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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 21 mars 2018, n° 14-26092

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Activa DPS Europe (SARL)

Défendeur :

Baldwin, Graffiti Group Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Bitton, Bernabe, Lencione, Lallement, Nader, Dargham

T. com. Evry, du 26 nov. 2014

26 novembre 2014

FAITS ET PROCÉDURE

M. Gavin Baldwin, citoyen britannique, est le Directeur Général d'une société de droit anglais fondée en 2003 Pressure Seal Solution (Pressure), exerçant sous le nom commercial de Welltec UK, laquelle est le distributeur exclusif sur les territoires européen/Royaume Uni/Caraïbes/Moyen-Orient d'une société coréenne Welltec System Korea pour les produits de la marque Weltec fabriqués par cette dernière.

Cette société Welltec UK est le fournisseur d'une société Activa DPS Europe (dite par abréviation Activa), de droit français, créée en 2006 par deux associés : Xavier Mennesier, gérant, et Gavin Baldwin, le capital social étant divisé à hauteur de 400 parts pour le premier et de 100 parts pour le second.

Estimant que la société Pressure a manqué à ses obligations contractuelles, la société Activa a refusé le paiement de biens livrés en compensation de son préjudice. La société Pressure a alors fait assigner cette dernière le 20 avril 2010 devant la Southampton County Court en paiement de factures échues pour une somme de 71 755,74 euros. En seconde instance, la Court of Appeal a définitivement condamné la société Activa à régler à la société Pressure la somme de 64 699,09 euros.

Le 20 mai 2010, la société Activa a, à son tour, fait assigner la société Pressure et M. Baldwin en indemnisation de divers préjudices subis du fait de manquements pour cause de rupture brutale de relations commerciales établies et pour concurrence déloyale devant le Tribunal de commerce d'Evry, lequel, par jugement du 23 novembre 2011, s'est déclaré incompétent au profit de la Southampton County Court. En appel, la Cour d'appel de Paris, par arrêt du 4 juin 2013, rectifié le 8 octobre 2013, faisant droit au contredit formé par la société Activa, a :

- dit que l'action engagée par la société Activa était de nature contractuelle,

- dit que les parties étaient liées par un contrat verbal de distribution exclusive,

- dit qu'en application de l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat était régi par la loi française,

- dit que le lieu où l'obligation devait être exécutée au sens de l'article 5-1 du Règlement CE 44-2001, et partant la juridiction compétente, devaient être déterminés par application de la loi française,

- dit en conséquence que le Tribunal de commerce d'Evry était compétent par application des dispositions de l'article 46 alinéa 2 du Code de procédure civile,

- renvoyé les parties devant le Tribunal de commerce d'Evry.

Par jugement du 26 novembre 2014, la juridiction précitée a :

- débouté la société Activa de ses demandes en dommages et intérêts au titre d'une rupture brutale des relations commerciales,

- débouté la société Activa de ses demandes en dommages et intérêts en réparation d'un préjudice résultant d'actes de concurrence déloyale et de toutes ses autres demandes,

- condamné la société Activa aux dépens.

LA COUR

Vu l'appel de la société Activa et ses dernières conclusions, notifiées le 20 mars 2015, par lesquelles elle :

- sollicite l'infirmation du jugement querellé,

- estime que la société Welltec UK Ltd a manqué à ses obligations contractuelles, a rompu brutalement et de mauvaise foi les relations contractuelles sur le fondement des articles 1134 du Code civil et L. 442-6-I-5 du Code de commerce,

- réclame en conséquence la condamnation de la société Welltec UK Ltd à lui verser la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- considère, en vertu de l'article 1382 du Code civil, que la société Welltec UK Ltd et Gavin Baldwin sont responsables d'actes de concurrence déloyale commis à son encontre,

- en conséquence souhaite la condamnation solidaire de ces derniers à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, outre celle de 18 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles,

- demande la condamnation solidaire de ces derniers à lui régler les intérêts au taux légal sur toutes les sommes à compter de l'acte introductif d'instance, ainsi que la capitalisation des intérêts dus pour une année entière et les dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 19 décembre 2017, dans lesquelles la société Graffiti Group Limited (par abréviation Graffiti), anciennement dénommée Pressure Seal Solution, intimée, réclame :

- à titre liminaire,

* la nullité partielle du jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Evry le 26 novembre 2014 en ce qu'il a statué sur la violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la nullité de la citation introductive d'instance,

* l'irrecevabilité des demandes de la société Activa et en l'absence d'effet dévolutif de l'appel,

