CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 29 mars 2018, n° 15-22993
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Pamex Ltd (Sté)
Défendeur :
Laboratoire Chauvin (SAS), Bausch & Lomb France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mme Schaller, du Besset
Avocats :
Mes Lutran, Pech de Laclause, Matteoli
Faits et procédure :
La société Pamex Ltd (ci-après Pamex) est une société de droit irlandais qui a pour activité la promotion de produits pharmaceutiques en Irlande.
La société Laboratoire Chauvin est une société de droit français qui a pour activité la fabrication de produits pharmaceutiques et plus particulièrement ophtalmologiques.
A compter du mois d'avril 1995, les parties ont développé un partenariat pour favoriser la promotion et la commercialisation des produits du Laboratoire Chauvin sur le territoire irlandais, moyennant le paiement à la société Pamex de commissions.
Ce partenariat s'est poursuivi après le rachat en 2000 de la société Laboratoire Chauvin par le groupe américain Bausch & Lomb.
Le 1er janvier 2007, les sociétés Pamex et Laboratoire Chauvin ont formalisé leur relation par un contrat écrit.
Selon courrier du 18 juillet 2011, la société Laboratoire Chauvin a notifié à la société Pamex son intention de ne pas renouveler le contrat, qui venait à expiration le 31 décembre 2011.
Par suite, selon acte du 21 juin 2012, la société Pamex a assigné les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France en paiement d'une indemnité de rupture de son contrat d'agence commerciale.
Par jugement rendu le 17 février 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté la société Pamex Ltd de l'ensemble de ses demandes, au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve du statut d'agent commercial dont elle se prévalait ;
- condamné la société Pamex Ltd à payer à la société Laboratoire Chauvin et à la société Bausch & Lomb France la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la société Pamex Ltd aux dépens ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Vu l'appel interjeté le 13 novembre 2015 par la société Pamex à l'encontre de cette décision ;
Vu les avant dernières conclusions (n° 2) signifiées le 8 février 2017 par la société Pamex, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles L. 134-1 et suivants et R. 134-1 et suivants du Code de commerce, et l'article 1154 du Code civil,
Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,
Vu les articles 563 à 565 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et condamnée à payer la somme globale de 3 000 euros aux intimées,
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
- dire et juger la société Pamex Ltd recevable et bien fondée en ses demandes ;
- constater que Pamex Ltd avait le pouvoir de négocier et conclure des contrats de vente au nom et pour le compte de Chauvin Bausch & Lomb sur le territoire irlandais ;
- constater que Pamex Ltd a agi en qualité d'agent commercial de Chauvin - Bausch & Lomb ;
En conséquence,
- dire et juger que Pamex Ltd agissait en qualité d'agent commercial à l'égard de Chauvin - Bausch & Lomb ;
- dire et juger qu'eu égard à la durée des relations entre les parties, le préjudice subi par Pamex Ltd correspond à trois années de commissions calculées sur la moyenne des deux dernières années desdites relations ;
- débouter Chauvin de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner in solidum les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à la société Pamex Ltd une somme de 844 105,50 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation de Pamex devant le Tribunal de grande instance de Paris, soit le 21 juin 2012, avec capitalisation des intérêts ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la terminaison par les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France de leurs relations commerciales établies avec la société Pamex Ltd est constitutive d'une rupture brutale au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
- dire et juger que ladite rupture remonte au 18 juillet 2015, date de la lettre valant notification de l'expiration de l'accord adressée par Chauvin Bausch & Lomb à Pamex Ltd ;
En conséquence,
- débouter Chauvin de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner solidairement les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à Pamex Ltd une somme de 278 307 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2012, avec capitalisation des intérêts, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel résultant de la rupture brutale, par les intimées, de leurs relations commerciales établies avec Pamex Ltd ;
- condamner solidairement les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à Pamex Ltd une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice d'image ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à la société Pamex Ltd la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions (n° 3) signifiées le 31 janvier 2018 par la société Pamex, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles L. 134-1 et suivants et R. 134-1 et suivants du Code de commerce, et l'article 1154 du Code civil,
Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,
Vu les articles 563 à 565 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et condamnée à payer la somme globale de 3 000 euros aux intimés ;
