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Décisions

Cass. crim., 21 mars 2018, n° 16-87.193

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Wyon

Avocat général :

M. Bonnet

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, Me Ricard

TGI Paris, JLD, du 21 mai 2013

21 mai 2013

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par la société X, la société Y et la société Z, contre l'ordonnance n° 43 du premier président de la Cour d'appel de Paris, en date du 23 septembre 2015, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées par l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en vue de rechercher la preuve de pratiques commerciales prohibées ; - Vu les mémoires en demande et en défense, et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure que, statuant sur une requête du chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, présentée dans le cadre d'une enquête relative à des agissements de la société X, ayant pour effet de restreindre le service d'accès à l'internet 3G mobile offert à ses abonnés, et susceptibles de constituer une pratique commerciale trompeuse contraire aux articles L. 121-1 et L. 121-11 du Code de la consommation, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris a autorisé, par ordonnance, en date du 21 mai 2013, les opérations de visite et de saisie dans les locaux occupés à Paris par les sociétés X, Groupe Z et Y SAS ; que les opérations de visite et de saisie se sont déroulées les 28 et 29 mai 2013 ; que le 5 juin 2013, les sociétés Y, X et Groupe Z ont toutes trois formé un recours devant le premier président de la Cour d'appel de Paris contre le déroulement des opérations de visite et saisie, et a demandé l'annulation de ces opérations effectuées les 28 et 29 mai 2013, ainsi que la restitution de l'ensemble des pièces saisies ;

En cet état ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 14, 17, 56, 56-2 et 593 du Code de procédure pénale, L. 450-4 du Code de commerce, 6, notamment 6-3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 495, 498 et 502 du Code de procédure civile, 3, 4 et 6 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté les recours des sociétés Y, X et Groupe Z contre le déroulement des opérations de visites et saisies qui ont eu lieu les 28 et 29 mai 2013 dans leurs locaux ;

