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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 22 mars 2018, n° 15-01907

DIJON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

O-I Manufacturing France (SA), AIG Europe Limited (SA)

Défendeur :

Le Club des Vignerons (SASU), GFA Domaine de Mermian

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vautrain

Conseillers :

M. Wachter, Mme Dumurgier

T. com. Béziers, du 18 juill. 2011

18 juillet 2011

FAITS ET PROCÉDURE :

La SASU Le Club des Vignerons est spécialisée dans la recherche et la sélection de producteurs de vins en vrac notamment du Languedoc-Roussillon et des Côtes du Rhône, dans la mise en valeur de ces vins, leur conditionnement, leur stockage et leur commercialisation en qualité de négociant. Elle commercialise ces vins auprès de la clientèle de la grande distribution à l'occasion notamment des Foires aux vins.

Le GFA Domaine de Mermian, qui a pour activité l'assemblage des vins, vend la quasi-totalité de sa production au Club des Vignerons qui la commercialise ensuite auprès des centrales d'achat Leclerc et DLP Baud sous le nom commercial de " Domaine de Mermian ".

La société O-I Manufacturing France (dite société O-I), leader mondial du marché des emballages en verre, fournissait la SAS Le Club des Vignerons en bouteilles de verre nécessaires à son activité de commercialisation de vin.

Ayant détecté des anomalies dans sa production susceptibles de donner naissance dans les bouteilles vendues à la présence de débris de verre d'une taille de quelques millimètres voire plus, elle en a informé la DGCCRF ainsi que le Club des Vignerons par courrier du 26 octobre 2005, et a demandé à ce dernier de bloquer en ses sites de stockage les lots de fabrication verrière n° 430 et 438 issus de son usine de Vayre qu'elle lui avait livrés.

Les deux sociétés n'étant pas parvenues à s'entendre sur les mesures de tri des bouteilles susceptibles d'être affectées par ces anomalies et sur l'indemnisation des préjudices en résultant, la SAS Le Club des Vignerons a assigné la société O-I en référé devant le président du Tribunal de commerce de Béziers, lequel a alloué à la demanderesse une provision de 20 000 € à valoir sur son préjudice (provision portée à 45 000 € par arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 30 avril 2009) et ordonné une expertise confiée à Monsieur M..

Cet expert a déposé son rapport définitif le 10 novembre 2010. Il conclut :

- qu'une indemnité de 436 979 € couvrirait la perte générée par la diminution du chiffre d'affaires et replacerait la société Le Club des Vignerons dans la situation qui était la sienne avant le sinistre et couvrirait également le préjudice porté à l'image de marque de cette société,

- qu'une indemnité de 119 979 € couvrirait la perte des vins stockés à Vendres de laquelle il conviendrait de déduire 38 059 € représentant le supplément de préjudice entraîné par le refus du tri des bouteilles,

- que le manque à gagner du GFA Domaine de Mermian s'élevait à 91 495 €.

Par actes d'huissier des 17 et 25 février 2011, la SAS Le Club des Vignerons a assigné la société O-I et la SA Alico, cette dernière en qualité d'assureur de la première, devant le Tribunal de commerce de Béziers aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.

La SA Chartis est intervenue dans la procédure en sa qualité d'assureur de la société O-I, de même que le GFA Domaine de Mermian qui se disait victime du déréférencement de ses vins par les centrales d'achat.

Par jugement du 18 juillet 2011, le Tribunal de commerce de Béziers s'est déclaré territorialement compétent, a homologué le rapport de Monsieur M., a débouté la société O-I de toutes ses prétentions et l'a condamnée à verser à la SAS Le Club des Vignerons la somme de 436 979 € en indemnisation de sa perte financière et celle de 219 164 € pour le préjudice direct subi.

Le tribunal a laissé à la charge de la SAS Le Club des Vignerons la somme de 38 059 € en raison de son refus de l'opération de tri des bouteilles, ordonné la compensation entre ces sommes et dit qu'elles produiraient intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé, et a débouté le GFA Domaine de Mermian de toutes ses prétentions (après avoir en réalité constaté qu'il n'était pas partie à la procédure).

Les demandes de la société O-I à l'encontre de la société Chartis ont été rejetées. La société O-I a enfin été condamnée à verser à la SAS Le Club des Vignerons 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire.

Sur appel des sociétés O-I et Chartis, la Cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 13 novembre 2012, a réformé le jugement du Tribunal de commerce de Béziers en ce qu'il avait retenu sa compétence territoriale compte-tenu de la clause attributive de compétence figurant dans les documents contractuels liant la société O-I à la SAS Le Club des Vignerons, et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Lyon en réservant les dépens.

