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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 28 mars 2018, n° 15-11921

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Air Technology (SAS)

Défendeur :

La Halle (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Galland, Lustman, régnier, Fleury

T. com. Paris, du 5 mai 2015

5 mai 2015

Faits et procédure

La société Air Technology est spécialisée dans la conception, l'installation et la maintenance des systèmes de conditionnement d'air.

La société La Halle, qui appartient au groupe Vivarte, est spécialisée dans l'achat et la vente de tous textiles, chaussures, bonneterie, linge de maison, couvertures et articles de puériculture.

Le 23 décembre 2010, les sociétés Air Technology et La Halle ont régularisé deux contrats, l'un intitulé " contrat de maintenance préventive des installations de chauffage et climatisation des magasins La Halle ", sur un total de 118 magasins répartis sur toute la France, conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, et l'autre intitulé " contrat d'installation des matériels de climatisation et chauffage des magasins La Halle Passation de marché avec la société Air Technology ", pour une durée d'un an.

Par courriel du 18 février 2013, la société Air Technology a reçu un appel d'offres dit " groupe " de la société Vivarte à échéance au 5 mars 2013 portant sur " l'installation et la maintenance des systèmes de climatisation ".

La société Air Technology a remis son offre définitive le 28 mai 2013, dans le cadre de l'appel d'offre.

Le 1er juillet 2013, la société La Halle a informé la société Air Technology que son offre n'était pas retenue dans le cadre de la mise en concurrence, et de ce que la résiliation des contrats les liant est à effet immédiat.

C'est dans ces conditions que la société Air Technology a assigné la société La Halle par acte du 23 juillet 2013 devant le Tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 5 mai 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté les parties de toutes leurs demandes au fond,

- condamné la société Air Technology à payer à la société La Halle la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la société Air Technology aux dépens.

La société Air Technology a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 8 juin 2015.

La procédure devant la cour a été clôturée le 20 février 2018.

LA COUR

Vu les conclusions du 3 août 2015 par lesquelles la société Air Technology, appelante, invite la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, L. 442-6 du Code de commerce, de :

- dire recevable et bien-fondé ledit appel,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

- dire que la seule transmission du prétendu " appel d'offres " du 18 février 2013 ne saurait constituer une notification, expresse et sans équivoque, de la volonté de résilier les contrats en cours et ne saurait davantage constituer le point de départ d'un quelconque " préavis ",

- dire que le prétendu " appel d'offres " ne saurait constituer une notification, expresse et sans équivoque, de la volonté de mettre un terme aux relations commerciales établies et qu'en résiliant, le 1er juillet 2013, de manière brutale et sans préavis, le contrat à durée indéterminée de maintenance du 23 décembre 2010, la société La Halle a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard,

- dire qu'en mettant fin, le 1er juillet 2013, de manière brutale et sans préavis, à la relation commerciale établie, au titre du contrat d'installation des matériels de climatisation et chauffage, qu'elle entretenait avec elle, la société La Halle a engagé sa responsabilité à son égard, et ce, au sens des dispositions, d'ordre public, de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

en conséquence,

- condamner la société La Halle à lui payer la somme 1 249 653 euros, correspondant à dix-huit mois de perte de marge brute, par référence à l'année 2012 qui constitue le dernier exercice annuel complet avant la rupture, et ce, en réparation du préjudice subi par elle, du fait de la résiliation, brutale et fautive, des contrats et des relations commerciales établies, outre 10 000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société La Halle aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les conclusions du 9 février 2018 par lesquelles la société La Halle, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1382 du Code civil, 9 du Code de procédure civile, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :

- débouter la société Air Technology de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a reconnu l'existence d'une relation commerciale établie au titre du contrat d'installation et rejeté sa demande de lui voir verser une somme de 3 000 euros au regard de la procédure abusive initiée,

sur les demandes formulées au titre du contrat de maintenance :

- constater l'existence d'un appel d'offres adressé à la société Air Technology le 13 février 2013,

- constater l'acceptation et la participation de la société Air Technology à l'appel d'offres de la société La Halle,

- constater que l'envoi d'un appel d'offres a eu pour effet de faire démarrer le délai de préavis mettant fin à la relation contractuelle entre la société Air Technology et elle,

- constater que la société Air Technology a bénéficié d'un préavis de plus de six mois, supérieur au délai de trois mois contractuellement convenu,

- constater l'absence de toute résiliation fautive du contrat de maintenance,

- constater que la société Air Technology n'a pas fait état dans son acte introductif d'instance de l'appel d'offres auquel elle a pourtant souscrit,

- constater la particulière mauvaise foi de la société Air Technology,

sur le contrat d'installation :

à titre principal,

- constater que le contrat d'installation la liant à la société Air Technology a pris définitivement fin le 31 décembre 2011,

- constater que la relation d'affaires entre les parties, démarrée le 1er janvier 2012, s'est inscrite en dehors de tout contrat cadre et n'a duré qu'une année et un mois,

- constater le caractère ponctuel, précaire et aléatoire des interventions de la société Air Technology au sein des magasins a' enseigne La Halle,

- constater l'absence de relation commerciale établie entre la société Air Technology et elle.