"aux motifs que le 28 mai 2013, vers 20 heures 30, MM. A et B, accompagnés de Maître Yann Utzschneider, ont signalé aux enquêteurs et aux officiers de police judiciaire que les sociétés Z et Y étaient respectivement entreprise de presse et entreprise de communication au public en ligne et qu'elles entraient par conséquent, selon les appelantes, dans le champ protecteur de l'article 56-2 du Code de procédure pénale ; qu'à la suite de cette contestation soulevée par les requérantes, les enquêteurs et officiers de police judiciaire présents ont décidé de contacter le juge des libertés et de la détention de permanence afin de lui faire part de cette situation ; que les enquêteurs et officiers de police judiciaire se sont installés dans le bureau de MM. C et D pour contacter le juge des libertés et de la détention de permanence et ont refusé que les requérantes et leur conseil assistent à leur conversation ; qu'à l'issue de l'entretien avec le juge, les requérantes ont été informées que la décision était prise de poursuivre les opérations ; que les entreprises ont formulé des réserves, annexées au procès-verbal de visite et saisies du 29 mai 2013 ; que les appelantes se plaignent en premier lieu de ne pas avoir pu soutenir contradictoirement leur contestation, relative à l'application de l'article 56-2 du Code de procédure pénale, devant le juge des libertés et de la détention de permanence ; que l'accès effectif à un juge leur aurait été refusé ; qu'elles se plaignent en deuxième lieu de ne pas avoir reçu communication du numéro de téléphone portable du juge de permanence, seul moyen efficace, selon elles, pour le joindre ; qu'enfin, elles se plaignent de défaut d'accès au juge, l'OPJ n'ayant pas le pouvoir de décider, en opportunité, quels incidents doivent être déférés au juge des libertés et de la détention ; que tous ces moyens sont relatifs à l'accès au juge des libertés des parties faisant l'objet d'opérations de visite et saisie ; qu'il résulte des alinéas 3 et 4 de l'article L. 450-4 du Code de commerce que " La visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Il désigne le chef du service qui devra nommer les officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations et d'apporter leur concours en procédant le cas échéant aux réquisitions nécessaires, ainsi que de le tenir informé de leur déroulement. Lorsqu'elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, il délivre une commission rogatoire pour exercer ce contrôle au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite. Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention. À tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite " ; que la loi ne prévoit pas l'assistance personnelle du juge aux opérations, mais la faculté, pour les officiers de police judiciaire chargés d'assister à celles-ci, de le saisir en cas de difficultés d'exécution ; qu'en cas de saisine du juge par l'OPJ, aucune procédure contradictoire permettant aux parties d'exposer elles-mêmes leurs arguments n'est prévue par la loi ; que, par ailleurs, la loi ne prévoit nullement que les entreprises faisant l'objet de visite et saisie puissent directement saisir le juge, seul l'OPJ disposant de cette faculté ; que les impératifs d'efficacité de l'enquête lourde, qui doit se dérouler dans une certaine urgence, seraient définitivement compromis si toute contestation portant sur le déroulement des opérations pouvait être sur le champ portée devant le juge des libertés et de la détention dans le cadre d'un débat contradictoire, alors qu'existe par ailleurs un recours prévu par la loi devant le premier président de la cour d'appel, après les opérations ; que, d'ailleurs, la mention selon laquelle les parties pourraient en référer au juge pendant le déroulement des opérations ne figure pas parmi les mentions de l'ordonnance d'autorisation, prescrites à peine de nullité, seule l'étant la mention selon laquelle celles-ci peuvent user des voies de recours ; que les coordonnées du juge n'ont pas davantage à figurer sur l'ordonnance, seul important le fait que le juge soit joignable en son tribunal ; que l'OPJ est juge de l'opportunité de la saisine du juge des libertés et de la détention ; que tenu de l'obligation de le tenir informé et de veiller au respect des droits de la défense, il doit en référer au juge en cas de problème, mais c'est lui seul qui en décide ; que seule la méconnaissance des droits de la défense pourrait ainsi être reprochée à l'OPJ et pourrait être de nature à entraîner l'annulation des opérations ; que l'arrêt Ravon, dont excipent les appelantes, ne s'est pas prononcé sur la conformité du contrôle du juge des libertés et de la détention sur le déroulement des opérations à l'article 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ; qu'il n'a statué que sur la conformité du contentieux de l'autorisation et a estimé le recours existant à l'époque insuffisant pour garantir son effectivité, après avoir souligné, parmi d'autres indices, que le contrôle du juge des libertés et de la détention sur le déroulement des opérations ne saurait y pallier ; qu'en l'espèce, en premier lieu, les parties ont bien pu faire valoir leurs arguments devant le juge ; qu'en second lieu, la circonstance qu'elles n'aient pu le faire contradictoirement ne saurait être contraire au droit à un recours effectif et aux droits de la défense ; qu'en effet, le juge des libertés et de la détention a bien été saisi de la question de l'application de l'article 56-2 du Code de procédure pénale et y a apporté une réponse immédiate, en autorisant les enquêteurs à poursuivre leurs opérations ; que le juge a, de plus, été informé de la contestation par les parties elles-mêmes ; que le 28 mai 2013, à 23 heures 40, M. A, directeur juridique de la société Z a envoyé un fax à Mme Quilès, le juge des libertés et de la détention qui a autorisé les opérations, au palais de justice, afin que celle-ci donne instruction aux enquêteurs et à l'OPJ de stopper la procédure ; que le 29 mai 2013, à 3 heures du matin, M. A a adressé à Mme Quilès, au même numéro de fax, ses réserves concernant le déroulement des opérations et rappelant l'incident survenu, ainsi que l'arrêt de la chambre de l'instruction du 16 novembre 2009, ayant annulé des actes de perquisition au siège de Y, en raison de son statut d'entreprise de communication ; que dans ces réserves, il est mentionné que les OPF ont refusé de communiquer le numéro de portable du juge de permanence et de rappeler le juge de permanence pour lui faire part de cet arrêt ; que donc les appelantes et leurs conseils ont pu faire connaître leur position au juge ; que le refus de communication des coordonnées téléphoniques personnelles du juge et le refus de l'OPJ de le saisir une seconde fois d'un élément de jurisprudence, n'ont pas porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées ; que la circonstance que la discussion avec le juge ait été conduite par les enquêteurs de la DGCCRF en présence de l'OPJ et non directement par l'OPJ ne leur a pas fait grief, les modalités d'appel du juge n'étant pas davantage réglementées par la loi ; que les requérantes disposaient par ailleurs des " moyens matériels et humains " pour joindre le juge de leur côté, ce qu'elles ont fait ; (...) et que (p. 9) l'alinéa 3 de l'article 56 du Code de procédure pénale, aux termes duquel " Toutefois (l'OPJ) a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ", ne s'applique pas aux opérations de visite et saisies, l'article 56 ne s'appliquant qu'en ses dispositions relatives à la réalisation des inventaires et mises sous scellés : " Les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément à l'article 56 du Code de procédure pénale " ;