Devant la Cour d'appel de Lyon, la SASU Le Club des Vignerons a fait valoir que la société O-I Manufacturing France, producteur agissant à titre professionnel au sens de l'article 1386-6 du Code civil, avait fabriqué et lui avait fourni 82 546 bouteilles de verre défectueuses ce qui avait entraîné une atteinte au vin, raison pour laquelle la DGCCRF lui avait demandé de bloquer les bouteilles et de prévenir les clients qui en avaient été destinataires ; que ce fait justifiait sa demande en réparation sur le fondement de l'article 1386-2 du Code civil ; que subsidiairement, sa demande était formée sur le fondement de l'article 1641 du Code civil.

Elle a estimé que son préjudice était manifeste dès lors qu'elle avait subi une perte de chiffre d'affaires de même que le GFA du Domaine de Mermian ; que ce préjudice avait été constaté contradictoirement par l'expert judiciaire et qu'il y avait eu reconnaissance de responsabilité par deux courriers des 26 et 27 octobre 2005, lesquels avaient interrompu la prescription.

En conséquence, la SASU Le Club des Vignerons a demandé la condamnation de la SAS O-I à lui verser :

- 603 455 € de dommages intérêts au titre du préjudice résultant de la perte de chiffre d'affaires et des intérêts y afférents depuis la survenance du sinistre,

- 91 495 € de dommages intérêts au titre du préjudice consécutif au déréférencement du Domaine de Mermian et des intérêts y afférents depuis la survenance du sinistre,

- 119 164,33 € de dommages intérêts au titre du préjudice relatif aux marchandises qui, suite au sinistre, ont dû soit être rapatriées des centrales d'achat, soit être bloquées au dépôt, et des intérêts y afférents depuis la survenance du sinistre,

- les frais d'expertise et les dépens.

Elle a également demandé la condamnation de la compagnie d'assurances la SA Chartis à relever et garantir la SA O-I du montant de l'ensemble des condamnations prononcées tant en principal qu'intérêts et frais, et la condamnation solidaire de la société O-I et de la SA Chartis à lui verser 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La GFA Domaine de Mermian, invoquant les mêmes fondements juridiques, a demandé à la cour de condamner la SA O-I à lui verser la somme de 91 495 € à titre de dommages intérêts au titre du préjudice consécutif à son déréférencement et des intérêts y afférents depuis la survenance du sinistre, de condamner la compagnie d'assurances la SA Chartis à relever et garantir la SA O-I du montant de l'ensemble des condamnations prononcées tant en principal qu'intérêts et frais, et de condamner solidaire de la société I O et de la SA Chartis à lui verser 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés O-I Manufacturing France, Alico et AIG Europe Limited (anciennement Chartis) ont conclu au débouté de la société Le Club des Vignerons de toute action tant sur le fondement de l'article 1386-1 que 1641 du Code civil.

Subsidiairement, elles ont conclu au débouté de la société Le Club des Vignerons de l'intégralité de ses demandes, et ont invoqué en tout état de cause une compensation avec la somme de 38 059 € conséquence du refus de tri des bouteilles qui a aggravé le préjudice.

Elles ont demandé la mise hors de cause de la SA Alico et qu'il soit donné acte à la société AIG Europe Limited, venant aux droits de la société Chartis EUROPE, de son intervention volontaire en qualité d'assureur de la société O-I.

Concernant l'intervention volontaire du GFA Domaine de Mermian survenue le 30 novembre 2011, elles ont conclu à sa prescription, subsidiairement à son irrecevabilité et infiniment subsidiairement à son débouté.

Elles ont demandé la condamnation de la SA Le Club des Vignerons à verser à la Société O-I 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elles ont fait valoir que la société Alico n'avait jamais été l'assureur de la société O-I et avait été assignée par erreur alors que la société Chartis, était intervenue volontairement dans la cause en cette qualité.

Elles ont soutenu que, si l'acheteur agit sur le fondement du droit de la vente et de la non-conformité, il peut être couvert de la garantie des dommages causés aux personnes, aux biens et pour le préjudice économique liés à ceux-ci; que si au contraire l'acheteur agit sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil, l'indemnisation de certains préjudices est exclue, soit le dommage au produit lui-même en raison du caractère indemnitaire de l'action de la victime, mais également les moins-values et pertes de produits et les pertes purement économiques dues à un manquement contractuel.

Elles ont relevé que le Club des Vignerons demandait exclusivement l'indemnisation de son préjudice économique, et que ses demandes n'étaient pas relatives à un préjudice subi par des personnes ou des biens ce qui excluait l'action sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil.

Elles ont ajouté que, sur le fondement de l'article 1641 du Code civil , l'action en matière de vente est de deux ans; que le sinistre étant survenu en 2005, l'action est manifestement prescrite ; qu'en effet les lettres des 26 et 27 octobre 2005 ne peuvent pas s'analyser en une reconnaissance de responsabilité dès lors qu'elles ne contiennent aucune proposition d'indemnisation ; qu'elles n'ont pas pu interrompre la prescription concernant le Domaine de Mermian puisqu'elles ne lui étaient pas adressées.

