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Décisions

Cass. com., 21 mars 2018, n° 16-17.660

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Effigest (SAS) , Effigest Seine-et-Marne (SARL)

Défendeur :

Société d'audit Analyse Financière et Historique Information et Révision comptable, Rondeau

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Darbois

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Rousseau, Tapie, SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer

Paris, pôle 5, ch. 2, du 15 avr. 2016

15 avril 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2016), que la société Effigest et la Société d'audit analyse financière et historique information et révision comptable (la société SAFHIR), sociétés d'expertise comptable créées respectivement en 2000 et 2004, se sont associées le 3 octobre 2008 pour constituer la société Effigest Seine-et-Marne, leurs gérants respectifs, MM. Duarte et Rondeau, étant nommés cogérants ; que le 6 avril 2012, M. Rondeau a décidé de quitter la société Effigest Seine-et-Marne, départ qui a été précédé, le 19 janvier 2012, de celui de la responsable de clientèle, Mme Blondeau, laquelle a été embauchée par la société SAFHIR dont elle était devenue associée minoritaire en 2009, puis a été suivi par celui des autres salariés, lesquels ont également été embauchés par la société SAFHIR ; que, reprochant à la société SAFHIR et à M. Rondeau un débauchage de personnel et un détournement de clientèle, la société Effigest et la société Effigest Seine-et-Marne (les sociétés Effigest) les ont assignés en concurrence déloyale et parasitisme ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Effigest font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes alors, selon le moyen : 1°) que constituent des actes de concurrence déloyale le recrutement massif, simultané et planifié des salariés d'une entreprise par l'ancien gérant de celle-ci, en vue de l'installation d'une activité concurrente dans un secteur géographique proche, et l'appropriation de la clientèle et du chiffre d'affaires du concurrent qui en résulte inéluctablement; qu'en l'espèce, au soutien de leur action en concurrence déloyale, les sociétés Effigest faisaient valoir que M. Rondeau avait engagé sa responsabilité en organisant de manière méthodique et en quelques mois le débauchage de l'intégralité des salariés de la société Effigest Seine-et-Marne dont il assurait la cogérance ; qu'elles soulignaient que ce débauchage avait été programmé de longue date, Mme Blondeau, responsable clientèle ultérieurement débauchée par la société SAFHIR, étant entrée dans le capital de cette dernière dès juillet 2009 et ayant cosigné le 8 décembre 2011 avec M. Rondeau un courrier adressé à une agence immobilière pour la prise à bail de locaux similaires à ceux de la société Effigest Seine-et-Marne et situés à 50 mètres seulement de ces derniers, dans lesquels la société SAFHIR s'est installée quelques mois plus tard, emportant une large partie de la clientèle de la société Effigest Seine-et-Marne ; que pour débouter les sociétés Effigest de leurs demandes indemnitaires, la cour d'appel, après avoir estimé que le départ de Mme Blondeau, responsable clientèle de la société Effigest Seine-et-Marne, avait été causé par une mésentente avec M. Duarte, cogérant de cette société, a relevé que la société Effigest Seine-et-Marne réalisait certaines prestations pour la société SAFHIR, notamment de maintenance informatique et de téléphonie, qu'elle avait cessé de fournir en avril 2012 ; qu'elle a également retenu que si la société Effigest Seine-et-Marne avait connu des départs de salariés au cours du premier semestre 2012, elle n'avait pas pour autant été désorganisée par ceux-ci dans la mesure où elle avait pu assurer leur remplacement, et qu'elle ne produisait aucun document faisant état de plainte de clients, la simple " migration " de personnels salariés non accompagnée de manœuvres déloyales n'étant pas en soi fautive ; qu'en statuant par de tels motifs, insuffisants à écarter le caractère fautif du recrutement de tous les salariés de la société Effigest Seine-et-Marne, et sans rechercher si celui-ci, eu égard à son caractère massif, simultané et programmé par M. Rondeau, gérant de cette société, en vue du développement d'une activité concurrente dans un secteur géographique très proche, ne caractérisait pas un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) que le mandataire social est tenu de plein droit à une obligation de loyauté et de fidélité à l'égard de la société dont il assure la gestion ; qu'en l'espèce, les sociétés Effigest faisaient valoir que M. Rondeau avait méconnu son devoir de loyauté à l'égard de la société