"1°) alors que la cassation de l'ordonnance présentement attaquée qui a statué sur le déroulement de la visite domiciliaire au sein des entreprises de presse et de communication Y et Z sera prononcée en vertu de l'article 627 du Code de procédure civile par voie de conséquence de la cassation qui interviendra sur le pourvoi dirigé contre la première ordonnance du 23 septembre 2015 rejetant l'appel dirigé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant cette visite sans prévoir d'aménagements propres à éviter le risque d'une atteinte à la liberté de la presse, notamment ceux définis par l'article 56-2 du Code de procédure pénale ;

"2°) alors que l'absence de mention des coordonnées du juge des libertés et de la détention dans la décision d'autorisation que les enquêteurs notifient au début de la visite à l'occupant des lieux et les refus par les enquêteurs et par l'officier de police judiciaire de révéler, au cours des opérations, les moyens d'accès à ce juge, empêchant ainsi l'occupant des lieux ou son conseil de communiquer avec lui, constituent une atteinte flagrante aux droits de la défense qui doivent pouvoir s'exercer dès le début de l'enquête ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président a violé ensemble les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et L. 450-4 du Code de commerce ;

"3°) alors que le rôle du juge des libertés et de la détention compétent pendant le cours de la visite et celui du premier président, statuant ensuite en appel, tels qu'ils sont prévus par les alinéas 4 et 6 de l'article L. 450-4 du Code de commerce correspondent à des finalités différentes, le premier ayant pour objet de prévenir, avant qu'elle ne se réalise, une atteinte au secret des correspondances ou au secret professionnel ou aux droits de la défense, le second ne pouvant avoir pour effet que de sanctionner ultérieurement les irrégularités par de simples décisions dites " d'annulation " ou de " restitution " des pièces appréhendées qui n'assurent pas la pleine réparation du préjudice subi, du fait de la connaissance qu'en a acquise irrémédiablement la partie poursuivante ; qu'en statuant comme il l'a fait, en se fondant sur une assimilation des deux voies de recours, le premier président a violé les textes susvisés ;

"4°) alors que les entreprises avaient fait valoir que les enquêteurs et les officiers de police judiciaire s'étaient " enfermés " dans un bureau pour que les enquêteurs téléphonent au juge des libertés et de la détention et que le premier président a constaté, lui-même, qu'ils en avaient " refusé " l'accès aux avocats pendant une phase importante de l'opération de visite ; qu'en s'abstenant de sanctionner de telles irrégularités, le premier président a violé l'article L. 450-4, alinéa 5, du Code de commerce, ainsi que l'ensemble des textes susvisés ;

"5°) alors qu'en refusant de sanctionner une interposition de l'officier de police judiciaire entre l'occupant des lieux et le juge des libertés et de la détention, le premier président méconnaît ensemble, en violation des articles 6, notamment 6-3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, le principe du libre accès au juge et celui du libre choix de son défenseur par la partie faisant l'objet d'une visite domiciliaire ;