* l'irrecevabilité en tout état de cause des conclusions et des demandes tendant à l'infirmation du jugement entrepris,

- à titre subsidiaire sur le fond,

* le rejet des prétentions, fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, de la société Activa à l'encontre de la société Graffiti,

* la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Activa de l'ensemble de ses autres demandes tant à l'encontre de la société Graffiti que de M. Gavin Baldwin,

- en tout état de cause,

* la condamnation de la société Activa à leur payer la somme de 30 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

SUR CE

Sur l'incident de procédure

Si la société Activa demande la révocation de l'ordonnance de clôture, la société Graffiti et M. Baldwin s'y opposent à juste titre, cette société n'invoquant aucune cause grave au sens de l'article 784 du Code de procédure civile.

Sur la nullité du jugement du 26 novembre 2014

La société Graffiti soutient que le Tribunal de commerce d'Evry n'était pas compétent pour statuer sur les demandes de la société Activa fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, par application de l'article D. 442-3 du même Code et du tableau de son annexe 4-2-1. Elle estime en conséquence que la Cour d'appel de Paris doit soulever une fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du premier juge.

La société Activa ne conclut pas sur cette exception de procédure.

Il ressort de l'article susmentionné D. 442-3 du Code de commerce et du tableau figurant à l'annexe 4-2-1 prise en application dudit article que seul le Tribunal de commerce de Paris pouvait connaître du différend formé par la société Activa fondé sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, de sorte que la Cour d'appel de Paris doit relever l'excès de pouvoir du premier juge, lequel est sanctionné par la nullité du jugement de première instance.

Toutefois en application de l'article 89 du Code de procédure civile, la cour, qui estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, décide d'évoquer le fond de l'affaire.

Sur la rupture des relations commerciales établies

La société Activa fait valoir qu'elle est liée à la société Welltec UK par un contrat oral de distribution exclusive sur le territoire de l'Europe continentale et reproche à cette dernière des violations de cette exclusivité territoriale à partir de 2009, en ce qu'elle a développé une activité sur internet, en ce qu'elle a contracté avec de nouveaux revendeurs sur son territoire réservé et en ce qu'elle a proposé des prix inférieurs aux siens et à ceux de son réseau de revendeurs. L'appelante dénonce ainsi un manquement du fournisseur à son devoir de loyauté contractuelle, puisqu'il a permis des importations parallèles et a développé lui-même une commercialisation lui faisant concurrence sur le même territoire, sans lui permettre de s'adapter, ce qui caractérise sa volonté de nuire aux intérêts de son distributeur. La société Activa fait grief à la société Welltec UK, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, d'avoir rompu brutalement les relations commerciales établies depuis 2006 en opérant un changement essentiel dans le mode de distribution.

La société Graffiti réfute l'existence d'un contrat oral de distribution exclusive passé avec la société Activa, qui n'était que l'un de ses distributeurs. Elle conteste également avoir commis les fautes alléguées tenant à la violation de l'exclusivité territoriale, au manquement à son devoir de loyauté contractuelle et à une volonté de nuire à sa cocontractante. Elle nie avoir entravé volontairement la compétitivité de son distributeur en pratiquant des prix anticoncurrentiels en vertu du principe à valeur constitutionnelle de liberté du commerce et de l'industrie. A supposer qu'elle soit à l'initiative de la rupture des relations commerciales, elle oppose l'inexécution par sa partenaire de ses obligations contractuelles tenant au non-paiement de certaines factures.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce, " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (...) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

Il importe d'abord de constater que les parties s'accordent sur l'existence d'un contrat oral de distribution, aux termes duquel la société Graffiti a confié à la société Activa la promotion et la commercialisation des produits fabriqués en Corée par la société Welltec Korea. Dans ses propres conclusions en page 3, la société Graffiti reconnaît qu'elle travaillait la plupart du temps avec un seul distributeur par pays (ou par région) et invoque pour expliquer cette unicité une raison " de commodité " ; selon elle, le marché des machines commercialisées ne nécessitait pas l'existence de plusieurs distributeurs mais elle ne justifie pas d'une modification quelconque de ce marché, qui aurait nécessité ultérieurement une multiplicité de distributeurs. Elle admet également (en page 10) que la société Activa jouait un rôle particulier dans son réseau européen en raison de la relation privilégiée existant entre Messieurs Baldwin et Mennessier. La pièce numérotée 15 de la société Activa corrobore la place très privilégiée que celle-ci occupait au sein de la distribution des machines coréennes, puisqu'elle figure sur la brochure officielle de la société coréenne au même titre que d'autres distributeurs dans le monde - même si le territoire qu'elle recouvre n'est pas mentionné - ce qui tend à accréditer la thèse de l'appelante selon laquelle la société Graffiti l'a présentée au fabricant coréen à tout le moins comme un partenaire exclusif.