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
- dire et juger la société Pamex Ltd recevable et bien fondée en ses demandes ;
- constater que la société Pamex Ltd avait le pouvoir de négocier et conclure des contrats de vente au nom et pour le compte de la société Chauvin-Bausch & Lomb sur le territoire irlandais ;
- constater que la société Pamex Ltd a agi en qualité d'agent commercial de la société Chauvin-Bausch & Lomb ;
En conséquence,
- dire et juger que la société Pamex Ltd agissait en qualité d'agent commercial à l'égard de la société Chauvin-Bausch & Lomb ;
- dire et juger qu'eu égard à la durée des relations entre les parties, le préjudice subi par la société Pamex Ltd correspond à trois années de commissions calculées sur la moyenne des deux dernières années desdites relations ;
- débouter la société Chauvin-Bausch & Lomb de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner in solidum les société Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à la société Pamex Ltd une somme de 844 105,50 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation de Pamex devant le Tribunal de grande instance de paris, soit le 21 juin 2012, avec capitalisation des intérêts ;
À titre subsidiaire,
- dire et juger que la terminaison par les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France de leurs relations commerciales établies avec la société Pamex Ltd est constitutive d'une rupture brutale au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
- dire et juger que ladite rupture remonte au 18 août 2015, date de la lettre valant notification de l'expiration de l'accord adressée par la société Chauvin-Bausch & Lomb à la société Pamex Ltd ;
En conséquence,
- débouter la société Chauvin de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner solidairement les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à la société Pamex Ltd une somme de 278 307 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2012, avec capitalisation des intérêts, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel résultant de la rupture brutale, par les intimées, de leurs relations commerciales établies avec la société Pamex Ltd ;
- condamner solidairement les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à la société Pmex Ltd une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice d'image ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à la société Pamex Ltd la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions avant la clôture signifiées le 21 décembre 2017 par les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France (ci-après désignées par commodité comme une seule personne morale, Chauvin-Bausch & Lomb), par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu l'article 1315 du Code civil,
Vu les articles L. 134-1 et L. 134-12 du Code de commerce,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal,
- dire et juger que le contrat litigieux constitue la loi des parties et qu'en l'espèce, le contrat stipule expressément que la société Pamex n'a aucun droit exprès ou autorité pour prendre des décisions, ou créer une obligation contraignante au nom de la société Chauvin, à l'égard de tout sujet lié au contrat ;
- constater que la société Pamex n'argue pas de la nullité du contrat ni qu'il aurait été nové par la volonté des parties ;
- dire et juger en conséquence que ladite stipulation s'applique aux relations entre les parties ;
- dire et juger que la société Pamex n'avait donc pas le pouvoir de négocier et conclure des contrats de vente au nom et pour le compte de la société Chauvin sur le territoire irlandais ;
- dire et juger par ailleurs que dans le cadre de l'exécution du contrat, la société Pamex n'a réalisé que des prestations matérielles, à l'exclusion de toute mission juridique de représentation ;
- dire et juger en conséquence que la société Pamex n'a pas agi en qualité d'agent commercial de Chauvin ;
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a débouté la société Pamex de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- constater que le préjudice de la société Pamex, sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce, n'est pas justifié par des éléments objectifs et vérifiables ;
- dire et juger en conséquence que la demande indemnitaire de la société Pamex est totalement infondée ;
Sur les demandes nouvelles,
A titre principal,
Vu l'article 564 du Code de procédure civile,
- dire et juger que les demandes présentées pour la première fois devant la cour, au titre de l'article L. 442-6-I, 5° et d'un prétendu préjudice d'image de marque, sont nouvelles ;
- les déclarer irrecevables,
A titre subsidiaire,
- constater que les préjudices invoqués par la société Pamex, sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce, et sur une prétendue atteinte à son image de marque, ne sont pas justifiés par des éléments objectifs et vérifiables ;
- débouter la société Pamex de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Pamex au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance, et l'augmentant :
- condamner la société Pamex à payer à chacune des sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France la somme supplémentaire de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2018.