à titre subsidiaire,

- constater l'existence d'un appel d'offre lancé au mois de février 2013,

- constater l'acceptation et la participation de la société Air Technology à l'appel d'offres de la société La Halle,

- constater que la société Air Technology a disposé d'un préavis supérieur à six mois lui permettant de réorganiser son activité,

- constater l'augmentation significative du chiffre d'affaires et du résultat de la société Air Technology au cours de l'année 2013,

- constater l'absence de toute rupture brutale de la relation commerciale,

en tout état de cause,

- constater que la société Air Technology ne fournit pas la méthode de calcul permettant de déterminer l'étendue du préjudice prétendument subi,

- constater l'augmentation du chiffre d'affaires et du résultat de la société Air Technology au cours de l'année 2013,

- constater que la société Air Technology ne démontre pas l'existence d'un préjudice indemnisable,

- constater que la société Air Technology ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre la rupture dont elle se prétend victime et le préjudice allégué,

- constater que la société Air Technology sollicite à titre indemnitaire le versement d'une somme d'argent équivalente à la marge prétendument perdue quand le seul préjudice indemnisable est la marge sur coûts variables,

- constater que la société Air Technology ne procède à aucune ventilation de sa demande indemnitaire initialement fixée à hauteur de 3 000 000 euros pour être ramenée en cause d'appel à la somme de 1 249 653 euros, et par ailleurs infondée,

- constater que le préavis supérieur à 6 mois dont a bénéficié la société Air Technology a réduit le préjudice prétendument subi à un montant symbolique,

- dire que le préjudice subi par la victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies équivaut à la seule perte de chances de réaliser une marge commerciale,

- débouter la société Air Technology de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Air Technology à lui verser une somme de 3 000 euros en raison du préjudice né de sa particulière mauvaise foi,

- condamner la société Air Technology à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de la SCP Régnier Bequet Moisan en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur le fondement de la demande

La société Air Technology soutient que de manière fautive, et en méconnaissance des dispositions, d'ordre public, de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, que la société La Halle a mis fin, brutalement et sans aucun préavis, aux relations commerciales établies qu'elles entretenaient.

Dès lors, il apparaît que la société Air Technology ne fonde sa demande indemnitaire que sur les dispositions relatives à la rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Les parties s'accordent sur le point de départ de leurs relations contractuelles, mais s'opposent tant sur le caractère établi de leur relation commerciale, que sur la date de la rupture, la durée du préavis que le préjudice subi.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Sur la nature de la relation commerciale entre les parties

La société Air Technology fait valoir que les parties ont, tacitement mais sans ambiguïté, poursuivi leur relation commerciale établie, au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce : même si le contrat portant sur les travaux d'installation de matériel n'a pas fait l'objet d'une reconduction matérialisée par la signature d'un avenant, les relations commerciales se sont poursuivies, sans interruption, dans les mêmes conditions que par le passé, après le 31 décembre 2011. Elle souligne que les devis qu'elle a établis ont été acceptés par la société La Halle, sans exception jusqu'au mois de juin 2013. Elle ajoute que la relation était établie s'agissant du contrat de travaux en ce qu'une intervention annuelle dans 16 % des magasins ne peut pas être sérieusement qualifiée de ponctuelle.

La société La Halle soutient que la convention d'installation a été souscrite pour une durée déterminée, toute tacite reconduction du contrat étant exclue à défaut d'accord des parties, de sorte que ce contrat, régularisé le 23 décembre 2010, a définitivement pris fin le 31 décembre 2011. Elle considère qu'à l'issue de cette échéance, les parties ont donc travaillé conjointement, en dehors de tout contrat-cadre, à compter du 1er janvier 2012. Elle ajoute que seule cette date peut être prise en compte pour apprécier l'hypothétique existence d'une relation commerciale établie. Elle explique que les factures et devis attestant de quelques interventions annuelles, 20 au maximum, pour une enseigne regroupant plus de 118 magasins, démontrent la précarité de la relation.

Il est de principe qu'une relation commerciale " établie " présente un caractère " suivi, stable et habituel " et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité. Les liens entre les parties doivent s'inscrire dans une volonté de continuité des relations commerciales, démontrée par la persistance d'un flux régulier d'affaires.

