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Décisions

ADLC, 1 février 2018, n° 18-DCC-18

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Décision relative à la prise de contrôle exclusif de la société Concept Multimédia par le groupe Axel Springer

ADLC n° 18-DCC-18

1 février 2018

L'Autorité de la concurrence (en formation plénière),

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 24 juillet 2017, déclaré complet le 4 août 2017, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Concept Multimédia par le groupe Axel Springer, formalisé par la signature d'un protocole d'accord en date du 25 avril 2017, auquel un projet de contrat de cession d'actions a été annexé ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu la décision n° 17-DEX-02 du 11 septembre 2017 d'ouverture d'un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les représentants d'Axel Springer en date du 26 décembre 2017 en réponse au rapport des services d'instruction du 1er décembre 2017 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants d'Axel Springer entendus au cours de la séance du 11 janvier 2018 ; Les représentants des sociétés [Confidentiel] et Facebook, entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 430-6, alinéa 3 du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

A. LES PARTIES

1. La société Axel Springer Digital Classifieds France SAS est détenue par la société de droit allemand Axel Springer SE, qui est à la tête du groupe Axel Springer (ci-après " Axel Springer "), lui-même contrôlé par Mme Friede Springer. Axel Springer est actif dans les secteurs des petites annonces, de la presse, et des services de communication.

2. Dans le secteur des petites annonces en France, Axel Springer détient les sociétés SeLoger (petites annonces immobilières en ligne) et Car&Boat Media (petites annonces d'automobiles et de bateaux en ligne). SeLoger édite les portails seloger.com et immostreet.com, ainsi que plusieurs autres sites dédiés à certains types de biens immobiliers, tels que l'immobilier de prestige (bellesdemeures.com, prestige.seloger.com), l'immobilier neuf (selogerneuf.com), les terrains et la construction de maisons individuelles (seloger.com/construire), les bureaux et locaux commerciaux (agorabiz.com et webimm.com), les locations de particuliers (louervite.fr) et les locations de vacances (agites.com, amivac.com, vacances.seloger.com et vacances.com). SeLoger édite également un site d'estimation immobilière, lacoteimmo.com.

3. Dans le secteur de la presse écrite en France, Axel Springer édite Marmiton Magazine, spécialisé dans l'art de vivre. Il détient également 50 % du capital social de la société Éditions Mondadori Axel Springer, qui édite des titres de magazines automobiles (Auto Plus, L'AutoJournal, Sport Auto, Sport Auto Classique, Auto-Journal Évasion, Auto-Journal 4x4 et Auto Plus Classiques).

4. Dans le secteur des services de communication, Axel Springer, à travers ses filiales aufeminin3 , bonial, idealo et My Little Paris, édite des sites internet thématiques, et, à travers sa filiale Awin, offre des services d'intermédiation dans le secteur de la publicité en ligne.

5. Concept Multimédia SAS (ci-après " Concept Multimédia " ou " Logic-Immo ") est une société de droit français, détenue par la société Spir Communication SA. Elle est principalement active dans les secteurs des petites annonces immobilières en ligne et dans la presse écrite, et des services informatiques à destination des professionnels de l'immobilier en France.

6. Dans le secteur des petites annonces immobilières en ligne, Concept Multimédia édite le portail logic-immo.com, ainsi que plusieurs sites dédiés à certains types de biens immobiliers, tels que l'immobilier de prestige (lux-residence.com), l'immobilier neuf (neuf.logic-immo.com), les terrains et la construction de maisons individuelles (construire.logic-immo.com) et les locations saisonnières (vacances.logicimmo.com).

7. Dans le secteur des petites annonces immobilières dans la presse écrite, Concept Multimédia édite deux magazines : Logic-Immo, un bimensuel gratuit, et Lux Résidence, un magazine dédié aux biens immobiliers de prestige.

8. Dans le secteur des services informatiques à destination des professionnels de l'immobilier, Concept Multimédia propose, via sa filiale Rodacom, des services de multidiffusion, de création de sites internet, ainsi que des outils de référencement et de gestion du trafic.

B. L'OPÉRATION

9. L'opération notifiée est formalisée par la signature d'un protocole d'accord en date du 25 avril 2017, auquel un projet de contrat de cession d'actions a été annexé.

10. En ce qu'elle consiste en l'acquisition par Axel Springer de 100 % du capital de Concept Multimédia, l'opération se traduit par la prise de contrôle exclusif de Concept Multimédia par Axel Springer.

11. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total mondial de plus de 150 millions d'euros (Axel Springer : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016 ; Concept Multimédia : [...] d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires total hors taxes supérieur à 50 millions d'euros (Axel Springer : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2016 ; Concept Multimédia : [...] d'euros pour le même exercice). Compte tenu des chiffres d'affaires réalisés par les entreprises concernées, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

12. Les parties sont simultanément présentes sur les marchés des petites annonces immobilières et de la publicité en ligne.

13. De plus, Logic-Immo est seule active sur les marchés de la presse écrite (en matière de petites annonces immobilières dites " papier "), des services informatiques à destination des professionnels de l'immobilier, et des services d'achat d'espaces médiatiques4 . SeLoger est quant à elle seule présente sur le marché de l'intermédiation en matière de publicité en ligne5 .

14. L'opération entraîne un chevauchement d'activités sur les marchés des petites annonces immobilières en ligne (A) et de la publicité en ligne (C). Le marché des petites annonces immobilières papier, marché connexe concerné par l'opération sur lequel seule Logic-Immo est active, est également concerné par l'opération (B).

A. LE MARCHÉ DES PETITES ANNONCES IMMOBILIÈRES EN LIGNE

1. LE MARCHÉ DE PRODUITS

15. La diffusion de petites annonces s'effectue à la fois par le biais de la presse écrite et des sites internet (" en ligne ").

16. La pratique décisionnelle nationale considère que ces deux modes de diffusion constituent des marchés distincts6 . De plus, elle a segmenté ces marchés selon le type de biens ou de services concernés par les petites annonces, en distinguant les petites annonces automobiles, celles relatives aux bateaux, à l'immobilier et à l'emploi7 . En l'espèce, les parties sont simultanément actives sur le marché des petites annonces immobilières en ligne.

17. L'existence d'un tel marché a également été envisagée par les autorités de concurrence britannique8 et allemande9 .

18. Conformément à cette pratique décisionnelle, la partie notifiante propose de retenir un marché des petites annonces immobilières en ligne.

19. Avant d'examiner les segmentations éventuelles de ce marché (b), il convient de déterminer s'il est possible de retenir un marché unique des petites annonces immobilières en ligne, ou s'il est nécessaire de définir deux marchés distincts, correspondant à chacune de ses faces, dans la mesure où il s'agit d'un marché biface (a).

a) Un marché unique ou deux marchés distincts

20. Un marché biface met en relation deux groupes d'agents, qui ont des gains potentiels à interagir. Une plateforme, ou un intermédiaire, rend possible, ou facilite, les transactions en réduisant leurs coûts. Cette activité engendre des externalités indirectes (ou effets de réseau croisés) : le bénéfice ou l'utilité que retire un agent d'un groupe déterminé dépend du nombre d'agents de l'autre groupe.

21. Le marché des petites annonces immobilières en ligne comprend une face amont, qui met en relation les annonceurs10 et les portails, et une face aval, qui met en relation les portails et les internautes. Les portails d'annonces immobilières constituent donc des intermédiaires entre les annonceurs, qui cherchent à vendre ou à louer des biens immobiliers, et les internautes, à la recherche de tels biens. Les relations entre annonceurs et portails d'une part, et portails et internautes d'autre part, sont caractérisées par des effets de réseau croisés. En effet, le nombre de petites annonces peut augmenter l'audience d'un portail, et, en retour, un portail disposant d'une audience importante peut attirer un nombre plus élevé d'annonces.

22. Comme le rappellent les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, " [d]ans le cas de marchés bifaces, l'équilibre économique sur un marché ne peut être appréhendé indépendamment des conditions prévalant sur un autre marché. Les deux marchés, bien que distincts, fonctionnent en effet de façon interdépendante, spécificité qui peut être prise en compte aussi bien au stade de la délimitation du marché que de l'analyse des effets de l'opération sur la concurrence et des gains d'efficience "11.

23. L'examen d'un marché biface peut donc être mené en définissant un marché unique avec ses deux faces indissociables ou en analysant les deux faces distinctes comme deux marchés liés.

i. Rappel de la pratique décisionnelle des autorités de concurrence

24. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence a toujours mené une analyse concurrentielle en retenant un marché unique s'agissant de la vente de petites annonces en ligne.

25. Dans sa lettre C-2007-19, le ministre de l'économie a considéré qu'" en matière de petites annonces automobiles et bateaux en ligne, il n'est pas [...] pertinent de retenir un marché de l'audience des sites Internet spécialisés dans ces thématiques ", tout en notant que " l'audience des sites Internet sera toutefois utilisée [...] comme élément d'appréciation utile pour l'analyse concurrentielle ". Le ministre a d'ailleurs précisé que " Cette manière de procéder, consacrée par le Conseil d'État, est au demeurant classique dans la pratique décisionnelle relative aux médias, voire à l'ensemble des secteurs caractérisés par l'existence de marchés bifaces : l'audience constituera un indicateur essentiel du pouvoir de marché des opérateurs sur les différents marchés en ligne concernés "12.

26. Dans sa décision n° 10-DCC-152, l'Autorité a laissé ouverte la question de la définition exacte du marché des petites annonces immobilières en ligne, dans la mesure où l'opération examinée ne soulevait aucun problème de concurrence. Elle a néanmoins mené une analyse concurrentielle sur le marché de la " vente d'annonces classées sur Internet ", sans avoir défini de marché de l'audience13.

27. Plus récemment, les autorités de concurrence britannique et allemande ont également retenu un marché unique des portails de petites annonces immobilières en ligne. En particulier, dans sa décision relative à l'acquisition d'Immowelt par Axel Springer précitée, l'autorité de concurrence allemande a retenu un marché des portails de petites annonces immobilières en ligne sans considérer chaque face du marché séparément, principalement au motif que de telles plateformes ont pour objectif de mettre en contact deux parties ayant un besoin en grande partie identique.

ii. La position de la partie notifiante

28. Dans le sens retenu par la pratique décisionnelle, la partie notifiante propose de définir un marché unique des portails de petites annonces, sur lequel la demande provient à la fois des annonceurs et des internautes. Chacun de ces groupes d'utilisateurs rechercherait la même offre : un service d'intermédiation de petites annonces immobilières.

iii. Appréciation au cas d'espèce

29. En l'espèce, conformément à la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et à la position de la partie notifiante, l'analyse concurrentielle sera menée sur un marché unique des petites annonces immobilières en ligne. En tout état de cause, la délimitation de marchés distincts pour chacune des faces de ce marché ne modifierait pas les conclusions de l'analyse concurrentielle.

b) La segmentation du marché des petites annonces immobilières en ligne

30. La délimitation exacte du marché des petites annonces immobilières en ligne nécessite de déterminer si les sites internet des professionnels de l'immobilier (i), ainsi que les sites internet de petites annonces de locations saisonnières (ii), doivent être inclus. La question d'une segmentation selon le type d'annonceur (iii) et selon le type de bien immobilier (iv) se pose également.

i. La question de la prise en compte des sites de professionnels de l'immobilier

La position de la partie notifiante

31. Selon la partie notifiante, certains sites internet des agences immobilières exercent une pression concurrentielle significative sur les portails de petites annonces immobilières en ligne. Elle explique que les réseaux d'agences immobilières, tels que Century 21, Orpi, Nexity et Laforêt, engagent d'importantes dépenses pour accroître leur visibilité afin de capter de nouveaux mandats auprès de potentiels vendeurs et/ou bailleurs et d'attirer de l'audience sur leurs propres sites internet. Les dépenses publicitaires brutes des réseaux Century 21, Orpi et Laforêt sont en effet significatives. En valeur absolue, le budget publicitaire de Century 21 et de Orpi est supérieur à celui de certains portails comme PAP, Bien'ici ou Logic-Immo. L'audience des sites internet des réseaux d'agences immobilières, tels qu'Orpi ou Century 21, est par ailleurs comparable à celle de portails importants de petites annonces immobilières en ligne. À titre d'illustration, en janvier 2017, les sites internet d'Orpi et de Century 21 ont attiré respectivement 1 095 000 et 1 015 000 visiteurs uniques, contre 1 671 000 pour AVendreALouer et 1 366 000 pour Explorimmo14.

32. Cependant, malgré ces éléments, la partie notifiante n'a pas inclus les sites d'agence (à tout le moins ceux des grands réseaux) dans le marché pertinent.

Appréciation au cas d'espèce

33. Près des trois-quarts des agences immobilières étant indépendantes15, il est difficile pour elles d'obtenir une notoriété à travers leur propre site internet, et de générer suffisamment d'audience, contrairement aux principaux sites de réseaux d'agences immobilières précités.

34. De plus, plusieurs tiers ont relativisé l'utilisation des sites internet des agences immobilières par les internautes pour leurs recherches d'un bien à acheter ou à louer. Selon l'Union des Syndicats de l'Immobilier (ci-après, " Unis "), " il est rare qu'un internaute aille directement sur les sites des agences, il a plutôt tendance à s'adresser à des portails généralistes ", tandis que selon Le Bon Coin, " ce n'est qu'occasionnellement qu'un utilisateur va sur le site d'un réseau d'agences ". Les sites internet des agences immobilières et les portails de petites annonces immobilières proposent en effet deux offres différentes dans la mesure où le site internet d'une agence immobilière ne présente que les annonces des biens pour lesquels elle a un mandat, alors qu'un portail de petites annonces immobilières publie un maximum d'annonces, en provenance de multiples agences ou de particuliers.

35. Les auditions montrent à cet égard que l'exhaustivité de l'offre d'annonces immobilières est le critère de recherche prioritaire des internautes, qui vont donc consulter davantage un portail que le site internet d'une agence immobilière. Si les sites d'agences sont effectivement consultés, ils le sont principalement de manière complémentaire aux portails. Un concurrent des parties explique : " un internaute ira plutôt sur un site avec une offre exhaustive, puis en complément il peut aller sur le site de l'agence pour en savoir plus sur le bien. Les sites d'agents immobiliers ne sont pas assez exhaustifs pour les internautes dont les recherches sont majoritairement locales. Les données Médiamétrie montrent bien la prédominance des portails. Il y a une concurrence indirecte seulement entre agence et portail ". La réponse de Bien'ici, un portail créé notamment par des réseaux d'agences immobilières, à la question " êtes-vous en concurrence directe avec les sites internet des agents immobiliers ? " est à cet égard éclairante : " Absolument pas, les deux sont complémentaires ". La complémentarité entre les sites internet d'agences immobilières et les portails, mise en avant du côté des internautes, est également constatée s'agissant des annonceurs. Le réseau d'agences immobilières Arthurimmo explique : " Les agences Arthurimmo peuvent diffuser leurs annonces sur le site national et sur leur propre site agence. Mais il n'est pas possible d'utiliser uniquement ces sites et de renoncer aux portails. Le métier d'agent immobilier est spécifique, il ne consiste pas à acquérir de l'audience ; les agents immobiliers n'ont pas la connaissance suffisante pour faire cela. Il est obligatoire de passer par des outils spécialisés que sont les portails. Ce sont des métiers complémentaires. "

36. Par conséquent, à l'instar de la position de la partie notifiante, l'Autorité considère que seuls les portails de petites annonces immobilières doivent être inclus sur le marché concerné, tout en laissant ouverte la question d'une éventuelle pression concurrentielle exercée par les sites internet des grands réseaux d'agences immobilières.

ii. La question de la prise en compte des sites de petites annonces de locations saisonnières

La position de la partie notifiante

37. La partie notifiante souligne que les acteurs tels que Airbnb, Homelidays ou Abritel, sont dédiés uniquement aux petites annonces de locations saisonnières et " sont incontournables pour les annonceurs comme pour les internautes ". Les principaux acteurs des petites annonces de locations saisonnières ne sont toutefois pas actifs sur le marché des petites annonces immobilières en ligne.

38. La partie notifiante reconnaît qu'" au regard de la prédominance des pure players dans le secteur des petites annonces saisonnières ", ce marché peut être analysé distinctement.

Appréciation au cas d'espèce

39. Les locations saisonnières répondent à une demande particulière des internautes et font généralement intervenir des annonceurs spécifiques et des portails spécialisés.

40. Les petites annonces de location saisonnière demandent un savoir-faire sur la gestion des dates de disponibilité et des fonctionnalités, ou des services renforçant la confiance des utilisateurs (réservation, paiement en ligne avec séquestre, annonce et annonceur vérifiés).

41. Du côté des annonceurs, les principaux clients de vacances.seloger.com, portail spécialisé dans les petites annonces de locations saisonnières en ligne de SeLoger, sont des acteurs de l'hôtellerie (campings, gîtes, autres établissements de vacances), et non des agences immobilières, qui constituent en revanche la quasi-totalité des acheteurs d'espaces de petites annonces immobilières. Les acteurs de l'hôtellerie publient des annonces uniquement pour la location de biens meublés, pour une durée pouvant aller de quelques jours à quelques mois, contrairement aux agences immobilières, qui publient également des annonces pour la vente et, lorsqu'il s'agit de location, des annonces généralement de longue durée.

42. Par conséquent, seules les petites annonces de vente et de location de longue durée de biens immobiliers font partie du marché concerné par l'opération.

iii. La question d'une segmentation selon le type d'annonceur

43. Sur la face amont du marché des petites annonces immobilières en ligne, les annonceurs sont des professionnels ou des particuliers, qui déposent une petite annonce immobilière. Parmi les professionnels, il s'agit principalement d'agences immobilières, mais également de notaires, mandataires, promoteurs, constructeurs et propriétaires de biens immobiliers.

44. Une distinction entre annonceurs professionnels et annonceurs particuliers a déjà été envisagée dans les secteurs des petites annonces automobiles et navales16. Le ministre de l'économie a notamment relevé des différences selon le type d'annonceur au niveau des modes de commercialisation des petites annonces (vente à l'unité pour les particuliers et vente en bloc pour les professionnels) et au niveau du prix (deux à trois fois plus cher pour les particuliers que pour les professionnels). Par ailleurs, les professionnels bénéficiaient souvent d'outils dédiés pour publier leurs annonces et d'une assistance commerciale, contrairement aux particuliers.

45. Les différences relevées par le ministre dans les secteurs automobile et naval s'observent aussi dans le secteur des portails d'annonces immobilières en ligne : les annonceurs professionnels ont en effet tendance à recourir à des abonnements, alors que les annonceurs particuliers achètent plutôt des espaces à l'unité, ce qui conduit à une différence de prix entre les deux types d'annonceurs (le prix par annonce est plus élevé pour les annonceurs particuliers que pour les annonceurs professionnels). De plus, les annonceurs particuliers et professionnels se différencient par leur mode d'utilisation des portails. Les annonceurs particuliers ont généralement un usage ponctuel et très limité des portails (vente ou location d'un seul bien immobilier), contrairement aux annonceurs professionnels. Sur ce point, la partie notifiante reconnaît que la multidiffusion des annonceurs particuliers, qui consiste à déposer une petite annonce sur plusieurs portails, " est sans doute moins intense que [celle] des professionnels, notamment en raison de l'absence d'accès par les particuliers aux logiciels de multidiffusion ".

46. Le test de marché a montré que la quasi-totalité des annonceurs professionnels interrogés ne considèrent pas PAP, principal portail spécialisé dans les annonces de particuliers, comme un concurrent des parties. PAP déclare d'ailleurs ne pas être " en concurrence frontale " avec les parties, et que " le métier est très différent ". En effet, les portails de petites annonces immobilières entre particuliers n'acceptent aucune annonce en provenance d'agences immobilières. Par conséquent, les professionnels de l'immobilier ne pouvant pas publier leurs annonces sur des portails réservés exclusivement aux annonceurs particuliers, ces portails ne sont pas en mesure d'exercer une pression concurrentielle sur le prix des services liés à la publication de petites annonces immobilières de professionnels.

47. Cette absence de concurrence entre portails qui acceptent les annonceurs professionnels et portails réservés aux annonceurs particuliers, sur la face amont du marché, ressort par ailleurs de plusieurs documents de la partie notifiante. Dans son dernier document de référence, SeLoger affirme que les portails de petites annonces immobilières de particuliers " ne concerne[nt] pas le Groupe qui n'est pas présent sur le segment des petites annonces entre particuliers "17. Dans une étude récente relative à la satisfaction de ses utilisateurs, SeLoger n'a d'ailleurs pas considéré PAP comme un portail concurrent, alors qu'il a retenu des sites tels que Le Bon Coin et Paru Vendu, sites proposant à la fois des annonces de professionnels et de particuliers. Lors de leurs auditions, les représentants de SeLoger et de Logic-Immo n'ont, à aucun moment, cité PAP comme l'un de leurs concurrents.

48. Compte tenu de ce qui précède, il convient de retenir une segmentation par type d'annonceurs du marché des petites annonces immobilières en ligne, l'opération étant susceptible de produire ses effets uniquement sur les annonceurs professionnels.

iv. La question d'une segmentation selon le type de bien immobilier

49. Une segmentation selon le type de bien immobilier (biens anciens, biens de prestige, biens neufs/construction de maisons individuelles, biens commerciaux) pourrait se justifier, au regard des spécificités de la demande des internautes, mais également de l'offre constituée par les annonceurs et par les portails.

La position de la partie notifiante

50. La partie notifiante conteste la pertinence d'une telle segmentation. Selon elle, il existe une importante substituabilité, du côté de l'offre, entre les différentes sous-catégories de biens, dans la mesure où les principaux portails proposent des espaces permettant aux annonceurs de faire la promotion de plusieurs types de biens immobiliers. Les portails peuvent choisir de regrouper tous les biens immobiliers au sein de la même interface ou de développer des portails spécialisés pour certains types de biens. De plus, même lorsque les portails exploitent des sous-sites dédiés à certains types de biens immobiliers (comme, par exemple, bellesdemeures.com pour les petites annonces de biens dits " de prestige "), les annonces publiées sur ces sous-sites sont très majoritairement publiées sur le portail principal (en l'espèce, seloger.com).

51. Selon la partie notifiante, l'exploitation de sous-portails dédiés à certains types de biens immobiliers relève avant tout d'un positionnement marketing. Par ce biais, les portails spécialisés cherchent à asseoir leur notoriété pour un type de biens spécifique, et donc à monétiser, auprès des annonceurs, une audience ciblée et qualifiée.

Appréciation au cas d'espèce

52. Il convient d'étudier en priorité la substituabilité du côté de la demande. En effet, comme le rappellent les lignes directrices précitées, ce n'est que dans des cas particuliers que l'Autorité peut prendre en compte la substituabilité du côté de l'offre pour délimiter les marchés pertinents18.

53. En l'espèce, du point de vue de la demande, les internautes sont à la recherche d'un type de bien immobilier en particulier. Les annonceurs adaptent d'ailleurs les annonces selon le type de bien. En effet, de nombreux répondants au test du marché précisent que chaque type d'annonces possède des caractéristiques particulières, dont certaines sont obligatoires pour être conformes à la règlementation actuelle, et d'autres plutôt d'agrément dans le but de répondre aux attentes des annonceurs et des acquéreurs. Selon le type de bien immobilier, les annonces sont donc spécifiques.

54. De plus, a priori, la substituabilité du côté de l'offre paraît limitée dans la mesure où il existe des sites spécialisés exclusivement sur un type de bien particulier.

55. Il convient donc d'analyser plus précisément la pertinence d'une segmentation par type de bien immobilier.

• Les biens de prestige

56. S'il n'existe pas de définition légale des biens de prestige, ou de définition partagée par la profession, plusieurs critères permettent de classer un bien immobilier dans cette catégorie, tels que sa localisation (son quartier, sa ville), ses prestations (étage, volume, matériaux de qualité, etc.), et son prix, qui va dépendre lui-même des critères précédents. La partie notifiante a proposé de définir un bien de prestige sur la base des critères retenus par belles.demeures.com. Sur belles.demeures.com, sont considérés comme biens de prestige les biens en vente supérieurs à [...] euros en province, à [...] euros à Cannes (06) et en Île-de-France, et à [...] euros à Paris (75) et à Neuilly-sur-Seine (92). À titre d'information, lux-residences.com considère comme des biens de prestige les biens proposés à un prix de vente supérieur à [...] euros, quelle que soit leur localisation.

57. Outre une demande spécifique, ce type de biens se caractérise également par l'existence d'acteurs spécialisés, tant du côté des annonceurs que des portails. La partie notifiante reconnaît qu'" il existe quelques agences immobilières spécialisées dans l'immobilier de prestige ". Cette spécialisation existe également du côté des portails avec des sites tels que bellesdemeures.com, lux-residence.com, green-acres.com et propriété.lefigaro.fr. Selon Century 21, " sur les marchés dits haut de gamme, les sites traditionnels sont peu utilisés. Il existe des sites plus spécialisés et plus attendus par les vendeurs. " Le Bon Coin explique quant à lui qu'il s'agit d' " un marché fermé ", sur lequel il est très peu présent : " Les sites spécialisés sur ce type de biens sont assez différents des portails " classiques ". Ce sont des biens à plus de 4 ou 5 millions d'euros, qui nécessitent une mise en avant particulière avec des vidéos notamment. " Lors de son audition, Logic-Immo a expliqué : " l'agent immobilier ne mettra pas sur Le Bon Coin des produits haut de gamme, car cela décrédibiliserait le positionnement de l'annonce ".

58. Les sites spécialisés sur les biens de prestige ont par ailleurs des équipes commerciales dédiées, appliquent des tarifs spécifiques, et se caractérisent par des conditions générales de vente (" CGV ") particulières. Ces caractéristiques sont confirmées par les éléments communiqués par les parties s'agissant de leurs propres portails, ainsi que par l'audition de l'un de leurs concurrents. Les conditions générales de vente des parties sont ainsi plus exigeantes sur les biens de prestige. Par exemple, " Belles Demeures se réserve la possibilité de refuser ou de suspendre la publication d'une annonce d'un bien ne pouvant être considéré comme un bien de caractère, de charme ou de prestige ", tandis que lux-résidence.com exige que les petites annonces soient " accompagnées d'une photographie et [respectent] la charte éditoriale ". Logic-Immo explique que les " conditions de diffusion spécifiques à Lux-residence résultent de son positionnement comme portail d'écrin destiné aux biens immobiliers de prestige. "

59. Enfin, les annonces de biens de prestige sont les seules à ne pas être systématiquement multidiffusées sur le portail principal de chaque partie, contrairement aux autres annonces de biens immobiliers anciens.

60. Ces différents éléments pourraient donc plaider en faveur de l'existence d'un segment distinct des biens de prestige.

61. Pour autant, l'usage réel des portails spécialisés par les agences immobilières conduit à écarter l'existence d'un segment pertinent des petites annonces de biens de prestige.

62. La partie notifiante indique que [50-60] % des annonces de bellesdemeures.com sont également présentes sur seloger.com et que [20-30] % des annonces publiées sur lux-residence.com sont également publiées sur logic-immo.com. Ces chiffres ne correspondent qu'aux seules annonces communes entre seloger.com (respectivement logic-immo.com) et bellesdemeures.com (respectivement lux-residences.com).

63. Si on dénombre les annonces de biens de prestige sur les portails généralistes des parties et celles sur leurs portails spécialisés19, il s'ensuit que les portails généralistes comptent, en réalité, plus d'annonces de biens de prestige que leurs portails spécialisés. Selon la partie notifiante, les portails généralistes concentreraient ainsi près de 90 % du total des annonces de professionnels pour des biens de prestige. Le tableau suivant illustre le nombre d'annonces de biens de prestige sur trois portails spécialisés et sur trois portails non spécialisés des mêmes groupes.

<TABLEAU>

64. Par ailleurs, entre septembre et octobre 2017, le portail généraliste leboncoin.com diffusait plus de 55 000 annonces de ventes de biens immobiliers de prestige20, soit un nombre supérieur au premier portail spécialisé en biens de prestige. Les données issues du logiciel [confidentiel] confirment que les agences qui ont recours à des portails spécialisés sur les biens de prestige, et qui ont une activité principalement centrée sur ce type de bien, ont également le plus souvent recours à des portails généralistes.

65. Les annonceurs ne semblent donc pas manifester un intérêt particulier pour la diffusion de leurs annonces sur un portail spécialisé dans les annonces de biens de prestige. Il s'ensuit que les portails généralistes constituent bien des concurrents aux portails spécialisés en biens de prestige. Enfin, les prix proposés par les portails non spécialisés ne sont pas différenciés selon que l'annonce corresponde à un bien de prestige ou à un bien " standard ".

66. Par conséquent, il n'est pas justifié de retenir un segment spécifique des petites annonces immobilières de biens de prestige.

• Les biens neufs

67. Les biens neufs comprennent des biens immobiliers proposés dans le cadre de programmes neufs et de construction de maisons individuelles.

68. À l'instar des biens de prestige, il existe une spécialisation des annonceurs et des portails en matière de biens neufs, qui illustre la demande spécifique des consommateurs pour de tels biens. Les annonceurs sont constitués par les promoteurs immobiliers, et de nombreux portails sont spécialisés sur les biens neufs, tels que selogerneuf.com, seloger.com/construire, neuf.logicimmo.com, construire.logic-immo.com, mais aussi explorimmoneuf ou trouver-un-logementneuf.

69. D'autres éléments plaideraient en faveur d'un segment distinct des biens neufs.

70. Premièrement, il existe une différence concernant la nature des annonces par rapport aux autres types de biens dans la mesure où les portails dédiés à l'immobilier neuf proposent exclusivement des annonces de vente (et non de location).

71. Deuxièmement, les annonces de biens neufs sont spécifiques puisqu'elles doivent présenter à la fois un ou des logements et un programme, ce qui nécessite une organisation spécifique du contenu et du moteur de recherche. Les annonces de construction de maisons individuelles nécessitent également une mise en forme particulière compte tenu de la nature de l'offre commerciale qu'elles présentent : l'annonce doit prendre en compte la dissociation entre la vente du terrain et celle de la maison à construire, le constructeur de maison n'ayant généralement pas le mandat pour vendre un terrain, alors qu'il a besoin d'en proposer un pour rendre le projet immobilier crédible.

72. Troisièmement, les annonces de biens immobiliers neufs ont pour caractéristique commune de promouvoir des biens qui, dans la majorité des cas, n'existent pas encore. Un savoir-faire autour des images 3D et de la cartographie est donc important pour rendre l'annonce attractive dans les deux cas. De plus, ces biens ciblent pour une large part des acheteurs qui souhaitent réaliser un investissement locatif, ce qui nécessite d'intégrer au contenu des annonces et du moteur de recherche des informations sur l'éligibilité aux dispositifs financiers existants.

73. Enfin, même s'il n'existe pas de CGV spécifiques, les portails spécialisés dans les biens neufs appliquent des tarifs distincts et font appel à des équipes commerciales différentes.

74. Pour autant, à l'instar des biens de prestige, il s'avère que les petites annonces de biens neufs sont diffusées à la fois sur les portails spécialisés et sur les portails généralistes.

75. En effet, la partie notifiante indique que [90-100] % des annonces publiées sur selogerneuf.com sont publiés sur seloger.com et que [90-100] % des annonces publiées sur seloger.com/construire sont publiées sur seloger.com. De la même manière, [90-100] % des annonces de biens neufs publiées sur neuf.logic-immo.com sont publiées sur le portail logicimmo.com. Les annonceurs ne semblent donc pas manifester un intérêt particulier pour la diffusion de leurs annonces de biens neufs sur un portail spécialisé. Il s'ensuit que les portails généralistes constituent bien des concurrents aux portails spécialisés en biens neufs.

76. Par conséquent, il n'est pas justifié de retenir un segment des petites annonces immobilières spécifique aux biens neufs.

• Les biens commerciaux

77. Les biens commerciaux correspondent aux ventes et aux locations de bureaux et de commerces.

78. Les biens commerciaux apparaissent comme un produit spécifique, correspondant à une demande particulière d'internautes qui n'est pas substituable à la recherche d'un autre type de bien.