Il convient également de rappeler que dans son arrêt du 4 juin 2013, devenu définitif, la Cour d'appel de Paris a retenu que les parties se trouvent " liées, non par un contrat de vente de marchandises, mais par un contrat verbal de distribution exclusive ainsi qu'il résulte sans équivoque des messages électroniques échangés par les parties et spécialement du message du 4 septembre 2009 du directeur des ventes export de Pressure par lequel Activa se voit confirmée comme distributeur exclusif en Hongrie et à Malte ".

Ce message du 4 septembre 2009 (pièce 16 d'Activa) aux termes duquel un manager de la société Welltec UK indique à la société Activa qu'il a refusé de prendre la commande d'un de ses distributeurs anglais en provenance de Malte pour une machine Welltec dans la mesure où elle " se situe hors du territoire de vente convenu le R-U " démontre bien que les parties avaient convenu que la société Activa mettait son entreprise de distribution au service de la société Graffiti pour assurer sur le territoire de Malte la distribution des produits dont le monopole de revente lui était concédé. L'intimée, qui réplique que le contrat de distribution évoqué dans ce message est celui qui la lie à son distributeur britannique, ne le produit pas ; en tout état de cause, le fait de réserver cette commande à la société Activa au détriment de la société britannique induit que le territoire de Malte était exclusif à l'appelante.

Ce manager ajoute " Nous continuerons à rejeter la commande du distributeur britannique et attendrons la confirmation, des coordonnées de ce client potentiel en vue de vous les transmettre. Hongrie : Nous sommes plus que ravis de vous laisser suivre cette piste. Benelux : nous sommes plus que ravis de vous laisser suivre toute demande de renseignement que vous recevrez ". Ainsi la Hongrie et le Bénélux faisaient également partie du territoire concédé exclusivement à la société Activa puisque la société Welltec UK s'engageait à lui transmettre tous documents en provenance de ces pays.

De même, le courriel de M. Baldwin du 24 février 2010 adressé, en sa qualité d'actionnaire de la société Activa, au comptable de cette dernière, aux termes duquel il écrit que dans la mesure où Graffiti est notre " fournisseur unique de ce type d'équipement ", il y a " danger si ce compte n'est pas payé " (des factures impayées de 71 000 euros pour des machines achetées) que la compagnie britannique " pourrait cesser de faire du commerce avec la société Activa " et " commencer à fournir " dans les territoires européens est la preuve irréfutable de l'engagement de la société Welltec UK d'approvisionner de manière exclusive la société Activa en machines coréennes dans les territoires européens. La circonstance que ce courriel soit postérieur à la rupture n'est pas de nature, contrairement à ce que soutient l'intimée, à contredire les propos de M. Baldwin, qui cherchait alors à faire pression afin d'obtenir le paiement de factures litigieuses.

L'ensemble de ces éléments apporte la preuve de l'exclusivité territoriale consentie par la société Welltec UK à la société Activa sur le territoire de l'Europe continentale dans le contrat oral de distribution qui les unissait.

Les manquements de la société Welltec UK à cet engagement ressortissent au développement, à partir de 2009, d'une activité sur internet par cette dernière, sans aucune information préalable à la société Activa, à la signature de contrats avec de nouveaux revendeurs sur le territoire réservé à la société Activa et aux échanges avec les revendeurs du propre réseau de la société Activa. Ainsi il ressort des pièces 3 de la société Activa et notamment des courriels des 20 mars, 28 juillet, 23 octobre, 8 et 10 novembre 2009 que les clients pouvaient acheter sur internet des machines de marque Welltec à des prix inférieurs à ceux proposés par la société Activa, que les revendeurs de la société Activa se plaignaient de " prix incroyables et abusifs ", d'un " dumping de stocks ", qu'ils dénonçaient le fait que leur site web était illégalement copié par une société concurrente sur le marché qui distribuait depuis peu des produits de marque Welltec, menaçant en conséquence de rompre toute coopération avec la société Activa, qu'ils remarquaient notamment pour l'Allemagne, les Pays-Bas et la Hongrie sur la nouvelle page d'accueil de la société Welltec UK qu'ils n'étaient plus les seuls distributeurs de machines scelleuses Welltec par pays, ce qui affectait leur motivation pour investir et la confiance qu'ils avaient en la société Activa, que " le sous-agent est devenu un distributeur indépendant de Welltec UK, ce qui nuit à leurs ventes et aux ventes totales de scelleuses Welltec " dans les pays concernés, qu'ils refusaient d'investir dans le développement de leur marché, " compte tenu de la concurrence continue émanant des deux entreprises de dumping en ligne bien connues de Welltec UK au Royaume-Uni ", et, enfin, que les prix d'achat accordés à ces nouveaux distributeurs étaient inférieurs à ceux octroyés par la société Activa.