Effigest Seine-et-Marne en organisant, pendant qu'il exerçait encore les fonctions de mandataire social de cette société, le développement de l'activité concurrente de la société SAFHIR dont il était le gérant, notamment en introduisant Mme Blondeau, responsable clientèle de la société Effigest Seine-et-Marne, dans le capital de la société SAFHIR dès l'année 2009, en prenant à bail des locaux professionnels similaires et à proximité immédiate de ceux de la société Effigest Seine-et-Marne, puis en procédant au débauchage de l'intégralité des salariés de cette dernière et en emportant la plus grande partie de sa clientèle ; qu'en se bornant à retenir, pour débouter les sociétés Effigest de leurs demandes indemnitaires, que le simple débauchage des salariés de la société Effigest Seine-et-Marne, dès lors qu'il n'était pas accompagné de manœuvres déloyales, n'était pas fautif et qu'il n'était pas démontré qu'il avait désorganisé la société Effigest Seine-et-Marne, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions des sociétés Effigest, si les agissements imputés à M. Rondeau ne caractérisaient pas un manquement de ce dernier à ses obligations de loyauté et de fidélité envers la société Effigest Seine-et-Marne dont il était le gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et L. 223-22 du Code de commerce ; 3°) que constitue un acte de concurrence déloyale le fait pour une entreprise de faire sciemment participer le salarié d'une entreprise concurrente au développement de sa propre activité ; qu'en l'espèce, les sociétés Effigest soutenaient que la société SAFHIR et M. Rondeau avaient engagé leur responsabilité en profitant des services de Mme Blondeau, responsable clientèle de la société Effigest Seine-et-Marne, qui avait de facto commencé à travailler pour la société SAFHIR bien avant son départ de la société Effigest Seine-et-Marne en janvier 2012, ainsi qu'en attestait le courrier du 8 décembre 2011 qu'elle avait cosigné avec M. Rondeau pour la prise à bail de locaux similaires à ceux de la société Effigest Seine-et-Marne ; que les sociétés Effigest soulignaient également que M. Duarte avait constaté dès le second semestre 2011 que Mme Blondeau avait négligé son travail de facturation, ce qui l'avait contraint à la rappeler à l'ordre dans un courriel du 20 novembre 2011 ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas de ces éléments que M. Rondeau et la société SAFHIR avaient commis une faute engageant leur responsabilité en s'adjoignant les services de Mme Blondeau alors que cette dernière était encore dans les liens de son contrat de travail avec la société Effigest Seine-et-Marne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1382 du Code civil ; 4°) qu'engagent la responsabilité de leur auteur les agissements qui ont eu pour effet de désorganiser le fonctionnement d'une entreprise concurrente ; que pour dire que la société Effigest Seine-et-Marne ne démontrait pas avoir été désorganisée par le départ de ses salariés vers la société SAFHIR, la cour d'appel a retenu qu'elle avait pu assurer leur remplacement et qu'elle ne produisait aucun document justifiant une quelconque plainte de ses clients ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si le fait, résultant de ses propres constatations, que la société SAFHIR, dirigée par M. Rondeau, avait procédé en quelques mois au débauchage de l'intégralité du personnel de la société Effigest Seine-et-Marne, pour s'établir dans des locaux situés à 50 mètres de ceux de cette dernière, en emportant de surcroît la clientèle de la société Effigest Seine-et-Marne, cette dernière invoquant avoir subi une perte soudaine de 59 % de son chiffre d'affaires, n'avait pas nécessairement désorganisé la société Effigest Seine-et-Marne, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; 5°) que les sociétés Effigest soulignaient dans leurs conclusions d'appel que la liaison informatique de Mme Blondeau n'avait été coupée qu'au 31 décembre 2011, soit à la date de son départ effectif de l'entreprise, et qu'il en avait ensuite été de même pour l'ensemble des autres salariés démissionnaires, dont l'accès informatique à distance avait été coupé à la date de leur départ effectif de la société Effigest Seine-et-Marne ; qu'elles versaient également aux débats un extrait du journal d'activités de Mmes Gastou et Faria Lopes démontrant que ces salariées avaient pu travailler les 6 et 13 avril 2012 ; qu'en relevant que la société Effigest avait coupé l'accès informatique des salariés démissionnaires, sans rechercher si cette coupure n'était pas intervenue à la date du départ programmé de ses salariés de l'entreprise, en sorte qu'il ne pouvait lui être imputé d'avoir placé les salariés dans