Vu les dernières conclusions signifiées le 6 février 2018 par les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu l'article 15 du Code de procédure civile,
- rejeter des débats les conclusions n° 3 signifiées par la société Pamex le 31 janvier 2018, ainsi que ses pièces n° 61 et 62 communiquées à la même date ;
Sur les demandes présentées au titre d'un prétendu contrat d'agence commerciale,
Vu l'article 1315 du Code civil,
Vu les articles L. 134-1 et L. 134-12 du Code de commerce,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal,
- dire et juger que le contrat litigieux constitue la loi des parties et qu'en l'espèce, le contrat stipule expressément que la société Pamex n'a aucun droit exprès ou tacite ou autorité pour prendre des décisions, ou créer une obligation contraignante au nom de Chauvin, à l'égard de tout sujet lié au contrat ;
- constater que la société Pamex n'argue pas de la nullité du contrat ni qu'il aurait été nové par la volonté des parties ;
- dire et juger en conséquence que ladite stipulation s'applique aux relations entre les parties ;
- dire et juger que la société Pamex n'avait donc pas le pouvoir de négocier et conclure des contrats de vente au nom et pour le compte de Chauvin sur le territoire irlandais ;
- dire et juger par ailleurs que dans le cadre de l'exécution du contrat, la société Pamex n'a réalisé que des prestations matérielles, à l'exclusion de toute mission juridique de représentation ;
- dire et juger en conséquence que la société Pamex n'a pas agi en qualité d'agent commercial de Chauvin ;
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a débouté la société Pamex de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- constater que le préjudice de la société Pamex, sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce, n'est pas justifié pas des éléments objectifs et vérifiables ;
- dire et juger en conséquence que la demande indemnitaire de la société Pamex est totalement infondée ;
Sur les demandes nouvelles,
A titre principal,
Vu l'article 564 du Code de procédure civile,
- dire et juger que les demandes présentées pour la première fois devant la cour, au titre de l'article L. 442-6- I, 5° et d'un prétendu préjudice d'image de marque, sont nouvelles ;
- les déclarer irrecevables,
A titre subsidiaire,
- constater que les préjudices invoqués par la société Pamex, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, et sur une prétendue atteinte à son image de marque, ne sont pas justifiés pas des éléments objectifs et vérifiables ;
- débouter la société Pamex de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Pamex au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance, et l'augmentant :
- condamner la société Pamex à payer à chacune des sociétés Laboratoires Chauvin et Bausch & Lomb France la somme supplémentaire de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civil pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS :
Sur la recevabilité des conclusions et des pièces signifiées par Pamex le 31 janvier 2018 :
Par application de l'article 16 du Code de procédure civile, les conclusions n° 3 et les pièces (n° 61 et 62) signifiées par Pamex le 31 janvier 2018 seront déclarées irrecevables en raison de leur tardiveté par rapport à l'ordonnance de clôture prévue et prononcée le 1er février 2018, ce, en vertu du principe du contradictoire. La cour se trouve par suite saisie des avant dernières écritures de Pamex, notifiées le 8 février 2017.
Sur le fond :
Sur le statut d'agent commercial :
L'article L. 134-1 du Code de commerce, qui transpose l'article 1 de la directive européenne n° 86/653/CEE du 18 décembre 1986, dispose que : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.
Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières. ".
Il est de principe que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée. De même, l'inscription de l'intermédiaire au registre spécial des agents commerciaux n'est une condition ni suffisante, ni nécessaire à la reconnaissance de ce statut.
En l'espèce, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a estimé que Pamex ne bénéficiait pas du statut d'agent commercial. En effet, il résulte des pièces du dossier que cette dernière, peu important que le contrat du 1er janvier 2007 n'y fasse pas expressément référence, bénéficiait effectivement de ce statut compte tenu de l'objet, des modalités et du but de son intervention.
En effet, il résulte des pièces du dossier, ainsi que Pamex le soutient et le démontre, que celle-ci était le seul représentant de Chauvin-Bausch & Lomb en Irlande, qui n'avait qu'une connaissance très limitée de ce territoire et n'y était pas implantée, et était chargée à ce titre d'y promouvoir et d'y commercialiser ses produits au nom et pour son compte, son rôle ne se limitant nullement à la conseiller et l'assister pour le suivi de commandes en tant que "consultant", nonobstant l'utilisation de ce terme dans le contrat du 1er janvier 2007, qui au demeurant stipule non sans contradiction sur ce point, en son annexe 1, que " Le consultant devra faire preuve de ses meilleurs efforts (...) pour commercialiser, promouvoir, créer une demande, développer en permanence et optimiser les ventes des Produits sur le Territoire ", ce qui correspond exactement au rôle de l'agent commercial et, au surplus, est corroboré par l'emploi du terme " agent " pour désigner Pamex dans le courrier du 15 décembre 2011 commun aux parties annonçant aux clients la fin de leur collaboration.
La qualité de mandataire de Pamex de Chauvin-Bausch & Lomb est en outre démontrée par de multiples pièces, dont les listes de prix ou les supports promotionnels de produits Chauvin-Bausch & Lomb portant l'entête Pamex, ainsi qu'une facture et le témoignage du Dr Tobin attestant que Pamex a représenté Chauvin-Bausch & Lomb au moins à deux reprises à des colloques professionnels spécialisés, ou enfin les notices d'utilisation de deux produits ophtalmologiques Chauvin-Bausch & Lomb renvoyant à Pamex pour obtenir plus d'informations.
Il apparaît ainsi que Pamex prospectait les pharmacies et hôpitaux et prenait leurs commandes, peu important que ces prises de commandes ne soient pas formalisées par des bons de commandes, mais par des tableaux établis et transmis par courriel par Pamex, et que ces commandes soient adressées à des " grossistes " qui en réalité n'étaient que des intermédiaires, à savoir principalement Cahill May Roberts (CMR) devenue Movianto et, dans une moindre mesure, Uniphar et United-Drug, qui intervenaient en pratique respectivement comme logisticien et/ou entreposeurs.