79. SeLoger exploite deux portails spécialisés dans les biens commerciaux, agorabiz.com et webimm.com, alors que Logic-Immo n'exploite pas de portail spécialisé sur ce type de biens. Par ailleurs, SeLoger emploie une équipe de cinq personnes dédiées à ce type de biens et applique des tarifs spécifiques.

80. Outre les portails de SeLoger, de nombreux autres portails sont spécialisés dans les petites annonces de biens commerciaux, tels que bureauxlocaux.com, transactioncommerce.com, geolocaux.com, et placedescommerces.com.

81. Ces éléments plaideraient donc en faveur d'un segment distinct des biens commerciaux.

82. Pour autant, à l'instar des biens de prestige et des biens neufs, les annonces de biens commerciaux sont diffusées à la fois sur les portails spécialisés et sur les portails généralistes.

83. La partie notifiante indique que [90-100] % des annonces publiées sur agorabiz.com et webimm.com sont publiées sur seloger.com.

84. Par ailleurs, elle relève que le portail généraliste leboncoin.com publie environ 55 000 annonces de bureaux et commerces, alors que les portails spécialisés de SeLoger webimm.com et agorabiz.com recensent ensemble environ 60 000 annonces. Les annonceurs ne semblent donc pas manifester un intérêt particulier pour la diffusion de leurs annonces sur un portail spécialisé dans les annonces de biens commerciaux. Il s'ensuit que les portails généralistes constituent bien des concurrents aux portails spécialisés en biens commerciaux.

85. Par conséquent, il n'est pas justifié de retenir un segment des petites annonces immobilières spécifique aux biens commerciaux.

86. En conclusion, l'analyse concurrentielle sera menée sur le marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels, tous types de biens confondus.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

87. La pratique décisionnelle française considère que le marché des petites annonces en ligne est de dimension nationale, en raison des caractéristiques propres à ce support de diffusion, mais qu'une dimension locale doit néanmoins être prise en compte pour l'analyse concurrentielle dans la mesure où l'internaute recherche un bien dans une zone locale précise21.

88. Dans sa lettre C2007-19 précitée, le ministre de l'économie a ainsi considéré que " les caractéristiques d'Internet [plaidaient] pour une définition géographique large ", tout en affirmant que " sur le marché de la vente d'espaces de petites annonces automobiles en ligne, certaines caractéristiques de la demande pourraient amener à nuancer cette approche ". À cet égard, le ministre a relevé que " l'objectif premier de [la] demande lorsqu'elle achète un espace [...] est de vendre des biens qui ne s'échangent pas sur tout le territoire national, d'un point à un autre ", que " la relation [...] entre le vendeur potentiel du véhicule [...] et l'acquéreur potentiel suppose une rencontre ", qui implique un coût de déplacement pour l'acquéreur potentiel tendant " à limiter son intérêt pour les annonces d'une zone correspondant à son département, voire sa région ", et qu'" en règle générale, les sites proposent aux internautes un outil de recherche ventilé par département ". Le ministre a également noté avoir " déjà défini des marchés géographiques distincts pour un même marché de produits, à savoir un marché national et des marchés locaux, en se fondant sur l'existence de demandes distinctes ".

89. Dans sa décision n° 10-DCC-152 précitée, l'Autorité a repris cette pratique en l'appliquant au marché des petites annonces immobilières en ligne. Elle a rappelé que " le marché de la vente de petites annonces sur Internet était national " mais qu'" une dimension locale [...] devait être prise en compte dans l'analyse ". In fine, la question de la délimitation géographique a été laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeuraient inchangées.

90. La pratique décisionnelle d'autres autorités de concurrence a également envisagé une double dimension du marché des petites annonces immobilières en ligne. Dans sa décision Digital/Zoopla de 201222, l'autorité de concurrence britannique a ainsi relevé qu'il y avait " très peu de substituabilité géographique du point de vue de la demande pour les portails " dans la mesure où " les agents immobiliers disposent généralement d'annonces seulement pour leur zone locale " et " les internautes recherchent un bien dans une zone géographique étroite ". Du point de vue de l'offre, l'autorité de concurrence britannique a relevé, d'une part, l'existence de portails régionaux et, d'autre part, des différences en termes de parts de marché et de prix entre les portails nationaux selon les régions. Elle en a conclu qu'" il pouvait être approprié de considérer des problématiques locales ou régionales ". Néanmoins, elle a mené une analyse au niveau national, dans la mesure où ses conclusions demeuraient inchangées au niveau local.

91. Enfin, dans sa récente décision Just Eat/Hungryhouse de 201723, l'autorité de concurrence britannique a mené une double analyse aux niveaux national et local dans le cadre d'un dossier impliquant des plateformes de commandes de repas en ligne. Elle a relevé que, si des facteurs comme la détermination des prix et des campagnes publicitaires étaient principalement décidés au niveau national, les conditions de concurrence variaient néanmoins au niveau local, notamment en raison du caractère local de la demande et de la présence de concurrents dans certaines zones uniquement.

92. La partie notifiante conteste la pratique décisionnelle en proposant de retenir uniquement une dimension nationale, laquelle inclurait les portails locaux. En effet, selon elle, (i) à l'exception de SeLoger, les portails appliqueraient une tarification unique au plan national, (ii) grâce à internet, tous les portails sont accessibles depuis la totalité du territoire national et (iii) les annonceurs peuvent publier indistinctement leurs annonces sur des portails nationaux et régionaux.

93. Cependant, il ressort de l'instruction que la pratique décisionnelle des autorités de concurrence est pertinente en l'espèce : si une délimitation nationale doit être retenue, l'analyse concurrentielle doit prendre en compte les effets de l'opération au niveau local.

94. En ce qui concerne la dimension locale, les observations de la pratique décisionnelle demeurent toujours pertinentes. Le caractère local de la demande, provenant aussi bien des internautes que des annonceurs, est un critère essentiel : la localisation fait partie des caractéristiques intrinsèques du bien recherché par des internautes, et les annonceurs, qui sont en grande majorité des agences indépendantes présentes au niveau local, proposent des annonces dans une zone précise.

95. En outre, les performances des portails nationaux varient de manière importante au niveau local. Tout d'abord, en termes de volume d'annonces, le classement national des portails n'est pas valable dans toutes les régions. Il ressort de l'instruction que Le Bon Coin a une performance en audience plus faible en Île-de-France que dans les autres régions. Par exemple, si au niveau national Le Bon Coin dispose d'une part de marché en audience d'environ 33 %, celle-ci n'est que de 24 % en Île-de-France. Le Bon Coin a reconnu être " un ton en-dessous sur cette zone ". De même, Foncia a déclaré : " Le Bon Coin est incontournable dans certaines zones, notamment les zones rurales et des petites villes comme Béziers, Grenoble, Toulouse. En revanche, en Île-de-France, il est assez peu développé. "

96. La spécificité locale de certains portails est également prise en compte par Concept Multimédia : " [u]niquement présent sur la Bretagne, les Pays de la Loire et la BasseNormandie, Ouestfrance-Immo est naturellement plus pénétrant sur sa zone historique et il n'y a que sur ces territoires qu'une réelle concurrence avec Logic-Immo peut exister ". Cette forte implantation locale inciterait les internautes à se tourner vers les portails régionaux susceptibles de répondre à leur demande dans une zone géographique précise.

97. Les différences de performances des portails se traduisent d'ailleurs par des différences en termes de tarification et de reports de demande.

98. Contrairement à ce que la partie notifiante avance, SeLoger n'est pas le seul portail à appliquer une tarification différente selon les zones géographiques où les biens immobiliers se situent. La majorité des concurrents interrogés dans le cadre du test de marché ont également déclaré adapter leurs tarifs selon l'audience qu'ils sont en mesure d'obtenir par zones géographiques. De son côté, Logic-Immo a indiqué, lors de son audition, qu'il possédait des grilles nationales, mais qu'il adaptait ses niveaux de remises au contexte local : " [Confidentiel]. " Il a ensuite précisé que " [Confidentiel]. "

99. S'agissant particulièrement de la grille tarifaire de SeLoger, celle-ci se décline en [...] zones, allant de la zone [...] (la plus chère) à la zone [...] (la moins chère). La partie notifiante fait valoir que les écarts de prix observés ne sont pas corrélés au niveau des parts de marché de SeLoger, mais résulteraient de facteurs exogènes, tels que le marché immobilier local et son dynamisme. Ainsi, parmi les régions dans lesquelles SeLoger dispose d'une part de marché supérieure à 40 % en valeur, figurent des zones [...]. Cependant, au niveau départemental, il existe une corrélation entre la part de marché de SeLoger en nombre d'annonces et la zone tarifaire24. [Confidentiel]. De plus, la partie notifiante a déclaré avoir " revu le zonage du territoire pour tenir compte de l'évolution de son offre et de sa performance dans certaines zones ", et ne mentionne nullement les prix de l'immobilier comme facteur d'évolution. La partie notifiante n'a d'ailleurs fourni aucun document interne attestant de la prise en compte du dynamisme du marché immobilier local. En tout état de cause, les différentiels de prix observés selon les régions, relativement importants, ne conduisent pas à des mouvements de la demande vers les zones de tarification où les prix sont inférieurs, ce qui atteste bien d'une dimension locale du marché.

100. Par ailleurs, les analyses fournies par la partie notifiante montrent des différences en termes de reports de demande entre le niveau national et le niveau local : par exemple, si au niveau national les reports de SeLoger vers Logic-Immo sont de l'ordre 3 %, ils peuvent atteindre 9 % en Haute-Normandie et 6 % dans les régions Languedoc, PACA et Picardie.

101. Enfin, plusieurs documents internes des parties, ainsi que les déclarations de tiers, font état d'analyses par zones locales.

102. Tout d'abord, SeLoger a fait réaliser en juin 2017 une étude sur les indicateurs de notoriété et de satisfaction, qui relève des écarts importants entre [...] zones. De plus, dans une présentation faite par SeLoger au comité exécutif d'Axel Springer en septembre 2017, SeLoger a réalisé une analyse concurrentielle au niveau régional afin d'étudier l'impact de la présente concentration :

[Confidentiel]

[Confidentiel].

[Confidentiel].

103. Or, les deux zones identifiées dans ce document comme étant celles où la nouvelle entité aura un nombre d'annonces très important, à savoir les régions Île-de-France et Provence-AlpesCôte d'Azur (" PACA "), ont été mises en évidence dans le test de marché. Pour la majorité des concurrents et pour certains clients, l'impact de l'opération serait particulièrement significatif dans ces régions.

104. Dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les conditions de concurrence ne semblent pas suffisamment homogènes sur l'ensemble du territoire pour n'examiner les effets de l'opération qu'au niveau national.

105. L'analyse menée au niveau national ne tient toutefois pas compte de portails qui ne diffusent des annonces qu'au niveau local. En effet, le test de marché a révélé que les annonceurs utilisent des portails locaux davantage dans une optique de complément avec les portails nationaux que dans une optique de substitution. La partie notifiante reconnaît d'ailleurs que les annonceurs considèrent les alternatives régionales lorsque " les portails régionaux [disposent] d'une audience suffisante ". Or, généralement, cette condition n'est pas remplie, les portails régionaux ne bénéficiant pas d'une audience importante. Seul Ouestfrance-immo dispose d'une audience comparable à celle de portails nationaux, tels qu'Explorimmo, alors même que ce portail se concentre sur certaines zones régionales. En dépit de cette audience, il n'est pas considéré comme un concurrent des parties : selon un document interne de Concept Multimédia, " l'acteur Ouest-France Immo étant un acteur uniquement régional, il ne figure pas dans l'analyse des concurrents [au niveau national, ndr] ".

106. En conclusion, le marché géographique des petites annonces immobilières doit être défini au niveau national, en excluant les portails qui ne diffusent que des annonces de biens immobiliers situés dans une seule zone infra-nationale. Néanmoins, l'analyse concurrentielle tiendra compte des effets de l'opération au niveau local25, en prenant en compte la concurrence exercée par tous les portails (nationaux et locaux). En tout état de cause, la question de la délimitation géographique du marché peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit l'hypothèse retenue.

B. LES MARCHÉS DES PETITES ANNONCES DANS LA PRESSE ÉCRITE

107. Logic-Immo édite un magazine gratuit d'annonces immobilières, Logic-Immo, et un magazine d'annonces immobilières de biens de prestige, Lux-Résidence qui, s'il peut être acheté en kiosque, est principalement distribué gracieusement, principalement dans les hôtels ou les golfs (dans les faits, [80-90] % de ses tirages sont en moyenne distribués gracieusement26). SeLoger n'édite pour sa part aucun magazine d'annonces immobilières27.

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

108. Dans le secteur de la presse écrite, les autorités de concurrence distinguent la presse nationale, la presse régionale, la presse gratuite, la presse magazine et la presse spécialisée28.

109. S'agissant de la presse gratuite, elles considèrent qu'il est pertinent de distinguer la presse gratuite à contenu rédactionnel ou d'information de la presse gratuite d'annonces (ci-après " PGA ").

110. Enfin, concernant plus particulièrement la PGA, une sous-segmentation a été opérée entre annonces immobilières et offres d'emploi29.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

111. Selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, la dimension géographique des marchés des médias dans la presse écrite correspond à leur zone de diffusion30. Ainsi, les marchés de la publication de titres de presse écrite ont, selon la zone de diffusion du titre concerné, une dimension nationale, régionale, départementale ou infra-départementale.

112. Au cas d'espèce, le magazine Logic-Immo se décline en 33 versions diffusées au niveau départemental ou infra-départemental. Le magazine Lux-Résidence se décline en trois versions, Lux-Résidence Paris, Lux-Résidence Provence et Lux-Résidence Côte d'Azur, chacune étant diffusée sur la totalité du territoire national.

C. LES MARCHÉS DE LA PUBLICITÉ EN LIGNE

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

113. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la publicité en ligne dans la mesure où les sites internet qu'elles exploitent commercialisent des espaces publicitaires.

114. Le secteur de la publicité en ligne comprend deux services distincts : les publicités liées aux recherches (search) et les publicités non liées aux recherches (publicité affichée ou display). Les publicités liées aux recherches apparaissent à côté des résultats des requêtes effectuées par les internautes sur les moteurs de recherche en ligne, et sont sélectionnées sur la base de motsclés de recherche choisis par l'utilisateur. Les publicités non liées aux recherches peuvent apparaître sur n'importe quelle page et sont contextuelles, c'est-à-dire sélectionnées en fonction du contenu de la page sur laquelle elles apparaissent, ou non-contextuelles.

a) La question d'une segmentation du marché de la publicité en ligne entre publicité liée aux recherches (search) et publicité non liée aux recherches (display)

115. À ce jour, la question de la segmentation du marché de la publicité en ligne n'a pas été tranchée par la Commission européenne31. Pour sa part, l'Autorité n'a pas exclu, au stade de l'examen de mesures conservatoires en matière de pratiques anticoncurrentielles, que la publicité en ligne liée aux recherches puisse constituer un marché distinct, au sein du secteur plus vaste de la publicité en ligne32. Dans sa décision autorisant l'acquisition de SeLoger par Axel Springer, l'Autorité a par ailleurs mené une analyse concurrentielle sur un éventuel marché de la publicité en ligne non liée aux recherches33.

116. La très grande majorité des répondants au test de marché considèrent qu'il convient de distinguer les publicités liées aux recherches et celles non liées aux recherches, dans la mesure où les premières permettent une mise en relation directe, tandis que les secondes relèvent plutôt d'une communication de marque.

117. La partie notifiante conteste cette segmentation dans la mesure où elle lui semble ne plus correspondre à la réalité du marché, compte tenu des évolutions de la publicité non liée aux recherches, qui permettent un ciblage plus précis des internautes, en fonction de leurs profils, de leurs comportements en ligne et des historiques de navigation.

118. En effet, de nombreux spécialistes du marketing à la performance, tels que DoubleClick, acquis par Google34, aQuantive, acquis par Microsoft, BlueLithium, acquis par Yahoo, ou encore Criteo, en partenariat avec Logic-Immo, offrent aux annonceurs des fonctionnalités leur permettant de cibler l'audience de leurs publicités en fonction des centres d'intérêt des internautes, qui se déduisent de leur comportement sur internet. Grâce aux informations sur le comportement des internautes collectées par ces sociétés, elles peuvent proposer aux annonceurs des espaces publicitaires sur des sites sur lesquels leur audience cible navigue, alors même que ces sites ne présentent aucun lien avec le secteur d'activité de l'annonceur.

119. Par ailleurs, les systèmes d'enchères en temps réel (" Real Time Bidding " ou " RTB ") permettent d'allouer un espace publicitaire à un annonceur au moment où l'internaute consulte une page sur internet. Dans le cadre du RTB, l'annonceur place des enchères sur des cibles publicitaires, sans connaître à l'avance le support sur lequel sa publicité sera diffusée. Le RTB permet ainsi à l'annonceur de multiplier la diffusion de ses annonces publicitaires sur un grand nombre de sites internet : c'est le profil de l'internaute, et non le support de diffusion de la publicité, qui est recherché. Les éditeurs de sites internet définissent des prix-plancher en fonction des caractéristiques de leurs espaces (taille de la bannière, contexte de la page internet). Le prix est ensuite déterminé par les enchères, selon les caractéristiques de l'internaute (lieu et moment de la visualisation, habitudes de navigation, etc.) grâce à des critères de ciblage de plus en plus précis. La partie notifiante indique que la technologie RTB totaliserait, en 2015, 40 % des investissements display sur internet en France.

120. Enfin, le reciblage (" retargeting ") permet aux annonceurs de toucher leurs cibles sur tous les sites internet. Cette technique, mise en œuvre grâce à l'utilisation de témoins de connexion (" cookies "), consiste à proposer à l'internaute des publicités renvoyant sur un site précédemment visité. Dans son avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne, l'Autorité a relevé que, selon les annonceurs, cet outil permet de " rattraper les internautes qui n'auraient pas effectué l'acte d'achat immédiat ". Ce fonctionnement est également proposé par Facebook, qui peut cibler l'audience publicitaire des annonceurs grâce aux données collectées sur les internautes.

121. Au cas d'espèce, les parties n'étant actives qu'en matière de publicité en ligne non liée aux recherches, l'analyse concurrentielle sera menée sur ce marché, les conclusions demeurantes inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.

b) La question d'un segment du marché de la publicité restreinte aux pages internet dédiées à l'immobilier

122. En 2007, le ministre a envisagé l'existence d'un marché de la vente d'espaces publicitaires sur les pages internet dédiées à l'automobile (incluant les pages de sites de petites annonces automobiles ou d'autres types de contenus liés à l'automobile)35.

123. Compte tenu de cette pratique décisionnelle, la question d'un segment du marché de la publicité en ligne restreinte aux pages internet dédiées à l'immobilier se pose.

124. Pour autant, un tel segment n'est pas pertinent en l'espèce.

125. En effet, le fonctionnement des marchés en ligne a évolué depuis 2007, en particulier s'agissant des technologies employées pour cibler les internautes (voir supra). À cet égard, la partie notifiante relève que retenir une telle segmentation aboutirait à inclure dans le marché des publicités sans aucun lien avec la thématique immobilière, mais qui renvoient à des sites précédemment visités (" retargeting "), ou les publicités qui ciblent les internautes naviguant sur les pages dédiées à l'immobilier pour des raisons liées à leurs profils sociologiques (âge, localisation ou classe socio-professionnelle), et, dans le même temps, à exclure du marché les publicités en lien avec la thématique immobilière qui sont publiées sur des sites généralistes ou relevant d'une autre thématique.

126. Au surplus, si une telle segmentation devait être envisagée, elle ne soulèverait pas in fine de préoccupation de concurrence compte tenu du nombre très important de sites internet qui proposent des rubriques dédiées à l'immobilier : outre les portails de petites annonces (spécialistes ou non des annonces immobilières dont Le Bon Coin, Explorimmo, PAP, AVendreALouer et Bien'ici), le marché comptabiliserait les sites internet des professionnels de l'immobilier, les sections immobilières des sites exploités par les principaux titres de la presse quotidienne nationale et régionale, les pages internet dédiées aux produits d'assurance habitation ou de crédit immobilier. Ainsi, dans l'hypothèse d'une hausse des prix des espaces publicitaires sur les portails des parties, les annonceurs souhaitant diffuser leurs publicités sur des pages dédiées à l'immobilier disposeraient de nombreuses alternatives.

127. Par conséquent, il n'est pas pertinent, en l'espèce, de retenir un segment du marché de la publicité restreinte aux pages internet dédiées à l'immobilier.

128. En conclusion, au cas d'espèce, l'analyse concurrentielle sera menée sur le marché de la publicité en ligne non liée aux recherches.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

129. La Commission européenne estime que le marché de la publicité en ligne peut être délimité en fonction des frontières nationales ou linguistiques, au sein de l'espace économique européen36. La même conclusion s'applique pour les marchés correspondant aux segments du search et du display.

130. L'Autorité a également considéré qu'un éventuel marché de la publicité en ligne liée aux recherches serait a priori de dimension nationale, en raison des barrières linguistiques et culturelles37.

131. Les répondants au test de marché ont confirmé la dimension nationale du marché de la publicité en ligne.

132. Par conséquent, l'analyse concurrentielle des marchés de la publicité en ligne sera menée au niveau national.

III. Analyse concurrentielle

133. Au regard des activités des parties, l'analyse concurrentielle sera menée sur le marché des petites annonces immobilières en ligne (A) et sur le marché de la publicité en ligne (B).

A. LE MARCHÉ DES PETITES ANNONCES IMMOBILIÈRES EN LIGNE

134. Plusieurs types de risques anticoncurrentiels ont été identifiés. Sur le marché des petites annonces immobilières en ligne, il convient d'examiner les risques de hausse de prix des services de petites annonces immobilières, d'éviction des concurrents et de coordination des comportements concurrentiels. Par ailleurs, les effets congloméraux sur ce marché et celui des petites annonces immobilières dans la presse écrite, sur lequel Logic-Immo est seule active, seront également examinés dans la présente section.

135. Avant de détailler ces analyses (3.), les caractéristiques du marché (1.) et les critères devant guider l'analyse concurrentielle (2.) sont présentés.

1. LES CARACTÉRISTIQUES DU MARCHÉ

a) Le fonctionnement du marché

i. Le " multihoming " (multidiffusion et multi-consultation)

136. Le marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels se caractérise par un phénomène de " multihoming " sur chacune de ses faces, qui consiste, pour les annonceurs, à diffuser des annonces sur plusieurs portails (" multidiffusion "), et, pour les internautes, à consulter plusieurs sites dans leur parcours de recherche (" multi-consultation ").

137. Ainsi, près de 50 % des visiteurs de Logic-Immo consultent quatre autres portails (trois autres portails s'agissant des visiteurs de SeLoger). La faiblesse des coûts de recherche facilite la multi-consultation des internautes, la plupart de ceux-ci mettant en place des alertes leur permettant de recevoir directement et gratuitement les petites annonces des biens recherchés. Le temps passé à faire des recherches est ainsi réduit.

138. Du côté des agences, la multidiffusion se manifeste de deux manières : une même agence peut publier (i) une annonce identique sur différents portails (i.e. " annonces communes "), ou alors (ii) des annonces distinctes sur différents portails. Cette multidiffusion des annonceurs professionnels est facilitée par des logiciels proposant des services spécifiques qui permettent aux annonceurs de ne saisir qu'une seule fois leurs annonces et de les diffuser de manière automatique sur plusieurs portails. La partie notifiante a ainsi fourni des données de 26 multidiffusion issues du logiciel [confidentiel]38. La majorité des agences immobilières clientes de [confidentiel] utilisent entre trois et cinq portails pour diffuser leurs annonces, et près de [40- 50] % (soit [60-70] % du flux d'annonces de [confidentiel]) publient leurs annonces sur au minimum quatre portails39.

ii. Les différents types de contrats

139. Les parties concluent des contrats avec des réseaux intégrés d'agences immobilières, des réseaux de franchisés et des agences immobilières indépendantes (hors réseaux).

140. S'agissant des réseaux intégrés d'agences immobilières (par exemple, Foncia et Orpi), les têtes des réseaux concluent un contrat unique avec un ou plusieurs portails. Ces contrats prévoient l'achat, par la tête de réseau, d'un nombre défini d'espaces de petites annonces immobilières et de services de visibilité associés pour l'ensemble des agences de leur réseau. Ils prévoient également le prix convenu pour l'ensemble des espaces et services achetés. La tête de réseau passe l'ensemble des commandes pour le compte de ses agences intégrées. Les agences disposent parfois de la faculté de souscrire directement, auprès des portails, certains produits complémentaires qui leur sont facturés séparément, et qui font l'objet d'un contrat d'application distinct.

141. S'agissant des réseaux de franchisés (par exemple, L'Adresse et Laforêt), les têtes de réseaux concluent un contrat-cadre avec un ou plusieurs portails prévoyant des conditions tarifaires préférentielles pour un forfait minimum de petites annonces immobilières et de services de visibilité associés. Si les agences franchisées décident de conclure un contrat d'application avec le portail, elles bénéficient alors des conditions tarifaires préférentielles négociées par leur tête de réseau. Dans ce cas, elles peuvent passer leurs commandes directement auprès des portails concernés et sont facturées en leur nom propre pour les commandes passées. Elles demeurent toutefois libres d'acheter des espaces de petites annonces auprès de portails concurrents non référencés par leurs têtes de réseau.

142. S'agissant des agences immobilières indépendantes, leurs relations avec les portails reposent en principe sur les conditions générales de ces derniers, applicables à tous les annonceurs. Les tarifs des abonnements sont ceux en vigueur au jour de la conclusion du contrat.

iii. L'usage des portails par rapport à celui des agences immobilières

143. Le développement des nouvelles technologies et leur utilisation croissante et quotidienne par les consommateurs ont incité les professionnels de l'immobilier à adapter leur stratégie de communication. Afin que leurs annonces de biens gagnent en visibilité, la plupart des agences immobilières publient désormais leurs annonces sur des portails de petites annonces immobilières. Cela ne signifie pas pour autant que ces agences délaissent leurs propres outils internes ; elles cherchent simplement à utiliser plusieurs leviers de communication afin d'attirer un maximum de prospects de qualité.

144. L'utilisation croissante, et quasi incontournable, des portails ne remet pas non plus en cause la plus-value d'un professionnel de l'immobilier en termes de prospection de biens ou de démarches administratives liées aux transactions. Cela est d'autant plus vrai qu'une fois l'annonce lue sur le portail, l'internaute doit généralement contacter l'agence s'il désire visiter le bien. Par ailleurs, les internautes à la recherche d'un bien immobilier complètent très souvent leurs démarches en ligne en se rendant directement auprès des agences immobilières. Ces visites physiques dans les agences immobilières sont l'occasion pour le client de se tenir informé de l'actualité du marché immobilier local convoité et de la faisabilité de sa recherche ; pour l'agent immobilier, c'est l'occasion de prendre contact avec un client potentiel, et de l'aider dans sa recherche avec, le cas échéant, d'autres propositions de biens immobiliers.

b) Le positionnement concurrentiel des parties

i. SeLoger

145. SeLoger est le premier portail de petites annonces immobilières en ligne de professionnels en nombre d'annonces en France : en mars 2017, 1 220 819 annonces ont été recensées sur seloger.com. Par ailleurs, SeLoger est le deuxième portail en audience et en taux de pénétration auprès des professionnels : en janvier 2017, il a attiré 6 111 000 visiteurs uniques selon Médiamétrie, tandis qu'en septembre 2017, son taux de pénétration était de 65,2 % selon Batibiz.

146. La partie notifiante reconnaît que " SeLoger a l'offre de services la plus large actuellement sur le marché ". SeLoger propose notamment les services suivants :

- " Boost Alerte ", qui permet à un annonceur d'intégrer dans un courriel d'alerte dédié une annonce en cours de diffusion sur le portail.

- " Contacts enrichis ", qui permet à un annonceur de recevoir les coordonnées des internautes recherchant un bien et désirant entrer en relation avec un professionnel de l'immobilier.

- " Local Expert ", qui permet à un annonceur de diffuser des encarts publicitaires lorsque les internautes effectuent des requêtes sur des Codes postaux.

- " Avis immo ", qui permet à un internaute de trouver une notation des professionnels de l'immobilier et des témoignages réels.

147. Lors de son audition, SeLoger a souligné le caractère unique de ces services : à propos du service " Contacts enrichis ", son président a déclaré qu'" on ne [le] retrouve sur aucun autre site au monde ", et à propos de " Boost Alerte ", " on ne retrouve pas ce type de service ailleurs pour le moment ".

ii. Logic-Immo

148. Logic-Immo est le troisième portail de petites annonces immobilières en ligne de professionnels en nombre d'annonces, en audience et en taux de pénétration auprès des professionnels : en mars 2017, 1 010 214 annonces ont été recensées sur ce portail, qui a attiré 2 854 000 visiteurs uniques en janvier 2017, et qui avait un taux de pénétration de 46 % en septembre 2017.

149. Logic-Immo estime qu'" il distribue un catalogue de services différents de celui de ses concurrents qui sont tous très orientés média ". Logic-Immo propose notamment les services suivants :

- " Cible Immo ", qui permet à un annonceur de " suivre " les internautes ayant visité le site logic-immo.com lorsqu'ils naviguent ensuite sur d'autres sites internet, en y affichant des bannières correspondant à leurs recherches.

- " Push Immo ", qui permet à un annonceur de relancer des prospects au travers de courriels envoyés à l'internaute 30 minutes après sa recherche sur le portail, le contenu incluant les biens visualisés lors de la recherche, ainsi que d'autres biens similaires qui pourraient intéresser l'internaute.

c) Le positionnement concurrentiel des principaux concurrents actuels

150. De nombreux portails diffusent des petites annonces immobilières. Certains ne publient que des annonces immobilières (portails spécialistes40), tandis que d'autres publient des annonces de différente nature, dont des annonces immobilières (portails généralistes).

i. Les principaux portails spécialistes de l'immobilier

AVendreALouer

151. Jusqu'en novembre 2017, le groupe SoLocal détenait le site AVendreALouer. Le 27 octobre 2017, l'acquisition d'AVendreALouer par Le Bon Coin a été annoncée, et elle est effective depuis décembre 2017.

152. AVendreALouer est le quatrième portail de petites annonces immobilières en ligne de professionnels en nombre d'annonces et en audience : en mars 2017, 730 234 annonces immobilières étaient publiées sur ce portail41, qui a attiré, en janvier 2017, 1 671 000 visiteurs uniques. AVendreALouer avait un taux de pénétration42 de 28,5 % en septembre 2017.

153. AVendreALouer exploite un portail principal avendrealouer.fr, sur lequel sont publiées les annonces de biens anciens, de prestige et de bureaux et commerces, mais également avendrealouer-neuf.fr, spécialisé dans le neuf et avendrealouer-terrain.fr, spécialisé dans la construction de maisons individuelles. AVendreALouer offre des espaces de petites annonces aux professionnels uniquement. Il propose aux annonceurs des services visant à renforcer la visibilité des annonces publiées et la notoriété de l'annonceur.

154. Selon la partie notifiante, certains de ses services sont très proches de ceux proposés par SeLoger ou Logic-Immo. Par exemple, les produits de reciblage, " Target Agence " et " Target Email ", sont proches des produits " Cible Immo " et " Push Immo " proposés par Logic-Immo. Le produit " Target Agence " consiste à afficher sur un site internet les annonces de l'annonceur sous formes de bannières ou de publicités, après que l'internaute a effectué une recherche sur l'un des sites d'AVendreALouer. Lorsque l'internaute clique sur la bannière, il est redirigé vers le site de l'annonceur. Le produit " Target Email " consiste à envoyer à un internaute ayant consulté des annonces sur l'un des sites d'AVendreALouer un mél aux couleurs de l'annonceur lui présentant une sélection de biens correspondant à ses critères de recherche. Lorsque l'internaute clique dans le mél, il est redirigé vers le site de l'annonceur. Enfin, le produit " Publicité Locale " est très proche du produit " Local Expert " proposé par SeLoger. Lorsqu'un internaute effectue une recherche pour un bien situé dans une zone géographique correspondant aux Codes postaux sélectionnés par l'annonceur, une bannière publicitaire aux couleurs de l'agence de l'annonceur est affichée sur chaque page de résultats.