l'impossibilité de travailler, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, qu'il résulte des courriels adressés par M. Duarte que celui-ci intervenait au quotidien et mettait en cause, de façon systématique, l'organisation, les méthodes de travail, la facturation, le niveau de la trésorerie et la compétence des salariés de la société Effigest Seine-et-Marne et que, particulièrement dans celui du 20 novembre 2011, il critiquait le travail effectué par Mme Blondeau, au point que leur relation ne pouvait perdurer, et en déduit qu'il ne saurait être reproché à M. Rondeau d'avoir conclu avec Mme Blondeau une rupture conventionnelle, la circonstance qu'elle ait été associée minoritaire de la société SAFHIR depuis 2009 étant sans relation avec les conditions de cette rupture qui n'a été que la conséquence d'une mésentente croissante avec M. Duarte ; qu'il retient, en outre, que la lettre adressée par M. Duarte à M. Rondeau lors du départ de celui-ci fait apparaître que Mme Blondeau a quitté la société Effigest Seine-et-Marne à la satisfaction de M. Duarte et que, dans ces conditions, les sociétés Effigest ne peuvent soutenir que ce départ a été préjudiciable et a entraîné une désorganisation de la société Effigest Seine-et-Marne ; qu'après avoir relevé que la société Effigest réalisait des prestations pour le compte de la société Effigest Seine-et-Marne, notamment toute la maintenance informatique et toute la téléphonie, et faisait intervenir cinq de ses salariés, qu'elle lui facturait, l'arrêt retient, ensuite, s'agissant de la démission des autres salariés intervenue entre le 15 janvier et le 30 juin 2012, qu'ils étaient encore six présents, dont l'un était en entretien clientèle, lorsque le système informatique avait été neutralisé les 6 et 13 avril 2012, que leur préavis a été écourté, que seuls deux d'entre eux étaient lusophones, dont l'une, restée en poste jusqu'au 29 juin 2012, était encore présente lorsque M. Duarte a pris la décision de couper intégralement l'accès informatique du cabinet, que la société a recruté cinq nouveaux salariés dès le mois de juillet et qu'elle ne justifie pas d'une quelconque plainte des clients ; qu'il en déduit que la société Effigest Seine-et-Marne n'a pas été désorganisée par ce départ de l'ensemble de ses salariés dont elle a pu assurer le remplacement ; que l'arrêt retient, enfin, que le courriel du 25 janvier 2012, par lequel M. Duarte a écrit à M. Rondeau " Je pense que nous arrivons au bout d'un mode de fonctionnement ", démontre qu'il n'entendait pas poursuivre la relation et que M. Rondeau s'est vu subitement signifier que les serrures du cabinet seraient changées et qu'il devait partir, de sorte que plus aucun salarié ne pouvait travailler sous sa direction, cependant qu'il était co-gérant du cabinet ; qu'il en déduit que, dans ces conditions de rupture telles qu'énoncées par M. Duarte lui-même, M. Rondeau, qui, avant sa collaboration avec M. Duarte, exerçait une activité d'expert-comptable, était fondé à rechercher une solution pour poursuivre ses activités dans le cadre de la société SAFHIR et avec le concours de Mme Blondeau, associée au sein de celle-ci, en recherchant des locaux, dont la proximité avec ceux de la société Effigest Seine-et-Marne n'était pas de nature à engendrer un risque de confusion, dans la mesure où l'attachement d'une clientèle libérale ne se fait pas en fonction de l'emplacement du lieu d'activité mais en raison des liens tissés avec l'expert-comptable ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que la société SAFHIR n'avait pas commis de faute dans le recrutement massif des salariés de la société Effigest Seine-et-Marne et que M. Rondeau n'avait pas manqué à ses obligations de loyauté et de fidélité envers celle-ci en sa qualité de cogérant, la cour d'appel, qui a ainsi effectué les recherches invoquées par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que les sociétés Effigest font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que constitue un acte de parasitisme le fait de se placer dans le sillage d'une entreprise concurrente en profitant de manière indue des investissements réalisés par cette dernière ; qu'en l'espèce, et ainsi que le faisaient valoir les sociétés Effigest, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société Effigest avait réalisé des investissements très importants pour le lancement de l'activité de la société Effigest Seine-et-Marne et que cette dernière avait également procédé à la mise à disposition de M. Rondeau " de son image de marque, de son réseau, de l'ensemble de ses outils informatiques et logiciels soit un ensemble de moyens matériels dont ne disposait pas la société Safhir " ; que la cour d'appel