Il est constant que pour caractériser une relation commerciale établie, il n'est pas nécessaire que les parties soient liées par un contrat. Ainsi, le contrat d'installation des systèmes de climatisation n'a pas été renouvelé à l'issue de son terme le 31 décembre 2011, toutefois, il n'est pas contesté que des commandes ont été envoyées à la société Air Technology par la société La Halle, environ une vingtaine annuellement. Dès lors, il apparaît que le flux d'affaires sur la base de l'ancien contrat a perduré entre les parties aux mêmes conditions. Ces seuls éléments, qui établissent la persistance d'un flux d'affaires régulier, suffisent à caractériser une relation commerciale établie entre les parties, débutée le 23 novembre 2010, d'abord dans un cadre contractuel puis sur la base de bons de commandes ponctuels mais dans la continuité de la période contractuelle.

Concernant le contrat de maintenance, il n'est pas contesté qu'il a été renouvelé par tacite reconduction, le 31 décembre 2011, puis le 31 décembre 2012, conformément aux dispositions contractuelles. Cette circonstance démontre également le caractère établi des prestations de maintenance confiées à la société Air Technology par la société La Halle.

Dès lors, les deux contrats constituent un flux d'affaires global entre les parties, pour avoir été exécutés indistinctement par elles, pour avoir été souscrits à la même date entre la société Air Technology et la société La Halle, avoir pris fin à la même date au 1er juillet 2013.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, les sociétés Air Technology et La Halle ont entretenu des relations commerciales établies à compter du 23 novembre 2010. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la date de la rupture

La société Air Technology excipe qu'il n'a jamais été précisé que l'appel d'offres avait pour objet de mettre fin aux contrats liant les parties. Elle relève que le terme même de " résiliation " employé par la société La Halle implique nécessairement que le contrat ou la relation commerciale est toujours en cours. Elle souligne que sa participation à l'appel d'offres est indifférente, puisqu'il était rédigé en termes généraux sans allusion à la pérennité du contrat en cours, et qu'il ne pouvait s'interpréter comme une rupture de relations commerciales. Elle en conclut que l'appel d'offres ne pouvait s'apparenter à un point de départ du délai de préavis. Elle excipe donc que le courrier de rupture est celui qu'elle a reçu de la société La Halle le 1er juillet 2013.

La société La Halle explique que la notification par une entreprise à son fournisseur du recours à un appel d'offres pour choisir ses fournisseurs manifeste son intention de rompre avec les pratiques contractuelles dans les conditions antérieures, nonobstant l'absence de référence expresse à l'éventuelle rupture à intervenir, qui résulte implicitement du seul recours à la procédure de l'appel d'offres. Elle ajoute qu'elle a pleinement informé l'appelante de son intention de ne pas poursuivre la relation contractuelle dans les conditions antérieurement souscrites, cette dernière en ayant accepté le principe en participant à l'appel d'offre. Elle allègue donc qu'elle a fait part de sa volonté de résilier la convention en transmettant son appel d'offres dès le 18 février 2013, date constituant le point de départ du préavis.

Il est de principe que pour que la notification d'un appel d'offres constitue la manifestation de ne pas poursuivre les relations contractuelles selon les conditions antérieures, et fasse ainsi courir le délai de préavis, l'annonce doit être écrite, suffisamment explicite pour traduire l'intention de ne pas poursuivre les relations commerciales et préciser la date d'expiration du préavis.

En l'espèce, par courriel intitulé " Appel d'offres Vivarte installation maintenance climatisation " du 18 février 2013, la société Air Technology a reçu un appel d'offres " groupe concernant l'installation et la maintenance des systèmes de climatisation ". Cet appel d'offres porte sur " les prestations d'installations neuves et maintenance des systèmes de climatisation et chauffage des magasins des filiales " du groupe Vivarte ", précise que " les sociétés consultées et éventuellement retenues, (...) seront référencées (non exclusivement) en tant qu'installateur mandaté Vivarte, dans le cadre d'un contrat tripartite avec le client et le fabricant des systèmes de climatisation ". Les magasins concernés sont notamment ceux sous enseigne La Halle, au nombre de 570.

Force est de constater que cet appel d'offres ne précise pas à quel moment ce contrat entrera en vigueur et donc quel sera le terme des contrats en cours. En outre, l'appel d'offres n'est pas entrepris par la société La Halle, mais par le groupe Vivarte pour ses filiales, il précise que le ou les candidats retenus n'auront pas d'exclusivité, et le nombre de magasins La Halle ne correspond pas au nombre de magasins confiés à la société Air Technology par les contrats du 23 novembre 2010. Dès lors, celle-ci a pu donc légitimement croire que ce contrat pouvait être souscrit parallèlement à la relation commerciale qu'elle entretient avec la société La Halle concernant 118 de ses magasins. Enfin, le courriel d'envoi ne précise pas que cet appel d'offre vise à remplacer les contrats en cours souscrits par les différentes filiales.