Par arrêt du 13 février 2014, la Cour d'appel de Lyon a :

- donné acte à la société AIG Europe Limited anciennement Chartis Europe Limited de son intervention volontaire dans la procédure,

- mis hors de cause la société Alico AIG Vie,

- infirmé en toutes ses dispositions la décision entreprise,

- débouté comme non-fondées la SASU Le Club des Vignerons et le GFA Domaine de Mermian de leurs demandes visant les articles 1386-1 du Code civil,

- dit prescrites les demandes de la SASU Le Club des Vignerons et du GFA Domaine de Mermian visant les articles 1641 et suivants du Code civil,

- rejeté en conséquence l'ensemble des demandes de la SASU Le Club des Vignerons et du GFA Domaine de Mermian,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum la SASU Le Club des Vignerons et le GFA Domaine de Mermian aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, la Cour d'appel de Lyon a retenu que, s'il était manifeste que le dommage était susceptible d'affecter non seulement le produit défectueux, c'est-à-dire les bouteilles elles-mêmes, mais aussi le vin mis dans ces bouteilles, le seul préjudice invoqué par les intimés était un préjudice économique lié aux moins-values ou à une perte de marge ; que ce préjudice étant consécutif à la mévente des bouteilles, le dommage était en lien direct avec les défectuosité du produit lui-même et n'était pas indemnisable sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil alors que n'était pas démontrée l'existence d'un préjudice résultant directement d'une atteinte à une personne ou au vin lui-même.

Elle a relevé que la demande fondée sur les articles 1641 et suivants du Code civil apparaissait pour la première fois dans les conclusions du 19 mars 2012 alors que le sinistre remontait à la fin de l'année 2005, et considéré que les lettres des 26 et 27 octobre 2005 n'avaient pas interrompu la prescription.

La SASU Le Club des Vignerons et la GFA Domaine de Mermian ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 1er juillet 2015, la première chambre civile de la cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon sauf en ce qu'il avait mis hors de cause la société Alico AIG VIE, a remis en conséquence sur les autres points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyés devant la Cour d'appel de Dijon.

La cour de cassation a relevé, au visa des article 1386-1et 1386-2 du Code civil, que pour rejeter la demande, l'arrêt avait retenu que seul le préjudice invoqué était un préjudice économique constitué par des moins-values ou une perte de marge et consécutif à la mévente des bouteilles, de sorte qu'étant en lien direct avec les défectuosité du produit lui-même, ce dommage n'était pas indemnisable sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil et " qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les défauts relevés affectaient non seulement les bouteilles de verre, mais aussi le vin qu'elles devaient contenir, ce dont il résultait que la mévente des bouteilles défectueuses, engendrant le préjudice invoqué, était consécutive au caractère impropre à la consommation du vin, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés " .

La SA O-I Manufacturing France et la SA AIG Europe Limited ont saisi la Cour d'appel de Dijon le 29 octobre 2015.

Par conclusions déposées le 18 décembre 2017, la SA O-I Manufacturing France et la société AIG Europe Limited demandent à la cour d'appel de :

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Béziers le 18 juillet 2011,

- Sur les demandes du Club des Vignerons :

Vu les dispositions de l'article 1386-1 du Code Civil,

- constater que les demandes ne sont ni relatives au préjudice subi par des personnes, ni relatives au préjudice subi par des biens,

- constater que les demandes sont relatives à des biens à usage professionnel puisque de nature économique,

En conséquence :

- déclarer non fondée l'action de la société Le Club des Vignerons sur le fondement des dispositions de l'article 1386-1 du Code Civil,

Subsidiairement,

- constater l'absence de lien de causalité entre le préjudice invoqué par Le Club des Vignerons et la défectuosité affectant les bouteilles vendues,

- constater que Le Club des Vignerons à, par sa faute lui-même concouru à la réalisation de son préjudice,

- en conséquence, le débouter de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions,

Vu les dispositions des articles 1641 et suivants du Code Civil,

- déclarer cette demande irrecevable comme prescrite,

- débouter également la société Le Club des Vignerons de toute autre demande fondée sur les dispositions des articles 1641 et suivants du Code Civil,

Subsidiairement :

- constater que les demandes de la société Le Club des Vignerons ne sont pas fondées,

- débouter la société Le Club des Vignerons de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions,

- la débouter de ses demandes au titre du règlement d'intérêts,

En tout état de cause et, si par impossible, une condamnation intervenait :

- compenser le préjudice à fixer par la somme de 38 059,00 euros conséquence du refus du tri de bouteilles qui a aggravé le préjudice,

- débouter la société Le Club des Vignerons de toute autre demande.