a également relevé que si la société SAFHIR n'avait alors aucun salarié ni aucun local professionnel, elle pouvait disposer d'une clientèle apportée par M. Rondeau et faire assumer les prestations par la société Effigest Seine-et-Marne ; qu'en jugeant néanmoins que " si M. Rondeau a pu ainsi bénéficier d'investissements matériels mis à sa disposition par la société Effigest, cette circonstance [était] inopérante dès lors que la clientèle restait libre de choisir son expert-comptable et que les éléments précités démontrent qu'au moins une partie de celle-ci était attachée à M. Rondeau ", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que M. Rondeau et la société SAFHIR avaient profité des investissements réalisés par la société Effigest, a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que constitue un acte de concurrence déloyale le fait pour un acteur économique de détourner les commandes adressées à un concurrent ; qu'en l'espèce, les sociétés Effigest faisaient valoir que la société SAFHIR avait encaissé des factures correspondant à des prestations effectuées par la société Effigest Seine-et-Marne, et émises à l'en-tête de cette dernière ; qu'elles soulignaient que M. Rondeau avait également fait établir des lettres de mission à l'en-tête de la société SAFHIR au titre de prestations effectivement réalisées par la société Effigest Seine-et-Marne ; qu'étaient également versées aux débats plusieurs décisions de justice, devenues définitives, ayant jugé que les factures de la société Effigest Seine-et-Marne correspondaient à des prestations effectuées par cette société sans l'intervention de la société SAFHIR ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si M. Rondeau et la société SAFHIR n'avaient pas engagé leur responsabilité à l'égard de la société Effigest Seine-et-Marne en détournant les commandes de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que constitue un acte de concurrence déloyale le fait de détourner la clientèle d'un concurrent en créant une confusion dans l'esprit de celle-ci ; qu'en l'espèce, les sociétés Effigest versaient aux débats un courriel adressé le 22 mai 2012 par Mme Blondeau à plusieurs clients de la société Effigest Seine-et-Marne leur indiquant " Nous vous remercions de ne plus appeler à Effigest mais au 01 64 13 47 10 " ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas de ce courriel la preuve d'un détournement fautif par la société SAFHIR et son dirigeant M. Rondeau des clients de la société Effigest Seine-et-Marne ainsi que la confusion existant dans l'esprit de ces derniers quant à l'identité de la personne avec laquelle ils traitaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4°) que les sociétés Effigest faisaient valoir que la thèse de M. Rondeau selon laquelle il aurait disposé d'une clientèle propre qui lui était attachée et dont la société SAFHIR qu'il avait créée aurait sous-traité les dossiers à la société Effigest Seine-et-Marne était démentie par les comptes de la société SAFHIR, desquels il résultait que les charges payées à la société Effigest Seine-et-Marne étaient passées de 426 845 euros en 2009 à 76 573 euros en 2011, quand pendant cette même période, le chiffre d'affaires de la société Effigest Seine-et-Marne avait cru de 393 772 euros à 1 236 060 euros ; qu'elles soulignaient que la société SAFHIR ne produisait aux débats qu'une facture adressée en 2008 par la société Effigest Seine-et-Marne à la société SAFHIR, censée établir l'existence d'un système de sous-traitance, quand l'ensemble des autres factures versées aux débats démontraient que la société Effigest Seine-et-Marne facturait directement ses prestations aux clients finaux ; que, pour dire que la preuve d'un détournement de clientèle de la société Effigest Seine-et-Marne par la société SAFHIR à compter de l'année 2012 n'était pas démontrée, la cour d'appel a considéré que cette dernière avait pu disposer d'une clientèle propre attachée à la personne de son dirigeant M. Rondeau, dont elle avait sous-traité les dossiers à la société Effigest Seine-et-Marne ; qu'elle a, à cet égard, retenu que si le montant des rétrocessions dont la société Effigest Seine-et-Marne avait bénéficié, de la part de la société SAFHIR, avait diminué, alors que dans le même temps le chiffre d'affaires de la société Effigest Seine-et-Marne avait été multiplié par trois, " le rapprochement de ces données laiss[ait] supposer que cette augmentation résulte simplement d'un transfert progressif des clients de M. Rondeau et de la société SAFHIR et donc d'un abandon de la sous-traitance "; qu'en jugeant néanmoins que la preuve d'un détournement de la clientèle de la société Effigest Seine-et-Marne n'était pas démontrée, quand