Explorimmo

155. Explorimmo est le cinquième portail de petites annonces immobilières en ligne de professionnels en nombre d'annonces et en audience : en mars 2017, 656 410 annonces immobilières étaient publiées sur ce portail, qui a attiré, en janvier 2017, 1 366 000 visiteurs uniques. Explorimmo avait un taux de pénétration de 27,3 % en septembre 2017.

156. Explorimmo est détenu par le groupe Le Figaro. Il exploite plusieurs portails dont explorimmo.com, propriété.lefigaro.fr (spécialisé dans l'immobilier de prestige), explorimmoneuf.com et explorimmo-vacances.com. Il offre des espaces de petites annonces aux professionnels et marginalement aux particuliers. Les produits de visibilité sont inclus dans les abonnements souscrits par les professionnels et constituent une option payante pour les particuliers.

ii. Les principaux portails généralistes

Le Bon Coin

157. Le Bon Coin est le premier portail de petites annonces immobilières en ligne de professionnels en audience et en taux de pénétration auprès des professionnels : il a attiré en janvier 2017 plus de 9,8 millions de visiteurs uniques, tandis que son taux de pénétration était de 71,7 % en septembre 2017. Avec plus de 1,1 million d'annonces publiées en mars 2017, Le Bon Coin est le deuxième portail de petites annonces immobilières en ligne de professionnels, derrière SeLoger.

158. Le Bon Coin est détenu par le conglomérat norvégien Schibsted, qui a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 1,7 milliard d'euros en 2016. Selon la partie notifiante, Schibsted jouit d'un statut de leader dans le secteur des petites annonces dans de nombreux pays européens : Norvège, Suède, Espagne, Autriche, Hongrie et Irlande. En 2016, la croissance du chiffre d'affaires du groupe Schibsted dans le secteur des petites annonces s'est élevée à 16 %43.

159. Selon la partie notifiante, Le Bon Coin est l'un des sites les plus consultés en France. Les motsclés " bon coin " et " Le Bon Coin " sont respectivement les troisième et quatrième mots-clés les plus recherchés selon Google Trends44, après " Facebook " et " Youtube ", mais avant " Google ", " Orange " et " météo ". Le Bon Coin est le cinquième site le plus consulté en France, avec 23,6 millions de visiteurs mensuels en juillet 2016, après Google (43,3 millions), Facebook (39,4 millions), YouTube (33,6 millions), et Orange (23,9 millions).

160. Cependant, comparativement à d'autres portails (en particulier ceux des parties), l'offre de Le Bon Coin en termes de services proposés aux annonceurs est, à ce jour, assez peu développée. Le Bon Coin propose uniquement dans sa " Boutique Immo " des services supplémentaires, tels que la remontée de liste45, l'insertion du logo " urgent ", la possibilité de publier des photos additionnelles, ou encore la modification de l'annonce postérieurement à sa publication. La partie notifiante reconnaît d'ailleurs que les services proposés par Le Bon Coin sont " en nombre encore limité ".

161. Toutefois, grâce à l'acquisition d'AVendreALouer, Le Bon Coin pourrait proposer de nouveaux services. Son directeur général, Antoine Jouteau, l'a annoncé publiquement : " l'association du généraliste leboncoin avec ce spécialiste pointu va permettre d'offrir une offre de services très complète pour les professionnels et pour les particuliers, tout en nous permettant de nous renforcer sur un secteur stratégique "46. Dans un entretien radiodiffusé le 13 novembre 2017, il a précisé : " on récupère des équipes qui sont spécialisées dans l'immobilier, qui vont développer les services qui sont très pointus notamment pour les agents immobiliers. On va acquérir aussi un savoir-faire que l'on n'avait pas forcément justement sur l'expérience utilisateur d'un achat immobilier. "47

162. De plus, à l'issue de cette acquisition, Le Bon Coin pourrait développer une nouvelle offre dédiée aux promoteurs et constructeurs immobiliers, qui représentent un marché important pour les portails d'annonces immobilières. Selon M. Jouteau, l'acquisition des sous-sites d'AvendreALouer spécialisés dans le neuf et la construction de maisons individuelles " permettra d'accélérer et d'acquérir un savoir-faire "48.

ParuVendu

163. Paru Vendu est un portail généraliste disposant d'une section immobilière parmi d'autres sections, telles que des annonces de ventes de voitures, des annonces de ventes et de dons d'animaux et des offres d'emplois. Il est détenu par le groupe Digital Virgo Media. Le portail publie tous les types de petites annonces immobilières : vente et location d'immobilier ancien, neuf, de construction de maisons individuelles, de bureaux et commerces, ainsi que de locations saisonnières. ParuVendu offre des espaces de petites annonces aux professionnels et aux particuliers. L'insertion de l'annonce est payante pour les professionnels, mais elle est gratuite pour les particuliers.

164. ParuVendu est le sixième portail de petites annonces immobilières en ligne de professionnels en nombre d'annonces et en audience : en mars 2017, 470 427 petites annonces immobilières étaient recensées sur ce portail, qui a attiré en janvier 2017 1 820 000 visiteurs uniques. Son taux de pénétration auprès des professionnels immobiliers était de 6,4 % en septembre 2017.

d) Les nouveaux entrants

165. La partie notifiante a insisté sur la concurrence exercée par des portails récemment créés, tels que Bien'ici, Monbien.fr, Imoxo, Flatlooker, Morning Croissant et Somhome.

166. Certes, de nouveaux acteurs ont pénétré le marché dans la mesure où des portails de petites annonces immobilières ont en effet été créés ; en revanche, l'instruction a permis de relativiser le succès commercial (en termes de notoriété, de chiffre d'affaires et d'audience) de ces nouveaux entrants, à l'exception toutefois de Bien'ici (voir infra). Si le marché des petites annonces immobilières en ligne se caractérise par des barrières à l'entrée relativement faibles, il présente toutefois des barrières à l'expansion plus élevées : atteindre une audience suffisante et ainsi être en mesure d'exercer une concurrence sur les portails établis s'avère plus compliqué que la simple entrée sur le marché.

167. La plupart des nouveaux entrants n'ont pas une audience suffisante ou un nombre d'annonces suffisamment important pour être assurés de maintenir à terme leur activité. Parmi les entrants les plus anciens (plus de trois ans), Paragence, Bientôt-vendu ou Omni disposent d'une audience toujours limitée, tandis que des portails tels que Somhome ou LocatMe diffusent toujours un faible nombre d'annonces. Ces risques très élevés d'échecs sont confirmés par le président de SeLoger, qui a déclaré en décembre 2016 : " Chaque mois, un nouveau site sort. Mais ils vont mourir d'ici 1 mois ou dans 2 ans. "49

168. Seul Bien'ici peut être considéré comme un nouvel entrant crédible, ce qui a d'ailleurs été relevé par les répondants au test de marché. Ce portail a été lancé en décembre 2015 par des professionnels de l'immobilier pour faire contre-poids aux principaux acteurs du marché, en particulier SeLoger et Le Bon Coin. Bien'ici a notamment pour actionnaires la société immobilière Nexity, des réseaux d'agences, tels que Guy Hoquet, Orpi, Century 21, Laforêt, Era, l'Adresse, Solvimmo, Foncia, Belvia immobilier, Citya immobilier et Square Habitat, des syndicats et associations professionnels de l'immobilier, tels que la FNAIM (fédération nationale de l'immobilier), le SNPI (syndicat national des professionnels de l'immobilier), l'Unis (union des syndicats de l'immobilier), la FPI (fédération des promoteurs immobiliers) et d'autres acteurs, tels que le Crédit Foncier de France, Crédit Agricole Immobilier, Kaufman & Broad, Icade et les Nouveaux Constructeurs.

169. Grâce à une politique tarifaire agressive et surtout à un accès privilégié aux annonces de ses différents actionnaires, Bien'ici a rapidement stabilisé son volume de petites annonces immobilières entre 500 000 et 600 000 et a comptabilisé 865 000 visiteurs uniques en janvier 2017. Sur une période récente, l'audience de Bien'ici apparaît en très forte croissance puisqu'elle a atteint 2 millions de visiteurs uniques en juin 2017 et plus de 3 millions de visiteurs uniques en octobre 201750, en partie grâce à une campagne publicitaire télévisée lancée en début d'année.

170. Ce niveau d'audience peut également s'expliquer par les services innovants proposés par Bien'ici, à savoir des outils avancés de cartographie et de géolocalisation, dont l'utilité est plébiscitée par les internautes. Lors des auditions, de nombreux acteurs (la FNAIM, L'Adresse, SeLoger, Logic-Immo) ont indiqué que ces services constituent la plus-value de Bien'ici par rapport aux autres portails existants. Lors de leurs auditions respectives, les parties ont également insisté sur cet avantage concurrentiel. Logic-Immo considère d'ailleurs qu'il s'agit d'un " unfair advantage " [avantage inéquitable], dans la mesure où " la géolocalisation sur Bien'ici est bien plus développée que sur les autres portails car les gros réseaux [d'agences immobilières] transmettent des informations détaillées sur la localisation, le taux d'ensoleillement, les écoles proches, les hôpitaux ". SeLoger explique également que Bien'ici est le portail le mieux équipé en matière de cartographie et de géolocalisation, ses actionnaires étant moins réticents à communiquer des données précises sur les biens qu'ils proposent à la vente ou à la location.

171. D'autres services ont été récemment lancés par Bien'ici, ou le seront à très court terme, comme les vidéos interactives, la réalité virtuelle et la recherche par temps de transport (consultation d'annonces immobilières en fonction du temps de trajet à partir d'un point précis, quel que soit le mode de transport)51.

172. L'intérêt de ces nouveaux services a été relevé par la presse. À l'occasion d'un comparatif récent des portails de petites annonces immobilières, un journaliste a notamment indiqué : " Tous les services de recherche de biens immobiliers se ressemblent, c'est une évidence. La plupart fonctionnent sur des mécaniques similaires de cases à cocher, mais le récent Bien'ici offre un rendu très visuel et dynamique basé sur une carte où l'on effectue notre recherche. Il n'y a tout simplement pas mieux et le service va même jusqu'à géolocaliser l'utilisateur pour lui proposer des offres dans un même secteur (surtout pratique via l'app). La carte affiche ainsi la localisation exacte des biens, le loyer, le prix de vente et même les services (vélos, restaurants, écoles, etc.). Une colonne à droite affiche les descriptifs et des informations de services. Ce concept est tellement génial que l'on se demande comment les concurrents ne se sont pas encore alignés sur l'idée. Lors de cette expérience, nous nous sommes d'ailleurs aperçus que Bien'ici est d'ores et déjà très populaire, en particulier chez les jeunes générations. "52

173. Il convient toutefois de rester prudent sur la capacité de Bien'ici, en tant que nouvel entrant, à se comporter en franc-tireur (" maverick ") et à animer la concurrence sur le marché, dans la mesure où son retard (en audience, en nombre d'annonces et en chiffre d'affaires) vis-à-vis des trois premiers acteurs du marché est persistant.

174. Bien'ici souffre encore d'un déficit de notoriété, comparativement aux autres leaders du secteur. En début d'année 2017, SeLoger a commandé une étude à Kantar TNS sur le sujet " Piloter l'expérience Client " Agents " pour garantir votre position sur le marché face à la concurrence de Bien'ici et du Bon Coin ". Cette étude estime que " Bien'ici n'émerge toujours pas ". De même, il ressort du baromètre de notoriété de Logic-Immo qu'en mai 2017, soit un an et demi après son lancement, Bien'ici n'était toujours pas connu par les internautes : aucune personne n'a cité spontanément cette marque, contre 13 % pour SeLoger et 9 % pour Logic-Immo, et seulement 6 % des personnes interrogées ont reconnu la marque à partir du logo, contre 62 % pour SeLoger et 50 % pour Logic-Immo.

175. Ce manque de notoriété du site est confirmé par plusieurs répondants au test de marché, tels que les grands réseaux d'agences immobilières L'Adresse et Foncia. L'Adresse a résumé : " malheureusement, ce site ne bénéficie pas d'une notoriété suffisante auprès du grand public. Le problème vient de ce que l'acquisition de trafic coûte cher ". Le Bon Coin explique quant à lui que " le portail Bien'ici construit par les professionnels souffre d'un déficit d'audience difficile à acquérir ".

176. Selon les répondants au test de marché, les nouveaux entrants ne peuvent pas facilement acquérir une notoriété, que ce soit par le biais du référencement payant ou par celui du référencement naturel. Selon Orpi, " les spécialistes parlent de 15 millions d'euros par an en marketing sur une période de 3 à 5 ans pour rendre légitime un nouveau portail ". Acquérir cette notoriété requiert donc d'importants moyens financiers. Or, les éléments recueillis au cours de l'instruction ne permettent pas d'établir, avec certitude et à moyen terme, que les actionnaires de Bien'Ici sont prêts à assumer annuellement de tels investissements. De plus, même après avoir augmenté son budget marketing et multiplié les campagnes de communication, Bien'ici accuse un retard très important par rapport à SeLoger et Le Bon Coin.

177. Du point de vue des agences immobilières, le recours à Bien'ici n'apparaît pas être une alternative à SeLoger, mais plutôt un complément à d'autres portails. Bien'ici l'a reconnu luimême lors de son audition. Comme le résume Laforêt, recourir à Bien'ici relèverait d'une " dimension militante des agents immobiliers face au duopole en place ".

178. L'Autorité constate par ailleurs que l'entrée de Bien'ici sur le marché n'a eu, à ce jour, qu'un impact limité sur les principaux portails. Tandis que SeLoger estime qu'il est difficile de mesurer les conséquences de l'entrée de Bien'ici, dans la mesure où cette entrée coïncide avec une reprise du marché immobilier, Le Bon Coin affirme ne pas avoir connu de baisse de son chiffre d'affaires depuis l'arrivée de ce nouveau portail. Logic-Immo cite la perte de Foncia du fait de l'arrivée de Bien'ici, tout en précisant que cette perte de chiffre d'affaires a été compensée par la conquête de nouveaux clients.

179. Un concurrent résume ainsi l'impact de Bien'ici sur le marché : " Pour le moment, le seul impact de Bien'ici est de fragiliser les petits, alors que son objectif initial était de concurrencer SeLoger et Le Bon Coin. Aucune agence immobilière ne peut à ce jour se passer de ces deux sites, donc, un investissement sur Bien'ici se fera en priorité au détriment des petits, quelle que soit la volonté affichée par les professionnels de l'immobilier. Le problème de Bien'ici est que son trafic n'est pas très important : il a certes des annonces, mais cela ne suffit pas [...]. Les professionnels sont donc obligés de rester sur les majors afin de générer des contacts sur leurs annonces. Il faut connaître un cercle vertueux qui consiste à avoir à la fois des annonces et du trafic pour générer du rendement, il ne faut pas de déséquilibre entre les deux. S'il y a trop de biens mais pas assez de trafic, les agents immobiliers sont déçus, tandis que s'il y a peu de biens mais beaucoup de trafic, ce sont les internautes qui sont déçus. Il faut avoir des annonces situées de façon assez équilibrée sur l'ensemble du territoire afin de répondre à toutes les demandes des internautes, sur la France entière. "

180. Comme le rappelle Foncia, les difficultés rencontrées par Bien'ici, qui a pourtant été créé sous l'impulsion des principaux annonceurs immobiliers, renseignent sur les difficultés à pénétrer ce marché avec succès.

181. Par ailleurs, les services innovants proposés par Bien'ici ne seront pas restés exclusifs très longtemps. Comme il l'a annoncé publiquement lors des " Ateliers SeLoger " qui se sont tenus à Paris le 14 septembre 2017, Seloger propose également depuis début 2018 des services de géolocalisation et de cartographie dans une version améliorée par rapport à ceux de Bien'ici. Dans une interview de décembre 2017, Bertrand Gstalder a précisé que SeLoger allait offrir deux innovations, à savoir " Dessiner ma zone de recherche [qui] permet à l'internaute de définir sur la carte son périmètre personnel de recherche ", et " La Recherche Isochrone, qui lui permet de rechercher le lieu idéal d'habitation en tenant compte des temps de trajet pour toute la famille. "53

182. Par conséquent, bien que l'entrée de Bien'ici et sa croissance sur le marché soient avérées, l'Autorité considère que la capacité de cet acteur à animer la concurrence est limitée à l'heure actuelle.

e) Les concurrents potentiels

183. La partie notifiante a mis en avant la concurrence potentielle exercée par Facebook, Amazon et Google sur le marché des petites annonces immobilières en France. En particulier, elle souligne que Facebook a déjà développé des outils innovants permettant la mise en relation d'offreurs et de demandeurs de biens immobiliers. Ces outils n'étaient jusqu'alors disponibles que dans certains pays (États-Unis, Australie, Royaume-Uni et Nouvelle-Zélande), mais, depuis août 2017, ils sont proposés en France par le biais de sa plateforme dénommée " Marketplace ", un portail de petites annonces, qui comprend notamment des biens immobiliers54. Selon Facebook, " la page d'accueil de Marketplace présente une liste organisée de produits proposés à la vente par les internautes dans leur région. Les internautes disposent de la possibilité de trouver un article en particulier, en utilisant le moteur de recherche en haut de la page et en filtrant les résultats par lieu, catégorie ou prix. Les internautes peuvent également découvrir ce qui est disponible dans diverses catégories comme les produits ménagers, les appareils électroniques, l'habillement ou encore l'immobilier (annonces immobilières de vente ou de location). Les internautes peuvent utiliser le système de localisation intégré sur la page pour adapter la région ou choisir une ville différente. "

184. Logic-Immo compare la stratégie d'entrée de Facebook sur le marché des petites annonces immobilières à celle de Le Bon Coin qui, à l'origine, ne proposait que des petites annonces de particuliers, puis a accepté les petites annonces immobilières des agences, lesquelles constituent actuellement [80-90] % de ses annonces.

185. La partie notifiante note également qu'Amazon a lancé sa plateforme de petites annonces en ligne sur le marché indien et que Google pourrait également facilement entrer sur le marché français, compte tenu des données dont ce groupe dispose sur les internautes et sur les professionnels de l'immobilier.

186. Certes, les grands groupes mondiaux, au premier rang desquels Facebook, Amazon ou Google, pourraient plus facilement que d'autres entreprises franchir les barrières à l'entrée et se développer sur le marché des petites annonces immobilières en ligne en raison de leur notoriété et de leur audience.

187. Néanmoins, l'Autorité constate qu'à ce jour, aucun élément ne lui a été communiqué faisant état d'une entrée certaine et à court terme d'Amazon ou de Google en France sur le marché des petites annonces immobilières en ligne. Or, comme les lignes directrices de l'Autorité précitées l'indiquent, la dimension temporelle est un élément essentiel de la prise en compte d'une concurrence potentielle. Les lignes directrices sur les concentrations horizontales de la Commission indiquent à cet égard que cette dernière " examine si l'entrée de nouveaux concurrents serait suffisamment rapide et durable pour dissuader ou contrecarrer l'exercice d'un pouvoir de marché. Le moment précis auquel cette entrée doit intervenir dépend des caractéristiques et de la dynamique du marché, ainsi que des capacités spécifiques des entrants potentiels. Cependant, l'entrée sur le marché n'est normalement considérée comme intervenant en temps utile que si elle s'effectue dans un délai de deux ans. " (soulignement ajouté)

188. À ce jour, parmi ces grands groupes, seul Facebook propose effectivement un service de petites annonces immobilières.

189. Cependant, cette entrée de Facebook doit être relativisée au regard des caractéristiques du marché des petites annonces immobilières en ligne. En effet, Marketplace est conçue comme un produit de ventes entre particuliers ; or, les annonces immobilières en provenance de particuliers ne font pas partie du marché pertinent.

190. Par ailleurs, les professionnels de l'immobilier (portails et agences) ne considèrent généralement pas, à ce jour, Facebook comme un concurrent sérieux des portails. Ils ne croient généralement pas à un succès, à court terme, de Facebook ou, plus généralement, des GAFA55 sur ce marché. Le Bon Coin rappelle ainsi qu'en plus de nécessiter d'importants moyens financiers et techniques, " il faut travailler sa marque, aller voir le client, etc. L'image de Google et Facebook n'est pas associée à l'immobilier, le consommateur n'associe pas du tout Facebook à cette activité. C'est ce qui va prendre du temps. " Arthurimmo a précisé : " il faudra du temps pour que Facebook remplace les mastodontes. [...]. Même Facebook peut ne pas réussir. " Sur les probabilités de réussite de Facebook, Bertrand Gstalder, président de SeLoger, se montre lui-même réservé : " Sur le dépôt d'annonce immobilière, est-ce qu'aujourd'hui Facebook est un concurrent majeur ? Non, parce qu'il vient de se lancer. Est-ce que Facebook a pour objectif de pénétrer le marché ? Oui. Est-ce qu'ils vont réussir ? Je n'en sais rien. "

191. Si Facebook représentait véritablement à court terme une menace pour le modèle économique des portails proposant des petites annonces immobilières, un groupe international tel qu'Axel Springer aurait sans doute initié des études sur les effets potentiels de leur entrée sur le marché. Or, bien que plusieurs documents internes d'Axel Springer analysent une potentielle entrée de Facebook sur le marché des petites annonces, notamment immobilières, et dénotent une certaine inquiétude à cet égard, ils ne concernent pas le marché français spécifiquement. Ni SeLoger ni le groupe Axel Springer n'ont mené d'étude sur l'impact du lancement de la Marketplace de Facebook sur le marché des petites annonces immobilières en ligne dans les pays où ce service est déjà mis en place et, a fortiori, en France. Un document interne d'Axel Springer du 27 avril 2017 estime d'ailleurs que si les réseaux sociaux se développent sur le marché des petites annonces immobilières, pour autant, ils " ne remplacent pas les portails ".

192. L'entrée de Facebook semble davantage représentée un risque pour des portails généralistes (comme Le Bon Coin) que pour des portails spécialistes. Une note de Goldman Sachs de mars 2017 estime que Facebook aura un impact plus fort sur les portails généralistes, les portails spécialistes étant " les moins exposés ". Les articles de presse sur le lancement de Marketplace identifient également Le Bon Coin comme l'acteur qui serait principalement impacté par ce nouveau service56. Cependant, pour sa part, le groupe norvégien Schibsted, qui contrôle Le Bon Coin, a indiqué qu'il n'était pas menacé57. Son directeur financier a déclaré en août 2017 : " Il s'agit d'un développement attendu, cela ne changera rien à notre stratégie. Le Marketplace de Facebook a eu peu d'impact sur les marchés où il a déjà été lancé. "58

193. De plus, les caractéristiques du marché des petites annonces immobilières sont susceptibles de freiner le développement de Facebook, qui devra notamment résoudre des questions techniques, telles que la diffusion automatique de l'annonce. Un article d'Immomatin de février 2017 souligne à cet égard que : " Malgré la forte culture d'innovation de Facebook, la marketplace ne semble pas prête à détrôner les géants de la petite annonce immobilière. Et pour cause : " l'outil n'a ni modèle économique, ni fonctionnalité professionnelle permettant, par exemple, d'automatiser la diffusion d'un grand volume d'annonces ", explique Stéphane Caron. "59 60

194. Par ailleurs, un concurrent des parties met en avant les barrières que constituent la législation relative au secteur immobilier et les modes d'organisation du marché national. Généralement, les GAFA se développent rapidement dans des secteurs où un modèle unique peut être appliqué à l'identique dans chaque pays. Or, le marché des petites annonces immobilières en ligne, qui est connexe à celui de l'immobilier, est spécifique à un pays, de sorte que vouloir s'y développer nécessiterait de fortes adaptations locales.

195. Le Bon Coin insiste également sur une spécificité du marché français des petites annonces immobilières, qui ne facilite pas l'arrivée des GAFA : " Quand il y a un acteur national puissant sur les annonces généralistes en ligne (ce qui est le cas avec Le Bon Coin) ou un portail vertical très fort (tel que SeLoger), c'est toujours plus dur d'accéder au marché, même pour un géant de l'internet. " Ainsi, selon Le Bon Coin, " Il faut que le nouvel entrant soit excellent et propose des services encore meilleurs que ceux déjà disponibles, ce qui demanderait de gros efforts d'adaptation aux géants de l'internet, ce qui n'est pas dans leurs habitudes. "

196. Comme le rappellent deux concurrents des parties, aucun acteur global n'a réussi, à ce jour, à s'imposer dans les pays où il a tenté de développer un service de petites annonces immobilières.

197. Dès lors, compte tenu des éléments portés à la connaissance de l'Autorité, la plateforme Marketplace de Facebook n'apparaît pas actuellement substituable aux portails de petites annonces immobilières.

198. Cependant, l'Autorité considère que les GAFA pourraient constituer des sources de contrainte concurrentielle. En effet, leur capacité financière, associée à une notoriété et à une audience mondiale, ainsi qu'à des possibilités de développement technologiques considérables, qui peuvent s'appuyer sur le succès d'autres services et l'accès à de grandes masses de données, leur permettent de se développer très rapidement dans un secteur. Le Bon Coin explique à cet égard que " si par exemple, Facebook met les moyens et a la volonté de pénétrer le marché français, on pourra résister mais in fine on ne joue pas dans la même cour. "

199. De plus, même si en France la Marketplace de Facebook n'a été lancée que très récemment, l'exemple américain peut être évoqué. Aux États-Unis, Facebook a conclu des partenariats avec les deux principaux portails de petites annonces immobilières, Apartment List et Zumper. Aux termes de ces partenariats, des centaines de milliers d'annonces de locations de biens immobiliers publiées sur ces portails sont actuellement multi-diffusées sur la Marketplace de Facebook61.

200. [Confidentiel].

201. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les GAFA, au premier rang desquels Facebook, ne constituent pas une contrainte susceptible de discipliner à court terme le comportement concurrentiel des portails de petites annonces immobilières en ligne de professionnels en France mais il convient d'être prudent sur leur impact à plus long terme tant leur percée dans le secteur des petites annonces immobilières en ligne pourrait être rapide.

f) Le contre-pouvoir de la demande

202. La partie notifiante estime que le comportement concurrentiel de la nouvelle entité sera discipliné par le fort pouvoir de négociation de ses clients. Ce contre-pouvoir serait renforcé par la multidiffusion, dans la mesure où les annonceurs pourraient réallouer leurs investissements vers des portails concurrents qu'ils utilisent déjà souvent. La partie notifiante cite ainsi l'exemple des réseaux d'agences immobilières [confidentiel], qui ont résilié leur contrat-cadre avec SeLoger au début de l'année 2015. Par ailleurs, selon la partie notifiante, les réseaux d'agences pourraient développer leur propre site et ainsi " internaliser " le service de petites annonces immobilières, en les publiant directement sur leur site internet. Enfin, la partie notifiante considère que la nouvelle entité ferait face à une demande relativement concentrée, les dix premiers annonceurs de chaque partie représentant ensemble 10 % de leur chiffre d'affaires.

203. Toutefois, plusieurs éléments du dossier relativisent le pouvoir de négociation des annonceurs vis-à-vis de la nouvelle entité.

204. Premièrement, la grande majorité des clients interrogés dans le cadre du test de marché affirme disposer d'un pouvoir de négociation plutôt faible vis-à-vis de SeLoger, en raison notamment de son caractère " difficilement contournable ". Certes, en cas de hausse des prix de 5 à 10 % de la nouvelle entité, la majorité des clients de SeLoger diminueront le nombre d'annonces diffusées sur ce portail, mais ils n'envisagent pas pour autant de s'en passer. Ce constat a d'ailleurs été confirmé par les résultats d'un questionnaire en ligne administré par l'Autorité (voir infra) : en cas de hausse de prix de SeLoger, 92 % des clients continueraient à utiliser ce portail, même si la plupart des agences immobilières diminueraient le nombre d'annonces publiées sur SeLoger (en moyenne de 30 %).

205. Deuxièmement, l'exemple des réseaux d'agences immobilières [confidentiel], cités par la partie notifiante, confirme plutôt les limites du contre-pouvoir de la demande vis-à-vis de SeLoger. En effet, en dépit de la résiliation des contrats-cadres par ces [...] têtes de réseaux, la grande majorité de leurs agences ([confidentiel]) ont continué à utiliser SeLoger, alors qu'elles bénéficiaient de conditions moins avantageuses. SeLoger reconnaît que [confidentiel].

206. Troisièmement, s'agissant du risque d'internalisation du service rendu par les portails par les agences immobilières, il n'apparaît pas être de nature à avoir un effet sur le marché. En effet, les sites des agences immobilières proposent uniquement leurs propres annonces et ne répondent pas à la demande d'exhaustivité des internautes qui recherchent, par le biais de sites qui agrègent des annonces de plusieurs agences, un " portail " (voir supra).

207. Les réseaux d'agences immobilières franchisées évoquent leur " dépendance " vis-à-vis de SeLoger. Laforêt précise ainsi : " Avec un taux de pénétration dans notre réseau mesuré par SeLoger en novembre 2016 à [70-80] % et une volonté de ne pas descendre en-dessous de [70- 80] % à l'avenir, on ne parle pas d'intérêt mais de plutôt de dépendance. " Cette dépendance conduit à accepter des obligations fortes : " [Confidentiel]. "

208. En outre, même les grands réseaux d'agences immobilières intégrées ne disposent pas d'un pouvoir de négociation important. Orpi explique : " en 2014, SeLoger a décidé d'augmenter ses tarifs de [...] % alors que cette décision n'était pas justifiée. Nous avons menacé SeLoger de ne plus diffuser la totalité de nos annonces chez eux. Cela ne les a pas fait bouger car ils sont en mesure d'attaquer directement nos agences. Même en tant que premier client de SeLoger, notre pouvoir de négociation est faible. "

209. Seule Foncia considère avoir un contre-pouvoir dans la mesure où il est susceptible de reporter son budget sur Le Bon Coin. Ainsi, au début de l'année [...], Foncia a refusé de signer un nouveau contrat avec SeLoger en raison " d'une hausse des tarifs de [...] % ", alors que, selon elle, " rien ne justifiait cela ". Foncia a alors reporté son budget vers d'autres portails, en particulier vers Le Bon Coin et Logic-Immo, qui ont été mis " au niveau national à 100 % " (ces deux portails, qui initialement n'étaient utilisés que pour certaines zones, ont été utilisés sur la France entière). [Confidentiel]. Aujourd'hui, le contre-pouvoir de Foncia apparaît beaucoup plus limité dans la mesure où ce réseau diffuse déjà désormais la totalité de ses annonces sur Le Bon Coin et où Logic-Immo ne constituera plus une alternative indépendante.

210. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'Autorité considère que les annonceurs ne détiennent pas un contre-pouvoir suffisant pour discipliner le comportement concurrentiel de la nouvelle entité.

2. LES CRITÈRES GUIDANT L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

211. Afin d'évaluer les parts de marché des parties, la question du critère d'appréciation de leur pouvoir de marché se pose.

212. Selon les lignes directrices de l'Autorité précitées, " [e]n règle générale, la part de marché d'une entreprise se calcule en rapportant son chiffre d'affaires hors taxes au chiffre d'affaires hors taxes du marché. Néanmoins, dans certains cas, il n'est pas possible ou peu pertinent de ne prendre en compte dans l'analyse que la part de marché en valeur calculée à partir des chiffres d'affaires38. Des données en volume ou en capacité peuvent parfois offrir une mesure alternative de la position des entreprises "62.

213. La partie notifiante a proposé une analyse concurrentielle basée sur des parts de marché en volume (nombre d'annonces diffusées à un instant T)63 et en valeur.

214. En matière de petites annonces automobiles en ligne64, le ministre a par ailleurs pris en compte l'audience des sites internet, mesurée en nombre de visiteurs uniques mensuels, dans la mesure où les parties n'avaient pas été en mesure de fournir des positions en valeur.