- Sur les demandes et sur l'intervention volontaire du GFA Domaine de Mermian du 30 novembre 2011 :

- déclarer prescrite l'action du GFA Domaine de Mermian,

- Subsidiairement, la déclarer irrecevable,

Vu les dispositions de l'article 1386-1 du Code Civil,

- constater que les demandes ne sont ni relatives au préjudice subi par des personnes ni relatives au préjudice subi par des biens,

- constater que les demandes sont relatives à des biens à usage professionnel puisque de nature économique,

En conséquence :

- déclarer non fondé l'action du GFA Domaine de Mermian sur le fondement des dispositions de l'article 1386-1 du Code Civil,

Subsidiairement,

- constater l'absence de lien de causalité entre le préjudice invoqué par le GFA Domaine de Mermian et la défectuosité affectant les bouteilles vendues,

Infiniment subsidiairement, la déclarer mal fondée, et en tout état de cause injustifiée,

En tout état de cause, constater la nullité du rapport de Monsieur M. en ce qu'il a apprécié le préjudice du GFA Domaine de Mermian, non présent aux opérations d'expertise,

Condamner la société Le Club des Vignerons et le GFA Domaine de Mermian, chacun à payer à la société O-I Manufacturing France et à la société AIG Europe Limited, anciennement Chartis Europe Limited la somme de 4 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées le 26 décembre 2017, la SASU Le Club des Vignerons demande à la cour de :

Vu l'Arrêt de la Cour de Cassation du 1er juillet 2015,

Vu les articles 1386-1 et suivants du Code civil,

Vu la Directive 85/374 du 25 juillet 985,

Vu les articles 1641 et suivant du Code civil,

Vu l'article 2240 du Code civil,

Vu la jurisprudence y afférentes,

1. A titre principal : sur la responsabilité de la société O-I Manufacturing France sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux :

- Dire et juger que les bouteilles en verre livrées par la société O-I Manufacturing France à la société Le Club des Vignerons sont défectueuses dès lors que, du fait du défaut verrier constaté susceptible de générer des dommages corporels, elles n'offrent pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre,

- Dire et juger que le préjudice subi par la société Le Club des Vignerons du fait du dommage causé par les bouteilles défectueuses aux vins doit être intégralement réparé,

- Dire et juger que le dommage causé génère un préjudice au titre des pertes de chiffre d'affaires avec les clients habituels de la société Le Club des Vignerons ainsi que des pertes liées au blocage et au retour des produits,

- Condamner en conséquence la société O-I Manufacturing France au titre de la perte de chiffre d'affaires :

- soit au paiement d'une somme de 603 455 € conformément au pré-rapport de l'expert Monsieur M., et ce faisant infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Béziers du 18 juillet 2011,

- soit au paiement d'une somme de 436 979 € dans l'hypothèse où la cour fixerait le taux de marge non pas à 30,67 % mais à 28,72 %, et ce faisant confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Béziers du 18 juillet 2011.

- Condamner la société O-I Manufacturing France au paiement d'une somme de 119 164,33 euros au titre du préjudice relatif au rapatriement des vins commercialisés auprès des clients de la Grande Distribution et au blocage de ces derniers sur l'entrepôt de Vendres, et ce faisant confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Béziers du 18 juillet 2011.

- Condamner la société O-I Manufacturing France aux intérêts afférents à ces condamnations depuis la date de l'assignation en référé soit le 17 février 2011, et ce faisant confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Béziers du 18 juillet 2011.

2. A titre subsidiaire : sur la responsabilité de la société O-I Manufacturing France sur le fondement de la garantie des vices cachés :

- Dire et juger que les bouteilles en verre livrées par la société O-I Manufacturing France à la société Le Club des Vignerons sont viciées,

- Dire et juger que l'action fondée sur la garantie des vices cachés n'est pas prescrite dès lors qu'entre le 25 octobre 2005 et le 25 octobre 2007, durée de la prescription, la société O-I Manufacturing France a reconnu à de multiples reprises sa responsabilité, le principe du préjudice et une partie de l'indemnisation due à la société Le Club des Vignerons, a proposé le tri et le reconditionnement des vins à ses frais, et que ce faisant la société O-I Manufacturing France bénéficie de l'inversion de la prescription jusqu'au 19 juin 2013,

- Dire et juger en conséquence que la prescription de l'action qui pouvait être acquise au 19 juin 2013 ne peut être opposée à la société Le Club des Vignerons qui s'est fondée sur ces dispositions antérieurement à cette date,

- Condamner en conséquence la société O-I Manufacturing France au titre de la perte de chiffre d'affaires :

- soit au paiement d'une somme de 603 455 € conformément au pré-rapport de l'expert Monsieur M.,

- soit au paiement d'une somme de 436 979 € dans l'hypothèse où la cour fixerait le taux de marge non pas à 30,67 % mais à 28,72 %, et ce faisant confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Béziers du 18 juillet 2011,

- Condamner la société O-I Manufacturing France au paiement d'une somme de 119.164,33 euros au titre du préjudice relatif au rapatriement des vins commercialisés auprès des clients de la grande distribution et au blocage de ces derniers sur l'entrepôt de Vendres, et ce faisant confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Béziers du 18 juillet 2011,

- Condamner la société O-I Manufacturing France aux intérêts afférents à ces condamnations depuis la date de l'assignation en référé, soit le 17 février 2011, et ce faisant confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Béziers du 18 juillet 2011.