il résultait de ses propres constatations que la supposée pratique de sous-traitance des clients de la société SAFHIR à la société Effigest Seine-et-Marne avait été progressivement abandonnée, ce dont il résultait que la majeure partie du chiffre d'affaires de cette dernière provenait de sa clientèle propre et non de celle qui aurait été attachée à M. Rondeau, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 5°) que les sociétés Effigest faisaient valoir qu'il résultait des comptes annuels de la société SAFHIR qu'elles versaient aux débats que la société SAFHIR, créée par M. Rondeau en 2004, n'avait disposé jusqu'en 2012 d'aucun salarié ni de locaux professionnels, et que son chiffre d'affaires au titre des années 2004 à 2007 était anecdotique ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas de ces circonstances que la société SAFHIR n'avait pu disposer d'une clientèle personnelle d'une importance telle qu'elle ait dû être sous-traitée à la société Effigest Seine-et-Marne, et qui ait pu être valorisée à hauteur de 439 249 euros, somme représentant le chiffre d'affaires perdu par la société Effigest Seine-et-Marne à la suite de l'accaparement des clients en cause par la société SAFHIR, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 6°) que les sociétés Effigest faisaient valoir que dans un courrier en date du 13 avril 2012, M. Rondeau avait indiqué " Je propose de verser une indemnité de clientèle pour un montant de 150.000 € (cent cinquante mille euros) pour les dossiers identifiés groupes JMR et VBL (sauf Technicad, Beti, CE Carrefour) auprès de la société Effigest Seine-et-Marne (...) par moi-même ou toute société s'y substituant ", et qu'il proposait également " la prise en charge des soldes de tout compte des collaborateurs quittant le cabinet le 13 avril 2012 à savoir Madame Gaudineau Cécile, Madame Loreira Maria Louisa, Monsieur Moreira Jean-Pierre " ainsi que " la prise en charge de l'indemnité de rupture conventionnelle du contrat de travail de Madame Blondeau Valérie " ; qu'elles en déduisaient que la société SAFHIR et M. Rondeau " ne p[ouvaient] d'un côté proposer à Effigest 77 de l'indemniser pour une perte de clientèle et, d'un autre côté, prétendre que cette clientèle ne lui appartenait pas " ; qu'en écartant cette lettre au motif qu'elle ne valait pas reconnaissance d'une quelconque responsabilité et qu'il s'agissait d'une offre de règlement portant également sur la vente des titres des sociétés Effigest Seine-et-Marne et Espace Sénart, sans rechercher s'il ne résultait pas de ce courrier la reconnaissance de ce qu'à tout le moins une partie de la clientèle reprise par la société SAFHIR appartenait à la société Effigest Seine-et-Marne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 7°) que les sociétés Effigest rappelaient que M. Rondeau, en sa qualité de cogérant de la société Effigest Seine-et-Marne, s'était vu confier la mission de développer l'activité de la société Effigest dans le secteur géographique de l'Est parisien, et qu'il dirigeait les activités de la société Effigest Seine-et-Marne qu'il représentait dans ce secteur ; qu'en se fondant sur le fait que "dans ses courriels, la société Effigest identifiait des clients Rondeau, Blondeau ou Duarte auxquels elle associait des niveaux de performance personnelle " pour en déduire que la société Effigest " ne peut pas soutenir l'absence de lien entre M. Rondeau et ceux-ci ", la cour d'appel a statué par un motif radicalement inopérant à établir qu'il ne s'agissait pas de clients appartenant à la société Effigest, dont M. Rondeau avait seulement la charge dans l'exercice de sa fonction de gérant, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis par elle; qu'il résulte des conclusions des sociétés Effigest que celles-ci se bornaient, réfutant la thèse d'une relation de sous-traitance ayant existé entre la société SAFHIR et la société Effigest Seine-et-Marne, à soutenir que M. Rondeau, à la fois gérant de la première et cogérant de la seconde, avait " délibérément et sans en aviser ses associés, établi la quasi-totalité des lettres de mission adressées à la clientèle du cabinet sur papier à en-tête SAFHIR, en espérant pouvoir créer, sans bourse délier, un fonds d'expertise comptable attaché à sa structure d'exercice personnelle " et qu'il avait ainsi artificiellement détourné la clientèle de la seconde vers la première ; que si les agissements ainsi dénoncés pouvaient relever de la concurrence déloyale, ils étaient, à eux seuls, impropres à caractériser un comportement parasitaire, de sorte que le moyen, en ce qu'il reproche à la cour d'appel de les avoir estimés non démontrés, est inopérant ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.