"6°) alors qu'aux termes des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations de visite et saisie doit a minima tenir informé des difficultés rencontrées le juge qui a autorisé la visite, de sorte qu'en jugeant que la saisine du juge des libertés et de la détention ne serait qu'une faculté offerte à l'officier de police judiciaire, et que ce dernier était en droit de ne pas le saisir, le premier président, qui a cependant mentionné dans sa décision les difficultés survenues le 28 mai à 23 heures et le 29 mai à 3 heures, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

"7°) alors qu'un officier de police judiciaire qui est chargé d'apporter son concours aux opérations en vertu de l'article L. 450-4, alinéa 3, du Code de commerce et qui, en vertu de l'article 56 du Code de procédure pénale doit faire assurer le respect des droits de la défense ne peut, sans commettre un excès de pouvoir flagrant au regard de ces textes, prétendre exercer lui-même les droits de la défense pour le compte de l'occupant des lieux et moins encore faire écran entre le justiciable et le juge ; qu'en décidant, au cas d'espèce, que l'officier de police judiciaire aurait été " seul juge " de l'opportunité de faire entendre la cause de la partie visitée par le juge des libertés et de la détention, le premier président a violé l'ensemble des textes susvisés ;

"8°) alors qu'ayant décidé que le refus de communication des coordonnées téléphoniques personnelles du juge était légitime de la part des officiers de police judiciaire, et en affirmant que les appelantes avaient pu faire connaître suffisamment leur position au juge par l'intermédiaire de ces officiers de police judiciaire sans rechercher de quels mandats ou titres ceux-ci pouvaient se prévaloir pour remplir une telle mission et sans préciser les diligences que ceux-ci auraient concrètement accomplies pour soutenir objectivement devant juge des libertés et de la détention la prétention des sociétés demanderesses, le premier président a de plus fort privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour écarter le moyen soutenu par les sociétés X, Y SAS et Groupe Z, selon lequel elles avaient été privées du droit à un accès effectif au juge, la décision attaquée prononce par les motifs repris au moyen, et notamment relève que les parties avaient pu faire valoir leurs arguments devant le juge des libertés et de la détention, qu'elles ont saisi de la question de l'application de l'article 56-2 du Code de procédure pénale, et qui y a apporté une réponse immédiate, en autorisant les enquêteurs à poursuivre leurs opérations ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, le premier président a, sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées, justifié sa décision ;

Qu'en effet, d'une part, l'article L. 450-4 du Code de commerce ne prévoit pas que l'occupant des lieux dans lesquels ont été autorisées, par le juge des libertés et de la détention, des opérations de visite et saisie aux fins de rechercher la preuve de pratiques prohibées, doive être informé de la possibilité de recourir à ce juge afin qu'il exerce son contrôle sur la régularité des mesures en cours, des modalités de sa saisine, ou encore de ses coordonnées, d'autre part, si l'occupant des lieux ne dispose pas du droit de saisir lui-même le juge qui a délivré l'autorisation, il appartient aux officiers de police judiciaire, chargés d'assister aux opérations, de tenir ce magistrat informé des difficultés rencontrées au cours de la visite ; d'où il résulte que le moyen, devenu sans objet dans sa première branche, le pourvoi formé à l'encontre de l'ordonnance du premier président confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé les opérations de visite et saisie ayant été rejeté par arrêt de ce jour, doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 56, 56-2 et 593 du Code de procédure pénale, L. 450-4 du Code de commerce, 6, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ainsi que de l'article 58 de la loi 2016-731 du 3 juin 2016 ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté le recours des sociétés Y et Groupe Z contre le déroulement des opérations qui ont eu lieu les 28 et 29 mai dans leurs locaux hors la présence du juge qui a autorisé les visites ;