3. En tout état de cause,

- Condamner la société O-I Manufacturing France à verser à la société Le Club des Vignerons la somme de 11 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- Condamner la société O-I Manufacturing France aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de la SCP S. R.

Par conclusions déposées le 6 décembre 2017, la GFA Domaine de Mermian demande à la cour de :

Vu les articles 1386-1et suivants du Code civil,

Vu la Directive CEE 85/374 du 25 juillet 1985,

Vu l'article 2240 du Code civil,

- Déclarer recevable et non prescrite l'intervention du GFA Domaine de Mermian,

- Dire et juger que les bouteilles livrées par la société O-I Manufacturing France sont défectueuses,

- Dire et juger que la société O-I Manufacturing France engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil,

- Condamner la Société O-I Manufacturing France à payer au GFA Domaine de Mermian la somme de 91 495 € au titre du préjudice économique consécutif au déréférencement de ce dernier, et aux intérêts y afférents à compter du 17 février 2011, date de l'assignation,

- Condamner sa compagnie d'assurances AIG Europe Limited à la relever et garantir

du montant des condamnations prononcées tant en principal qu'intérêts et frais,

- Condamner solidairement la Société O-I Manufacturing France et AIG Europe Limited à payer au GFA Domaine de Mermian de la somme de 4 000 € en

application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner solidairement la Société O-I Manufacturing France et AIG Europe Limited aux entiers dépens d'appel en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est rendue le 2 janvier 2018.

En application des articles 455 et 634 du Code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIVATION :

- Sur les demandes de la SASU Le Club des Vignerons :

Aux termes de l'article 1245 du Code civil (anciennement 1386-1), le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit on non lié par un contrat à la victime.

L'article 1245-1 du Code civil précise que les dispositions du chapitre consacré à la responsabilité du fait des produits défectueux s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne, et s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret (soit 500 €), qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux.

Il ressort de la lecture de ce dernier texte que, contrairement aux dispositions de l'article 9 de la directive 85/374 transposée en droit français sous les n° 1245 et suivants du Code civil, le législateur français n'a pas distingué les biens destinés à l'usage ou à la consommation privée de ceux destinés à un usage professionnel ( que la directive exclut du bénéfice de ses dispositions).

En l'espèce, il est incontesté que, courant octobre 2005, la société O-I Manufacturing, spécialisée dans la fabrication de bouteilles en verre, a détecté des anomalies dans certaines des bouteilles qu'elle avait produites et qui étaient destinées à la commercialisation de vin, ni que ces anomalies étaient susceptibles de donner naissance à des débris de verre à l'intérieur desdites bouteilles ainsi qu'elle le précisait elle-même dans son courrier du 27 octobre 2005 (" Le défaut verrier constaté s'avère susceptible de donner naissance à des débris de verre de taille de quelques millimètres voire plus. Aussi, dans ces conditions, quand bien même le risque semble minime, nous ne pouvons exclure la possibilité de dommages corporels liés à l'éventuelle ingestion de débris de verre ").

Il n'est pas plus contesté que la SASU Le Club des Vignerons, à laquelle la société O-I Manufacturing avait vendu des bouteilles ainsi défectueuses, les avaient déjà remplies de vin et livrées à ses clients, ni que, sur son information, la SASU a procédé au blocage dans ses locaux de bouteilles qui n'avaient pas encore été livrées et au rappel auprès de ses propres clients des lots qu'elle leur avait livrés.

Il est ainsi suffisamment établi que les défauts affectant les bouteilles de verre étaient de nature à affecter le vin qu'elles devaient contenir, et que la mévente des bouteilles en résultant, consécutive au caractère impropre à la consommation de ce vin, relevait des dispositions légales sus-rappelées dès lors au surplus que l'activité de la SASU Le Club des Vignerons est de vendre du vin contenu dans des bouteilles et non pas de vendre des bouteilles.

Il ressort des pièces produites par les parties que, le 26 octobre 2005, la société O-I a informé la SASU Le Club des Vignerons du fait que des défauts affectaient les lots de fabrication verriers n° 430 et 438 de son usine de Vayres portant sur des bouteilles de type " Bordelaise Caractère " et lui demandait de bloquer toutes les bouteilles relevant de ces lots.