215. Si le test de marché a confirmé la pertinence de ces trois critères (nombre d'annonces, chiffre d'affaires, audience) pour mener l'analyse concurrentielle, la question de l'importance à accorder à chaque critère se pose.

a) L'examen du critère du nombre d'annonces publiées

216. Selon la partie notifiante, du côté des internautes, l'attractivité d'un portail dépend principalement du nombre d'annonces publiées, tandis que, du côté des annonceurs, l'attractivité d'un portail dépend principalement de l'audience qu'il permet de toucher (en quantité mais aussi en qualité). En raison de cette interdépendance entre les internautes et les annonceurs, une analyse concurrentielle en nombre d'annonces permet d'apprécier les effets de réseau croisés, dans la mesure où l'utilité retirée de l'usage d'une plateforme dépend du nombre d'utilisateurs de la plateforme sur l'autre face du marché.

217. Cependant, une analyse concurrentielle qui ne reposerait que sur le nombre d'annonces présenterait des limites : un site qui diffuse un volume important d'annonces, mais qui n'attire que peu de visiteurs, n'exerce qu'une pression concurrentielle limitée sur les parties. Or, l'audience d'un site ne dépend pas seulement du nombre d'annonces, mais aussi d'autres critères, tels que sa notoriété, son ergonomie ou les services qu'il offre aux internautes.

218. L'importance de la notoriété d'un site internet ressort de l'instruction (test de marché, documents internes des parties et études externes). Ainsi, plusieurs concurrents considèrent la notoriété comme l'un des principaux critères de choix d'un portail de petites annonces immobilières. Une étude de juin 2017 le confirme : " la notoriété du site auprès du grand public est le critère de choix d'un site d'annonces immobilières n° 1 ". Enfin, selon une étude ImmOpinion réalisée en 2017 auprès de 400 professionnels de l'immobilier, 60 % des professionnels considèrent que la notoriété du portail constitue le deuxième critère de choix d'un site de petites annonces immobilières, après le critère de l'audience (65 %).

219. Il n'existe pas de lien de causalité directe entre le nombre d'annonces publiées et l'audience. Par exemple, Superimmo, site gratuit pour les professionnels, compte environ 1 million de petites annonces immobilières, mais comptabilise " seulement " 450 000 visiteurs mensuels. Malgré une part de marché en nombre d'annonces estimée à 15 %, Superimmo détient une part de marché en termes d'audience inférieure à 3 %. Cette faible part de marché en termes d'audience s'explique notamment par le manque de notoriété de Superimmo, ainsi que l'illustre le baromètre de notoriété réalisé par Logic-Immo. Aucune personne interrogée n'a cité spontanément Superimmo, tandis que seulement 4 % d'entre elles ont reconnu la marque Superimmo à partir de son logo (contre 62 % pour la marque SeLoger).

220. Enfin, l'audience d'un site dépend de sa facilité d'utilisation et des services offerts à l'internaute. Selon le baromètre de satisfaction de SeLoger, la facilité d'utilisation du site est la première qualité mise en avant par ses utilisateurs. La partie notifiante reconnaît également que " pour attirer de l'audience, les portails misent sur le développement de services innovants, tels que la recherche cartographique possible grâce aux données de géolocalisation ou encore la visite virtuelle et le développement de robots dédiés à la recherche immobilière ".

221. Par conséquent, le nombre d'annonces n'est pas un critère suffisant pour apprécier le pouvoir de marché d'un portail de petites annonces immobilières en ligne.

b) L'examen du critère de l'audience

222. Comme exposé supra, l'audience constituerait un meilleur critère que le nombre d'annonces publiées pour calculer des parts de marché en volume. Une analyse concurrentielle en termes d'audience permettrait d'appréhender l'ensemble des causes du succès d'un portail côté internautes : le nombre d'annonces, sa notoriété, son ergonomie et les services offerts.

223. L'importance de l'audience pour les agences immobilières dans le choix d'un site pour la diffusion de leurs annonces ressort de plusieurs éléments. Selon le test de marché, 16 clients sur 23 considèrent que l'audience constitue l'un des trois principaux critères de choix d'un portail de petites annonces immobilières. Par ailleurs, 65 % des professionnels interrogés via ImmOpinion considèrent que l'audience constitue le principal critère dans le choix d'un portail de petites annonces immobilières65.

224. De plus, le ministre a considéré, dans sa pratique décisionnelle, que l'audience constitue un indicateur " essentiel " du pouvoir de marché des opérateurs sur les marchés bifaces66.

225. Il conviendrait toutefois de relativiser le critère de l'audience pour estimer le pouvoir de marché des portails de petites annonces immobilières.

226. En effet, au-delà de l'audience, les annonceurs professionnels recherchent surtout des contacts, c'est-à-dire des internautes laissant leurs coordonnées sur le portail ou contactant directement l'annonceur immobilier. Selon le test de marché, 7 clients sur 23 ont spontanément cité le nombre de contacts comme l'un des trois principaux critères de choix d'un portail de petites annonces immobilières. Selon l'étude ImmOpinion précitée, le manque de contacts constitue, pour 77 % des annonceurs sondés, le principal critère menant à la résiliation d'un contrat d'achat d'espaces de petites annonces.

227. De plus, outre la quantité des contacts générés par un site, leur qualité est déterminante : les annonceurs sont à la recherche de contacts dits " qualifiés ", c'est-à-dire d'internautes réellement intéressés par un bien immobilier. Comme l'indique la partie notifiante, " les portails de petites annonces immobilières se font concurrence sur la performance, qui correspond au nombre de contacts qualifiés générés par une annonce ". Bernard Gstalder, président de SeLoger, a ainsi déclaré en août 2015 : " [...] ce qui importe au-delà, c'est notre capacité à transformer ce trafic en contact de qualité pour nos clients, et que le projet immobilier aboutisse "67. Il a ajouté : " Un site comme Le Bon Coin peut aussi apporter des contacts en quantité, mais ce qui nous différencie fortement, c'est notre capacité à capter des vendeurs, à générer des contacts de qualité, et notre souhait de valoriser les professionnels. "68 En effet, les internautes peuvent être des " chercheurs passifs ", qui ne sont pas engagés dans une recherche immédiate de biens immobiliers. Cyril Janin, président de Concept Multimédia, a déclaré en mai 2014 : " Les sites généralistes comme Le Bon Coin permettent aux agences de toucher des chercheurs passifs, une cible difficile à travailler mais prisée des agents en période de crise, tandis que les sites spécialisés s'adressent aux chercheurs actifs, véritablement engagés dans une démarche immobilière. "69

228. Or, une analyse concurrentielle limitée à la mesure de l'audience d'un site ne permet de prendre en compte ni le nombre de contacts générés, ni le nombre de contacts qualifiés, de sorte que la " performance " d'un site, à savoir son attractivité auprès des annonceurs, n'est pas appréhendée.

229. Si une analyse concurrentielle en termes d'audience apparaît plus pertinente qu'une analyse concurrentielle en termes d'annonces, elle ne constitue pas pour autant la meilleure méthode pour apprécier le pouvoir de marché des portails de petites annonces immobilières.

c) L'examen du critère en chiffre d'affaires

230. La part de marché en valeur, calculée à partir du chiffre d'affaires généré par la vente d'espaces de petites annonces et les services associés, apparaît être le meilleur indicateur de la performance des portails de petites annonces immobilières. Cette approche est d'ailleurs conforme à la pratique décisionnelle de l'Autorité, qui rappelle, dans ses lignes directrices précitées, qu'" en règle générale, la part de marché d'une entreprise se calcule en rapportant son chiffre d'affaires hors taxes au chiffre d'affaires hors taxes du marché "70.

231. En effet, le chiffre d'affaires permet de synthétiser l'ensemble des critères exposés supra puisqu'il est le résultat des performances d'un opérateur, qui facture ses services en tenant compte de la propension à payer d'un annonceur pour utiliser un portail, qui elle-même dépend de l'importance et de la qualité de l'audience. Le chiffre d'affaires dépend également du nombre d'annonces publiées sur le portail.

232. En l'espèce, la question du périmètre des produits et des services à prendre en compte pour le calcul du chiffre d'affaires se pose dans la mesure où le chiffre d'affaires d'un portail de petites annonces immobilières comprend les revenus issus de la diffusion de petites annonces immobilières en ligne, mais également des revenus générés par la vente d'espaces publicitaires en ligne.

233. De la réponse à cette question dépend la prise en compte des portails de petites annonces immobilières sur lesquels les annonceurs peuvent publier gratuitement leurs annonces et qui ont un modèle de financement qui repose exclusivement sur les revenus publicitaires. Autrement dit, le seul revenu généré par les recettes publicitaires, et non les prix des espaces et des services facturés aux annonceurs, est-il une bonne approximation de la pression concurrentielle exercée par ces portails de petites annonces immobilières dits " gratuits " sur les portails qui font payer leurs services ? C'est le point de vue de la partie notifiante, qui explique que des revenus publicitaires élevés sont synonymes d'une audience élevée et donc d'une pression concurrentielle élevée sur la face amont du marché.

234. Cependant, lors de l'examen du rachat du portail immobilier Immowelt par Axel Springer en 201571, l'Autorité de concurrence allemande n'a retenu que les revenus générés par la vente des produits et des services issus du placement de petites annonces immobilières, les revenus publicitaires ayant été exclus du calcul des parts de marché en valeur.

235. Cette approche semble la plus pertinente. En effet, le chiffre d'affaires issu de la publicité traduit le niveau d'audience d'un portail et sa qualité pour un annonceur publicitaire. En revanche, il ne traduit pas la qualité de l'audience pour les agences immobilières, qui recherchent quant à elles la performance globale d'un portail en matière de petites annonces immobilières (elles cherchent des visiteurs " motivés " susceptibles de devenir des acheteurs ou des loueurs des biens qu'elle propose). Autrement dit, le chiffre d'affaires issu de la publicité traduit la qualité de l'audience pour d'autres raisons que celle liée à la qualité immobilière. Il ne reflète donc pas la pression exercée par les portails dits " gratuits " sur les portails " payants ". Pour les portails d'annonces dont le modèle économique est fondé sur les seuls revenus publicitaires, il serait par conséquent nécessaire de vérifier dans quelle mesure ces sites génèrent des contacts avant de les prendre en compte dans l'analyse concurrentielle. Or, il ressort des auditions que ces sites génèrent peu de contacts et n'exercent pas une pression concurrentielle sur les portails payants. Ainsi, Le Bon Coin estime que " En théorie oui, ce sont des concurrents, mais ils ne sont pas vraiment dans le paysage concurrentiel. Leurs performances ne sont pas assez fortes. " Ce point de vue est partagé par des réseaux d'agences immobilières. Foncia, qui a " rentré Superimmo dans [son] casting depuis quelques mois ", explique : " on l'a plus pris pour dire " nous avons en plus Superimmo " que pour sa performance. Généralement, les sites gratuits ne coûtent rien mais ne rapportent rien aussi. " De même, si L'Adresse reconnaît utiliser ces sites car " ils ne coûtent rien ", ce réseau ne les intègre cependant pas dans son pack intégrant les principaux portails immobiliers à destination des agences de son réseau72.

236. Par conséquent, les parts de marché en valeur, calculées à partir des revenus générés par les seuls services de petites annonces immobilières, constituent le meilleur critère d'appréciation du pouvoir de marché des portails de petites annonces immobilières.

237. En conclusion, l'analyse concurrentielle sera menée en privilégiant le critère du chiffre d'affaires mais elle tiendra également compte des critères du nombre d'annonces et de l'audience, caractéristiques des marchés bifaces.

3. LES EFFETS HORIZONTAUX SUR LE MARCHÉ DES PETITES ANNONCES IMMOBILIÈRES EN LIGNE

238. Seront successivement analysés les risques de hausse de prix à l'encontre des agences immobilières au niveau national (a) et local (b), puis l'impact des effets de réseau croisés sur ces risques (c).

a) Le risque de hausse de prix au niveau national

i. Les parts de marché au niveau national

239. Les parts de marché présentées ci-dessous correspondent aux positions des parties sur un marché national des petites annonces immobilières en ligne des professionnels, incluant tous les types de biens immobiliers.

240. Selon les estimations de la partie notifiante, la nouvelle entité détiendrait, sur ce marché, les positions suivantes :

<TABLEAU>

241. Toutefois, l'estimation de la part de marché de la nouvelle entité en valeur pourrait ne pas être fiable. Ainsi, dans un courriel du 29 août 2017, la directrice juridique de SeLoger reconnaît que, parmi les données communiquées à l'Autorité lors du dépôt de la notification, " Certains chiffres sont fiables, d'autres (bien) moins. Les chiffres en rouge ne sont que des estimations. Les cases surlignées font ressortir des chiffres non cohérents (à mon sens, dans la plupart des cas, le plus gros chiffre correspond au chiffre de l'entité juridique et non celle de l'activité site uniquement). "

242. Les services d'instruction ont collecté les chiffres d'affaires des concurrents des parties et ont pu ajuster les estimations fournies par la partie notifiante. La taille du marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels en France a ainsi été estimée à [290- 300] millions d'euros en 2016.

243. La nouvelle entité détiendrait donc une part de marché en valeur de [50-55] %.

244. La détention d'une part de marché en valeur supérieure à 50 % ressort également des documents internes des parties. Dans plusieurs documents, SeLoger estime détenir une part de marché de l'ordre de [30-40] % à [30-40] % et attribue à Logic-Immo une part de marché de l'ordre de [10-20] % à [10-20] %, soit une part de marché cumulée après opération de [50-60] %. En mars 2015, Cyril Janin, président de Concept Multimédia, a identifié, parmi " les freins à l'opération [...] l'Autorité de la concurrence ", considérant qu'" une fusion SL [SeLoger] + LI [LogicImmo] ferait plus de 50 % du marché des annonces immobilières en ligne en CA ".

245. Les estimations des parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents sur le marché national des petites annonces immobilières en ligne sont donc les suivantes :

<TABLEAU>

246. En nombre d'annonces, la nouvelle entité détiendra une part de marché inférieure à [20-30] % (sa part de marché étant comprise entre [10-20] % et [20-30] % selon les méthodes d'estimation utilisées).

247. En audience, la nouvelle entité, avec une part de marché de [30-40] %, fera face à la pression concurrentielle d'un seul opérateur crédible, Le Bon Coin ([30-40] %). Les autres portails, qui bénéficient chacun d'une audience beaucoup plus limitée, inférieure ou égale à [5-10] %, ne sont pas individuellement en mesure d'exercer une pression concurrentielle significative sur ces deux acteurs, selon ce critère.

248. En valeur, la nouvelle entité, avec une part de marché de [50-55] %, sera de loin le premier acteur du marché, avec une position bien plus importante que celle du groupe Le Bon Coin, qui dispose d'une part de marché estimée à [20-30] %. Les autres portails, qui ont chacun une part de marché inférieure à [0-10] %, ne sont pas individuellement en mesure d'exercer une pression concurrentielle significative sur la nouvelle entité, selon ce critère.

249. Or, SeLoger est déjà considéré, à lui seul, comme un acteur important du marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels. Par ailleurs, selon la quasi-totalité des clients et des concurrents interrogés dans le cadre du test de marché, l'opération serait susceptible de réduire fortement la concurrence sur le marché des petites annonces immobilières en ligne.

ii. Le pouvoir de marché actuel de SeLoger (pré-opération)

250. Dans sa communication relative aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, la Commission estime que " si la part de marché de l'entreprise représente moins de 40 % du marché en cause, il est peu probable qu'elle s'y trouve en position dominante "78.

251. Sur le marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels, SeLoger détient actuellement une part de marché estimée à [30-40] % en valeur, à [20-30] % en audience et une part de marché comprise entre [10-20] % et [10-20] % en nombre d'annonces. Malgré ces parts de marché en deçà du seuil de 40 %, SeLoger détient une position particulière sur le marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels. Cette hypothèse ressort du test de marché, des auditions et de l'examen des pratiques commerciales passées de ce portail.

252. Premièrement, selon la quasi-totalité des clients interrogés dans le cadre du test de marché, SeLoger est actuellement " incontournable ", notamment en raison de son audience, de sa notoriété et de sa capacité à apporter des contacts de qualité. SeLoger est en effet le second portail avec l'audience la plus importante (en janvier 2017, il a attiré plus de 6,1 millions de visiteurs uniques, dont plus de 30 % de visiteurs exclusifs) et il bénéficie d'une forte notoriété, tant spontanée qu'assistée, auprès des internautes. Sa capacité à apporter des contacts de qualité est confirmée par une étude en date de juin 2017 fournie par la partie notifiante, ainsi que par le questionnaire en ligne administré par l'Autorité : dans les deux cas, SeLoger occupe la première place du classement en matière d'apport de contacts qualifiés. Selon l'étude ImmOpinion précitée, SeLoger est le portail le plus recommandé par les annonceurs professionnels.

253. Deuxièmement, le caractère incontournable de SeLoger a également été souligné par les différents acteurs du marché lors de leurs auditions. Du côté des concurrents, Le Bon Coin affirme qu'" Il y a pas mal d'endroits où on est obligé de prendre SeLoger, car en termes d'efficacité, ils sont extrêmement forts. On ne peut pas se passer d'eux ", tandis que Bien'ici indique qu'" Actuellement, SeLoger est indispensable pour de nombreuses agences ". Les agences immobilières interrogées partagent globalement cet avis. Orpi considère, par exemple, qu'" il n'est pas possible de se passer de Se Loger car ce portail est en position dominante en raison de son audience mais surtout du volume de contacts qu'il apporte et de la qualité de ces contacts ". Arthurimmo a déclaré : " il n'est pas possible de remplacer ce portail par une combinaison de plus petits ".

254. Troisièmement, plusieurs clients confirment l'existence de ce pouvoir de marché élevé en évoquant des hausses tarifaires déguisées. La partie notifiante conteste toutefois l'existence de telles hausses de prix. SeLoger a en effet déclaré : " d'une part, il n'y a pas eu d'augmentation pure et dure, les hausses de prix sont liées aux Pass avec de nouveaux services, il y a eu transformation du produit ces dernières années ; d'autre part, depuis trois ans, les prix des Pass n'ont pas augmenté. SeLoger conteste donc formellement que ses prix aient augmenté. "

255. L'Autorité a constaté l'enrichissement de l'offre et l'absence de modification des prix publics. Pour autant, la migration vers les nouveaux " pass " semble avoir été imposée et s'être accompagnée d'augmentations de prix, tandis que l'absence de modification des prix publics depuis trois ans s'avère temporaire.

256. En ce qui concerne la migration, [confidentiel]. " Les clients souhaitant modifier leurs contrats étaient alors contraints de souscrire aux nouvelles offres. De plus, [confidentiel], pour les clients souhaitant garder leurs anciennes formules, des ajustements tarifaires à la hausse ont également eu lieu, [confidentiel].

[Confidentiel]

[Confidentiel].

257. En ce qui concerne l'absence de modification des prix publics depuis trois ans, l'examen des documents internes de la partie notifiante révèle qu'elle n'a pas toujours été souhaitée : une augmentation des prix avait été envisagée [confidentiel]79.

258. L'ensemble de ces éléments confirme que SeLoger occupe une position particulière sur le marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels, qui lui confère un pouvoir de marché certain.

iii. La question de l'élimination de la concurrence entre les parties

La position concurrentielle de Logic-Immo

259. Logic-Immo est le troisième portail en termes d'audience et de chiffre d'affaires, et il occupe également la troisième place en termes de satisfaction globale. Cette position de troisième acteur du secteur, derrière Le Bon Coin et SeLoger, est reconnue par les parties.

260. Plusieurs tiers confirment également cette position concurrentielle. Selon Foncia, " il n'y a seulement que trois portails majeurs : SeLoger, Le Bon Coin et Logic-Immo ". Le Bon Coin précise quant à lui qu'il ne se considère en concurrence qu'avec SeLoger et Logic-Immo.

261. Selon la quasi-totalité des clients interrogés dans le cadre du test de marché, Logic-Immo détient des avantages spécifiques sur le marché : son audience, sa notoriété, sa capacité à générer des contacts de qualité et ses tarifs sont mis en avant.

262. La notoriété de Logic-Immo s'explique notamment par son ancienneté dans le secteur. En effet, Logic-Immo est considéré comme un opérateur historique du secteur des petites annonces immobilières.

263. Par ailleurs, selon Bien'ici, " Logic-Immo est numéro 3, et ce en raison de la grande quantité d'investissements en communication, dont beaucoup en télévisuel ". Les investissements en marketing réalisés par Logic-Immo ces dernières années expliquent, en grande partie, sa notoriété. Lors de son audition, Cyril Janin, président de Logic-Immo, a expliqué les difficultés que l'entreprise a rencontrées à la suite de l'arrêt de Puissance 3 (" P3 ")80 : " En 2014, après P3, Logic-Immo était en 4, 5 ou 6ème position. [...] Il a été décidé à partir de 2014 d'investir massivement dans Logic-Immo. [Confidentiel]. L'entreprise s'est développée grâce à une communication globale et à l'achat de mots clés sur Google. Fin 2015, l'objectif de LogicImmo était de faire basculer 8 à 9 millions de clients, pour lesquels Concept-Multimédia n'était pas la régie. Aujourd'hui, Logic-Immo est le troisième portail [...]. "

264. Outre la notoriété et l'audience qui s'ensuit, de nombreuses agences immobilières expliquent recourir à Logic-Immo du fait du bon rapport qualité/prix (soit le coût par contact généré) qu'il leur procure. L'étude de juin 2017, fournie par la partie notifiante, précise que Logic-Immo est très fortement appréciée pour l'apport de contacts qualifiés. De plus, selon l'étude ImmOpinion précitée, Logic-Immo est considérée par les annonceurs professionnels comme le troisième portail le plus efficace, après Le Bon Coin et SeLoger. Ce positionnement est cohérent avec sa part de marché en valeur qui place Logic-Immo en position de troisième acteur du marché ([10- 20] %), loin devant le quatrième (Explorimmo, [0-10] %).

265. Toutefois, il ressort de l'instruction que ces avantages concurrentiels doivent être relativisés.

266. L'efficacité de Logic-Immo est remise en cause par plusieurs tiers. Foncia explique ainsi l'arrêt de son partenariat national avec ce portail en 2017 par le fait que " parmi les trois " gros " portails [SeLoger, Le Bon Coin, Logic-Immo], Logic-Immo était celui qui avait la moins bonne performance en termes de nombre de leads [contacts] par annonce et de coût par lead ". Cette moins grande efficacité de Logic-Immo, par rapport à SeLoger et Le Bon Coin, se reflète dans le nombre de transactions réalisées à l'aide de ces différents portails. Selon Le Bon Coin, " on estime le nombre de transactions en France à environ 700-800 000 par an en moyenne. Plusieurs centaines [de milliers] se sont faites grâce à SeLoger, idem pour Le Bon Coin. Moins de 100 000 pour Logic-Immo. "

267. Lors de son audition, Arthurimmo a par ailleurs indiqué : " 80 % de nos adhérents contractent avec SeLoger et Le Bon Coin, tandis que seulement 30 à 35 % contractent avec Logic-Immo ou Explorimmo ". Ainsi, selon ce client des parties, " Logic-Immo peut être remplacé ". Foncia considère également que ne plus recourir à Logic-Immo n'est pas problématique : " [...] force est de constater qu'après l'arrêt de Logic-Immo, nous n'avons pas eu de retours négatifs venant du terrain. L'arrêt de Logic-Immo est " passé comme une lettre à la poste. " Foncia considère que depuis " début 2017 [cet arrêt] n'a pas eu d'impact sur la performance commerciale (génération de leads). "

268. Il résulte de ce qui précède que le positionnement de Logic-Immo sur le marché des petites annonces immobilières en ligne apparaît plus limité que son rang de troisième acteur du secteur pourrait le laisser penser. Dès lors, la question de sa réelle pression concurrentielle sur SeLoger est posée.

Analyse de la proximité concurrentielle entre les parties

269. SeLoger et Logic-Immo semblent deux proches concurrents.

270. Aux yeux des répondants au test de marché, Logic-Immo est le deuxième plus proche concurrent de SeLoger (après Le Bon Coin), tandis que SeLoger est le premier (ou deuxième) plus proche concurrent de Logic-Immo (après Le Bon Coin). Logic-Immo ne se considère d'ailleurs en concurrence qu'avec Le Bon Coin et SeLoger : " Dans la compétition qui oppose CONCEPT MULTIMEDIA à Leboncoin et à SeLoger, il est vital pour CONCEPT MULTIMEDIA de développer son chiffre d'affaires digital et de procéder aux investissements marketing nécessaires pour "garder le contact" face à ces deux concurrents. "

271. Par ailleurs, SeLoger et Logic-Immo sont deux portails spécialistes en petites annonces immobilières de professionnels, contrairement à Le Bon Coin qui diffuse également des annonces de particuliers. De plus, seuls SeLoger et Logic-Immo seraient en mesure d'apporter un nombre important de contacts de qualité, comme l'indique un document interne de LogicImmo.

272. Logic-Immo serait même perçu comme un " copier-coller " de SeLoger, tant leur offre serait similaire. Selon Foncia, " SeLoger et Logic-Immo sont [...] trop proches, trop similaires ". Le Bon Coin a déclaré : " Logic-Immo est [...] actuellement un copycat [une copie conforme] de SeLoger. Dès que SeLoger sort un nouveau service, deux mois après Logic-Immo le propose. Il n'y a presque aucune différence entre SeLoger et Logic-Immo. "

273. Cependant, si SeLoger et Logic-Immo sont deux portails apparaissant comme proches aux yeux de certains acteurs du marché, dans le sens où leur modèle et les services proposés sont similaires, leur proximité concurrentielle est en réalité limitée, dans le sens où ces deux portails ne sont que faiblement substituables. Ainsi, les éléments du dossier montrent que Logic-Immo n'exerce pas de pression concurrentielle significative sur SeLoger.

274. En effet, Logic-Immo a été généralement présenté comme un portail utilisé " en complément " des deux premiers, SeLoger et Le Bon Coin. Par exemple, selon Laforêt, " la répartition sur les différents portails est généralement la suivante : un franchisé est classiquement soit sur Le Bon Coin soit sur SeLoger, l'un ou l'autre. Il viendra compléter par la suite avec LogicImmo ou, éventuellement, un challenger. " Une agence immobilière a déclaré : " Logic-Immo a depuis longtemps lâché le duo de tête et il se bat plutôt avec des portails secondaires (avendrealouer, explorimmo, paruvendu) ". Elle résume ainsi le statut de Logic-Immo au sein du marché des petites annonces immobilières en ligne : " Logic-Immo [...] n'est plus incontournable, cependant il a le mérite d'exister, il a été par exemple le premier à proposer un produit dédié immobilier en partenariat avec Criteo (ciblimmo retargeting). C'est le premier des " seconds couteaux ". "

275. Le Bon Coin reconnaît également que Logic-Immo n'est pas un proche concurrent de SeLoger : " L'arbitrage entre SeLoger et Logic-Immo ne se produit pas tellement, tout le monde va sur SeLoger, quoiqu'il arrive. "

276. Le Bon Coin apparaît comme le plus proche concurrent de SeLoger, bien qu'il soit un portail généraliste et mixte, contrairement à SeLoger, qui est un portail spécialisé dans l'immobilier, quasiment réservé aux seuls professionnels de l'immobilier. Le Bon Coin a confirmé que la concurrence sur le marché des petites annonces immobilières se joue entre lui et SeLoger : " Notre compétition est face à SeLoger, nous sommes en frontal avec eux. "

277. La pression concurrentielle exercée par Le Bon Coin sur SeLoger ressort également de plusieurs documents internes de la partie notifiante. Certes, dans un compte-rendu d'entretiens internes réalisés avec les dirigeants de SeLoger en 2015, le rapport de Seloger à Le Bon Coin était considéré comme étant " pacifique " : " Le Bon Coin est vécu comme une opportunité car il assèche le marché des concurrents. Pas d'inquiétudes particulières car le site mène une politique tarifaire identique à SeLoger.com, ne tirant pas les prix vers le bas. Comme SeLoger.com, Le Bon Coin se positionne en premium. Une situation de duopole qui n'est pas problématique en soi. " Toutefois, ces déclarations ne reflètent plus le rapport actuel entre ces deux concurrents, comme le démontrent des documents internes plus récents. Ainsi, dans un document de juin 2016, il est question d'un " contexte concurrentiel plus dur ", lié notamment au fait que " Le Bon Coin a atteint le même niveau que SeLoger en nombre d'annonces de professionnels ". Dans son plan stratégique pour 2017, SeLoger insiste sur la capacité de Le Bon Coin à développer sa part de marché dans les prochaines années au regard de son trafic, de son nombre d'annonces et de son niveau de prix. Plus récemment, dans un document d'avril 2017, SeLoger affirme avoir " défendu sa position contre Le Bon Coin " en limitant sa baisse de part de marché en valeur à un point (entre 2012 et 2016, elle est passée de 40 à-39 %). Enfin, dans la présentation de sa nouvelle offre de 2018, SeLoger insiste sur la nécessité d'une " évolution des prix modérée " pour tenir compte de l'offre moins onéreuse de Le Bon Coin. Dans certaines zones géographiques ([confidentiel]), SeLoger n'envisage d'ailleurs pas d'augmenter ses prix en raison de sa plus faible position par rapport à Le Bon Coin en nombre de petites annonces.

278. Cette approche est partagée par des analystes indépendants. Goldman Sachs indique que SeLoger a adopté " un business model défensif en consolidant sa position dans un marché hautement compétitif "81. La banque d'investissement précise que " l'immobilier est l'opportunité de croissance la plus importante pour LeBonCoin étant donné que l'entreprise a seulement commencé à monétiser le plus grand portail du pays, alors même qu'elle détient une position de leader en termes de trafic [...], de petites annonces [...] et de mobile [...] ".

279. Enfin, la pression concurrentielle exercée par Le Bon Coin sur SeLoger se vérifie avec l'estimation des ratios de diversion présentée infra.

iv. L'analyse des ratios de diversion

280. Comme le soulignent les lignes directrices de l'Autorité (§ 408), la vraisemblance d'un risque unilatéral peut être éclairée par les ratios de diversion entre les parties.

281. Pour rappel, le ratio de diversion d'un produit A vers un produit B indique la fraction des ventes perdues par le produit A à la suite d'une hausse de son prix qui se reportent vers le produit B en cas de hausse de prix légère mais permanente. Autrement dit, les ratios de diversion permettent de quantifier le niveau de pression concurrentielle qu'exerce un produit vendu par l'une des parties à la concentration sur un produit vendu par une autre partie. Plus les ratios de diversion entre les parties sont élevés, plus le risque d'effet unilatéral est fort.

282. Les ratios de diversions peuvent être calculés de différentes manières. Ils peuvent être calculés à partir d'estimations économétriques des élasticités-prix de la demande, ils peuvent être obtenus au travers de sondages ou enfin ils peuvent être estimés à partir du suivi d'un panel de consommateurs dans le temps.

283. En l'espèce, l'analyse des ratios de diversion révèle que l'incitation de la nouvelle entité à augmenter ses prix à la suite de l'opération est limitée compte-tenu de la multidiffusion des agences immobilières et de la pression concurrentielle exercée par Le Bon Coin.

L'impact de la multidiffusion des annonceurs sur l'incitation des parties à augmenter leurs prix

284. Selon la partie notifiante, la multidiffusion des annonceurs a pour effet de diminuer sensiblement les ratios de diversion entre les parties, et donc l'incitation de la nouvelle entité à augmenter les prix du fait de l'opération.

285. Comme indiqué supra, la multidiffusion permet aux annonceurs de publier les mêmes annonces sur plusieurs portails. Par conséquent, à la suite d'une hausse de prix de SeLoger, par exemple, les annonces diffusées simultanément sur SeLoger et sur Logic-Immo ne sont pas susceptibles de se reporter sur Logic-Immo puisqu'elles y sont déjà diffusées. La multidiffusion des annonces sur les deux portails de la nouvelle entité a donc pour effet de diminuer les gains que pourrait retirer la nouvelle entité d'une hausse de prix par rapport à ceux qu'elle aurait obtenus préalablement à l'opération.