"aux motifs que la société X a pour activité la commercialisation de forfaits téléphoniques, activité commerciale étrangère à la mission d'un journaliste ; que les opérations ont permis la saisie de documents en rapport avec le but poursuivi par l'ordonnance, à savoir les éléments susceptibles d'établir la pratique de publicité mensongère imputée à X ; qu'il n'apparaît pas des mentions du procès-verbal que les pièces saisies mettent en cause le secret professionnel et le respect des sources puisqu'elles concernent l'activité commerciale des sociétés X, Y et Groupe Z ; qu'au surplus les locaux ayant fait l'objet de visites et saisies n'abritaient pas des activités de presse ou de communication audiovisuelle ; que la jurisprudence invoquée par les appelantes relatives à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bobigny du 12 mai 2009 qui avait autorisé une opération de visite et saisie en précisant, au visa de l'article 56-2 du Code de procédure pénale, que le juge serait présent lors des opérations, n'est pas pertinente ; qu'en effet, la Chambre criminelle, a, dans cette affaire, confirmé que les entreprises de presse étaient soumises au régime de l'article L. 450-4 du Code de commerce, sans viser l'article 56-2 du Code de procédure pénale ; qu'au surplus, la société X ne constitue pas une entreprise de presse et de télécommunication et les sociétés Y et Groupe Z n'ont été visitées que parce qu'elles partagent des locaux avec X ; qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que les visites et saisies aient porté sur l'activité spécifique de communication de ces sociétés Y et Z ;

"1°) alors que l'article 58 de la loi du 3 juin 2016 qui précise que l'obligation de prendre toutes les mesures utiles au respect du secret professionnel et des droits de la défense pendant l'accomplissement d'une visite domiciliaire, comme le prévoit l'article 56 du Code de procédure pénale, doit jouer " sans préjudice " de l'application de l'article 56-2 du même code aménageant des dispositions propres aux entreprises de presse ou de communication a un caractère interprétatif et justifie, à ce titre, l'annulation de l'ordonnance attaquée qui a précisément exclu les sociétés demanderesses de ce dispositif protecteur de la liberté de la presse ;

"2°) alors que l'arrêt rendu par la Chambre criminelle le 11 janvier 2012 en ce qu'il confirme la possibilité incontestée d'effectuer des visites domiciliaires dans toutes les entreprises, y compris les entreprises de presse et en ce que, sans viser une violation de l'article 56-2 du Code de procédure pénale qui avait été respecté en l'espèce, il censure une cour d'appel qui avait exigé, à tort, un renforcement des " indices " prévus par l'article L. 450-4 ne remet pas en cause l'applicabilité des mesures spécifiques de ce texte pour protéger les entreprises de presse lors des intrusions décidées par les autorités publiques ; qu'en déduisant de cette décision un abandon des principes sus-rappelés, l'ordonnance attaquée viole l'ensemble des textes susvisés ;

"3°) alors que la protection qui s'impose lors des intrusions des agents de la puissance publique au domicile des entreprises de presse doit jouer en amont de la saisie et ne saurait être abandonnée aux initiatives des enquêteurs sur place ; que viole l'article 593 du Code de procédure pénale le premier président qui, sans dénier que les enquêteurs aient pénétré au domicile des entreprises Y et Z, se fonde sur la double affirmation entièrement inopérante et contradictoire que des locaux finalement visités n'auraient pas été ceux qui abritaient les activités de presse et de communication des sociétés Y et Groupe Z, lesquelles n'auraient subi la visite que parce qu'elles " partageaient " les locaux de X ;