Par courriel du 18 juin 2009 (pièce 5 de la société Activa), M. Mennessier, gérant de la société Activa, a reproché à la société Welltec UK d'avoir nommé des distributeurs dans divers pays sans aucunement l'en informer ; elle s'est plainte de marchés perdus en Ukraine, Russie, Allemagne, Slovaquie, Portugal, Espagne, Belgique, Slovénie, Bosnie, Serbie, Turquie. En réponse le 22 juin 2009, la société Welltec UK par l'entremise de Richard Taylor a expliqué qu'elle avait d'abord donné aux sociétés espagnoles et portugaises les coordonnées de la société Activa, " en sa qualité de distributeur privilégié ", mais que ces dernières ne voulaient travailler qu'avec l'agent officiel de la société coréenne pour pouvoir appliquer une très bonne marge. Elle reconnaissait avoir procédé à l'implantation de divers revendeurs : ainsi la société ABB en Espagne, la société Neo Frank Lda au Portugal, la société Stone Data en Allemagne.

Il est également justifié que la société Welltec UK et la société Areak (revendeur du réseau de la société Activa) sont entrées en contact, de sorte que ce revendeur a rompu ses relations commerciales avec l'appelante, préférant contracter " avec la société Welltec UK responsable de la commercialisation du produit en Europe ". Selon lettre recommandée du 13 octobre 2009, la société Activa a exigé vainement de la société Welltec UK qu'elle retire de son site web l'information selon laquelle la société Activa était l'un de ses distributeurs en Europe Continentale, comme la publicité diffusée " pour devenir distributeur Welltec en Europe ".

Ainsi la violation de la clause d'exclusivité territoriale qui pesait sur la société Graffiti et la nouvelle politique tarifaire octroyée par la société Welltec UK aux nouveaux revendeurs constituent une modification substantielle des conditions d'approvisionnement et d'exploitation de la société Activa et doivent être analysées comme une rupture partielle, brutale des relations commerciales entre les parties imputable à la première société ; la surprise de la société Activa devant le comportement imprévisible de son fournisseur apparaît clairement dans les courriels des 20 mars et 22 juin 2009 (pièces 4 et 5 de l'appelante). Du fait de ces manquements, qui résultent de faits volontaires commis par la société intimée, sans information préalable de ses intentions à son distributeur exclusif, la société Graffiti n'est pas fondée à se prévaloir du principe de la liberté du commerce et de l'industrie. En effet, si le fournisseur est en droit de modifier l'organisation de son mode de distribution ou s'il lui est loisible de faire coexister plusieurs catégories de distributeurs dans son réseau, c'est à la condition d'avoir fait part à son partenaire de sa volonté de modifier l'organisation existante et de le faire bénéficier d'un délai de prévenance suffisant ; conformément à l'article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce, la durée d'un préavis suffisant doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale et en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels ainsi qu'au vu des circonstances de l'espèce.

Les deux parties reconnaissent avoir noué des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce depuis 2006. Il n'est pas contesté que la marque Welltec constituait une grande part de l'activité commerciale de la société Activa, puisqu'en 2008, les produits Welltec représentaient plus de 45 % de son chiffre d'affaires. Au regard de cette relation commerciale d'une durée de 3 années et demi, du volume d'affaires entre elles, du chiffre d'affaires de la société Activa et de la clause d'exclusivité territoriale, la cour estime qu'un préavis de 4 mois aurait dû être observé par la société Graffiti à compter de mi-2009 afin de permettre au distributeur de prendre les dispositions nécessaires en temps utile pour donner une nouvelle orientation à ses activités ou rechercher d'autres partenaires commerciaux ou envisager des mesures d'adaptation nécessaires pour combler le manque à gagner.

Le préjudice subi par l'appelante ne résulte pas de la rupture des relations commerciales, comme le croit cette dernière, mais seulement du caractère brutal et sans préavis de cette rupture ; il est constitué par la perte de marge que la victime de la rupture aurait pu réaliser pendant la durée du préavis si celui-ci lui avait été accordé. L'assiette retenue est habituellement la moyenne du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours des trois dernières années précédant la rupture, à laquelle doit être affectée la marge pendant le temps de préavis.