286. Afin d'examiner l'impact d'un tel effet sur les ratios de diversion entre les parties, la base de données " [confidentiel] " a été utilisée. Elle recense, pour chaque utilisateur du logiciel de multidiffusion [confidentiel], le nombre d'annonces publiées par cet utilisateursur les différents portails. À partir de cette base, les services d'instruction ont calculé les ratios de diversion en supposant qu'un annonceur qui décide d'arrêter d'utiliser SeLoger (ou Logic-Immo) se reporterait vers les portails qu'il n'utilise pas. L'importance du report vers un portail donné, qui n'est pas déjà utilisé par l'annonceur, dépend de la part de marché de ce portail par rapport aux autres portails qu'il n'utilise pas déjà. Conformément à la méthodologie proposée par la partie notifiante, les parts de marché utilisées ont été calculées en nombre d'annonces.

287. Ces calculs montrent que le ratio de diversion au prorata des parts de marché entre les parties est en effet significativement plus faible lorsque l'on tient compte de la multidiffusion82.

288. Ainsi, la multidiffusion sur le marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels conduit à diminuer les ratios de diversion entre les parties (par rapport à une situation sans multidiffusion), et réduit donc leurs incitations à augmenter les prix à l'issue de l'opération. 289. Une estimation des ratios de diversion sur la base des reports observés permet d'affiner l'analyse du risque de hausse de prix à l'issue de l'opération.

L'estimation des ratios de diversion sur la base des reports observés

290. La partie notifiante a fourni des bases de données utilisées par Logic-Immo pour identifier les portails choisis par les agences immobilières. Ces données renseignent, pour chaque agence, le nombre d'annonces publiées sur les différents portails. Les services d'instruction ont notamment utilisé une base datant de novembre 2016, ainsi qu'une base datant de juin 2017. Ces bases permettent d'identifier les agences qui auraient arrêté d'utiliser SeLoger ou LogicImmo entre 2016 et 2017 et d'identifier les portails concurrents qu'elles auraient utilisés en substitution83.

• Estimation des ratios de diversion de Logic-Immo vers les portails concurrents

291. Le tableau ci-dessous présente la proportion d'agences ayant ajouté un ou des portails présents dans la base en distinguant (i) les agences qui ont arrêté d'utiliser Logic-Immo entre 2016 et 2017 et (ii) les agences qui ont continué à utiliser Logic-Immo entre 2016 et 2017 :

<TABLEAU>

Lecture : 3,5 % des agents qui ont arrêté d'utiliser Logic-Immo entre 2016 et 2017 ont commencé à utiliser Annonces Jaunes en 2017.

européenne COMP/M.6497 du 12 décembre 2012, Hutchison 3G Austria/Orange Austria). Le marché des annonces immobilières présente toutefois des spécificités par rapport au marché de la téléphonie mobile, qui rendent plus difficile l'interprétation des données de reports.

292. Les sites les plus souvent ajoutés par les agences immobilières arrêtant d'utiliser Logic-Immo sont donc, dans l'ordre : Le Bon Coin, Bien'ici, Immo-street (appartenant à SeLoger), SeLoger et Louer Vite (appartenant à SeLoger). Cependant, l'ajout de ces portails ne résulte pas nécessairement de l'arrêt de l'utilisation de Logic-Immo. Ainsi, les agences immobilières qui ont continué à utiliser Logic-Immo ont également ajouté des portails concurrents entre 2016 et 2017 (voir la colonne de droite). D'ailleurs ces agences immobilières ont plus souvent ajouté des portails concurrents (47,3 %) que les agences qui ont arrêté d'utiliser Logic-Immo (36,6 %).

293. L'identification du ratio de diversion de Logic-Immo vers les concurrents supposerait en théorie d'identifier les agences arrêtant d'utiliser Logic-Immo à la suite d'une hausse de prix de 5 % à 10 %, et d'étudier leurs reports. Au cas d'espèce, les agences ayant arrêté d'utiliser Logic-Immo entre 2016 et 2017 ne l'ont pas nécessairement fait à la suite d'une hausse de prix. Il est par exemple possible que des agences aient arrêté d'utiliser Logic-Immo en raison de difficultés budgétaires ou pour une raison stratégique indépendante, visant à diminuer l'utilisation des portails. Cela expliquerait pourquoi les agences qui arrêtent d'utiliser Logic-Immo ont moins ajouté de portails concurrents que les agences immobilières continuant à utiliser Logic-Immo.

294. Néanmoins, les seuls portails pour lesquels le pourcentage d'ajout est plus élevé lorsque l'agent arrête d'utiliser Logic-Immo que lorsqu'il continue à utiliser Logic-Immo sont Immostreet (appartenant à SeLoger), SeLoger, et Le Bon Coin. Ces données permettraient ainsi de caractériser un effet de substitution entre Logic-Immo d'une part, et SeLoger et Le Bon Coin d'autre part.

295. Par ailleurs, ces reports sont impactés par la multidiffusion : comme de nombreuses agences immobilières publient déjà leurs annonces immobilières sur SeLoger et sur Le Bon Coin en 2016, la proportion d'agences immobilières ajoutant ces deux portails en 2017 sera nécessairement limitée. Les reports peuvent alors être étudiés en neutralisant l'impact de la multidiffusion, c'est-à-dire en concentrant l'analyse sur les agences immobilières qui n'utilisaient pas SeLoger ou Le Bon Coin avant d'arrêter d'utiliser Logic-Immo.

296. Parmi les agences immobilières qui utilisaient Logic-Immo en 2016 et qui ont arrêté d'utiliser Logic-Immo en 2017, et qui par ailleurs n'utilisaient pas SeLoger en 2016, 18 % ont ajouté SeLoger en 2017. Parmi les agences immobilières qui utilisaient Logic-Immo en 2016, et qui ont arrêté d'utiliser Logic-Immo en 2017, et qui par ailleurs n'utilisaient pas Le Bon Coin en 2016, 25 % ont ajouté Le Bon Coin. S'agissant des agences immobilières qui n'utilisaient ni SeLoger ni Le Bon Coin en 2016, 26 % ont ajouté Le Bon Coin et 16 % ont ajouté SeLoger.

297. Ainsi, lorsque l'agence immobilière a eu le choix de remplacer Logic-Immo par SeLoger ou Le Bon Coin, sans être contrainte par le fait qu'elle utilise déjà ces portails, son choix s'est le plus souvent porté sur Le Bon Coin.

• Estimation des ratios de diversion de SeLoger vers les portails concurrents

<TABLEAU>

298. Les ajouts de portails sont généralement plus élevés lorsque l'agence continue à utiliser SeLoger que lorsqu'elle arrête d'utiliser ce portail, sauf pour les cas des portails Logic-Immo et Le Bon Coin, ce qui indiquerait un report vers ces portails.

299. Si on restreint l'analyse aux agences immobilières qui n'utilisaient pas Logic-Immo en 2016, 12,9 % d'entre elles se sont reportées vers Logic-Immo lorsqu'elles ont cessé d'utiliser SeLoger. Les agences immobilières qui n'utilisaient pas Le Bon Coin en 2016 ont été 31,5 % à se reporter vers Le Bon Coin lorsqu'elles ont cessé d'utiliser SeLoger. S'agissant des agences 53 qui n'utilisaient ni Le Bon Coin ni Logic-Immo, elles sont 37 % à avoir ajouté Le Bon Coin lorsqu'elles ont arrêté d'utiliser SeLoger (11,5 % pour Logic-Immo).

300. Lorsque l'agence immobilière a eu le choix de remplacer SeLoger par Logic-Immo ou Le Bon Coin, sans être contrainte par le fait qu'elle utilise déjà ces portails, son choix s'est le plus souvent porté vers Le Bon Coin.

• Estimation de la partie notifiante

301. La partie notifiante a proposé ses propres estimations des reports des clients, à partir des bases de données des parties (" bases contrats ") de janvier 2016 à juin 2017. Elle a ainsi identifié les agences immobilières qui ont quitté totalement, ou partiellement, l'un des portails des parties. L'étude exclut de l'analyse les clients ayant quitté un portail en raison d'une cessation d'activité, la prise en compte de ces clients conduisant en effet à diminuer artificiellement les ratios de diversion entre les parties.

302. Il ressort de cette étude que :

- [0-5] % des clients qui ont quitté SeLoger ont commencé à utiliser Logic-Immo84 et [0- 5] % des clients qui ont quitté SeLoger sont devenus clients de Logic-Immo ou ont augmenté significativement leurs dépenses sur Logic-Immo ;

- [0-5] % des clients qui ont quitté Logic-Immo ont commencé à utiliser SeLoger85 et [0- 5] % des clients qui ont quitté Logic-Immo sont devenus clients de SeLoger ou ont augmenté significativement leurs dépenses sur SeLoger86.

- Les résultats obtenus sont similaires lorsque l'analyse des reports est effectuée en chiffre d'affaires plutôt qu'en nombre de clients.

303. L'étude économique analyse également le cas des agences immobilières qui ont réduit leurs dépenses de plus de 20 % sur un portail, sans pour autant le quitter. Ainsi, les agences immobilières qui ont quitté SeLoger, ou qui ont diminué leurs dépenses sur ce portail, sont [0- 5] % à avoir commencé à utiliser Logic-Immo, ou à avoir augmenté de plus de 20 % leurs dépenses sur ce portail. Les agences immobilières qui ont quitté Logic-Immo, ou qui ont diminué leurs dépenses, sont [5-10] % à avoir commencé à utiliser SeLoger, ou à avoir augmenté leurs dépenses sur ce portail. Les résultats des analyses en valeur sont à nouveau similaires.

304. Les analyses de l'étude économique fournie par la partie notifiante confirment donc la faiblesse des reports observés entre les parties.

• Conclusion sur l'analyse des reports observés

305. Le Bon Coin et SeLoger seraient les principales alternatives à Logic-Immo, tandis que LogicImmo et Le Bon Coin seraient les principales alternatives à SeLoger. Le Bon Coin serait cependant, dans tous les cas, la principale alternative aux parties.

306. Les analyses présentées supra montrent par ailleurs la faiblesse des taux de report entre les parties. Ces analyses présentent cependant une limite importante : les reports observés ne sont pas nécessairement la conséquence d'une hausse de prix des parties, mais ils peuvent résulter d'une modification de la situation de l'agence immobilière (situation financière, stratégie, affiliation, etc.). Or, les ratios de diversion pertinents pour l'analyse sont ceux résultant de hausses de prix des parties ou, plus généralement, d'une dégradation de leur offre, lesquels pourraient être différents de ceux observés dans les analyses présentées supra.

307. Une telle analyse peut être menée à partir des résultats du questionnaire en ligne.

L'estimation des ratios de diversion sur la base du questionnaire

308. De façon à obtenir des informations supplémentaires sur les niveaux des ratios de diversion, un questionnaire en ligne a été adressé par l'Autorité à l'intégralité des clients des parties87, lesquels ont représenté plus de 30 000 professionnels de l'immobilier. Ce questionnaire a permis d'obtenir 2 309 réponses, ce qui correspond à un taux de réponse relativement faible (7,7 %). Toutefois, le nombre de répondants est suffisamment élevé pour effectuer une analyse des ratios de diversion des clients de chaque partie vers leurs concurrents. Les 2 309 répondants se répartissent comme suit :

<TABLEAU>88

325. Les résultats de ce questionnaire doivent être interprétés avec précaution. Comme l'indiquent les lignes directrices de l'Autorité, les résultats de ce type d'enquête " peuvent être très sensibles à la rédaction des questions posées "89. De même, dans une décision récente relative aux plateformes de restauration90, l'autorité de concurrence britannique a souligné le fait que les réponses à des questions portant sur les comportements hypothétiques de répondants sont moins fiables que celles qui seraient obtenues si les questions portaient sur les comportements actuels ou passés. En tout état de cause, ces questionnaires " ne peuvent à eux seuls permettre à l'Autorité de conclure sur les effets de l'opération et ne sont pas utilisés de façon mécanique pour exclure ou retenir l'existence de problèmes concurrentiels "91. En l'espèce, ce questionnaire a notamment servi à appréhender le comportement des agences immobilières en cas de hausse de prix de l'une des parties.

• Reports des clients de SeLoger vers les portails concurrents

326. En cas d'une hausse de prix de SeLoger conduisant les clients à ne plus utiliser ce portail, les ratios de diversion des clients de SeLoger vers les portails concurrents seraient les suivants :

<GRAPHIQUE>

Lecture : À la suite d'une hausse de prix de SeLoger conduisant les clients à ne plus utiliser SeLoger, 10 % du budget perdu par SeLoger se reporterait sur Logic-Immo.

327. Les reports les plus importants se font vers Le Bon Coin (15 %), puis vers Logic-Immo (10 %).

328. La somme des reports vers les différents portails n'est pas égale à 1 puisque les agents reportent une partie significative de leur budget en dehors des portails d'annonces. La diversion vers l'extérieur du marché (hors usage des portails) serait d'ailleurs près de quatre fois plus élevée que la diversion vers Logic-Immo.

329. Ainsi, plus de 85 % du budget perdu par SeLoger ne se reporterait pas vers Logic-Immo. L'incitation de la nouvelle entité à augmenter le prix des services de Seloger serait par conséquent limitée.

• Reports des clients de Logic-Immo vers les portails concurrents

330. En cas d'une hausse de prix de Logic-Immo conduisant les clients à ne plus utiliser ce portail, les reports des clients de Logic-Immo seraient les suivants :

<GRAPHIQUE>

331. Les reports des clients de Logic-Immo vers SeLoger sont plus importants que les reports de SeLoger vers Logic-Immo, mais ils restent inférieurs à ceux dont Le Bon Coin bénéficie. Cette asymétrie dans les reports entre les parties est cohérente avec la puissance relative des deux portails dans la mesure où SeLoger exerce une contrainte plus élevée sur Logic-Immo que celle que Logic-Immo exerce sur SeLoger. Par ailleurs, les reports totaux vers les portails autres que SeLoger et Le Bon Coin restent également importants. Ainsi, plus de 85 % du budget perdu par Logic-Immo ne se reporterait pas vers SeLoger.

332. L'incitation de la nouvelle entité à augmenter le prix des services de Logic-Immo serait par conséquent limitée.

Conclusion

333. Au niveau national, les ratios de diversion entre les parties étant faibles, l'opération envisagée n'est pas susceptible de conduire à terme à une augmentation profitable des prix de la nouvelle entité.

334. Toutefois, le fait qu'une telle hausse ne soit pas susceptible d'être causée par l'opération ne signifie pas que la nouvelle entité ne mettra pas par ailleurs en place des hausses de prix dans le futur. SeLoger a d'ailleurs d'ores et déjà prévu d'augmenter ses tarifs pour 2018 (à la suite de la mise en place de nouveaux services). Cette stratégie n'est donc pas liée au rachat de LogicImmo.

335. De la même manière, les craintes exprimées par les concurrents et les annonceurs clients des parties ne seraient pas propres à l'opération de concentration envisagée mais révèleraient le rôle de leader de SeLoger.

v. Le Bon Coin constitue une alternative crédible à la nouvelle entité

336. Le portail Le Bon Coin, avec une part de marché en valeur estimée à [10-20] % et une part de marché en audience estimée à [30-40] %, est, et continuera d'être le plus proche concurrent de la nouvelle entité.

337. Néanmoins, en termes d'audience, il est difficile de comparer la position de la nouvelle entité à celle du groupe Le Bon Coin, en raison de leurs différences intrinsèques. En effet, la position de Le Bon Coin doit être relativisée, dans la mesure où ce portail attire une audience de moindre qualité que des portails spécialistes. Le fait notamment que Le Bon Coin dispose de 66 % de visiteurs uniques sur ses pages immobilières pourrait signifier qu'une grande partie de son audience est constituée d'internautes passifs (utilisateurs qui ne sont pas spécifiquement à la recherche d'un bien immobilier).

338. À l'inverse, sa part de marché en valeur, qui apparaît a priori limitée, ne reflète pas le réel pouvoir de marché dont dispose Le Bon Coin car elle repose sur un modèle économique particulier, qu'il a récemment développé.

339. Premièrement, l'écart de parts de marché entre Le Bon Coin et la nouvelle entité peut s'expliquer par un modèle économique différent. Comme expliqué supra, à ce jour, Le Bon Coin propose très peu de services annexes aux agences immobilières, services qui sont pourtant susceptibles de générer des revenus importants. Le chiffre d'affaires de Le Bon Coin provient essentiellement de la seule vente d'espaces d'annonces immobilières. Le développement de services annexes permettrait à Le Bon Coin de réduire significativement cet écart de part de marché compte tenu de ses avantages concurrentiels (très fortes notoriété et audience, grand nombre de petites annonces immobilières).

340. Deuxièmement, Le Bon Coin a commencé tardivement à s'adresser aux professionnels. Portail réservé aux particuliers jusqu'en 2008, il est devenu un portail mixte, dont aujourd'hui 80 % des petites annonces immobilières proviennent des professionnels de l'immobilier. Par ailleurs, Le Bon Coin commercialise ses offres directement auprès des annonceurs depuis deux ans uniquement (auparavant il était intégré à l'offre " P3 "). Ainsi, les positions actuelles de Le Bon Coin ne permettent qu'imparfaitement de caractériser sa capacité à exercer, dans le futur, une contrainte concurrentielle sur la nouvelle entité.

341. Troisièmement, la place importante occupée par Le Bon Coin ressort du test de marché et des auditions. Lors des auditions, plusieurs clients ont mis en avant la puissance de ce portail. Century 21, qui se définit pourtant comme un " anti Bon Coin ", reconnaît que " Le Bon Coin est devenu un des sites leaders sur l'immobilier ". Foncia affirme que Le Bon Coin " a pris une part de marché incroyable ". Selon Arthurimmo, " Le Bon Coin a une puissance de frappe phénoménale, il est incontournable pour les particuliers mais aussi pour les professionnels ". Selon des estimations internes de la partie notifiante, la part de marché en valeur de Le Bon Coin serait ainsi passée de 5 % en 2012 à 17 % en 2016. Dans sa communication aux investisseurs relative aux performances du groupe au cours du quatrième trimestre 2016, Schibsted précise " Le Bon Coin continue d'améliorer la monétisation du segment immobilier. Les revenus du segment immobilier ont cru de 40 % au cours du quatrième trimestre, en comparaison au quatrième trimestre 2015. "92

342. Certes, Le Bon Coin reste, à ce jour, en retrait par rapport aux parties en termes de qualité des contacts et de services fournis. Selon le questionnaire en ligne, la note attribuée à Le Bon Coin par les répondants sur la qualité des contacts qu'il génère est inférieure à celle obtenue par les parties (5,7 pour Le Bon Coin contre 6,7 pour SeLoger et 6,2 pour Logic-Immo). Cette différence en termes de qualité de contacts a également été soulignée par plusieurs tiers. Selon Century 21, Le Bon Coin " génère beaucoup de contacts mais dont la qualité est faible ". Pour Foncia, " chez Le Bon Coin, la qualité du lead [contact] est très variable ". Orpi explique que " Les sites réservés aux annonceurs professionnels sont meilleurs que les sites mixtes en termes de qualité de contacts. " Le Bon Coin lui-même reconnaît avoir " une population un peu moins " qualifiée ", dans le sens où sur Le Bon Coin, il y a un facteur de curiosité vu que l'on est généraliste. Il peut y avoir de la déperdition. " En décembre 2016, Bertrand Gstalder, président de SeLoger, a déclaré : " leboncoin a un positionnement différent, avec des " metrics " [résultats] d'audience plus élevés. Mais en nombre de qualifications, ce n'est pas la même chose. "93

343. Toutefois, les éléments du dossier montrent que Le Bon Coin devrait rapidement améliorer la qualité de son audience, et donc la qualité des contacts générés. Arthurimmo a déclaré : " les agents immobiliers disent que les contacts amenés par SeLoger sont excellents, tandis que ceux générés par Le Bon Coin le seraient un peu moins ; néanmoins, cette différence est en train de se lisser ". De même, selon Laforêt, " Le Bon Coin était il y a quelques années le nouvel entrant, avec une réelle force de frappe en termes d'audience globale, qui était toutefois peu qualitative au départ. Cela a évolué, leur audience est devenue qualitative à partir du moment où Le Bon Coin a réussi à pénétrer le marché immobilier parisien. " Dès lors, même s'il existe toujours une différence de qualité des contacts entre Le Bon Coin et SeLoger, elle a tendance à se réduire et n'est pas de nature à remettre en cause la pression concurrentielle exercée par Le Bon Coin sur SeLoger.

344. En matière de services, comme indiqué supra, l'offre de Le Bon Coin est, à ce jour, assez peu développée, contrairement à celle des parties, en particulier à celle de SeLoger, cette dernière disposant de l'offre la plus large sur le marché. Toutefois, la récente acquisition d'AVendreALouer va permettre à Le Bon Coin d'accélérer son développement sur les petites annonces immobilières en ligne provenant des professionnels, en particulier au moyen de nouveaux services. Si la stratégie du groupe Le Bon Coin n'a pas été dévoilée à ce stade, une offre couplée " Le Bon Coin/AVendreALouer " entraînerait probablement une augmentation des parts de marché du groupe Le Bon Coin. Un tel scénario est d'autant plus crédible que cette acquisition permettrait à Le Bon Coin de développer une nouvelle offre dédiée aux promoteurs et constructeurs immobiliers, qui représentent un marché important pour les portails d'annonces immobilières.

345. Ainsi, Le Bon Coin dispose d'une marge de croissance significative. Le groupe Schibsted, qui contrôle Le Bon Coin, indique dans son rapport annuel de 2016 : " Notre site Internet leader Le Bon Coin dispose d'un potentiel significatif à long terme. Au regard du leadership en termes de trafic et la puissance de la marque de Le Bon Coin, il existe une marge de croissance de parts de marché dans les portails verticaux et notamment l'immobilier, l'automobile et l'emploi. "94 Selon la partie notifiante, de récentes analyses publiées par Barclays95 et Goldman Sachs96 sur le groupe Schibsted, ciblant notamment l'activité immobilière de Le Bon Coin, prévoient une évolution significative de son chiffre d'affaires au cours des prochaines années. Barclays et Goldman Sachs anticipent une évolution de respectivement 50 % et 101 % du chiffre d'affaires de Le Bon Coin en matière de petites annonces immobilières en France, sur un marché certes en croissance, mais avec un taux plus mesuré97. Dans sa communication aux investisseurs au cours du premier trimestre 2017, le groupe Schibsted évoque les " excellentes performances " du portail, et précise " À l'avenir, la priorité est de monétiser davantage les portails verticaux et l'introduction de nouveaux produits pour les clients professionnels. "98 Ainsi, la forte croissance raisonnablement prévisible du chiffre d'affaires de Le Bon Coin confortera sa position sur le marché des petites annonces immobilières en France.

346. Le Bon Coin exercera donc une pression concurrentielle significative sur la nouvelle entité. En effet, comme il a été relevé supra, Le Bon Coin constitue toujours le premier report des clients des parties à la suite d'une hausse de prix de celles-ci.

347. En outre, même lorsque les agences utilisent déjà Le Bon Coin et ne reportent pas de budget sur Le Bon Coin lorsqu'elles arrêtent d'utiliser un portail des parties, Le Bon Coin est malgré tout susceptible d'exercer une pression concurrentielle sur les parties. En effet, à la suite d'une hausse de prix des parties, les agences immobilières pourraient également décider de ne plus diffuser sur les portails de la nouvelle entité et se contenter d'une diffusion de leurs annonces sur le seul Le Bon Coin et travailler en complément avec des portails de plus petite envergure, comme Bien'ici ou Explorimmo par exemple.

348. En conclusion, bien que SeLoger détienne une place importante sur le marché des petites annonces immobilières en ligne au niveau national et que l'opération se traduise par le rachat du troisième opérateur par le leader actuel du marché, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence au niveau national, en raison de la faible pression concurrentielle existant actuellement entre les parties et de la pression concurrentielle croissante que Le Bon Coin exercera sur la nouvelle entité.

b) Le risque de hausse de prix au niveau local

i. Les estimations des parts de marché au niveau local

349. La partie notifiante a fourni des estimations de parts de marché en volume, en utilisant les données Batibiz, qui recensent les annonces de biens habitables anciens uniquement, publiées sur les portails principaux de chaque portail. Sont exclues (i) les annonces relatives à d'autres types de biens (biens professionnels, biens neufs, terrains, locations saisonnières, etc.) et (ii) les annonces publiées sur les sous-sites des portails principaux.

350. Selon cette méthodologie de calcul, la nouvelle entité détiendrait une part de marché supérieure à 40 % dans deux régions : Île-de-France et Provence-Alpes Côte d'Azur (PACA).

<TABLEAU>

351. La partie notifiante a également fourni des estimations de parts de marché en valeur, au niveau régional, sur la base des chiffres d'affaires nationaux des portails. L'estimation du chiffre d'affaires régional a été obtenue en ventilant le chiffre d'affaires national estimé, réalisé auprès des annonceurs professionnels (hors revenus publicitaires), au prorata du nombre d'annonces par région sur chaque portail en 2016 (données Batibiz 2016). Dans la mesure où cette répartition du nombre d'annonces par région n'est pas connue pour tous les concurrents, deux estimations ont été proposées.

352. La première inclut les acteurs pour lesquels la répartition du nombre d'annonces par région n'est pas connue. Ces acteurs ont alors été regroupés dans une catégorie " Autres " et la répartition moyenne des annonces par région a été utilisée pour ventiler leur chiffre d'affaires. La seconde méthode consiste à estimer les parts de marché en excluant les acteurs pour lesquels la répartition du nombre d'annonces par région n'est pas connue.

353. La première méthode n'est toutefois pas robuste dans la mesure où elle repose sur une hypothèse non vérifiée, qui a pour effet de sous-estimer de plusieurs points la position de la nouvelle entité. En effet, les résultats obtenus par cette méthode aboutissent à des parts de marchés régionales systématiquement inférieures à la part de marché de la nouvelle entité calculée au niveau national.

354. La seconde méthode permet une approximation plus fiable que la première méthode. Ainsi, sur la base de cette seconde méthode, la moyenne des parts de marché régionales fournies par la partie notifiante est de [40-50] %, soit une part de marché très proche de la part de marché en valeur estimée par la partie notifiante au niveau national ([40-50] %)99.

355. La seconde méthode sera donc préférée pour estimer les parts de marché en valeur des portails de petites annonces immobilières en ligne au niveau régional.

356. Ainsi, la part de marché de la nouvelle entité sera supérieure à la part de marché nationale (qui est de [50-55] %) dans quatre régions.

<TABLEAU>

357. En dépit de ces parts de marché relativement importantes, la nouvelle entité restera confrontée à la pression concurrentielle importante de Le Bon Coin, pour les raisons évoquées supra. Ce concurrent est notamment susceptible d'exercer la même pression au niveau national qu'au niveau régional dès lors qu'à ce niveau, il détient une part de marché équivalente ou supérieure à sa part de marché nationale ([10-20] %).

<TABLEAU>

358. Ainsi, dans les régions Corse et Rhône-Alpes, tout problème de concurrence peut être écarté dans la mesure où Le Bon Coin y dispose de parts de marché plus importantes qu'au niveau national.

359. En revanche, dans les régions Île-de-France et PACA, les positions estimées de Le Bon Coin le placent très loin derrière la nouvelle entité.

360. Plusieurs documents confirment la forte position de la nouvelle entité dans ces deux régions. Selon une étude réalisée par un cabinet de conseil en février 2015, " la combinaison des chiffres d'affaires des 2 groupes engendre un positionnement encore plus fort sur les deux principales régions : l'Île-de-France et la région Paca ". De même, comme l'illustre la carte ci-dessous, issue d'une présentation de septembre 2017 faite par SeLoger au comité exécutif d'Axel Springer, la nouvelle entité occupera une position importante dans ces deux régions.

[Confidentiel]

[Confidentiel].

361. La partie notifiante relativise toutefois ces écarts de parts de marché entre la nouvelle entité et Le Bon Coin dans ces deux régions.

362. Selon elle, les positions respectives de SeLoger et Le Bon Coin s'expliqueraient notamment par les caractéristiques du marché de l'immobilier dans ces régions, qui est très concurrentiel et qui pousse les agences à consommer des services qualitatifs. Or, dans la mesure où Le Bon Coin ne propose pas actuellement de telles offres, et où l'acquisition d'AVendreALouer lui permettra de développer rapidement des services qualitatifs, l'écart de parts de marché observé devrait se réduire dans ces régions.

363. Néanmoins, même en prenant en compte les positions d'AVendreALouer dans ces deux régions, l'écart de part de marché en valeur entre la nouvelle entité et le groupe Le Bon Coin demeure conséquent.

<TABLEAU>

364. Dans la région PACA, la nouvelle entité détiendra une part de marché en valeur de [50-60] %, soit une position près de [trois - quatre] fois plus importante que celle du groupe Le Bon Coin ([10-20] %).

365. Dans la région Île-de-France, la nouvelle entité détiendra une part de marché en valeur de [50- 60] %, soit une position plus de [quatre - cinq] fois importante que celle du groupe Le Bon Coin ([10-20] %). 366. De plus, les perspectives de croissance du groupe Le Bon Coin dans ces deux régions ne sont pas établies avec certitude.

367. Il convient donc d'analyser plus précisément les effets de l'opération dans ces deux régions.

ii. Les effets de l'opération en Île-de-France

368. SeLoger détient actuellement une part de marché en valeur estimée à [40-50] % en Île-deFrance. À l'issue de l'opération, la nouvelle entité détiendra une part de marché estimée à [50- 60] %.

369. La région Île-de-France est [confidentiel] région à appartenir à la zone [...] de la grille tarifaire de SeLoger, à savoir la région où les tarifs sont les plus importants.

370. Les réponses au questionnaire en ligne administré par l'Autorité mettent par ailleurs en évidence la place importante occupée par SeLoger dans cette région. Ainsi, en cas de hausse des prix de 10 % de SeLoger en Île-de-France, 95 % des clients continueraient à utiliser ce portail (contre 92 % au niveau national), et le nombre d'annonces publiées sur SeLoger diminuerait de 26 % (contre 30 % au niveau national). De plus, en termes de qualité des contacts, SeLoger obtient une meilleure note en Île-de-France qu'au niveau national102.

371. La forte position de SeLoger en Île-de-France a également été mise en avant par plusieurs tiers. Foncia affirme ainsi que " Se passer de Se Loger dans cette zone serait une " faute grave " pour un professionnel de l'immobilier ! " Cette prédominance de SeLoger s'explique notamment par le moindre développement actuel de Le Bon Coin. Ce portail a en effet reconnu être " un ton en-dessous sur cette zone " car " Les agents parisiens se réfèrent à SeLoger [...]. C'est pour nous un marché plus complexe. " Dans un document du [confidentiel], SeLoger avait d'ailleurs envisagé pour [...] une augmentation unilatérale des prix [confidentiel].

372. De plus, les différentes estimations des ratios de diversion confirment que les reports de SeLoger vers Logic-Immo ne sont pas sensiblement plus élevés en Île-de-France qu'au niveau national.

373. Dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que Logic-Immo n'était pas en mesure d'exercer une pression concurrentielle significative sur SeLoger avant l'opération, de sorte que son rachat ne sera pas la cause d'une éventuelle hausse des prix de SeLoger dans cette région. S'il est possible que SeLoger augmente ses prix à l'avenir, ce ne sera pas en raison de la présente opération de concentration, mais en raison de la position qu'il détient déjà dans cette zone.

374. Il convient toutefois de se demander si, en raison de sa position incontournable, SeLoger n'exerçait pas une pression concurrentielle significative sur Logic-Immo avant l'opération.