Par ailleurs, la circonstance que la société Air Technology ait participé à l'appel d'offres ne signifie pas qu'elle a accepté et compris les termes de la rupture, l'appel d'offres ne précisant pas explicitement ses conséquences à l'égard de la relation commerciale entre elle et la société La Halle.

Dans ces conditions, il apparaît que l'appel d'offres du 18 février 2013 ne peut constituer la lettre de rupture ni qu'elle ait fait courir le délai de préavis.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la rupture a été annoncée à la société Air Technology le 18 février 2013.

Dès lors, c'est par courrier du 1er juillet 2013 que la société La Halle a rompu ses relations commerciales avec la société Air Technology, par lequel elle lui signifie que " suite à votre retour non concluant à l'appel d'offres climatisation, et les menaces d'attaqué en justice la société La Halle pour non respect de son contrat par téléphone le jeudi 20 juin 2013, nous vous informons que nous ne donnerons pas une suite favorable à votre offre, et souhaitons résilier toute relation commerciale ainsi que les contrats de partenariat conclus avec la société La Halle. (...) Concernant le contrat de maintenance, au vue des circonstances et des menaces évoquées ci-dessus, nous souhaitons que vous cessiez toute intervention de maintenance préventive et curative sur les magasins La Halle défini au contrat et ce sans délai. Le présent courrier fait l'objet de résiliation du contrat de maintenance, au vu du préjudice subi par des attaques personnelles et aux circonstances pouvant entraîner une dégradation des prestations vous incombant ".

La rupture des relations commerciales établies entre la société Air Technology et la société La Halle est donc intervenue le 1er juillet 2013.

Sur la brutalité de la rupture

Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.

La rupture datant du 1er juillet 2013 et ayant eu un effet immédiat, la société Air Technology n'a donc bénéficié d'aucun préavis. La rupture par la société La Halle des relations commerciales établies avec la société Air Technology est donc brutale.

Les relations commerciales entre les parties ont duré 2 années et demi.

L'attestation de l'expert-comptable de la société Air Technology, dont les chiffres ne sont pas sérieusement contestés par la société La Halle, démontre que :

- le chiffre d'affaires total de la société Air Technology est de 3 943 985 euros en 2011 et 4 735 765 euros en 2012,

- le chiffre d'affaires de la société Air Technology avec la société La Halle est de 839 306 euros en 2011, 1 207 135 euros en 2012 et 875 013 euros sur les 6 premiers mois de 2013.

La société Air Technology ne démontre pas que le secteur d'activité de la maintenance et de l'installation de système de climatisation est particulier.

Ainsi, eu égard à l'ensemble de ces éléments et du temps nécessaire pour que la société Air Technology puisse se ré-organiser et re-déployer son activité, le préavis aurait dû être de 3 mois.

Sur le préjudice

Il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture. Ces critères doivent être appréciés au moment de la rupture.

L'attestation de l'expert-comptable de la société Air Technology est probante en ce que les chiffres communiqués sont corroborés par l'ensemble des factures non contestées produites. Par ailleurs, la société La Halle ne conteste pas utilement les taux de marge détaillés par l'expert-comptable (pièce 30 appelant).

Il y a lieu de faire la moyenne des 30 mois de chiffres d'affaires réalisés par la société Air Technology avec la société La Halle, afin de déterminer le chiffre d'affaires mensuel moyen et non pas de retenir seulement l'année 2012, afin de refléter le mieux possible le volume d'activité concerné, soit 97 381 euros (2 921 454/30), tel qu'il ressort de l'attestation de l'expert-comptable.

Le taux de marge à prendre en compte est celui qui tient compte du coût de la sous-traitance, des marges de production et des charges de personnel, soit le taux moyen de 33,16%, tel qu'il ressort de l'attestation communiquée par l'expert-comptable de la société Air Technology, plutôt que le taux de marge brute dont elle fait état.

Ainsi, la marge mensuelle moyenne réalisée par la société Air Technology avec la société La Halle est de 32 291 euros.

Dès lors, la perte de marge subie par la société Air Technology est de 96 873 euros (32 291 x 3).

La société La Halle doit être condamnée à payer à la société Air Technology la somme de 96 873 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par la société La Halle

Compte tenu de la nature de la décision, la procédure engagée par la société Air Technology à l'encontre de la société La Halle n'est pas abusive.

Il y a lieu de débouter la société La Halle de sa demande de ce chef.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à réformer le jugement déféré sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.

La société La Halle, partie perdante en ce que toutes ses prétentions sont rejetées, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Air Technology la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société La Halle.

Par ces motifs, LA COUR, infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que les sociétés Air Technology et La Halle ont entretenus des relations commerciales établies à compter du 23 novembre 2010 et rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société La Halle pour procédure abusive ; Statuant à nouveau, condamne la société La Halle à payer à la société Air Technology la somme de 96 873 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ; Y ajoutant, condamne la société La Halle aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Air Technology la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; rejette toute autre demande.