Il ressort également des différents échanges de correspondance d'une part que la SASU a pu, à partir des éléments qui lui étaient fournis, déterminer qu'en ce qui la concernait elle avait reçu 17 palettes de bouteilles, soit au total 22 746 bouteilles, issues du lot n° 438, et d'autre part que, lors des opérations d'embouteillage, elle avait mélangé ces bouteilles défectueuses avec d'autres également vendues par la société O-I mais provenant d'autres usines ; qu'ainsi notamment une partie des 57 000 bouteilles livrées à la Centrale Leclerc (dont il s'avère qu'elles l'ont été pour le compte du GFA Domaine de Mermian) faisaient partie des bouteilles défectueuses.

Il n'est pas contesté par la société O-I qu'en ce qui concerne la SA Le Club des Vignerons, elle a, suite au courrier du 26 octobre 2005, bloqué dans ses entrepôts de Vendres 62 280 bouteilles pleines et prêtes à être livrées, et a reçu en retour de la plate-forme Scanormande 18 400 autres bouteilles elles aussi susceptibles d'être défectueuses suite au rappel auquel elle avait procédé.

La société O-I ne peut pas sérieusement reprocher à la SASU Le Club des Vignerons de ne pas avoir fait procéder à une analyse du vin contenu dans toutes les bouteilles pour soutenir que la preuve du dommage n'est pas établi. En effet la société O-I, ainsi que rappelé ci-dessus, a elle-même admis que le vin contenu dans les bouteilles défectueuses ne devait pas être consommé. D'autre part, l'atteinte potentielle au vin contenu dans les milliers de bouteilles livrées ou en voie de l'être parmi lesquelles plus de 22 000 étaient défectueuses justifie les mesures de blocage et de rapatriement réalisées qui constituent à elles seules une partie du préjudice subi par l'intimée en lien direct avec le caractère impropre à la consommation du vin contenu dans les bouteilles effectivement défectueuses dès lors que le simple risque de contamination du vin rendait l'immobilisation de toutes les bouteilles aussi nécessaire que si la contamination était avérée.

La société O-I par ailleurs ne conteste pas que le blocage des 62 280 bouteilles prêtes à être livrées a amené la SASU Le Club des Vignerons, pour satisfaire les attentes de son client, à lui livrer à la place d'autres bouteilles d'un vin de qualité supérieure tout en lui accordant une remise qui a impacté sa marge commerciale, ni que les rappels auxquels l'intimée a procédé ont nécessairement terni son image auprès de ses clients.

Pour s'opposer à la demande d'indemnisation de la SASU Le Club des Vignerons, la société O-I invoque les dispositions de l'article 1245-12 du Code civil au termes desquelles la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée compte-tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable. Elle lui reproche d'avoir refusé les opérations de tri des bouteilles qu'elle se proposait de réaliser, et ajoute que ces opérations auraient permis de mettre de côté 400 bouteilles défectueuses et de remettre en commercialisation les 58 800 bouteilles " sauvables " dès lors que, selon les étiquettes, le vin était consommable dans les deux ou trois ans.

Il est établi en effet que, par courrier du 26 décembre 2005, la société O-I a proposé de procéder au tri des 62 280 bouteilles en stock au dépôt de Vendres " pour remise à disposition " en indiquant :

- " un premier tri se fera par origines verrières. Seules les bouteilles issues de l'usine de Vayres seront examinées pour élimination du défaut " bouillon de chargement ",

- les bouteilles issues des autres provenances vous seront renvoyées dans les meilleurs délais,

- les bouteilles seront reconditionnées dans leurs cartons d'origine ou en cartons neufs que vous nous fournirez lors du chargement du stock,

- les cartons ouverts, avec précaution, au cutter, seront rescotchés avec du scotch transparent,

- délai maxi fin de chantier : 3 semaines après la réception des bouteilles,

- nous reprendrons contact avec vous début janvier concernant le stock des 18 400 bouteilles retour Leclerc pour lesquelles une destruction est envisagée ".

Il convient de relever que les affirmations de la société O-I selon lesquelles ces opérations auraient permis de mettre de côté 400 bouteilles ne s'appuient sur aucun élément tangible concernant ce chiffre alors au surplus qu'elle n'a jamais contesté que le nombre de bouteilles défectueuses livrées à la SASU s'élevait à 22 746. Le chiffre de 58 800 bouteilles " sauvables " (qui ne correspond pas à la différence entre 62 280 et 400...) n'est pas plus justifié.

Il n'est pas contesté par la SASU Le Club des Vignerons qu'elle a refusé qu'il soit procédé à ces opérations de tri dès le 30 décembre 2005.