375. Selon les réponses au questionnaire administré en ligne, en Île-de-France, SeLoger apparaît comme le plus proche concurrent de Logic-Immo. La nouvelle entité pourrait alors être incitée à augmenter les prix du portail Logic-Immo dans cette région. Néanmoins, cette incitation dépend du niveau de report des clients existant entre Logic-Immo et SeLoger. Or, même en Îlede-France, les reports des clients de Logic-Immo vers SeLoger seraient inférieurs à 15 %, ce qui limiterait l'incitation de la nouvelle entité à augmenter les prix du portail Logic-Immo à la suite de l'opération. Ces résultats sont confirmés par l'étude économique fournie par la partie notifiante.

376. En effet, il est peu probable qu'en cas de hausse de prix de Logic-Immo, de nombreux clients de ce portail se reportent vers SeLoger, du fait même de sa forte position dans cette région. Le taux de pénétration de SeLoger est déjà très élevé au niveau national103 et, au vu des éléments recueillis durant l'instruction, il est certain que ce taux est encore plus important en Île-deFrance. Selon le questionnaire administré en ligne, au niveau national, parmi les répondants qui utilisent Logic-Immo, 10 % n'utilisent pas SeLoger, alors qu'en Île-de-France, seulement 1,3 % des utilisateurs de Logic-Immo n'utilisent pas SeLoger. De même, selon des données communiquées par la partie notifiante, la proportion d'annonceurs communs dans le chiffre d'affaires de Logic-Immo est bien plus importante en Île-de-France qu'au niveau national (l'écart étant compris entre 10 et 20 points selon les méthodes d'estimation). Ainsi, le ratio de diversion de Logic-Immo vers SeLoger est limité en Île-de-France, ce qui n'incitera pas LogicImmo à augmenter ses prix à l'issue de l'opération.

377. Par conséquent, dans la région Île-de-France, l'opération n'est pas susceptible d'inciter la nouvelle entité à augmenter ses prix.

iii. Les effets de l'opération en PACA

378. SeLoger détient actuellement une part de marché en valeur estimée à [40-50] % en PACA. À l'issue de l'opération, la nouvelle entité détiendra une part de marché estimée à [50-60] %.

379. Au regard de la grille tarifaire de SeLoger, il apparaît que la région PACA ne fait pas partie de la zone la plus chère (la zone [...]) et que certains de ses départements sont même inscrits en zone [...]. SeLoger fait donc face actuellement à une pression concurrentielle certaine. Il convient alors de déterminer si Logic-Immo, avec une part de marché supérieure en PACA à sa part de marché nationale, exerce actuellement une telle pression sur SeLoger.

380. Or, de nombreuses agences immobilières mettent en avant la puissance de Logic-Immo dans le Sud-Est. Logic-Immo lui-même évoque les " bastions ", pour les zones " où [il] compte le plus grand nombre de contacts. Logic-Immo est relativement fort dans le Sud Est de la France pour des raisons historiques car c'était la zone de lancement du print. ". L'étude économique fournie par la partie notifiante confirme que Logic-Immo exerce une pression concurrentielle plus forte en PACA qu'au niveau national : le ratio de diversion de SeLoger vers Logic-Immo y est deux fois plus important.

381. Toutefois, cette même étude montre que le ratio de diversion de SeLoger vers Logic-Immo demeure limité car il est inférieur à 10 %. Cette faiblesse du ratio de diversion de SeLoger vers Logic-Immo s'explique notamment par la multidiffusion des annonceurs, la proportion d'annonceurs communs dans le chiffre d'affaires de SeLoger étant d'environ cinq points plus élevée en PACA qu'au niveau de la France entière. Dès lors, l'incitation de la nouvelle entité à augmenter les prix du portail de SeLoger dans la région PACA à la suite de l'opération apparaît limitée.

382. SeLoger ayant une part de marché plus élevée en PACA qu'au niveau national, il convient également d'examiner la question de l'incitation de la nouvelle entité à augmenter les prix de Logic-Immo à la suite de l'opération.

383. Il ressort de l'étude fournie par la partie notifiante que SeLoger n'exerce pas sur Logic-Immo une pression concurrentielle plus forte en PACA qu'au niveau national, et que le ratio de diversion de Logic-Immo vers SeLoger est limité car inférieur à 10 %. Cette faiblesse du ratio de diversion de Logic-Immo vers SeLoger s'explique notamment par la multidiffusion des annonceurs, la proportion d'annonceurs communs dans le chiffre d'affaires de Logic-Immo étant d'environ deux points plus élevée en PACA qu'au niveau de la France entière. Dès lors, l'incitation de la nouvelle entité à augmenter les prix du portail de Logic-Immo dans la région PACA à la suite de l'opération apparaît limitée.

384. Par conséquent, dans la région PACA, l'opération n'est pas susceptible d'inciter la nouvelle entité à augmenter ses prix.

c) La prise en compte des effets de réseau croisés

385. Comme expliqué par la partie notifiante, le marché des petites annonces immobilières en ligne est caractérisé par des effets de réseau croisés dans la mesure où les annonceurs ont une préférence pour les portails disposant d'une audience élevée et où les visiteurs ont une préférence pour les portails présentant un nombre d'annonces important. Ces effets de réseau peuvent modifier les incitations des parties à pratiquer des hausses de prix puisqu'une hausse de prix sur une face du marché peut modifier l'attractivité sur l'autre face du marché. Avant d'étudier précisément cet effet, il convient d'analyser l'ampleur actuelle des effets de réseau observables.

i. L'ampleur actuelle des effets de réseau croisés

386. Le graphique suivant permet d'observer une forte corrélation positive entre l'audience des portails et le nombre d'annonces publiées sur ces derniers104.

<GRAPHIQUE>

387. Cette corrélation permet de conforter l'existence d'effets de réseau croisés sur le marché puisqu'elle montre que les portails qui disposent d'une audience élevée attirent généralement un nombre élevé d'annonces ou que les portails qui disposent d'un nombre élevé d'annonces attirent généralement une audience importante. Cette analyse ne permet cependant pas d'apprécier ou de différencier l'ampleur de ces effets de réseau sur les deux faces du marché. Ainsi, la corrélation observée ci-dessus pourrait s'expliquer par le fait que les annonceurs publient un nombre d'annonces plus élevé sur les sites qui disposent d'une audience importante, sans que les visiteurs décident de consulter les sites présentant le nombre d'annonces le plus élevé. Or, comme expliqué infra, l'impact concurrentiel de l'opération dépendra de la force des effets de réseau sur les deux faces du marché.

388. L'importance des effets de réseau sur la face amont du marché (" côté annonceurs immobiliers ") peut être appréciée en examinant l'audience, qui est l'un des principaux critères de choix d'un portail. Un portail comme Le Bon Coin a en effet réussi à attirer un nombre de petites annonces immobilières de professionnels élevé en s'appuyant sur son audience importante. Cependant, certains portails ont également réussi à capter un nombre significatif de petites annonces immobilières, malgré une audience relativement limitée, en jouant notamment sur les prix pratiqués. C'est, par exemple, le cas de Superimmo, qui est gratuit pour les agences immobilières105, ou de Bien'ici, qui propose des prix considérés comme plus attractifs que ceux des principaux portails. Cette capacité des portails disposant d'une audience limitée à capter un volume d'annonces élevé est facilitée par la pratique de multidiffusion des agences immobilières. Cette multidiffusion diminue nécessairement les effets de réseau en permettant aux agents de publier leurs petites annonces, non pas uniquement sur le portail disposant de l'audience la plus élevée, mais également sur d'autres portails.

389. Côté internautes, si ces effets de réseau semblent bien exister dans la mesure où les internautes retirent nécessairement un intérêt plus élevé à visiter un portail proposant une offre plus exhaustive, la décision de consulter un portail dépendra surtout de sa notoriété, et donc des investissements réalisés pour attirer le visiteur.

390. En effet, il est possible d'observer un phénomène d'augmentation du nombre d'annonces ayant conduit à une hausse de l'audience à travers l'offre " P3 ". En 2010, Logic-Immo, Le Bon Coin et Top Annonces ont décidé de coupler leurs offres de petites annonces immobilières : ces annonces étaient publiées simultanément sur leur site respectif. Par le biais de cette offre unique, intitulée " P3 ", Logic-Immo et Le Bon Coin ont bénéficié d'une augmentation significative du nombre d'annonces. La partie notifiante reconnaît que " [c]e produit a permis au Bon Coin d'augmenter considérablement le nombre d'annonces diffusées sur son portail. On observe une croissance significative du volume d'annonces de professionnels publié sur Le Bon Coin, passé de 570 000 en octobre 2010 à plus d'un million en juillet 2014. " Par ailleurs, " comme pour Le Bon Coin, le nombre d'annonces publiées par Logic-Immo sur son portail a sensiblement augmenté au cours de P3 : entre début 2011 et mi-2014, le nombre d'annonces publiées sur le portail est passé de 600 000 à un million ". Or, parallèlement à cette hausse du nombre d'annonces, Le Bon Coin et Logic-Immo ont également bénéficié d'une augmentation de leur audience. La partie notifiante souligne ainsi que " [l]'évolution significative du nombre d'annonces publiées sur Le Bon Coin au cours de P3 lui a permis d'accroître l'audience de ses pages immobilières ", et que " [p]arallèlement à son volume d'annonces, l'audience de LogicImmo sur ordinateurs a également augmenté au cours de P3, passant de 1,2 million de visiteurs mensuels uniques début 2011 à 1,8 million de visiteurs mensuels uniques mi-2014 ".

391. Cependant, l'examen d'autres chocs externes ayant conduit à une baisse du nombre de petites annonces immobilières montre que les variations du nombre d'annonces ne sont pas le principal facteur explicatif des évolutions du choix de consultation des portails par les internautes.

392. Un choc externe exploitable est l'évolution de la stratégie tarifaire poursuivie par certains portails. Ainsi, un portail passant d'une offre gratuite à une offre payante (côté annonceurs) subit nécessairement une baisse du nombre de petites annonces au moment de cette transition. Un tel effet a par exemple été observé dans le cas de Bien'ici : après son passage à un modèle payant, le nombre d'annonces et l'audience de ce portail ont diminué. Cependant, la baisse de l'audience a été limitée par rapport à la baisse du nombre d'annonces : une baisse de 32 % du nombre de petites annonces immobilières entre septembre 2016 et décembre 2016 s'est traduite par une baisse de l'audience de 5 % sur la même période.

393. D'autres types de chocs ont également pu impacter le nombre de petites annonces publiées sur certains portails. Ainsi, le nombre de petites annonces publiées sur Logic-Immo a mécaniquement diminué avec l'arrêt de l'offre " P3 ", qui permettait la publication simultanée des annonces sur Le Bon Coin, Logic-Immo et Top Annonces. Les annonces publiées sur Logic-Immo ne bénéficiant plus de l'audience de Le Bon Coin, les agences immobilières ont été incitées à réduire leur nombre de petites annonces sur Logic-Immo. Le graphique ci-dessous montre la forte baisse du nombre de petites annonces subie par ce portail, après la fin de l'offre " P3 " (la commercialisation de l'offre " P3 " s'est terminée en décembre 2014, mais les contrats en cours n'ont pris fin qu'en décembre 2015) :

<GRAPHIQUE>

394. Pour autant, les évolutions de l'audience de Logic-Immo ne reflètent pas les évolutions du nombre de petites annonces diffusées. Ainsi, sur l'année 2016, l'audience de Logic-Immo a été similaire, voire supérieure, à celle observée en 2014, c'est-à-dire à une période où le volume de petites annonces était significativement supérieur grâce à l'offre " P3 ".

<GRAPHIQUE>

395. Il apparaît donc qu'une baisse du nombre de petites annonces immobilières de près de 30 % sur Logic-Immo n'a pas conduit à une baisse de l'audience de ce portail.

396. Par conséquent, si l'existence d'effets de réseau croisés sur la face aval n'est pas remise en cause, dans le sens où les visiteurs semblent avoir une préférence pour les portails proposant un nombre plus élevé d'annonces, l'ampleur de ces effets de réseau apparaît limitée : une évolution même forte du nombre d'annonces ne semble pas conduire à une évolution importante de l'audience.

397. L'ampleur des effets de réseau sur le marché des petites annonces immobilières en ligne est donc limitée, tant sur sa face amont (côté annonceurs) que sur sa face aval (coté internautes).

ii. L'impact des effets de réseau sur l'incitation de la nouvelle entité à augmenter ses prix

398. Les effets de réseau peuvent influer sur les conclusions de l'analyse en termes d'effets horizontaux de l'opération. En effet, une hausse du prix facturé par un portail aux agences immobilières peut conduire à une baisse du volume de petites annonces publiées sur ce portail. En présence d'effets de réseau croisés, cette baisse peut alors conduire à une baisse du nombre de visiteurs sur le portail concerné. Selon la partie notifiante, un tel effet conduirait à réduire l'incitation des parties à augmenter leurs prix puisque la hausse de prix se traduirait, non seulement par une baisse du nombre d'annonces, mais également par une baisse de l'audience. La nature biface du marché des petites annonces immobilières en ligne diminuerait donc l'incitation de la nouvelle entité à augmenter ses prix.

399. Au cas d'espèce, tel qu'exposé supra, les effets de réseau croisés du côté des internautes sont limités. En effet, dans l'hypothèse où une hausse de prix de l'une des parties à la suite de l'opération conduirait à une baisse du nombre de petites annonces sur son portail, l'audience du portail ne serait pas nécessairement modifiée substantiellement.

400. Par conséquent, les effets de réseau croisés sur le marché des petites annonces immobilières en ligne ne conduisent pas à limiter l'incitation de la nouvelle entité à augmenter ses prix.

4. LE RISQUE D'ÉVICTION DES CONCURRENTS SUR LE MARCHÉ DES PETITES ANNONCES IMMOBILIÈRES EN LIGNE

a) Le risque d'éviction des concurrents lié à un couplage

401. La partie notifiante a indiqué qu'elle projette d'offrir à ses clients des offres couplées. Il convient alors d'étudier le risque d'effet de type congloméral lié à cette stratégie.

402. L'Autorité analyse la possibilité d'effets de levier résultant d'une opération permettant à la nouvelle entité d'étendre ou de renforcer sa présence sur plusieurs marchés connexes. En règle générale, de tels effets sont analysés lorsqu'une opération de concentration étend ou renforce la présence d'une nouvelle entité sur plusieurs marchés distincts, mais qui sont considérés comme connexes (opérations de type congloméral)106.

403. L'Autorité a toutefois déjà étudié ce type d'effets dans une concentration regroupant des entreprises proposant des produits qui, sans être similaires, présentaient un degré de substituabilité suffisant pour être considérés comme appartenant à un seul et même marché200 (opération de type horizontal).

404. Ainsi, dans sa décision n° 10-DCC-11 relative à l'acquisition par le groupe TF1 des chaînes TMC et NT1, l'Autorité a considéré que la position dominante de TF1 sur le marché de la publicité télévisuelle, et plus particulièrement sur le segment des écrans puissants107, lui donnait la possibilité de faire jouer un effet de levier entre les ventes d'écrans publicitaires puissants sur TF1 et celles d'écrans non puissants des chaînes TMC et NT1 par des pratiques de couplage, voire d'exclusivité. Or, elle n'a pas conclu, dans le cadre de la délimitation des marchés pertinents, à l'existence de marchés distincts pour les écrans puissants et pour les écrans non puissants. Elle a considéré que : " les effets de levier, c'est-à-dire la possibilité pour une entreprise d'exploiter la forte position qu'elle détient sur un produit pour développer les ventes d'autres produits, sont effectivement essentiellement analysés par les autorités de la concurrence lorsqu'il s'agit de produits appartenant à des marchés différents et dans le cadre de concentrations conglomérales. Néanmoins, le même type d'effet peut également être constaté au sein d'un même marché, par exemple lorsqu'une entreprise est en mesure de s'appuyer sur la détention d'une marque incontournable pour développer les ventes d'autres marques au sein d'un même marché de produit. " (soulignement ajouté)

405. Pour démontrer l'existence d'effets de levier sur un marché unique de produits différenciés, l'Autorité a retenu un standard de preuve similaire à celui appliqué à l'analyse des effets congloméraux entre différents marchés connexes. Selon les lignes directrices de l'Autorité précitées, l'existence d'effets congloméraux suppose la réunion de trois conditions : l'entreprise doit être capable, à l'issue de l'opération, de verrouiller le marché (i), elle doit être incitée à le faire (ii) et le verrouillage doit avoir un effet significatif sur les marchés en cause (iii).

i. La capacité de la nouvelle entité à mettre en place une offre couplée

406. Comme indiqué supra, SeLoger est perçu comme un portail difficilement contournable, dans la mesure où aucun autre concurrent n'apporte, à ce jour, autant de contacts de qualité. Les éléments du dossier montrent notamment que SeLoger est utilisé par une proportion importante des agences immobilières en France.

407. En exploitant les données issues du logiciel de multidiffusion [confidentiel], il ressort que, sur 2 651 annonceurs, 2 046 ont publié des annonces sur SeLoger en juillet 2017, tandis que 605 n'ont pas publié d'annonces sur SeLoger le même mois (22,8 % des annonceurs). Les données issues de [confidentiel] ne renseignent, par définition, que sur le comportement des annonceurs utilisant le logiciel [confidentiel], qui ne sont pas nécessairement représentatifs de l'ensemble des agences immobilières. Par ailleurs, la partie notifiante précise que les réseaux de mandataires utilisent leurs logiciels internes et que 25 % des annonceurs entrent leurs annonces manuellement dans SeLoger. Ces résultats confirment néanmoins l'utilisation très répandue de SeLoger. Sur la base d'une étude Batibiz (mars 2017), il apparaît que seulement 34 % des annonceurs n'utiliseraient pas SeLoger. Cela correspond au taux de pénétration fourni par la partie notifiante : selon cette dernière, SeLoger a un taux de pénétration de 65,2 % en septembre 2017.

408. La position particulière de SeLoger sur le marché des petites annonces immobilières est également révélée par le comportement des annonceurs qui, malgré leur perception de hausses de prix significatives, n'ont pas quitté ce portail.

409. Par ailleurs, le couplage des offres de SeLoger et de Logic-Immo ne serait pas une première sur le marché français puisqu'entre 2009 et 2015 " P3 " permettait déjà aux annonceurs de publier leurs annonces sur les portails de Le Bon Coin, de Logic-Immo et de Top Annonces108.

410. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la nouvelle entité est donc capable de mettre en place une offre couplée. ii. L'incitation de la nouvelle entité à mettre en place une offre couplée

411. La partie notifiante proposera aux agences immobilières des offres couplées leur permettant de publier leurs annonces simultanément sur les portails SeLoger et Logic-Immo. En effet, elle a annoncé cette stratégie commerciale de couplage dans son dossier de notification, stratégie similaire à celle qu'elle a par ailleurs déjà mise en œuvre en Allemagne à la suite de l'acquisition d'Immowelt.

412. Axel Springer a mis en place une offre couplée, dénommée " Duo ", entre le portail d'Immowelt et celui d'Immonet, autre filiale d'Axel Springer, active sur les petites annonces immobilières en ligne. Cette offre a rencontré un franc-succès auprès des annonceurs : [confidentiel]. L'intérêt des annonceurs allemands pour une offre de couplage semble partagé par les annonceurs français : les deux-tiers des clients des parties ayant répondu au test de marché ont indiqué qu'ils seraient intéressés par une offre de couplage entre les portails de SeLoger et de Logic-Immo.

413. L'incitation à mettre en œuvre cette stratégie de couplage est donc établie.

414. Un couplage des offres de SeLoger et de Logic-Immo n'est pour autant problématique que s'il a un impact concurrentiel significatif sur le marché.

iii. L'impact concurrentiel d'un couplage des offres des parties

La position de la partie notifiante

415. La partie notifiante a proposé une estimation des effets de verrouillage pouvant être produits par une offre de couplage entre les portails SeLoger et Logic-Immo en considérant une offre de type " bundling mixte " : la publication des annonces simultanément sur SeLoger et sur LogicImmo serait proposée à un prix inférieur à la somme des prix de SeLoger et de Logic-Immo.

416. Cette étude estime que plusieurs effets sont susceptibles de diminuer l'impact du verrouillage :

- Le prix moyen d'une petite annonce étant sensiblement supérieur sur SeLoger par rapport à Logic-Immo, la nouvelle entité devra proposer une remise très substantielle pour inciter une agence immobilière à utiliser SeLoger en plus de Logic-Immo, ce qui ne serait pas rentable. Il n'existerait alors pas d'effet de levier substantiel de LogicImmo vers SeLoger.

- L'ensemble des petites annonces diffusées sur SeLoger qui ne sont pas déjà sur LogicImmo ne vont pas nécessairement être publiées sur Logic-Immo à la suite du couplage.

- Les petites annonces actuellement publiées sur les deux portails viendraient réduire les hausses de chiffre d'affaires potentielles liées au couplage. Dans l'hypothèse où ces annonces bénéficieraient d'une remise dans le cadre de l'offre couplée, cela conduirait même à une baisse du chiffre d'affaires des parties.

417. La hausse de chiffre d'affaires générée par l'offre couplée dépendrait donc de deux paramètres. Le premier paramètre est le " taux de conversion ", c'est-à-dire le pourcentage d'annonces publiées aujourd'hui sur SeLoger, et non sur Logic-Immo, qui seront publiées sur Logic-Immo à la suite du couplage. Le deuxième paramètre est le niveau de remise consenti. Toutes choses égales par ailleurs, plus le taux de conversion est élevé, plus le couplage se traduira par une hausse de chiffre d'affaires. De même, toutes choses égales par ailleurs, plus le taux de remise est faible, plus la hausse de chiffre d'affaires générée par le couplage sera élevée. La partie notifiante ne propose cependant pas de méthode d'estimation de ces deux paramètres. L'étude fournie permet seulement de montrer que le chiffre d'affaires créé par le couplage pour les parties (en millions d'euros) est donné par la formule suivante : (1-R)×A×34,1-R×20,3109.

418. Cette formule permet alors d'observer que la création de chiffre d'affaires théorique maximale sera atteinte pour une remise nulle et pour un taux de conversion de 100 %. Le chiffre d'affaires obtenu par le couplage serait estimé à [30-40] d'euros. En pratique, ce chiffre d'affaires diminuera dès que la remise sera positive ou que le taux de conversion sera inférieur à 100 %.

419. La partie notifiante relève, par exemple, qu'une remise de couplage de 30 % et un taux de transformation de 67 % conduiraient à une hausse du chiffre d'affaires des parties de [10-20] millions d'euros. Pour d'autres niveaux de remises ou de taux de conversion, le chiffre d'affaires généré par le couplage pourrait cependant être supérieur. Le graphique indique néanmoins que le couplage ne pourrait générer un chiffre d'affaires supplémentaire de [30-40] millions d'euros que si le taux de conversion est supérieur à 90 %, le taux de remise devant quant à lui être inférieur à 10 %. Or, selon la partie notifiante, il serait peu probable d'observer un taux de conversion élevé si le taux de remise reste faible. Les agences qui décident aujourd'hui de ne pas utiliser Logic-Immo en sus de SeLoger, mais un portail concurrent, révèleraient ainsi une préférence pour les portails concurrents (en termes de prix ou d'audience), de sorte que pour convaincre ces clients de ne plus publier sur leurs portails préférés, mais d'utiliser Logic-Immo, il serait nécessaire de leur attribuer des remises attractives.

420. La partie notifiante relève que le verrouillage conduisant à un gain de [10-20] millions d'euros serait le scénario le plus crédible. Selon la partie notifiante, le verrouillage concernerait alors moins de 5 % du chiffre d'affaires des concurrents. Même si une telle baisse n'était répartie que sur les portails des concurrents autres que Le Bon Coin et AVendreALouer, le verrouillage concernerait moins de 7 % du chiffre d'affaires des acteurs restants.

Appréciation au cas d'espèce

421. Les facteurs mis en avant par l'étude économique fournie par la partie notifiante, qui viennent limiter la hausse de chiffre d'affaires causée par le couplage, sont effectivement susceptibles d'exister en pratique.

422. En particulier, s'agissant de l'effet négatif des remises sur le chiffre d'affaires, les lignes directrices de l'Autorité notent en effet que " les remises destinées à favoriser les ventes groupées " engendrent un coût pour l'entreprise.

423. Cependant, les parties pourraient s'appuyer sur différents mécanismes pour réduire le coût de la remise de couplage.

424. Premièrement, la nouvelle entité serait en mesure de pratiquer des tarifs différenciés selon les zones du territoire. Elle pourrait alors réserver les offres couplées les plus incitatives, c'est-à- dire celles bénéficiant des niveaux de remise les plus élevés, aux zones pour lesquelles le nombre d'annonces communes entre SeLoger et Logic-Immo est le plus faible, de façon à limiter l'effet de " cannibalisation " de la remise. [Confidentiel].

425. Deuxièmement, s'il est vrai, que pour être incitative, l'offre de couplage proposée par la nouvelle entité devrait conduire à une remise sur l'offre couplée par rapport aux offres isolées, cette remise n'impliquerait pas nécessairement une baisse de prix par rapport à la situation contrefactuelle sans offre couplée. Ainsi, si la nouvelle entité met en œuvre des remises de couplage, elle pourrait accompagner cette remise de couplage d'une hausse de prix de l'offre SeLoger sur une base isolée (" stand alone "). La nouvelle entité pourrait ainsi créer une forte incitation pour les agences immobilières à adopter l'offre couplée, sans pour autant réaliser de pertes. Cette stratégie consisterait à " punir " les agences immobilières qui ne diffuseraient pas simultanément leurs petites annonces sur Logic-Immo et SeLoger par une hausse de prix de SeLoger plutôt que de " récompenser " les agents adoptant l'offre couplée. Une telle stratégie a été identifiée dans une récente étude de l'OCDE consacrée à la discrimination tarifaire110. Dans cette étude, l'OCDE relève que " Les remises groupées permettent aux vendeurs d'effectuer une discrimination par les prix et d'offrir aux acheteurs un prix plus intéressant à condition que ceux-ci achètent simultanément un autre produit. Comme les remises de fidélité, elles peuvent donc comporter une réduction de prix ou traduire la mise en place d'une tarification dissuasive, en fonction du prix contrefactuel. "111 Cet effet peut également être rapproché de l'analyse de la Commission européenne qui relève dans ses orientations sur les priorités retenues pour les pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes (§ 37) que " les rabais conditionnels peuvent produire ces effets [d'éviction] sans entraîner nécessairement de sacrifice pour l'entreprise dominante. [...] À cet égard, l'appréciation des rabais conditionnels s'écarte de celle de la prédation, qui suppose toujours un sacrifice. " Une telle hausse de prix de l'offre SeLoger pour les clients n'adoptant pas Logic-Immo pourrait cependant être coûteuse pour la nouvelle entité si certains agents présentaient une réticence forte à l'adoption de Logic-Immo. En effet, des agences qui ne souhaitent pas publier leurs petites annonces sur Logic-Immo pourraient être conduites à quitter SeLoger du fait de la hausse de prix que leur appliquerait SeLoger.

426. En conclusion, si l'étude économique de la partie notifiante met en avant des mécanismes crédibles venant réduire l'impact d'une stratégie de couplage, elle ne permet cependant pas de quantifier le verrouillage puisqu'elle ne propose d'estimation ni du taux de conversion, ni du taux de remise. Il est par ailleurs possible que l'étude surestime la baisse de chiffre d'affaires des parties causée par les remises. D'un autre côté, l'analyse de la partie notifiante peut surestimer l'impact du verrouillage sur les concurrents car elle ne tient pas compte du fait que SeLoger ne sera pas nécessairement incontournable pour l'ensemble des agences immobilières, ni du fait que certaines agences immobilières ne souhaitent utiliser qu'un seul portail (SeLoger) pour la publication de leurs petites annonces.

427. En raison de ces limites, une autre approche a été privilégiée par l'Autorité. En tout état de cause, quelle que soit la méthodologie retenue, les conclusions sont inchangées.

Les estimations des services d'instruction

• Principes retenus pour l'estimation de l'ampleur du verrouillage

428. Il est difficile d'apprécier précisément l'impact du couplage mis en œuvre par la nouvelle entité à la suite de l'opération dans la mesure où la forme exacte que prendra ce couplage est, à ce jour, inconnue. En se fondant sur les expériences des parties en France (offre " P3 ", commercialisée par Concept Multimedia) et à l'étranger (offre " Duo " d'Immowelt/Immonet en Allemagne), la modalité de couplage la plus probable consisterait en une offre de " bundling mixte ", soit le type de couplage également envisagé par l'étude fournie par la partie notifiante (voir supra). La publication des annonces simultanément sur SeLoger et sur Logic-Immo serait donc proposée à un prix inférieur à la somme des prix actuels de SeLoger et de Logic-Immo.

429. Cette offre couplée devrait conduire à une hausse du volume d'annonces, et du chiffre d'affaires, de la nouvelle entité. Ainsi, en Allemagne, avec l'offre Duo, la nouvelle entité Immowelt/Immonet a bénéficié d'une hausse de [30-40] % de son panier moyen entre janvier 2015 et octobre 2016.

430. Certains mécanismes à l'origine d'une hausse de chiffre d'affaires liée à un couplage peuvent être pro-concurrentiels, tandis que d'autres peuvent être anticoncurrentiels. L'effet pro-concurrentiel peut résulter de l'attractivité de la nouvelle offre en termes de visibilité et de prix conduisant les clients à la favoriser (le succès de l'offre couplée serait le reflet d'une plus grande efficacité de la nouvelle entité par rapport à ses concurrents). L'effet anticoncurrentiel peut résulter de la mise en œuvre par la nouvelle entité d'un effet de levier consistant à s'appuyer sur le pouvoir de marché de l'une des parties pour développer les volumes de l'autre partie et ainsi évincer ses concurrents. L'estimation de l'impact du couplage réalisée par les services d'instruction se concentre sur la dimension anticoncurrentielle dans la mesure où la partie notifiante n'a pas estimé les gains d'efficacité de l'opération112.

431. Les services d'instruction ont cherché à identifier les volumes de petites annonces immobilières que les parties pourraient verrouiller, en s'appuyant sur le pouvoir de marché d'un portail pour développer les volumes de l'autre portail.

432. Comme l'indiquent les lignes directrices en matière de concentrations de la Commission européenne (§ 99) et de l'Autorité (§ 484), le pouvoir de marché ne provient pas nécessairement d'une position dominante, il peut également résulter de la possession par une entreprise de produits, ou de marques, considérés par les clients comme importants, voire incontournables, et pour lesquels il n'existe pas de substitut crédible ou suffisant.

433. Il ressort de l'instruction que SeLoger est en mesure de détenir un produit ou une marque difficilement contournable, contrairement à Logic-Immo.

434. Certes, dans plusieurs zones du territoire, la position de Logic-Immo est plus forte qu'au niveau national. Cependant, les parts de marché en valeur de Logic-Immo au niveau régional sont toujours inférieures à 20 % et, dans toutes ces régions, il existe des substituts crédibles ou suffisants à ce portail, de sorte que les critères établis pour la mise en œuvre d'effets congloméraux ne sont pas remplis. Enfin, si Logic-Immo devait disposer sur certaines zones locales plus restreintes d'une position incontournable, les volumes d'annonces de Logic-Immo sur quelques zones peu étendues seraient nécessairement limités, de sorte que les volumes verrouillés ne seraient que faiblement impactés113.

435. Par conséquent, seul l'effet de levier de SeLoger vers Logic-Immo doit être analysé (i.e. la nouvelle entité inciterait, par sa stratégie de couplage, les annonceurs qui diffusent leurs petites annonces sur SeLoger à utiliser également Logic-Immo).

436. Les lignes directrices de la Commission européenne sur l'appréciation des concentrations non horizontales relèvent que " c'est seulement lorsqu'une partie suffisante de la production du marché est affectée par le verrouillage résultant de l'opération de concentration que celle-ci peut entraver de manière significative la concurrence effective114 ". Afin de déterminer l'ampleur du verrouillage, il est nécessaire de quantifier le nombre d'annonces et le chiffre d'affaires susceptibles d'être verrouillés. Ensuite, l'impact du couplage sur les concurrents sera analysé dans une approche statique, puis dynamique.