"4°) alors que les entreprises de presse ne sauraient être victimes de l'impréparation des visites entreprises par les agents de la puissance publique, notamment lorsque, comme en l'espèce, leur statut particulier était nécessairement connu à l'avance par les enquêteurs, de sorte qu'en justifiant l'intrusion inconsidérée de ceux-ci aux domiciles des sociétés Y et Z par le motif inopérant que celles-ci partageraient certains locaux avec la société X, le premier président a, de plus fort, privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour rejeter le moyen soutenant que les opérations de visite et de saisie auraient dû se dérouler en la présence du juge qui a autorisé les visites, les sociétés Y et Z étant des entreprises de communication audiovisuelle et de presse, l'ordonnance énonce que la société X n'est pas une entreprise de presse et de télécommunication, mais a pour activité la commercialisation de forfaits téléphoniques, activité commerciale étrangère à la mission d'un journaliste, et qu'il n'apparaît pas des mentions du procès-verbal que les pièces saisies mettent en cause le secret professionnel et le respect des sources, puisqu'elles concernent l'activité commerciale des sociétés X, Y et Groupe Z ; que le premier président relève que les locaux ayant fait l'objet de visites et saisies n'abritaient pas des activités de presse ou de communication audiovisuelle, que les sociétés Y et Groupe Z ont été visitées seulement parce qu'elles partagent des locaux avec X, et qu'enfin il n'est pas démontré, ni même allégué, que les visites et saisies aient porté sur l'activité spécifique de communication des sociétés Y et Z ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors qu'il résulte de l'article L. 450-4 du Code de commerce, lequel n'opère un renvoi à l'article 56 du Code de procédure pénale que pour ce qui concerne les inventaires et les mises sous scellés, qu'après avoir vérifié que la demande qui lui est soumise est fondée, le juge des libertés et de la détention peut autoriser des opérations de visite et saisie dans toute entreprise, quelle que soit son activité, de telles opérations ayant pour seul objet la recherche de preuves de pratiques commerciales prohibées, le premier président a justifié sa décision par des motifs dépourvus d'insuffisance comme de contradiction, sans méconnaître aucun des textes visés au moyen ; qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 56, 56-2 et 593 du Code de procédure pénale, L. 450-4 du Code de commerce, 6, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"aux motifs que l'alinéa 8 de l'article L. 450-4 dispose que " Les agents mentionnés à l'article L. 450-1, l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que l'officier de police judiciaire et, le cas échéant, les agents et autres personnes mandatés par la Commission européenne peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie (...) " ; que ce n'est donc pas une obligation ; que l'alinéa 3 de l'article 56 du Code de procédure pénale, aux termes duquel " Toutefois, il (l'OPJ) a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ", ne s'applique pas aux opérations de visite et saisie, l'article 56 ne s'appliquant qu'en ses dispositions relatives à la réalisation des inventaires et mises sous scellés ; que " Les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément à l'article 56 du Code de procédure pénale " ; que ce moyen, manquant en droit, manque aussi en fait, puisqu'il résulte du procès-verbal de visite et saisie que M. A, l'occupant des lieux, a bien eu connaissance des documents informatiques préalablement à leur saisie ; que si l'occupant des lieux n'a pu prendre connaissance " avant leur transfert des centaines de milliers de données concernés ", le nombre de documents concernés rendant cette opération impossible, il pouvait identifier quels fichiers avaient été saisis ; que par ailleurs, des copies des fichiers saisis lui ont été remis sous forme de DVD transmis par la DGCCRF seraient " inexploitables par les requérantes parce qu'illisibles ", ainsi qu'elles le soutiennent ; que ce premier moyen sera donc rejeté ; que les alinéas 5 et 7 de l'article 56 du Code de procédure pénale ne s'appliquent pas aux opérations de visite et saisie, l'article 56 ne s'appliquant qu'en ses dispositions relatives à la réalisation matérielle des inventaires et mises sous scellés ; que les pièces et documents saisis sont placés au siège des services d'enquête, dans l'attente de leur exploitation ; qu'ils ne sauraient être placés " sous-main de justice ", aucun juge ou procureur n'étant chargé d'exploiter ces données ; qu'aucune disposition législative ne prévoit qu'ils soient placés au siège du tribunal dont dépend le juge des libertés et de la détention ayant autorisé les opérations, celui-ci étant, selon l'article L. 450-4 seul destinataire des " originaux du procès-verbal et de l'inventaire " ; que le moyen n'est donc pas pertinent ; ... qu'enfin, la saisie de documents ou tout support d'infirmation comprend la faculté de saisir le support lui-même, ordinateur ou disque dur, ou de prendre copie de l'information sur un support externe ; qu'aucun reproche ne peut donc être fait en l'espèce aux enquêteurs d'avoir démonté les ordinateurs ; que ce moyen sera rejeté ; ... que l'inventaire identifiant les fichiers saisis n'a pas à revêtir une forme papier ; qu'il ne peut être réalisé sous forme informatique, dès lors qu'il permet à l'entreprise visitée de procéder à toute vérification, à partir de la copie intégrale des éléments saisis qui lui a été remise ; que l'inventaire n'a pas à comporter une liste exhaustive des fichiers saisis, mais peut comporter des regroupements signifiants ; que chacun des fichiers de messagerie saisis est inventorié par son nom, sa taille, son empreinte numérique et le chemin pour y accéder ; que les appelantes ne prétendent pas que certains fichiers devraient être restitués ; qu'au cas d'espèce, les libellés sont suffisamment explicites ; ... qu'enfin, les appelantes soutiennent que les libellés des inventaires établis lors des saisies informatiques issues des ordinateurs de MM. C, E, F, D, A et B, étrangers à l'objet de l'enquête, ne permettent pas au juge de contrôler s'ils sont couverts par l'autorisation ; que les libellés en eux-mêmes ne peuvent suffire au contrôle ; qu'ainsi un document apparemment personnel peut contenir des informations en lien avec l'enquête ; que seul un examen du contenu des fichiers peut permettre de vérifier que les fichiers concernés sont relatifs à l'objet de l'enquête ; que les appelantes ne sauraient démontrer que les fichiers sont étrangers à l'objet de l'enquête par leur seul libellé ; que ce moyen sera donc également rejeté ;