Toutefois, ce refus ne constitue pas une faute au sens de l'article 1245-12 dès lors d'une part que la proposition concernant les bouteilles défectueuses était plus que vague (aucune indication n'étant donnée quant aux modalités d'élimination du défaut) et d'autre part que l'intimée justifie du fait qu'elle n'était plus susceptible de vendre les bouteilles issues d'autres provenances que l'usine de Vayres dans la mesure où les 62 280 bouteilles étaient toutes destinées à son client Leclerc dans le cadre des ventes de fin d'année, client auquel elle avait en remplacement et en urgence livré d'autres bouteilles et pour lequel elle s'est dès le début de l'année 2006 réapprovisionnée de manière à satisfaire ses demandes et ne pas perdre sa clientèle.

La SASU Le Club des Vignerons demande l'indemnisation de la perte de chiffre d'affaires subie du fait de la perte de confiance des enseignes de la grande distribution Leclerc et Leader Price qui constituent une part importante de sa clientèle au cours des années 2006 et 2007, et du préjudice subi du fait du retour et du blocage des produits.

Il ressort du rapport d'expertise de Monsieur M., dont les constatations ne sont pas critiquées par les parties, que la SASU a subi une baisse très nette de chiffre d'affaires dans ses relations avec la centrale Leclerc et avec la centrale DLP en 2006 et 2007, et que par contre, avec la centrale Baud, le chiffre d'affaires a augmenté en 2006 par rapport à 2005 pour ne diminuer qu'en 2007.

La baisse de 50 % du chiffre d'affaires total de la SASU au cours des deux années suivant le sinistre a nécessairement en grande partie pour origine le blocage et le rappel des bouteilles auxquels la SASU Le Club des Vignerons a dû procéder dès lors que cette baisse est enregistrée principalement avec les centrales d'achats concernées par ces mesures.

Après analyse des documents justificatifs produits par la SASU, l'expert conclut que la perte totale du chiffre d'affaire avec les centrales Leclerc et DLP en lien avec le sinistre s'élève à 3 286 790 €, que le taux de marge brute moyen résultant du compte analytique s'établit à 28,72 %, et propose de retenir un taux de frais proportionnels à 15,425 % pour tenir compte du fait que la diminution du chiffre d'affaires est partiellement dû au sinistre. Il évalue en conséquence le préjudice subi par la SASU à 436 979 €, somme qu'il convient de retenir ainsi que l'a fait à juste titre le tribunal.

L'expert a également retenu au vu des pièces justificatives produites que le retour des bouteilles et le stockage dans le dépôt de Vendres avaient entraîné pour la SASU un préjudice direct de 119 164,33 €.

Sur ce point également, la société O-I conteste le montant ainsi retenu au motif que seules 400 bouteilles auraient dû être bloquées au lieu des 62 280, ce dont elle ne justifie pas, alors même au surplus que c'est à sa demande que la SASU a procédé au blocage des bouteilles encore en stock chez elle et au rappel de celles qui avaient été livrées.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de la SASU sur ce point.

La confirmation des condamnations prononcées au fond au profit de la SASU Le Club des Vignerons justifie la confirmation de celle prononcée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les demandes en paiement de la SASU Le Club des Vignerons n'ayant été formalisées que dans les assignations délivrées les 17 et 25 février 2011, c'est à tort que les premiers juges ont condamné la société O-I à verser les intérêts au taux légal calculés sur les sommes allouées à compter de l'assignation en référé. Le jugement doit être infirmé sur ce point et la société O-I sera condamnée verser les intérêts au taux légal à compter du 17 février 2011.

La cour relève que, nonobstant l'intervention volontaire de la SA AIG Europe Limited dans la procédure aux côtés de son assurée la société O-I, la SASU Le Club des Vignerons n'émet aucune prétention à son encontre.

- Sur les demandes du GFA Domaine de Mermian :

Le GFA Domaine de Mermian est intervenu dans la procédure à hauteur d'appel devant la Cour d'appel de Montpellier et son intervention, formée dans le cadre de conclusions déposées le 30 novembre 2011, est régulière en la forme.

La société O-I soutient en premier lieu que cette intervention est irrecevable, le GFA ne pouvant pas revendiquer la qualité de tiers au sens de l'article 554 du Code de procédure civile.

Aux termes de ce texte, peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'ils ont intérêt, les personnes qui n'ont pas été parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Il n'est pas contestable que la GFA Domaine de Mermian n'était pas présent en première instance, ni que, dans la mesure où elle invoque un préjudice en lien avec les opérations de rappel des bouteilles de vins réalisé en octobre 2005 par la SASU Le Club des Vignerons qui commercialise ses vins, il a intérêt à agir.

Par ailleurs, les prétentions émises par le GFA Domaine de Mermian ne constituent pas une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, sa demande d'indemnisation ayant été devant le Tribunal de commerce de Béziers formulée par la SASU Le Club des Vignerons.

L'intervention du GFA Domaine de Mermian doit en conséquence être déclarée recevable.

