prononcées contre elle au profit de la société LGE et de son assureur, l'arrêt énonce que les fautes commises par cette société justifient d'accueillir l'appel en garantie formé par la société AG Insurance uniquement en ce qui concerne les indemnités mises à la charge de cette compagnie d'assurance au profit des sociétés Sempat et Axa ;
Qu'en statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision de rejet des demandes dirigées contre la société LGE, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen du même pourvoi n° A 16-23.179, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382, devenu l'article 1240 du Code civil ; - Attendu que, pour rejeter les demandes formées par la société AG Insurance à l'encontre de la société LGE, l'arrêt énonce que, les fautes commises par cette société ayant déjà été prises en considération pour définir le partage de responsabilité opéré, l'appel en garantie formé par la société AG Insurance est sans objet ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le partage de responsabilité opéré au titre de l'indemnisation des préjudices ne rendait pas sans objet l'appel en garantie formé par la société AG Insurance à l'encontre de la société LGE, coresponsable des conséquences dommageables de l'incendie, au titre de la réparation des préjudices de la société Sempat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il déclare sans objet l'appel en garantie formé par la société AG Insurance à l'encontre de la société LGE et en ce qu'il rejette la demande formée par la société AG Insurance à l'encontre de la société Prezioso Linjebygg au titre des condamnations prononcées au profit de la société LGE et de la société Axa, subrogée dans les droits de la société LGE, l'arrêt rendu le 19 avril 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Dijon.