"1°) alors que la déclaration d'inconstitutionnalité ou la réserve d'interprétation qui interviendra sur le champ d'application respectif des articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale, en ce qu'ils permettraient de substituer au droit de l'occupant des lieux de prendre connaissance avant leur saisie des pièces et documents emportés une simple information sur des fichiers regroupant des millions de documents en vue d'une vérification ultérieure, entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

"2°) alors que la faculté ouverte à l'occupant des lieux de prendre connaissance des documents avant leur saisie constitue bien une obligation pour les enquêteurs et que cette garantie prévue par l'article L. 450-4 du Code de commerce perd tout caractère effectif au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme lorsque, comme le reconnaît le premier président, il s'agissait en l'espèce d'une " opération impossible " consistant à prendre connaissance de centaines de millions de données ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président a violé les textes susvisés et plus particulièrement l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

"3°) alors que se contredit, en violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, le premier président qui affirme tour à tour que la connaissance avant saisie des seuls " fichiers " suffirait à remplir de ses droits l'occupant des lieux au regard de l'article L. 450-4, alinéa 8, et que, cependant, ce même libellé des fichiers ne suffit pas à l'exercice d'un quelconque contrôle par le juge de leur contenu ;

"4°) alors que l'impossibilité reconnue de prendre connaissance avant la saisie de centaines de milliers de données et la faculté cependant attribuée aux enquêteurs de saisir le support informatique, ordinateur ou disque dur, constituent bien des " difficultés " au sens de l'article 56, alinéa 4, du Code de procédure pénale, devant donner lieu à des scellés provisoires ; qu'en écartant les modalités objectives de conservation de tels scellés qui selon les alinéas 5 et suivants du texte susvisé doivent être " placés sous-main de justice " et en avalisant la pratique qui consiste à les placer sous la main des enquêteurs, le premier président a violé par refus d'application le texte susvisé" ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation des appelantes, selon laquelle l'occupant des lieux doit pouvoir prendre connaissance des documents avant leur saisie, le premier président prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte qu'une copie des fichiers saisis a été remise sur place à l'occupant des lieux, qui a pu identifier les documents informatiques saisis, le premier président, qui a relevé par ailleurs que le moyen manquait également en fait dans la mesure où il résulte du procès-verbal de visite et saisie que l'occupant des lieux a bien eu connaissance des documents informatiques préalablement à leur saisie, la constitution de scellés provisoires étant une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs, a justifié sa décision, par des motifs dépourvus d'insuffisance comme de contradiction, sans méconnaître aucun des textes visés au moyen ; d'où il suit que le moyen, dont la première branche est devenue sans objet à la suite de la décision de la Cour de cassation disant n'y avoir lieu à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.