En particulier, il résulte du témoignage précis et détaillé de l'ancien directeur de Movianto, M. Gérard Rabette, que CMR/Movianto avait un rôle de simple partenaire logistique de Pamex, chargée de représenter Chauvin-Bausch & Lomb, et agissait conformément aux instructions de Pamex s'agissant de la nature et du volume des commandes à adresser à Chauvin-Bausch & Lomb, puis à réceptionner, stocker et enfin livrer aux clients/détaillants finaux, les hôpitaux et les pharmacies, ce qui est corroboré par les échanges de mails où il apparaît que CMR, en utilisant son numéro de commande officiel, suit les instructions de Pamex pour effectuer ses commandes auprès de Chauvin-Bausch & Lomb. Ce système s'avère d'ailleurs parfaitement cohérent au regard de la rémunération de ces intervenants, le taux de commissionnement sur les ventes de Pamex étant de 17 à 40 %, celui de CMR/Movianto de 6,5 puis 5 %, ce qui est proportionné au vu de leur rôle respectif.
Par ailleurs, aucun élément du dossier - en particulier aucune facture de vente - ne vient établir, ainsi que le soutiennent subsidiairement les intimées, que Pamex aurait pris des commandes non pour le compte de Chauvin-Bausch & Lomb, mais pour le compte de grossistes et revendeurs. Ainsi, il apparaît bien que l'action de Pamex a favorisé la vente des produits de Chauvin-Bausch & Lomb aux clients finaux, peu important l'intervention intermédiaire de CMR/Movianto, logisticien au profit de qui aucun transfert de propriété n'a eu lieu, ou des autres intermédiaires entreposeurs précités.
En outre, il s'avère que Pamex, outre qu'elle était rémunérée sous forme de commissions, était parfaitement indépendante, libre et autonome dans ses conditions de travail, ce point n'étant pas contesté par les intimées.
Enfin, il est établi que Pamex disposait du pouvoir de négocier pour le compte de sa mandante, Chauvin-Bausch & Lomb, dans la mesure où il apparaît qu'elle effectuait des opérations marketing autour de ses produits et accordait régulièrement aux clients des bonus et offres promotionnelles, et que ses actions et les commandes qu'elle a prises ont dans leur intégralité été ratifiées par Chauvin-Bausch & Lomb, le caractère fluide, courtois et satisfaisant des relations des parties, qui ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats, devant être souligné. Pamex disposant du savoir-faire idoine et étant autonome dans les modalités de promotion et de commercialisation des produits Chauvin-Bausch & Lomb et celle-ci ayant systématiquement avalisé son action, il s'en déduit que la première avait le pouvoir effectif d'engager la seconde.
A cet égard, contrairement à ce que prétendent les intimées, le témoignage de M. Glenn Mac Kinnon, directeur général de Chauvin Royaume-Uni d'avril 1994 à fin 1998, selon lequel Pamex était bien l'agent commercial de Chauvin, est éclairant et ne se limite pas à l'émission d'une opinion déguisée, en ce qu'il est parfaitement corroboré par les autres pièces du dossier.
En conséquence, il sera dit que Pamex étant l'agent commercial de Chauvin-Bausch & Lomb.
Sur l'indemnité de rupture :
L'article L. 134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.
L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause, même s'il existe un usage reconnu qui consiste à accorder l'équivalent de deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la cour.
Or, en l'espèce, compte tenu des éléments ci-dessus développés et en particulier de la durée importante de la mission d'agence commerciale (environ 16 ans), du fait que l'action de Pamex a favorisé une progression régulière et ininterrompue du chiffre d'affaires de Chauvin-Bausch & Lomb en Irlande (passé de 253 857 euros en 1996 à 1 469 936 euros en 2011) et de la part que représentait Chauvin-Bausch & Lomb dans le chiffre d'affaires global de Pamex (17 % en 2009, 13 % en 2010 et 21 % en 2011), il apparaît que l'application de cet usage permettra une réparation intégrale du préjudice subi par l'appelante.
Par suite, les années (2010 et 2011) de référence des commissions n'étant pas contestées, Pamex se verra octroyer à titre d'indemnité de rupture la somme de 562 737 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2012, date de l'assignation, et capitalisation annuelle des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil.
Les intimées supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande d'allouer à Pamex la somme globale de 15 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare irrecevables les conclusions n° 3 et les pièces (n° 61 et 62) signifiées par la société Pamex Ltd le 31 janvier 2018 ; Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant de nouveau, Dit que la société Pamex Ltd a agi en tant qu'agent commercial des sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France ; Condamne solidairement les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à la société Pamex Ltd la somme de 562.737 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2012, à titre d'indemnité de rupture ; Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil ; Condamne solidairement les sociétés Laboratoire Chauvin et Bausch & Lomb France à payer à la société Pamex Ltd la somme de 15.000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne in solidum les sociétés Laboratoire Chauvin et Chauvin-Bausch & Lomb aux dépens de première instance et d'appel.