La société O-I soutient ensuite que les demandes ainsi formées sont prescrites par application des dispositions de l'article 1386-17 devenu 1245-16 du Code civil, lequel prévoit que l'action en réparation fondée sur les dispositions concernant la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

Il n'est pas contesté par le GFA qu'il a eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur dès le mois d'octobre 2005, et que sa demande d'indemnisation n'a été formée pour la première fois dans ses conclusions déposées le 29 novembre 2011.

Le GFA soutient que le délai de prescription a été interrompu par les courriers émanant de la société BSN Glasspack devenue O-I Manufacturing France en date des 26 et 27 octobre 2005 dans lesquelles celle-ci auraient reconnu sa responsabilité. Or une reconnaissance de responsabilité ne peut interrompre une prescription qu'au profit de la partie visée par cette reconnaissance et à laquelle la correspondance a été adressée. En l'espèce, ni la lettre du 26 octobre 2005, ni celle du 27 octobre 2005 n'ont été adressées au GFA Domaine de Mermian auquel elles ne font au surplus nullement référence.

Le GFA invoque ensuite la procédure de référé et l'expertise diligentée par Monsieur M.. Or il ressort du dossier que la GFA Domaine de Mermian n'était pas demanderesse ni partie lors de la procédure de référé, et qu'elle n'était pas plus partie à l'expertise. Si effectivement l'expert a procédé à l'évaluation de son préjudice, c'est à la demande de la SASU Le Club des Vignerons.

L'assignation en référé ne peut pas en conséquence avoir interrompu à son profit le délai de prescription puisqu'elle n'était pas juridiquement partie dans cette procédure, et elle n'est pas plus fondée pour le même motif à arguer de la date de dépôt du rapport d'expertise.

Il s'en déduit que l'action du GFA Domaine de Mermian est prescrite.

- Sur la demande de compensation présentée par la SA O-I :

La SA O-I demande que sa condamnation soit compensée avec la somme de 38 059 € correspondant à l'aggravation du préjudice lié au refus par la SASU Le Club des Vignerons de procéder au tri des bouteilles.

La SA O-I s'appuie sur les conclusions de l'expert judiciaire qui rappelle la position de cette société selon laquelle le tri aurait permis d'isoler 400 bouteilles parmi le stock de 62 280 cols constitué, pour le restant, de bouteilles provenant d'une autre unité de production, et 58 500 bouteilles auraient été sauvables avec une vente moyennant un rabais de 25 %.

L'expert évalue en conséquence l'aggravation du préjudice en retenant que la SASU Le Club des Vignerons a facturé à la société O-I 84 078 € pour remboursement des bouteilles défectueuses, alors que le préjudice n'aurait dû être que de 25 000 € (coût estimé des opérations de tri) et de 21 019 € (rabais de 25 % sur la vente de 58 880 bouteilles) soit une différence de 38 059 €.

Or l'auteur du dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.

D'autre part, ainsi que retenu plus haut, le refus de la SASU Le Club des Vignerons de procéder au tri des bouteilles était justifié et les chiffres annoncés par la SA O-I de 400 bouteilles défectueuses à isoler et de 58 800 bouteilles " sauvables " ne reposent sur aucun justificatif.

Le jugement du Tribunal de commerce de Béziers en ce qu'il a laissé à la charge de la SASU Le Club des Vignerons la somme de 38 059 € et ordonné la compensation de cette somme avec celles allouées à cette société doit être infirmé et la SA O-I déboutée de ce chef de prétention.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Béziers en date du 18 juillet 2011 en ce qu'il a condamné la société O-I Manufacturing France à payer à la SASU Le Club des Vignerons la somme de 436 979 € au titre de la perte financière subie, celle de 119 164,33 € au titre du préjudice direct et celle de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau, Condamne la SA O-I Manufacturing France à payer à la SASU Le Club des Vignerons les intérêts au taux légal calculés sur les sommes de 436 979 € et 119 164,33 € à compter du 17 février 2011, Déboute la SA O-I Manufacturing de sa demande de fixation à 38 059 € de sa créance au titre du refus de tri des bouteilles et de compensation avec les sommes allouées à la SASU Le Club des Vignerons, Déclare recevable l'intervention volontaire du GFA Domaine de Mermian dans la procédure, Déclare prescrite l'action du GFA Domaine de Mermian, Condamne la SA O-I Manufacturing France aux dépens de la procédure d'appel suivie devant la Cour d'appel de Lyon puis devant celle de Dijon et dont distraction au profit de la SCP S.-R., avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SA O-I Manufacturing , la société AIG Europe Limited et le GFA Domaine de Mermian de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles, Condamne la SA O-I Manufacturing France à verser à la SASU Le Club des Vignerons 2 500 € au titre de ses frais irrépétibles liés à la procédure d'appel.