• La quantification du nombre d'annonces et du chiffre d'affaires susceptibles d'être verrouillés

437. L'estimation de l'impact du couplage tient tout d'abord compte du fait que SeLoger ne dispose pas nécessairement d'une position incontournable vis-à-vis de l'ensemble des agences. Ainsi, SeLoger ne sera pas incontournable dans les zones du territoire pour lesquelles la puissance de SeLoger est plus limitée. Pour identifier ces zones, deux méthodes alternatives ont été utilisées. La première consiste à identifier les zones sur lesquelles SeLoger pratique les tarifs les plus faibles et à identifier le volume d'annonces de SeLoger dans ces zones. La seconde méthode consiste à estimer les volumes de SeLoger dans les départements pour lesquels ce portail ne se situe pas dans les deux premiers portails en nombre d'annonces115. L'estimation a également tenu compte du fait que SeLoger n'est pas nécessairement incontournable pour les agences qui n'utilisent pas encore Le Bon Coin. En effet, une agence qui est aujourd'hui cliente de SeLoger mais non de Le Bon Coin pourrait être en mesure de remplacer SeLoger par Le Bon Coin, qui fournit également des volumes d'audience importants. Cependant, certaines agences peuvent aujourd'hui choisir de ne pas utiliser Le Bon Coin car ce portail ne répond pas à leurs besoins. Pour ces agences, SeLoger pourra donc malgré tout être incontournable. Le questionnaire administré en ligne a permis d'identifier, parmi les agences qui utilisent SeLoger et qui n'utilisent pas Le Bon Coin, la proportion d'agences déclarant se reporter sur Le Bon Coin en cas de hausse de prix excessive de SeLoger. Pour ces agences n'utilisant pas Le Bon Coin et déclarant choisir de se reporter sur ce portail, SeLoger a été considérée comme n'étant pas incontournable.

438. Ces analyses ont permis d'identifier les agences vis-à-vis desquelles SeLoger disposerait d'une position incontournable et pourrait donc imposer l'utilisation de Logic-Immo. Cependant, même pour ces agences, le couplage ne conduira pas nécessairement à un impact anticoncurrentiel. Tout d'abord, le couplage n'aura pas d'impact anticoncurrentiel pour les annonces qui sont déjà publiées à la fois sur SeLoger et sur Logic-Immo. Le couplage n'aura pas non plus d'effet anticoncurrentiel pour les agences qui n'utilisent pas d'autres portails que SeLoger puisque le couplage ne conduira pas, par définition, ces agences à diminuer leurs dépenses auprès des portails concurrents116.

439. Ces analyses permettent alors d'identifier un nombre d'annonces publiées par des agences pour lesquelles SeLoger dispose d'une position incontournable et pour lesquelles le couplage conduira à une hausse de chiffre d'affaires de Logic-Immo et à une baisse du chiffre d'affaires de ses concurrents. Le chiffre d'affaires généré pour Logic-Immo grâce au couplage peut alors être estimé en appliquant au nombre d'annonces identifié le prix moyen par annonce de LogicImmo. En fonction de ces calculs, les services d'instruction ont estimé que la hausse de chiffre d'affaires maximale générée par le couplage pour Logic-Immo à la suite de la mise en œuvre d'un effet de levier serait de [10-20] millions d'euros environ. Cette estimation est supérieure à celle envisagée par l'étude fournie par la partie notifiante ([10-20] millions d'euros) et à celle qui figure dans un document interne de la partie notifiante ([0-10] millions d'euros).

• L'impact du couplage sur les concurrents (approche statique)

440. Les agences immobilières déterminent généralement un budget de communication et allouent ensuite leurs dépenses entre les différents portails. Dans ce cadre, une hausse de budget alloué à Logic-Immo pourrait donc conduire à une baisse équivalente du budget alloué aux autres portails.

441. Comme indiqué supra, les concurrents des parties représentent [45-50] % de la valeur du marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels, qui a été estimé à [290- 300] millions d'euros en 2016. La perte de chiffre d'affaires des concurrents serait donc de :

- [0-10] % selon la borne maximale de verrouillage estimée par les services d'instruction ;

- [0-10] % selon l'étude économique fournie par la partie notifiante ;

- [0-10] % selon l'estimation des synergies de l'opération par SeLoger.

442. Cette analyse considère toutefois que chaque concurrent est impacté, de façon identique, par le couplage. Or, l'effet du couplage sera probablement plus important pour certains portails.

443. Ainsi, Le Bon Coin ne devrait pas subir de perte de chiffre d'affaires du fait du couplage envisagé par la nouvelle entité, dans la mesure où il est également perçu comme un acteur incontournable par de nombreuses agences immobilières (voir supra). La partie notifiante indique par ailleurs que 72 % de l'audience de Le Bon Coin ne consulte ni SeLoger, ni LogicImmo. Si une agence immobilière arrête de publier ses petites annonces sur Le Bon Coin, elle perdra donc une audience qu'elle ne pourra pas retrouver sur SeLoger et Logic-Immo. Il serait donc possible que les effets du verrouillage se concentrent sur les concurrents des parties à l'exception de Le Bon Coin. De plus, l'acquisition d'AVendreALouer par Le Bon Coin peut également protéger ce portail des effets anticoncurrentiels du couplage envisagé, dans la mesure où il pourrait notamment mettre en place un tel couplage. L'impact sur les concurrents restants pourrait alors être plus élevé puisque le chiffre d'affaires verrouillé représenterait une proportion plus importante du chiffre d'affaires de ces opérateurs.

444. En considérant que la stratégie de couplage des offres de la nouvelle entité n'aura pas d'effet sur le groupe Le Bon Coin, la perte de chiffre d'affaires des portails concurrents serait de :

- [10-20] % selon la borne maximale de verrouillage estimée par les services d'instruction ;

- [10-20] % selon l'estimation de l'étude économique fournie par la partie notifiante ;

- [0-10] % selon l'estimation des synergies de l'opération par SeLoger.

445. Selon les lignes directrices de la Commission européenne précitées, " les ventes groupées ou liées peuvent déboucher sur une réduction importante des perspectives de vente pour les concurrents produisant un seul composant sur le marché. La réduction des ventes des concurrents ne constitue pas en soi un problème. Dans certains secteurs, toutefois, si cette réduction atteint un certain niveau, elle peut entraîner une diminution de la capacité ou de la motivation des entreprises rivales à faire face à la concurrence. 117 " (soulignement ajouté)

446. Pour apprécier plus finement l'effet de ce couplage sur la concurrence, il est possible d'identifier les concurrents de la nouvelle entité qui seront les plus affectés par le couplage des offres des parties. En particulier, les portails qui ont un grand nombre d'annonces communes avec SeLoger sont susceptibles d'être plus affectés par le couplage. En effet, si l'offre couplée conduit un annonceur à publier l'annonce qu'il publiait chez SeLoger avant l'opération également chez Logic-Immo après l'opération, cela pourrait conduire l'annonceur à supprimer cette même annonce sur un portail concurrent où elle était déjà publiée. Les pourcentages d'annonces communes de chaque portail concurrent avec SeLoger sont les suivants :

<TABLEAU>

447. Il en résulte que des portails comme Paru Vendu et Annonces Jaunes sont les plus exposés à une stratégie de couplage. Toutefois, ces deux portails ont une activité plus large que les petites annonces immobilières en ligne de professionnels, ce qui est de nature à limiter le risque qu'ils disparaissent du marché.

448. En effet, de façon à apprécier si la baisse de chiffre d'affaires des concurrents est susceptible de conduire à leur éviction d'un marché, le montant de perte de chiffre d'affaires résultant du verrouillage doit être apprécié au regard de leur activité globale.

449. Or, de nombreux concurrents des parties n'ont pas une activité restreinte au marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels. Plusieurs portails proposent également des petites annonces immobilières de particuliers, voire des petites annonces non immobilières.

450. Dans ce cadre, une proportion importante des coûts des portails pourrait être mutualisée entre leurs différentes activités (notamment en ce qui concerne une partie des coûts de développement informatique). Ces portails n'auront alors probablement pas intérêt à sortir du marché des petites annonces immobilières de professionnels en cas de diminution du volume de petites annonces. En effet, si ces portails restent actifs sur leurs autres marchés, la sortie du marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels ne sera rentable que si le revenu dégagé par ces petites annonces devient, en raison du couplage, inférieur au coût incrémental de l'activité. Or, ce coût incrémental peut être faible étant donné l'ampleur des coûts communs avec les autres activités de ces portails.

451. Ainsi, Figaro Classified118, qui contrôle le portail Explorimmo, réalise une grande partie de son chiffre d'affaires sur d'autres marchés que celui des petites annonces immobilières, tels que les marchés liés aux offres d'emploi (Cadremploi, Keljob), aux réseaux professionnels (Viadeo) et à la presse écrite (LeFigaro). AnnoncesJaunes appartient au groupe Solocal dont l'activité relève principalement d'autres marchés que celui des petites annonces immobilières (Solocal possède par exemple les sites PagesJaunes et Mappy). Paru Vendu est détenu par le groupe Digital Virgo Media et se présente comme le deuxième site de petites annonces en France avec une présence sur les catégories " Auto, emploi, animaux, bonnes affaires ".

452. Enfin, la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence du groupe Le Bon Coin. Or, comme le relèvent les lignes directrices de la Commission européenne, " S'il reste des acteurs monoproducteurs effectivement présents sur l'un ou l'autre marché, il est peu probable que la concurrence se détériore à la suite d'une concentration conglomérale. Il en va de même lorsqu'il ne subsiste que peu de concurrents monoproducteurs, mais que ces derniers ont la capacité et la motivation à développer leur production. " En l'espèce, même si Le Bon Coin n'est pas un concurrent monoproducteur, dans la mesure où il est actif sur d'autres marchés que celui des petites annonces immobilières, sa présence sur ce marché est susceptible de contrebalancer l'impact anticoncurrentiel d'un couplage mis en œuvre par la nouvelle entité.

453. Dès lors, en tenant compte des particularités des opérateurs du marché étudié, le couplage n'est pas susceptible de conduire à l'éviction de nombreux concurrents sur le marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels dans une approche statique.

• L'impact du couplage sur les concurrents (approche dynamique)

454. L'approche " statique " des effets de couplage ne tient pas compte de l'impact des effets de réseau. Or, il est nécessaire d'étudier dans quelle mesure une baisse du volume d'annonces des concurrents, en raison du couplage envisagé, serait susceptible d'entraîner une baisse de leur audience aggravant en retour leur baisse de volume. Cet effet de spirale négative n'a d'ailleurs pas été exclu par la partie notifiante, selon laquelle la chute massive de l'audience entraînerait une baisse du nombre d'annonces publiées, ce qui conduirait à réduire encore l'audience et ainsi de suite.

455. Pour déterminer si un tel effet de spirale négative peut réellement se mettre en place, il convient d'étudier les caractéristiques et les évolutions récentes du marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels. Les caractéristiques du marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels

456. L'effet de spirale négative est tout d'abord limité par la faiblesse des effets de réseau croisés sur la face de l'audience et par la différenciation existante entre les opérateurs.

457. En effet, comme indiqué supra, une baisse du nombre d'annonces ne conduit généralement pas à une baisse de l'audience, principalement en raison de la multi-consultation des internautes. Cette faiblesse des effets de réseau croisés sur la face aval empêcherait donc l'effet de spirale négative.

458. De plus, si les portails présentent un degré de différenciation important, des internautes pourraient continuer à consulter un portail correspondant mieux à leur préférence, même s'il dispose d'un nombre de petites annonces inférieur à celui de ses concurrents.

459. Or, des possibilités de différenciation existent sur le marché des petites annonces immobilières en ligne.

460. Des portails se différencient par les caractéristiques des biens dont ils diffusent les annonces. À ce titre, des portails se spécialisent dans la diffusion d'espaces d'annonces pour un certain type de bien uniquement (bien neuf, bien de prestige, bien professionnel).

461. D'autres portails se différencient par les services qu'ils proposent ; par exemple, Meilleurs Agents cible davantage les propriétaires de biens à vendre ou à louer que les acquéreurs ou locataires potentiels, en leur proposant d'accéder à des informations sur le marché immobilier.

Les évolutions du marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels

462. Il est également possible d'examiner l'existence d'un effet de spirale à partir de l'étude de l'évolution des positions des acteurs sur le marché. Des effets de spirale devraient en effet conduire à une amélioration de la position des principaux portails et, concomitamment, à une dégradation de la position des plus petits. 78

463. Selon l'étude Xerfi portant sur les nouveaux enjeux numériques dans la distribution immobilière, " les effets de réseaux dans le secteur des sites d'annonces immobilières ont conduit à une polarisation de l'audience autour de 2 à 3 sites. [...] L'évolution des positions des sites d'annonces immobilières par rapport au leader en termes d'audience montre un renforcement du poids du leader par rapport à ses poursuivants. Le numéro deux ne représente en effet en 2016 que la moitié de l'audience sur ordinateur du leader, contre 59 % en 2011 ".119 Le tableau ci-après illustre cette polarisation.

<TABLEAU>

464. Cependant, la baisse de l'audience des portails concurrents par rapport au portail leader sur ce critère provient essentiellement de la hausse d'audience de ce dernier, Le Bon Coin, sans que les portails concurrents aient nécessairement connu une baisse d'audience en valeur absolue. Ainsi l'audience d'Explorimmo est restée relativement constante, et a même augmenté entre le 1er janvier 2014 et le 1er janvier 2017. C'est également le cas des audiences d'AVendreALouer et de Paru Vendu. Un nouveau portail comme Bien'ici a également réussi à acquérir une audience significative sur cette période, avec près de 900 000 visiteurs uniques en janvier 2017.

465. Par ailleurs, l'évolution des volumes d'annonces ne fait pas apparaître d'érosion généralisée des plus petits portails : Acheter Louer, AVendreALouer, Explorimmo ou Paru Vendu n'ont pas connu une baisse de leur nombre d'annonces entre 2013 et 2016.

466. Certes, un document interne de SeLoger indique qu'entre 2012 et 2016, les acteurs du marché hors Le Bon Coin, SeLoger et Logic-Immo auraient connu une baisse de leur part de marché qui serait passée de 40 % à 31 %. Toutefois, cette baisse de part de marché s'est accompagnée d'un accroissement de la taille du marché. Le chiffre d'affaires des concurrents est donc resté relativement constant sur cette période (avec une baisse de moins de 2 %).

467. Les évolutions passées du marché ne laissent donc pas apparaître l'existence d'un phénomène de spirale.

468. L'examen des caractéristiques et des évolutions observées du marché des petites annonces immobilières ne permet donc pas de démontrer qu'un couplage mis en œuvre par la nouvelle entité serait en mesure d'entraîner, à court ou moyen termes, un effet de spirale négative de nature à évincer ses concurrents.

Conclusion sur l'impact concurrentiel d'un couplage des offres des parties

469. Le couplage susceptible d'être mis en œuvre par la nouvelle entité ne sera pas en mesure de conduire à l'élimination de ses principaux concurrents. Dans le cas où les effets du verrouillage seraient centrés sur les petits concurrents des parties, l'impact sur ces concurrents resterait toujours d'une ampleur limitée, y compris en tenant compte des effets de réseau croisés. L'impact anticoncurrentiel du verrouillage serait par ailleurs limité par le maintien de la pression concurrentielle exercée en particulier par Le Bon Coin qui serait suffisante pour contrebalancer le pouvoir de marché de la nouvelle entité.

b) Le risque d'éviction des concurrents lié à l'acquisition de données

470. L'instruction, notamment les contributions de plusieurs tiers, conduit à approfondir la question de l'acquisition des données détenues par Logic-Immo, qui apparaît comme particulièrement importante. Bien'ici indique notamment que " L'opération permet [...] l'acquisition d'un volume de données extrêmement important, qui revêt donc une grande valeur. Il s'agit peutêtre du plus grand danger et du plus grand intérêt du rachat de Logic-Immo. " La FNAIM considère quant à elle que " La politique contractuelle de SeLoger est déjà axée sur la récupération de données concernant les biens. II faut donc se poser la question de la récupération de données concernant cette opération. "

471. La récupération et l'exploitation des données, aussi bien des internautes que des annonceurs immobiliers, apparaissent en effet essentielles au développement de nouveaux services. SeLoger reconnaît d'ailleurs le rôle stratégique de ces données : " Les nouveaux services ont vocation à utiliser la data pour être plus performants. " Par exemple, en récupérant des données auprès des utilisateurs (internautes), SeLoger propose aux annonceurs notamment les services Contacts enrichis et Veille marché. Pour mémoire, le service " Contacts enrichis " permet à un annonceur de recevoir les coordonnées des internautes recherchant un bien et désirant entrer en relation avec un professionnel de l'immobilier ; le service " Veille marché " permet à un annonceur de bénéficier de statistiques de diffusion et de consultation d'annonces sur une ou plusieurs zones géographiques. En récupérant des données auprès des professionnels immobiliers, SeLoger leur propose d'autres services : le service " Avis de valeur " permet ainsi à l'annonceur d'avoir accès à un ensemble de données nécessaires pour fournir à un client vendeur une estimation de la valeur de son bien. Enfin, offrir aux internautes des services innovants comme la cartographie et la géolocalisation, qui apparaissent comme des outils stratégiques de différenciation, suppose de recueillir des données précises fournies par les agences immobilières. Selon SeLoger et Logic-Immo, c'est grâce à ces informations détaillées que Bien'ici a pu rapidement développer ces deux types de services. Ainsi les portails, et notamment SeLoger, demandent aux agences immobilières de leur communiquer un volume croissant de données et développent fortement les services fondés sur l'utilisation de celles-ci.

472. Pour SeLoger, les données sont ainsi une " priorité stratégique " et constituent " l'élément de différenciation de demain ".

473. Deux tiers ont mis en avant l'avantage dont dispose actuellement SeLoger en matière de données, notamment du fait de sa part de marché et de la politique délibérée qu'il met en œuvre vis-à-vis des annonceurs pour obtenir davantage de données de leur part. Certains annonceurs estiment d'ailleurs être contraints de transmettre leurs informations à SeLoger. Par exemple, Laforêt fait part " de nouvelles contraintes, notamment en termes de data ". D'autres clients ont mis fin à leur partenariat pour ne pas avoir à communiquer ces données à SeLoger. Tel est notamment le cas de Century 21 qui a estimé que : " Ce système de contrat a été jugé alors inacceptable par Century 21 France car SeLoger exigeait le statut de partenaire officiel et imposait à Century 21 d'être une sorte de " porte-parole " interne de SeLoger, d'ouvrir les portes des agences et du siège à SeLoger, ainsi que la transmission d'informations relatives aux biens vendus et à leur adresse et ce sans garantie de leur exploitation. Century 21 France a refusé de signer ce contrat notamment en raison du déséquilibre qu'il entraînait. " La FNAIM a adopté la même approche : " Face à l'évolution de la gouvernance de SeLoger, l'évolution tarifaire et l'exigence de toujours posséder plus de data, nous avons mis fin à ce partenariat. "

474. Ainsi, SeLoger a déjà la capacité d'obtenir de nombreuses données de la part tant des agences immobilières que des internautes. Cet avantage pourrait être renforcé avec l'acquisition de Logic-Immo, et ce d'autant plus que cette société possède la société Rodacom, qui propose aux professionnels de l'immobilier des services de multidiffusion notamment120. En effet, la récupération de données auprès des annonceurs apparaît d'autant plus aisée qu'un portail dispose d'un logiciel de multidiffusion. Laforêt estime également que l'opération entraînera " une très forte pression sur la data, avec beaucoup d'informations à fournir pour diffuser ". Enfin, selon un tiers, " par une audience cumulée, la nouvelle entité consolidera des datas qu'aucun autre opérateur n'aura. Elle sera sans doute en mesure de proposer de nouveaux produits, mais à quel prix ? "

475. Dès lors, il existerait un risque que la nouvelle entité détienne davantage de données sur les internautes et en provenance des annonceurs immobiliers, lui permettant de développer des nouveaux services qui ne seraient pas réplicables par les portails concurrents.

476. Cependant, l'Autorité constate que les portails concurrents conserveront toujours la possibilité d'avoir accès aux mêmes données que la nouvelle entité en l'absence de pratiques d'exclusivité sur ces marchés. Par exemple, au regard de la composition de son actionnariat, Bien'ici pourrait largement bénéficier de données en provenance des annonceurs immobiliers. De son côté, Le Bon Coin, premier portail en termes d'audience, dispose facilement de données sur les internautes. Les craintes exprimées ci-dessus paraissent donc insuffisamment étayées.

477. Par conséquent, le risque d'une captation anticoncurrentielle des données des agences immobilières et des internautes, au bénéfice de la nouvelle entité, ne peut être établi de manière suffisamment certaine.

5. LES EFFETS COORDONNÉS SUR LE MARCHÉ DES PETITES ANNONCES IMMOBILIÈRES EN LIGNE

478. Conformément à la jurisprudence européenne et nationale121 et à la pratique décisionnelle des autorités nationales de concurrence122, une opération peut modifier la nature de la concurrence sur le marché de sorte que les entreprises qui, jusque-là, ne coordonnaient pas leur comportement concurrentiels, soient incités à le faire ou, si elles coordonnaient déjà leurs comportements, puissent le faire plus facilement. De tels effets sont rendus possibles lorsque, sur un marché fortement concentré, une concentration a comme résultat que, conscient des intérêts communs, chaque membre de l'oligopole concerné considère possible et économiquement rationnel d'adopter durablement une même ligne d'action dans le but de vendre ses services ou ses produits à des prix supra-concurrentiels, sans devoir procéder à la conclusion d'un accord, ou recourir à une pratique concertée, et ce, sans que les concurrents actuels ou potentiels, ou encore les clients, puissent réagir de manière effective.

479. La coordination est plus probable sur des marchés où il est relativement simple de parvenir à une compréhension mutuelle de leurs modalités d'exercice.

480. Outre la compréhension mutuelle du modèle de coordination, trois conditions cumulatives doivent être réunies pour caractériser l'existence d'une position dominante collective sur un marché : (i) un degré suffisant de transparence du marché permettant à chaque oligopoleur de connaître le comportement de chacun des autres membres, afin de s'assurer qu'aucun ne s'en écarte (condition de détection) ; (ii) une pérennisation de la coordination en raison d'une menace de représailles incitant chaque oligopoleur à ne pas s'écarter de la ligne de conduite commune (condition de dissuasion) ; et (iii) une absence de remise en cause efficace de la coordination par des concurrents actuels et potentiels et par les consommateurs (condition de non-contestation).

481. Durant l'instruction, plusieurs acteurs du marché ont manifesté des craintes face à la constitution ou au renforcement d'un duopole SeLoger / Le Bon Coin sur le marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels. Pour Foncia, " on est coincé entre ces deux principaux acteurs [SeLoger et Le Bon Coin] qui sont incontournables ". Selon Laforêt, " ces deux portails sont devenus deux marques dominantes ". Le Bon Coin lui-même affirme : " Les internautes ont des réflexes. SeLoger et LeBonCoin sont des réflexes. "

482. Au cas d'espèce, il convient donc de vérifier si l'opération est de nature à créer, ou à favoriser, des comportements coordonnés entre la nouvelle entité et le groupe Le Bon Coin.

483. Les conditions présentées supra étant cumulatives, si l'une d'entre elles n'est pas remplie, tout risque d'effets coordonnés peut être écarté.

484. En l'espèce, la condition de détection n'est pas remplie. Les éléments d'analyse développés infra sont valables aussi bien au niveau national qu'au niveau local.

485. Comme indiqué supra, la part de marché de la nouvelle entité est estimée à [50-60] % en valeur, contre [20-30] % pour le groupe Le Bon Coin. Mais cet écart de part de marché devient mineur lorsque l'analyse est menée en termes d'audience. Selon ce critère, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [30-40] %, contre [30-40] % pour le groupe Le Bon Coin.

486. À l'issue de l'opération, il pourrait donc exister une certaine symétrie des parts de marché entre les deux principaux acteurs du marché en audience. Certes, de nombreux autres concurrents existent, mais leurs parts de marché seraient marginales (inférieures à [0-10] %). Cette symétrie dans les parts de marché en audience pourrait refléter une certaine similarité entre le groupe Le Bon Coin et la nouvelle entité, similarité qui faciliterait la coordination de leurs comportements.

487. Toutefois, il subsiste d'importantes différences dans les positionnements de ces deux portails qui ne seront pas en mesure de parvenir à une appréciation commune des modalités de fonctionnement d'une coordination anticoncurrentielle.

488. La nouvelle entité s'adressera ainsi quasi-exclusivement à des annonceurs professionnels, alors que le groupe Le Bon Coin s'adressera également à des annonceurs particuliers. En effet, LogicImmo est exclusivement réservé aux annonceurs immobiliers professionnels, ce qui était le cas de SeLoger jusqu'à récemment. Depuis 2016, ce portail accepte de diffuser les annonces immobilières de particuliers sur le sous-portail " Louervite ", mais il s'agit d'annonces de location. Le nombre d'annonces de particuliers reste donc marginal sur les portails de SeLoger. De son côté, Le Bon Coin est un portail mixte, diffusant simultanément des annonces immobilières de particuliers et des annonces de professionnels.

489. Du point de vue de l'offre commerciale, la nouvelle entité et Le Bon Coin se différencient, notamment en termes de produits et services.

490. SeLoger commercialise trois types de " packs ", qui comprennent des espaces d'annonces et des produits supplémentaires de visibilité. Logic-Immo commercialise également des " packs ", avec la possibilité de souscrire à des options supplémentaires. À l'inverse, Le Bon Coin et AVendreALouer commercialisent de façon distincte les espaces d'annonces et les services supplémentaires de visibilité. Aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la nouvelle acquisition par Le Bon Coin aura une incidence sur la forme de son offre commerciale.

491. Par ailleurs, la nature des services supplémentaires de visibilité proposés par les parties et Le Bon Coin varie. Les principaux services commercialisés par Le Bon Coin sont " basiques " (à savoir la remontée de liste et l'insertion du logo " urgent ") si on les compare aux services commercialisés par SeLoger et Logic-Immo, qui sont plus sophistiqués (" Contacts enrichis " et " Boost Alerte " pour SeLoger et plusieurs produits d'audience pour Logic-Immo). Certes, l'acquisition d'AVendreALouer pourrait se traduire par le développement de nouveaux services, mais à ce stade il n'est pas possible d'anticiper leur forme.

492. La différenciation des portails est également visible du côté des profils et des motivations des visiteurs. La notification relève à cet égard une moindre audience de Le Bon Coin en Île-deFrance par comparaison à celle de SeLoger et de Logic-Immo, et plus généralement une surreprésentation des catégories socio-professionnelles moins aisées et une sous-représentation des 50-64 ans.

493. Enfin, l'audience de Le Bon Coin est d'une moins bonne qualité que celles de SeLoger et de Logic-Immo. Du fait de son caractère généraliste, le portail Le Bon Coin attire une audience massive dont une part est constituée d'internautes qui ne seraient pas réellement à la recherche d'un bien immobilier. Pour illustrer ce phénomène, Logic-Immo fait la distinction entre les chercheurs actifs et les chercheurs passifs : " Quand un acheteur se connecte à Logic-Immo, il est volontaire, dans une recherche active. Il va créer des alertes e-mails. Sur Le Bon Coin, il se connecte par une entrée locale, celle de sa ville. Il y a beaucoup d'annonces, classées par ordre de publication. Le contenu du site change beaucoup : cela peut aller d'une poussette, à une voiture en passant par un bien immobilier. Du fait de l'audience du site, cela génère des contacts mais de personnes qui ne sont pas forcément dans une recherche active. La démarche est différente de celle des internautes qui vont sur des sites spécialisés car ils sont en recherche active. "

494. Concernant la transparence des prix, la question se pose dans la mesure où certains prix de publication des annonces immobilières en ligne sont publics.

495. La partie notifiante a ainsi fourni un tableau des prix TTC des produits de visibilité proposés par Le Bon Coin aux annonceurs professionnels et particuliers.

496. L'existence de grilles tarifaires publiques, ainsi que l'évolution des tarifs de Le Bon Coin, dont les prix restent inférieurs à ceux de SeLoger, pourraient favoriser une transparence du marché.

497. Cependant, les grilles tarifaires publiques des portails ne sont appliquées qu'à une certaine catégorie de clients, l'usage dans le secteur consistant plutôt à différencier les tarifs, en fonction de négociations de gré-à-gré, lesquelles sont susceptibles de conduire à des taux de remises significatifs. De plus, selon Le Bon Coin, la hausse de ses tarifs, mentionnée par plusieurs tiers, reflète son efficacité accrue, et ne serait donc pas une réponse aux " augmentations de prix " de SeLoger. Ce point de vue est notamment partagé par Arthurimmo, qui justifie la hausse des tarifs de Le Bon Coin en raison de sa hausse d'audience.

498. Pour autant, selon Le Bon Coin, les remontées des agences immobilières permettraient d'estimer les tarifs pratiqués par les principaux portails : " On arrive plutôt facilement à suivre les évolutions tarifaires de nos concurrents. Nous demandons directement au client sur quel(s) support(s) ils diffusent, puis en fonction de leur réponse, nous calculons le reste. " La partie notifiante admet également que les remontées des clients permettent d'avoir des informations sur les conditions commerciales des portails concurrents, mais ces informations ne sont que ponctuelles et disparates.

499. La partie notifiante indique que SeLoger a accordé des remises significatives à ses clients, atteignant en moyenne [confidentiel]. Dans la mesure où les tarifs diffèrent selon [confidentiel] et selon les zones géographiques (voir supra), la connaissance des niveaux réels des prix pratiqués par SeLoger par Le Bon Coin n'est pas établie.

500. Enfin, l'autorité de concurrence britannique a récemment exclu l'existence d'effets cordonnées compte tenu notamment de l'absence de transparence des prix sur le marché des petites annonces immobilières en ligne123.

501. Compte tenu de ce qui précède, la condition de transparence du marché n'est pas remplie et, par conséquent, le risque de création, ou de renforcement, d'une position dominante collective de la nouvelle entité et du groupe Le Bon Coin, peut être écarté sans avoir à examiner plus précisément les deux autres critères posés par la jurisprudence.

6. LES EFFETS CONGLOMÉRAUX ENTRE LES PETITES ANNONCES IMMOBILIÈRES EN LIGNE ET LES PETITES ANNONCES IMMOBILIÈRES DANS LA PRESSE ÉCRITE

502. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroître son pouvoir de marché. Si les concentrations conglomérales peuvent généralement susciter des synergies proconcurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence, lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.

503. L'Autorité considère qu'il est peu probable qu'une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché connexe. Si ce seuil est franchi, l'Autorité examine si l'entité issue de la fusion aurait, après la fusion, (i) la capacité de verrouiller, (ii) l'incitation à adopter une telle stratégie et (iii) si cette dernière est susceptible de porter atteinte de manière significative à la concurrence sur les marchés concernés par ces ventes couplées.

504. En l'espèce, la nouvelle entité détiendra une part de marché supérieure à 30 % sur le marché des petites annonces immobilières en ligne et sur le marché des petites annonces immobilières dans la presse écrite. L'opération permettra à SeLoger de détenir deux titres de magazines de petites annonces immobilières, au côté des sites internet qu'il exploitera. Dans la mesure où le marché des petites annonces immobilières en ligne est connexe à celui des petites annonces immobilières de la presse écrite, la nouvelle entité pourrait lier les publications en ligne et " papier ".

505. Plusieurs tiers ont ainsi fait part de leurs préoccupations face à une telle stratégie de couplage entre ces deux supports de diffusion.

506. L'examen d'une stratégie de couplage entre les offres de petites annonces immobilières en ligne et " papier " repose sur l'analyse du pouvoir de marché de la nouvelle entité sur l'un et sur l'autre des marchés concernés par ces offres. Au cas présent, la nouvelle entité est susceptible d'utiliser sa forte position sur le marché des petites annonces immobilières dans la presse écrite ou sur le marché des petites annonces immobilières en ligne.

a) Le risque de verrouillage du marché des petites annonces immobilières en ligne

507. Bien que Logic-Immo dispose de parts de marché élevées sur le marché des petites annonces immobilières dans la presse écrite, elle ne peut être considérée comme y disposant d'un pouvoir de marché susceptible de permettre un effet de levier sur un marché connexe étant donné le déclin de ce secteur.

