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Décisions

Cass. com., 21 mars 2018, n° 16-17.146

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Callithea (SAS)

Défendeur :

Carrefour hypermarchés (SAS) , Carrefour France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Foussard, Froger, SCP Odent, Poulet

Paris, pôle 5 ch. 5, du 3 mars 2016

3 mars 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2016), que la société Callithea, qui a pour activité la production et la commercialisation de produits textiles, entretenait depuis les années 1960 des relations commerciales avec le groupe Carrefour et fournissait la société Carrefour hypermarchés en vêtements, vendus sous la marque de ce distributeur, depuis 2006, lorsque, par lettre du 3 février 2011, cette dernière l'a informée de sa décision de mettre un terme à leur relation commerciale avec un préavis de douze mois ; que, s'estimant victime de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, la société Callithea a assigné la société Carrefour hypermarchés en réparation de ses préjudices ; qu'en cours d'instance, la société Carrefour France est venue aux droits de la société Carrefour hypermarchés et la société Callithea a demandé le remboursement de facturations de service d'aide à la gestion de compte client qu'elle estimait contrevenir à l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Callithea fait grief à l'arrêt de fixer à 336 000 euros l'indemnisation mise à la charge de la société Carrefour hypermarchés au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen : 1°) que, si la durée du préavis n'est pas déterminée exclusivement en considération de la durée des relations commerciales, cette durée est néanmoins un élément essentiel quant à la fixation du préavis ; que dans un premier temps, les juges du second degré ont énoncé que " la société Callithea (...) entretient depuis les années 1960, des relations commerciales avec le Groupe Carrefour " puis ont retenu, par adoption des motifs des premiers juges " que la société Callithea (...) entretient depuis les années 1960 des relations commerciales avec le Groupe Carrefour " ; qu'en considérant, au moment où elle se prononçait sur la durée du préavis, que la durée des relations commerciales était incertaine, les juges du second degré n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et violé, au stade de la détermination de la durée du préavis, l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°) qu'en tous cas, faute de s'être prononcés au moment où ils fixaient la durée du préavis et sachant que la durée invoquée par la société Callithea n'était pas contestée, sur la durée des relations commerciales, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir justement rappelé que le préavis mentionné à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce tient compte de la durée de la relation mais également d'autres éléments, telles que les capacités de l'entreprise à retrouver des débouchés, l'arrêt procède, par motifs adoptés, à l'analyse précise de la nature de l'activité confiée par la société Carrefour hypermarchés à la société Callithea, de la proportion qu'elle représentait dans son activité globale et des conditions dans lesquelles elle la réalisait ; qu'il en déduit que, malgré l'ancienneté de la relation nouée entre les parties, et au regard de l'ensemble de ces éléments, le délai de préavis revendiqué par la société Callithea n'est pas justifié et qu'un préavis de deux ans doit être retenu ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, rendant les critiques du moyen inopérantes, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Callithea fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que, lorsque, dans les années qui précèdent la notification de la rupture, l'auteur de la rupture réduit le volume des commandes dans des conditions révélatrices d'une rupture partielle, l'indemnité due pour non-respect du préavis doit être assise sur le chiffre d'affaires réalisé antérieurement aux faits révélateurs d'une rupture partielle ; que pour se prononcer sur l'existence d'une rupture partielle, les juges du fond doivent se référer au volume des commandes et se déterminer sur la base des éléments objectifs qui caractérisent les relations commerciales ; qu'en l'espèce, à compter de 2009, le volume des commandes a chuté de 40 % ; qu'en s'abstenant d'analyser cette donnée avant de se prononcer sur une rupture partielle, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°) que, l'absence de rupture partielle, liée à des éléments objectifs quant aux caractéristiques des relations commerciales, ne saurait être déduite de ce que, postérieurement à la réduction du chiffre d'affaires, l'entreprise victime de la rupture a conservé le silence ou s'est abstenue de demander des explications ; qu'en estimant, au cas d'espèce, qu'à la suite de la rupture totale, intervenue en 2011, la société Callithea a protesté, ce qu'elle n'a pas fait lors de la rupture partielle intervenue en 2009, fut-ce en sollicitant des explications, les juges du second degré, qui se sont fondés sur des motifs inopérants, ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que dès les années 2006 et 2007, une baisse des commandes de la société Carrefour hypermarchés s'était manifestée, avec une chute en 2009 et les années suivantes, l'arrêt relève que cette situation a été mise en rapport avec les fluctuations du marché et que, pendant toute cette période, la société Callithea n'a jamais jugé ces variations suspectes, ni protesté sur la qualité de leurs relations ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que la baisse des commandes était inhérente à l'état du marché et ne pouvait être assimilée à une rupture partielle de relation commerciale établie, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Callithea fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en restitution des sommes versées au titre du contrat de prestation de services portant sur l'aide à la gestion de comptes clients alors, selon le moyen : 1°) que, en présence d'un contrat de prestation de services, il incombe aux juges, qui ont à cet égard tous pouvoirs, de s'assurer de l'existence, de l'importance et des caractéristiques des services rendus afin de déterminer si la contrepartie est due et dans l'affirmative, à concurrence de quel montant ; qu'en refusant de prendre parti sur ce point, les juges du fond ont violé les articles 1134 et 1787 du Code civil ; 2°) que, dès lors qu'en cause d'appel, la société Callithea visait formellement sa pièce n° 45, ainsi que la pièce n° 29 de la société Carrefour, les motifs du jugement, relatifs à l'absence de pièces fondant la demande de la société Callithea ne peuvent conférer une base légale à l'arrêt attaqué ; qu'à cet égard également, une censure pour défaut de base légale au regard de l'article 1134 et 1787 du Code civil s'impose ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant statué, comme il lui était demandé, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, le moyen, qui invoque la violation de textes dont il n'a pas été fait application, est inopérant ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.