Au cas particulier, il convient d'observer que la société Activa ne produit aucun document certifié par son expert-comptable relatif aux chiffres d'affaires réalisés avec l'intimée pour les années 2006, 2007, 2008 et 2009 et au taux de marge pratiqué. Elle réclame une double indemnisation de 300 000 euros au titre à la fois de la rupture brutale des relations commerciales et d'une concurrence déloyale, en visant un préjudice économique de perte de clientèle et d'atteinte à sa réputation commerciale, sans aucune individualisation de ses postes de préjudice ; dans le préjudice économique de perte de clientèle, elle évoque le comportement parasitaire de la société Welltec UK, qui aurait entraîné une baisse significative de son chiffre d'affaires. Par ailleurs, la société Activa ne justifie par aucun élément concret d'une atteinte à l'image et à sa crédibilité commerciale. Dès lors, il importe de constater l'absence de preuve concrète de la réalité du préjudice allégué et la formulation ambigüe de la réclamation financière de l'appelante, sans explication du calcul effectué qui aurait permis de déterminer à quoi se rapportent les indemnisations sollicitées.

Au vu de ces éléments, la cour condamne la société Graffiti à payer à la société Activa la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et la déboute du surplus de sa demande.

Sur les actes de concurrence déloyale

La société Activa estime, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, qu'après la fin de la relation contractuelle unissant les parties, la société Welltec UK ainsi que M. Gavin Baldwin à titre personnel se sont glissés dans son sillage économique afin de profiter de ses efforts financiers, publicitaires, commerciaux pour représenter la marque et que ce parasitisme lui a occasionné un préjudice important qu'elle évalue à la somme de 300 000 euros. Elle considère que les managers de la société Welltec UK et cette dernière ont utilisé ses informations pour s'implanter dans les pays présentant les meilleurs potentiels et récupérer les revendeurs de son réseau.

Sur la concurrence déloyale, la société Graffiti et M. Baldwin rétorquent que la preuve n'est pas apportée d'un détournement par eux d'informations confidentielles prétendument communiquées par le distributeur. Ils considèrent qu'ils étaient libres d'établir des relations avec d'autres distributeurs.

Ils relèvent encore que la société Activa ne justifie pas de la nature et de l'importance des investissements qu'elle aurait réalisés dans son réseau de revente.

L'appelante, sur laquelle pèse la charge de la preuve, ne justifie par aucune pièce que M. Gavin Baldwin ou M. Taylor lui aient demandé des informations stratégiques et confidentielles sur son activité commerciale (actions commerciales en cours, couverture pays par pays, perspectives de développement dans chaque pays, indication des meilleurs revendeurs) dans l'unique but de les transmettre à la société Welltec UK afin que celle-ci les utilise à son détriment. En effet, une simple carte géographique sur laquelle figurent quelques annotations anonymes (pièce 9 de l'appelante) ne saurait suffire à administrer cette démonstration. Aucune faute personnelle n'étant caractérisée à l'encontre de M. Baldwin, sa responsabilité personnelle ne saurait être engagée.

Par ailleurs, il est établi que ce n'est pas la société Welltec UK qui est entrée en relations avec la société espagnole Areak (considérée par la société Activa comme sa meilleure partenaire), mais cette dernière, qui s'est rendue au salon Post-expo, y a rencontré les managers de la société Graffiti et qui comprenant que celle-ci est le distributeur exclusif de la société coréenne a préféré traiter avec elle, ainsi qu'il ressort de son courriel du 14 octobre 2009. Enfin la société Activa ne justifie pas des investissements qu'elle aurait réalisés et qui auraient profité à l'intimée. Ainsi en l'absence de preuve de manœuvres déloyales accomplies par l'intimée et de la réalité du préjudice invoqué, la demande de l'appelante visant le parasitisme ne saurait être accueillie.

La société Graffiti, succombant, sera condamnée à supporter les dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Activa une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 23 janvier 2018, Prononce la nullité du jugement rendu le 26 novembre 2014 par le Tribunal de commerce d'Evry, Par application de l'article 89 du Code de procédure civile, évoque l'affaire, Condamne la société Graffiti à payer à la société Activa DPS Europe la somme de 25 000 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, Déboute la société Activa DPS Europe de sa demande fondée sur l'article 1382 du Code civil, dans sa version en vigueur au moment des faits, visant les actes de concurrence déloyale, Condamne la société Graffiti à payer à la société Activa DPS Europe la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Graffiti aux dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.