508. Selon les zones de diffusion, Logic-Immo détient une part de marché comprise entre [20-30] % et [90-100] % sur le marché des petites annonces immobilières dans la presse écrite.

509. Néanmoins, depuis plusieurs années, le marché de la presse est en diminution continue. Selon le Conseil supérieur des messageries de presse, le chiffre d'affaires total du marché de la presse est passé de 10,8 milliards d'euros en 2007 à 7,8 milliards d'euros en 2014. Les lecteurs se désintéressent peu à peu de ce support et lui préfèrent les plateformes numériques pour accéder aux informations qu'ils recherchent.

510. En 2015, l'Autorité a noté que " le marché de la presse écrite subit actuellement une évolution progressive due à la dématérialisation croissante de la presse. D'après une étude récente, 65 % des Français consultent au moins une marque de presse en version digitale, tandis que la lecture sur support papier ne représenterait plus que 57 % des lectures. "124

511. La partie notifiante rappelle que le secteur des petites annonces immobilières a été affecté par la mutation des modes d'accès à l'information. [Confidentiel]. Logic-Immo a confirmé ce point lors de son audition : " En 2008-2009, les annonceurs ont commencé à déserter le print, ce qui a conduit la société à faire face à un important PSE, à supprimer beaucoup d'éditions print et à se développer sur le digital. "

512. Ainsi, les parties ont réduit chacune leurs éditions papiers. En 2016, SeLoger a arrêté l'édition de son magazine d'annonces immobilières " Belles Demeures ", tandis que Logic-Immo a cessé la diffusion de trois éditions de son magazine gratuit (Seine-Saint-Denis & Nord Seine et Marne ; Essonne - Val de Marne ; Centre Loire). [Confidentiel].

513. Ces éléments illustrent le déclin de la presse écrite, qui est également confirmé par l'évolution du chiffre d'affaires de Concept Multimédia. En 2010, le chiffre d'affaires de Concept Multimédia provenait à hauteur de [60-70] % de ses activités de presse et à [30-40] % du numérique. En 2016, ces chiffres sont quasiment inversés : Concept Multimédia réalise [60- 70] % de son chiffre d'affaires via ses activités numériques et [30-40] % provient désormais de la presse.

514. Un document interne de SeLoger confirme qu'entre 2012 et 2016, environ 6 % des dépenses publicitaires des professionnels de l'immobilier ont été transférés de la presse écrite au digital en raison de la supériorité de ce dernier en termes de performance.

515. Par ailleurs, une offre groupée ou liée ne peut avoir un effet sur la concurrence sur les marchés concernés que si une part suffisante des acheteurs est susceptible d'être intéressée par l'achat simultané des produits en cause. Or, seuls [20-30] % des clients de Logic-Immo utilisent actuellement les deux supports presse et internet, ce qui démontre un faible intérêt pour une telle offre. Ainsi, seule une minorité de clients interrogés dans le cadre du test de marché s'est montrée intéressée par une offre couplant le portail de SeLoger et les magazines de LogicImmo.

516. En conclusion, le risque de verrouillage du marché des petites annonces immobilières en ligne peut être écarté, principalement en raison du déclin du marché des petites annonces immobilières dans la presse écrite.

b) Le risque de verrouillage du marché des petites annonces immobilières dans la presse écrite

517. À la différence du marché de la presse écrite de petites annonces immobilières, le marché de la diffusion en ligne de telles annonces est en croissance. Un document interne de SeLoger estime que le marché des petites annonces immobilières en ligne de professionnels a augmenté de 6 % entre 2012 et 2016. Sur ce marché, la nouvelle entité sera le premier acteur et pourrait donc en profiter pour mettre en place une offre couplant les annonces immobilières en ligne et dans la presse. Les concurrents ne seraient pas en mesure de proposer une offre aussi attractive, les autres magazines n'ayant pas de portails connus et les portails connus n'ayant pas de magazines.

518. La société Surface privée, principal concurrent du magazine Logic-Immo, estime ainsi que : " La position dominante de la nouvelle entité risque d'entraver le lancement d'une nouvelle édition du magazine sur une zone déjà couverte par une édition de Logic-immo et risque fort de déstabiliser une édition locale non encore fortement ancrée sur son territoire. "

519. Une offre couplée est d'ailleurs déjà proposée par Logic-Immo. Ce portail propose une offre P5, " qui permet d'avoir une diffusion à la fois sur le print et sur le web. Plus précisément, cela permet d'avoir en complément de la communication sur le magazine, d'autres prestations sur le site Logic-Immo.com. Sur le web, cela permet d'avoir une remontée en pole position et donc une meilleure visibilité, ainsi que l'envoi d'emails tous les 15 jours à partir de la base d'alertistes [internautes ayant souscrit à des alertes] en recherche de biens immobiliers. "

520. En outre, selon des documents internes de SeLoger, une offre couplant la diffusion de petites annonces immobilières sur internet et dans la presse semble envisagée : [confidentiel].

521. Ainsi, la nouvelle entité semble avoir la capacité de et être incitée à mettre en œuvre une offre couplée. Il convient alors de déterminer si une telle stratégie aurait un effet significatif sur le marché de petites annonces immobilières dans la presse écrite.

522. Comme indiqué supra lors de l'examen d'une éventuelle offre couplée sur le marché des petites annonces immobilières en ligne, il est nécessairement difficile d'apprécier précisément l'impact du couplage qui pourra être mis en œuvre par les parties à la suite de l'opération puisque la forme précise que prendra ce couplage est pour l'instant inconnue.

523. Par exemple, bien que Surface privée estime que, si la nouvelle entité mettait en place des offres liées, l'impact sur son chiffre d'affaires serait " important ", elle n'est néanmoins pas en mesure de le quantifier.

524. Trois cas peuvent être envisagés.

525. S'il s'agit d'une remise portant sur les petites annonces dans la presse, il est probable qu'une telle offre ne serait pas attractive pour les annonceurs, étant donné le déclin actuel de ce support. En effet, comme indiqué précédemment, une offre groupée ou liée ne peut avoir un effet sur la concurrence sur les marchés concernés que si une part suffisante des acheteurs est susceptible d'être intéressée par l'achat simultané des produits en cause. Comme indiqué supra, seuls [20- 30] % des clients de Logic-Immo utilisent actuellement les deux supports presse et internet, ce qui démontre un faible intérêt pour une telle offre. Seule une minorité de clients interrogés dans le cadre du test de marché s'est d'ailleurs montrée intéressée par une offre couplant le portail de SeLoger et les magazines de Logic-Immo.

526. S'il s'agit d'une remise portant sur les petites annonces sur internet, une telle offre serait attractive, et ce d'autant plus qu'elle porterait spécifiquement sur SeLoger. Dans ce cas, il est possible que la plupart des agences seraient prêtes à abandonner leur magazine actuel pour utiliser celui de Logic-Immo de façon à bénéficier de la remise sur seloger.com. Cependant, SeLoger n'aurait pas d'intérêt à proposer une telle remise étant donné son taux de pénétration substantiel sur les petites annonces immobilières en ligne et la faible rentabilité des petites annonces dans la presse écrite.

527. Enfin, si SeLoger décidait d'imposer un couplage ou d'augmenter ses prix sur son portail pour les agences refusant de souscrire au magazine Logic-Immo, il prendrait le risque de perdre plus de clients que d'en gagner.

528. D'ailleurs, selon la majorité des clients et des concurrents interrogés dans le cadre du test de marché, l'opération n'est susceptible de réduire que faiblement la concurrence sur le marché des petites annonces immobilières dans la presse écrite.

529. Compte tenu des éléments qui précèdent, le risque de verrouillage du marché des petites annonces immobilières dans la presse écrite peut être écarté.

B. LES MARCHÉS DE LA PUBLICITÉ EN LIGNE

530. Les parties sont actives dans le secteur de la publicité en ligne dans la mesure où les sites internet qu'elles exploitent commercialisent des espaces publicitaires.

531. Axel Springer commercialise notamment des espaces publicitaires en ligne sur les portails de petites annonces qu'il exploite, dont SeLoger, La Centrale et StepStone, ainsi que sur les sites internet aufeminin.com, marmiton.org, mylittleparis.com, joyce.fr, bonial.fr et qwant.com. Pour sa part, Concept Multimedia commercialise des espaces publicitaires en ligne sur le portail Logic-Immo et ses sous-sites.

532. Les parties ne sont actives que dans le secteur de la publicité en ligne non liée aux recherches (display). En France, le Syndicat des Régies Internet estime que la taille totale du marché de la publicité en ligne est d'environ 3,5 milliards d'euros, dont 35 % correspondrait à la publicité non liée aux recherches125. En se fondant sur ces chiffres, la partie notifiante estime qu'Axel Springer et Concept Multimedia disposent respectivement d'une part de marché de [0- 5] % et [0-5] % sur le marché national de publicité en ligne non liée aux recherches (display) en 2016. Cette part de marché serait encore plus faible sur le marché de la publicité en ligne incluant display et search.

533. Sur les marchés de la publicité en ligne, les parties font face à la concurrence de Google et Facebook qui, à eux seuls, détiennent une part de marché supérieure à 65 % selon le Syndicat des Régies Internet126.

534. Compte tenu de la part de marché combinée des parties, l'opération n'est pas susceptible de soulever des questions de concurrence sur les marchés de la publicité en ligne, que l'on distingue ou non search et display.

IV. Les gains d'efficience

535. En application des dispositions de l'article L. 430-6 du Code de commerce, lorsque l'Autorité procède à l'examen approfondi d'une opération de concentration, elle " apprécie si l'opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence ". L'Autorité examine, en particulier, les gains d'efficacité économique de l'opération susceptibles d'accroître l'incitation de l'entreprise résultant de l'opération à adopter un comportement favorable à la concurrence.

536. Tant le Conseil d'État que les autorités de concurrence ont dégagé des critères d'appréciation applicables à la prise en compte des gains d'efficacité économique. Ainsi, les gains d'efficacité allégués doivent être quantifiables et vérifiables, spécifiques à la concentration et une partie des gains doit être transférée aux consommateurs, ce qui exclut les gains ne bénéficiant qu'aux parties à l'opération. En outre, il incombe aux parties qui souhaitent faire valoir des gains d'efficacité de construire un argumentaire étayé et quantifié démontrant que les gains d'efficacité économique de l'opération sont susceptibles de contrebalancer ses effets anticoncurrentiels, et de fournir tous les éléments de preuve utiles pour soutenir cette démonstration. Ceci implique que les gains d'efficacité invoqués par les parties soient présentés avec un détail et une spécificité suffisante pour en contrôler l'existence, à défaut de quoi " l'imprécision des données fournies ne permet pas d'établir que les effets anticoncurrentiels de l'opération envisagée pourraient être compensés par une contribution suffisante au progrès économique et social "127.

537. En l'espèce, la partie notifiante n'a pas fait valoir de gains d'efficience qui devraient être pris en compte dans le cadre de l'analyse concurrentielle. Il n'y a donc pas lieu d'analyser l'hypothèse de tels gains.

538. Au regard de l'ensemble des éléments développés ci-dessus, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés. Néanmoins, l'Autorité conserverait la possibilité d'intervenir sur la base des articles L. 420-2 ou L. 430-9 du Code de commerce, dans l'hypothèse où les scenarii anticipés ne se réaliseraient pas et où la nouvelle entité serait en situation de position dominante et en abuserait.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 17-048 est autorisée.

NOTES

3 Le 12 décembre 2017, le groupe TF1 et Axel Springer ont annoncé la remise d'une offre ferme pour l'acquisition, par le groupe TF1, de la participation majoritaire d'Axel Springer (78,4 % du capital) dans le groupe aufeminin.

4 Le marché des services d'achat d'espaces médiatiques ou " Media Buying Services " comprend plusieurs activités, dont le développement de la stratégie média, la fourniture de conseils stratégiques relatifs à la stratégie média, ainsi que l'achat de médias (voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.7023 Publicis/Omnicom et COMP/M.3579 WPP/Grey).

5 Sur les marchés des services informatiques à destination des professionnels de l'immobilier, des services d'achat d'espaces médiatiques et de l'intermédiation en matière de publicité en ligne, l'opération n'emporte aucun chevauchement d'activité entre les parties, et, quelles que soient les segmentations envisagées par la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, les parts de marché de chacune des parties n'excèdent pas 10 %.

6 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-152 du 3 novembre 2010 relative à l'acquisition par Axel Springer AG du contrôle exclusif de la société SeLoger.com, par le biais d'une offre publique d'achat, les lettres du ministre chargé de l'économie C2007-127 du 7 décembre 2007, aux conseils de la société Groupe Hersant Média, relative à une concentration dans le secteur de la presse régionale écrite, et C2007-19 du 10 septembre 2007, aux conseils des sociétés Spir et Schibsted, relative à une concentration dans le secteur des petites annonces.

7 Voir la décision n° 10-DCC-152, ainsi que les lettres C2007-127 et C2007-19 précitées.

8 Voir la décision de l'Office of Fair Trading du 26 avril 2012, Anticipated merger between the Digital Property Group Limited and Zoopla Limited, ME/5233/11.

9 Voir la décision du Bundeskartellamt du 20 avril 2015 relative à l'acquisition par Axel Springer de la société Immowelt AG, B6-39/15.

10 Par souci de clarté, le terme " agences immobilières " pourra se substituer dans la présente décision au terme " annonceurs ", qui regroupe plusieurs catégories d'agents : particuliers, agences immobilières, notaires, mandataires, etc. L'usage de ce terme permet d'éviter toute confusion avec les annonceurs publicitaires.

11 Voir les lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations.

12 Voir la lettre C2007-19 précitée.

13 Voir la décision n° 10-DCC-152 précitée.

14 Médiamétrie.

15 https://www.observatoiredelafranchise.fr/dossier-thematique/immobilier-en-france.htm

16 Voir la lettre C2007-19 précitée.

17 http://www.info-financiere.fr/upload/ECO/2010/04/FCECO015828_20100430.pdf

18 § 346 des lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations.

19 Une annonce de bien a été recensée sur un portail généraliste comme une annonce de bien de prestige lorsqu'elle remplissait les critères qui lui auraient permis d'être publiée sur bellesdemeures.com, portail de SeLoger dédié aux biens de prestige.

20 Selon les critères de bellesdemeures.com.

21 Voir la décision n°10-DCC-152 et la lettre C2007-19 précitées.

22 Voir la décision de l'Office of Fair Trading (" OFT ") Digital/Zoopla précitée.

23 Voir la décision de la Competition and Markets Authority (" CMA "), Just Eat/Hungryhouse, 16 novembre 2017.

24 Au niveau départemental, seules les parts de marché en nombre d'annonces sont disponibles.

25 Dans la plupart des cas, la partie notifiante n'a été en mesure de fournir des estimations qu'au niveau régional. Un échelon local plus fin n'ayant pu être examiné, l'analyse concurrentielle sera donc menée au niveau régional.

26 Par ailleurs, la partie notifiante précise qu'il sera mis un terme à l'édition Lux-Résidence Paris en janvier 2018. Cet arrêt augmentera encore la part des exemplaires distribuée gracieusement dans la mesure où cette édition " parisienne " réalise le plus de ventes en kiosque.

27 SeLoger a arrêté la publication de son magazine payant d'annonces immobilières " Belles Demeures " en 2016.

28 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.3420, GIMD/Socpresse, 16 juin 2004, l'avis du Conseil de la concurrence n° 05-A-18 du 11 octobre 2005 relatif à l'acquisition du Pôle Ouest de la société Socpresse et de fonds de commerce de la SEMIF par la société SIPA, la lettre C2007-27 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 28 août 2007, au conseil de la BFCM et de L'Est Républicain, relative à une concentration dans le secteur de l'édition et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-46 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Rossel des sociétés du Pôle " Champagne Ardennes Picardie " du groupe Hersant Media, n° 15-DCC-63 du 4 juin 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la Société du Journal Midi Libre par la société Groupe La Dépêche du Midi et n° 15-DCC-189 du 23 décembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint de la société 20 Minutes France par la société Rossel et Cie aux côtés de SIPA.

29 Voir la lettre C2008-40 du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi du 11 août 2008 aux conseils de la société S3G, relative à une concentration dans le secteur de la presse gratuite.

30 Voir notamment les décisions n° 15-DCC-63 et n° 15-DCC-189 précitées.

31 Voir les décisions de la Commission européenne COMP/5727 du 18 février 2010, Microsoft/Yahoo Search Business et COMP/M.4731 du 11 mars 2008, Google/Double Click.

32 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-MC-01 du 30 juin 2010 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Navx.

33 Voir la décision n° 10-DCC-152 précitée.

34 Voir la décision COMP/M.4731 précitée.

35 Voir la lettre C2007-19 précitée.

36 Voir les décisions COMP/4731 et COMP/5727 précitées.

37 Voir la décision n° 10-MC-01 précitée.

38 Au 12 juillet 2017, ce logiciel recensait 2 651 annonceurs, soit moins de 10 % du nombre total d'agences immobilières estimé en France (où il existe environ 30 000 agences immobilières : http://www.observatoiredelafranchise.fr/dossier-thematique/immobilier-en-france.htm).

39 Cela surestime nécessairement la pratique de multidiffusion du fait du biais de sélection.

40 Le terme " portails spécialistes " est utilisé en référence aux portails qui diffusent des petites annonces immobilières en provenance de particuliers ou de professionnels de l'immobilier. Il se distingue du terme " portails spécialisés " précité, qui fait référence aux portails qui diffusent des petites annonces immobilières pour un type de bien exclusivement.

41 Pige réalisée le 6 mars 2017 sur http://www.avendrealouer.fr/.

42 Le taux de pénétration d'un portail est calculé en rapportant son nombre de clients au nombre total de professionnels immobiliers.

43 Rapport du quatrième trimestre 2016 du groupe Schibsted, http://hugin.info/131/R/2076662/781093.pdf

44 Google Trends est un outil issu de Google Labs permettant de connaître la fréquence à laquelle un terme a été entré dans le moteur de recherche Google, avec la possibilité de visualiser ces données par région et par langue.

45 La remontée de liste permet à un annonceur de mettre à nouveau en tête de liste une annonce déjà publiée.

46 Voir : https://corporate.leboncoin.fr/wp-content/uploads/2017/10/CP-leboncoin-A-Vendre-A-Louer.pdf

47 Entretien d'Antoine Jouteau, directeur général de Le Bon Coin, diffusé sur Radio Classique le 13 novembre 2017.

48 http://immomatin.com/articles/portails-de-petites-annonces/leboncoin-rachete-avendrealouer.htm

49 https://www.challenges.fr/immobilier/actu-immo/annonces-immobilieres-l-insolente-reussite-de-seloger-bousculee-par-leboncoin_442947

50 https://www.journaldelagence.com/1143875-nouveau-record-daudience-bienici-com-plus-de-3-millions-de-visites-octobre-2017

51 Ibid.

52 https://www.lesnumeriques.com/appli-logiciel/leboncoin-seloger-sites-pour-trouver-logement-a3363.html

53 https://www.journaldelagence.com/1144058-accompagner-au-mieux-les-agents-immobiliers-bertrand-gstalder-president-du-directoire-deseloger

54 http://immomatin.com/articles/reseaux-sociaux-immo/annonces-immobilieres-facebook-lance-enfin-sa-marketplace-en-france.htm

55 Google, Amazon, Facebook et Apple.

56 http://www.europe1.fr/technologies/avec-marketplace-facebook-lance-son-concurrent-de-leboncoin-3411638 ; http://www.01net.com/actualites/marketplace-facebook-lance-son-le-bon-coin-killer-en-france-1236786.html ; https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/facebook/commerce-en-ligne-facebook-nouveau-concurrent-du-site-le-boncoin_2329333.html.

57 http://fortune.com/2017/08/15/facebook-marketplace-europe-schibsted/

58 http://www.01net.com/actualites/marketplace-facebook-lance-son-le-bon-coin-killer-en-france-1236786.html

59 Directeur général de Prévisite, agence spécialiste en marketing.

60 http://immomatin.com/articles/reseaux-sociaux-immo/facebook-un-futur-portail-d-annonces-immobilieres.htm

61 http://www.adweek.com/digital/facebook-marketplace-housing-rental-unit-listings-apartment-list-zumper/; http://www.mikedp.com/articles/2017/12/19/facebook-vs-zillow; http://www.mikedp.com/articles/2017/12/19/facebook-vs-zillow.

62 § 185 des lignes directrices précitées.

63 En l'espèce, cette période correspond à un mois : 28 février - 28 mars 2017 (cette période peut être considérée comme représentative en raison de l'absence de saisonnalité marquée selon la partie notifiante).

64 Voir la lettre C2007-19 précitée.

65 Étude ImmOpinion réalisée en 2017 auprès de 400 professionnels de l'immobilier.

66 Voir notamment la lettre C2007-19 précitée.

67 https://www.journaldelagence.com/1118707-seloger-com-est-numero-1-en-audience-globale-3-ecrans-selon-mediametrie-loin-devantlogic-immo-ou-explorimmo-bertrand-gstalder-directeur-general-de-seloger-com

68 Ibid.

69 http://immomatin.com/articles/sites-pour-les-professionnels/les-rumeurs-selon-lesquelles-puissance-3-n-existera-plus-en-2015-sontfausses-cyril-janin-logic-immo-com.htm

70 § 185 des lignes directrices précitées.

71 Voir la décision du Bundeskartellamt (" BKA ") du 20 avril 2015 précitée.

72 L'Adresse a créé un " pack web " qui comprend notamment Le Bon Coin, Logic-Immo, Paru Vendu, AVendreALouer, Explorimmo, Annonces Jaunes, Bien'ici. En revanche, SeLoger n'est pas inclus dans ce pack, en raison de son coût. Les sites gratuits n'en font pas partie non plus.

73 Pour le calcul des parts de marché en nombre d'annonces, la partie notifiante a proposé de présenter deux méthodes d'estimations : i) le nombre d'annonces de chaque sous-site est additionné pour obtenir le nombre d'annonces totales publiées par un groupe ; (ii) les annonces entre les différents sous-sites d'une même plateforme ont fait l'objet d'un dé-doublonnage (par exemple, les annonces de Webimm reprises sur seloger.com ne sont pas comptabilisées deux fois). Pour calculer ces parts de marché, le relevé d'annonces a eu lieu en août et en septembre 2017.

74 La partie notifiante n'ayant pas fourni d'estimation de la part de marché en audience sur le seul segment des professionnels, cette part de marché correspond à la part de marché en audience sur le marché des annonces de professionnels et de particuliers.

75 Le 30 novembre 2017, Le Bon Coin a annoncé le rachat du portail AVendreALouer (https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/le-boncoin-rachete-le-site-immobilier-a-vendre-a-louer-solocal-1716709.php).

76 Cette estimation de part de marché a été faite sur la base de la somme du nombre d'annonces de Le Bon Coin et d'AVendreALouer. En raison de l'existence d'annonces communes aux deux portails, cette estimation surestime la part du marché du groupe Le Bon Coin.

77 Le terme " Le Bon Coin " fera référence au portail éponyme. Le terme " groupe Le Bon Coin " fera lui référence à la nouvelle entité qui comprend désormais les portails leboncoin.fr et avendrealouer.fr.

78 Communication de la Commission européenne 2009/C 45/02, Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes.

79 [Confidentiel].

80 P3 était un accord commercial permettant aux annonceurs de publier leurs annonces sur les portails de Le Bon Coin, de Logic-Immo et de TopAnnonces qui a pris fin en 2014/2015.

81 Étude de Goldman Sachs, mars 2017, traduction libre.

82 Les valeurs des ratios de diversion calculés entre les parties doivent toutefois s'interpréter avec prudence. En effet, les niveaux des ratios de diversion sont erronés dans la mesure où ils reposent sur une hypothèse de diversion au prorata des parts de marché qui est très approximative. Par ailleurs, les parts de marché ont été calculées en volume (nombre d'annonces), de sorte qu'elles ne permettent pas de refléter la puissance réelle des parties sur le marché. Enfin, cette analyse repose sur l'hypothèse selon laquelle une agence ne peut pas se reporter vers un portail qu'elle utilise déjà. Or, cette hypothèse est notamment erronée si l'agence ne publie pas exactement les mêmes annonces sur tous les portails ou si les reports ne consistent pas nécessairement en des reports d'annonces mais en reports de budget permettant d'acheter de nouveaux services de visibilité. Pour autant, ce n'est pas la valeur absolue calculée qui importe en l'espèce, mais la diminution, en valeur relative, des ratios de diversion du fait de la multidiffusion.

83 L'utilisation de données relatives aux changements d'opérateurs est une pratique usuelle pour estimer des ratios de diversion et a par exemple été utilisée par la Commission européenne dans le secteur de la téléphonie mobile (voir par exemple la décision de la Commission

84 Contre [0-5] % selon l'estimation des services d'instruction.

85 Contre [0-5] % selon l'estimation des services d'instruction.

86 La partie notifiante ne dispose pas de données sur les reports vers les portails concurrents de SeLoger et de Logic-Immo.

87 Ce questionnaire a été réalisé du 25 septembre 2017 au 6 octobre 2017, soit avant l'annonce du rachat d'AVendreALouer par Le Bon Coin.

88 Ces anciens clients n'ont pas été interrogés sur leur réaction à une hausse de prix des parties.

89 Lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, § 417.

90 Décision de la Competition & Markets Authority précitée.

91 Lignes directrices de l'Autorité relatives au contrôle des concentrations, § 420.

92 http://hugin.info/131/R/2076662/781093.pdf. Traduction libre.

93 https://www.challenges.fr/immobilier/actu-immo/annonces-immobilieres-l-insolente-reussite-de-seloger-bousculee-par-leboncoin_442947.

94 Rapport annuel Schibsted 2016, http://hugin.info/131/R/2096898/793519.pdf. Traduction libre.

95 Étude Barclays, Schibsted ASA, 15 décembre 2015.

96 Goldman Sachs, Good long-term value, but timing uncertain : off CL, remains Buy, 6 octobre 2016.

97 Selon un document interne de SeLoger, le marché des petites annonces immobilières en ligne augmenterait de 23 % entre 2016 et 2020.

98 http://hugin.info/131/R/2104193/798410.pdf. Traduction libre.

99 Pour mémoire, la part de marché estimée par les services d'instruction est plus élevée : [50-55] %.

100 Avant acquisition d'AVendreALouer.

101 La partie notifiante a seulement fourni la part de marché en valeur du groupe AVendreAlouer (qui comprend également le portail Annonces Jaunes). Or, Le Bon Coin ne rachète que le portail AVendreAlouer.

102 Au niveau national, SeLoger obtient une note de 6,7; en Île-de-France, SeLoger obtient une note de 7,1.

103 SeLoger a un taux de pénétration de 65,2 % en septembre 2017 (données Batibiz).

104 Cette analyse a été menée sur la base du nombre de petites annonces immobilières publiées par des professionnels. Les données sur le nombre d'annonces portent sur l'année 2017, tandis que les données d'audience disponibles portent sur l'année 2016. Cette différence ne remet pas en cause l'existence d'une corrélation positive entre audience et nombre d'annonces. Seuls les portails pour lesquels les données de volumes d'annonces et d'audience étaient disponibles sont représentés sur le graphique.

105 Superimmo n'est pas représenté sur le graphique présenté ci-dessus, mais ce portail a publié plus d'1,1 million d'annonces en 2017 d'après les données de la partie notifiante.

106 Voir par exemple la décision de l'Autorité de la concurrence n° 14-DCC-76 du 5 juin 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Le Nouvel Observateur du Monde par la société Le Monde Libre, en ce qui concerne les différents marchés de la presse écrite (presse quotidienne nationale, presse quotidienne régionale, presse magazine, presse gratuite et presse spécialisée).

107 Le terme " écrans puissants " est le nom donné aux créneaux publicitaires qui offrent de meilleurs taux de couverture et des rythmes de montée en puissance des campagnes publicitaires plus soutenus.

108 Ces trois portails étaient des sociétés indépendantes, mais cette stratégie reflète l'importance de mettre en place, sur la face aval du marché, une offre la plus large possible.

109 R désigne le taux de remise et A la fraction des annonces uniquement publiées sur SeLoger par des annonceurs utilisant déjà les deux sites qui serait, grâce à la remise, également publiée sur Logic-Immo.

110 Note de référence du secrétariat de l'OCDE, " Discrimination par les prix ", 21 novembre 2016, DAF/COMP(2016)15.

111 § 111 de l'étude.

112 La prise en compte des effets pro-concurrentiels du couplage conduirait à diminuer l'impact anticoncurrentiel global de ce couplage.

113 La conclusion pourrait être modifiée si certains concurrents des parties étaient spécialisés dans les zones pour lesquelles Logic-Immo disposaient de cette position incontournable ; en pratique aucun portail local ne semble être dans cette position.

114 § 113 des lignes directrices de la Commission européenne sur l'appréciation des concentrations non horizontales.

115 En l'absence d'autres données disponibles au niveau départemental (par exemple de chiffre d'affaires ou d'audience), la position de SeLoger sur chaque département doit être estimée sur la base du nombre d'annonces. Une telle analyse est susceptible de sous-estimer la position de SeLoger puisque certains portails peuvent disposer d'un nombre d'annonces élevé sans pour autant exercer de pression concurrentielle importante. Pour limiter ce biais, seuls les principaux portails ont été considérés dans le classement à savoir SeLoger, Le Bon Coin, Logic-Immo, Explorimmo, Ouestfrance-Immo (qui peut détenir une pénétration importante dans certains départements) et Bien'ici. Cette estimation produit des résultats très proches de la méthode fondée sur la grille tarifaire de SeLoger.

116 Ce dernier effet de l'impact du couplage est en pratique faible puisque la grande majorité des agences ont recours à plusieurs portails.

117 § 111 des lignes directrices de la Commission européenne.

118 Lui-même contrôlé par le groupe Dassault.

119 Étude Xerfi, " Les nouveaux enjeux numériques dans la distribution immobilière ", juillet 2016.

120 Une passerelle est créée par les annonceurs pour permettre la diffusion automatique de leurs annonces sur un portail donné au travers d'un logiciel de multidiffusion. SeLoger a également une participation non-contrôlante de 40 % dans une société dont l'une des activités est de proposer des services de multidiffusion via le logiciel [confidentiel].

121 Voir notamment la décision du TPICE T-342/99 du 6 juin 2002, Airtours plc. contre Commission et la décision de la CJCE du 10 juillet 2008 C-430-06, IMPALA. Voir les décisions du Conseil d'État du 31 juillet 2009, Fiducial Audit et Fiducial Expertise, n° 305903 publiée au recueil, et du 5 novembre 2014, Société Wienerberger, n° 373065 publiée au recueil.

122 Voir les décisions du Conseil de la concurrence n° 07-D-13 du 6 avril 2007 relative à de nouvelles demandes de mesures conservatoires dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent, n°07-D-13 du 6 avril 2007 relative à de nouvelles demandes de mesures conservatoires dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent et n°10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1de la société NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB).

123 Voir la décision de l'Office of Fair Trading (" OFT ") Digital/Zoopla, précitée.

124 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 15-DCC-139 du 20 octobre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de l'activité d'édition et de commercialisation des journaux Le Parisien et Aujourd'hui en France par le groupe LVMH-Moët Hennessy-Louis Vuitton.

125 Voir http://www.sri-france.org/etudes-et-chiffre-cles/observatoire-de-le-pub-sri/17eme-observatoire-de-pub-sri/

126 Voir http://www.sri-france.org/wp-content/uploads/2017/02/CP_Obs-e-pubSRI-PwC-UDECAM_2016_VF.pdf.

127 Conseil d'État, arrêt rendu dans la décision relative à la concentration Coca-Cola / Orangina, 9 avril 1999, 201853.