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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 21 mars 2018, n° 16-06382

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Green Power Technologie (SAS)

Défendeur :

ABB (SAS), Bel Power Solutions (SAS), Power One Italy Spa (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Kalifa, Corgas, Baechlin, Lallemand, Fertier, Martin Vivier

T. com. Rennes, du 25 févr. 2016

25 février 2016

FAITS ET PROCÉDURE

La société Green Power Technologie, ci-après Green Power, distribue des matériels photovoltaïques et des accessoires s'y rattachant. La société Green Power est une filiale à 100 % du groupe Inhusol.

Le groupe américain Power-One est spécialisé dans le domaine des systèmes de conversion et d'énergie renouvelable. Elle fournit des onduleurs pour panneaux photovoltaïques. La société Power-One Italy SpA, ci-après Power-One Italy, de droit italien, fabrique pour le marché européen les produits de marque Power-One.

La société Power-One-France, ci-après Power-One France a été créée en 1982 par la société Power-One Italy. Elle assure la commercialisation des produits de marque Power-One en direct ou par l'intermédiaire d'un réseau de distribution tant en France qu'en Europe et au Moyen-Orient.

Au mois d'avril 2013, l'activité de conception, fabrication, distribution et de services d'onduleurs solaires de la société Power-One France a été rachetée par la société ABB. La filiale française du groupe ABB, la société ABB, vient aux droits des sociétés Power-One France, s'agissant de l'activité rachetée.

Le 1er septembre 2014, la société Power-One France est devenue la société Bel Power Solutions.

A partir de l'année 2010, la société Green Power a distribué des onduleurs de marque Power-One et entretenait une relation d'affaires indifféremment avec les sociétés Power-One France et Power-One Italy : la société Power-One France était en charge des relations commerciales avec la société Green Power qui se faisait livrer les produits de marque Power-One par la société Power-One Italy, cette dernière en assurant la fabrication.

Ces relations commerciales n'ont pas été formalisées par la signature d'un contrat écrit.

Par courriel du 4 avril 2013, la société Power-One Italy a informé la société Green Power de la cessation de leurs relations commerciales.

Par courriel du 15 avril 2013, la société Green Power a répondu au courriel de rupture du 4 avril 2013.

Par courrier du 2 mai 2013, la société Power-One Italy a confirmé à la société Green Power la rupture des relations commerciales.

Par acte du 19 août 2013, la société Green Power a assigné les sociétés Power-One France et Power-One Italy devant le Tribunal de commerce de Rennes pour rupture brutale et déloyale de leurs relations commerciales aux fins de les voir condamner à lui verser la somme totale de 1 093 418,15 euros.

Par jugement du 25 février 2016, le Tribunal de commerce de Rennes a :

- débouté la société Green Power Technologie de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Green Power Technologie à verser un euro à la société ABB France et un euro à la société Power One Italy aux titres des dommages et intérêts,

- condamné la société Green Power Technologie à verser à la société ABB France et à la société Power One Italy la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Green Power Technologie aux entiers dépens,

- liquidé les frais de greffe à la somme de 110,77 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du Code de procédure civile.

La société Green Power Technologie a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 15 mars 2016.

La procédure devant la cour a été clôturée le 6 février 2018.

LA COUR

Vu les conclusions du 26 décembre 2017 par lesquelles la société Green Power, appelante, invite la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, 1382 du Code civil, à :

- infirmer le jugement critiqué en ce qu'il a refusé de caractériser la défaillance des sociétés ABB, Bel Power Solutions et Power One Italy dans la rupture de leurs relations commerciales,

- dire que les sociétés ABB, Bel Power Solutions et Power-One Italy ont procédé à une rupture brutale des relations commerciales qu'elles entretenaient avec la société Green Power, en conséquence,

- condamner " conjointement et solidairement " les sociétés ABB, Bel Power Solutions et Power-One Italy à lui payer la somme de 1 178 000 euros au titre de la perte de marge que la société Green Power pouvait escompter pendant la période de préavis de six mois dont elle aurait dû bénéficier, sauf à parfaire,

- condamner " conjointement et solidairement " les sociétés ABB, Bel Power Solutions et Power-One Italy à lui payer la somme de 42 000 euros au titre de son préjudice financier, faute d'avoir bénéficié d'une période de préavis de six mois, sauf à parfaire, vu les articles 1134 et 1382 du Code civil,

- dire que, les sociétés ABB, Bel Power Solutions et Power-One Italy ont fait preuve d'une particulière déloyauté dans l'unique intention de lui nuire, en dissimulant sa décision de rupture jusqu'au dernier moment, en avançant des motifs volontairement erronés pour rompre, en la discréditant auprès de sa clientèle pour la détourner à son profit,

- condamner " conjointement et solidairement " les sociétés ABB, Bel Power Solutions et Power-One Italy à lui payer la somme de 500 000 euros au titre du préjudice d'image et de réputation et de son préjudice moral,

en tout état de cause,

- confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a débouté les intimées de leurs demandes reconventionnelles,

- dire que la société Green Power n'a commis aucune faute vis-à-vis des sociétés ABB, Bel Power Solutions et Power-One Italy,

- à titre infiniment subsidiaire, dire qu'à supposer même que la société Green Power ait commis une faute, les intimées ne prouvent nullement l'existence et l'ampleur du préjudice qu'elles allèguent,

- dire qu'en conséquence aucune condamnation indemnitaire ne saurait être prononcée,

- débouter les sociétés ABB, Bel Power Solutions et Power-One Italy de leurs demandes reconventionnelles, fins et conclusions,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés ABB, Bel Power Solutions et Power-One Italy à lui payer la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Audrey Kalifa, avocat au barreau de Paris, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 29 janvier 2018 par lesquelles les sociétés ABB, venant aux droits de la société Power-One Technologie, et Power-One Italy SpA, intimées ayant formé appel incident, demandent à la cour, au visa des articles L. 442-6 du Code de commerce et 1382 du Code civil, de : sur l'appel principal de la société Green Power,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 25 février 2016, en ce qu'il a jugé que la rupture, par les sociétés ABB et Power-One Italia SpA, de leurs relations commerciales avec la société Green Power Technologie ne revêt aucun caractère de brutalité, tant à raison des graves manquements contractuels de la société Green Power Technologie, que du caractère suffisant du préavis qui lui a été accordé,

en conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 25 février 2016 en ce qu'il a débouté la société Green Power Technologie de l'ensemble de ses demandes, fins, et prétentions à leurs encontre,

sur l'appel incident D'ABB,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes le 25 février 2016 en ce qu'il a condamné la société Green Power Technologie à leur verser la somme de 1 euro chacune à titre de dommages-intérêts à raison de son attitude fautive,

statuant à nouveau,

- condamner la société Green Power Technologie à leur verser la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice subi par cette dernière du fait de l'attitude fautive de la société Green Power Technologie,

en tout état de cause,

- condamner la société Green Power à leur verser la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Green Power aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Jeanne Beachlin pour ceux qui la concernent conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 1er septembre 2016 par lesquelles la société Bel Power Solutions, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 122 et 564 du Code de procédure civile, de :

à titre principal,

- déclarer irrecevable la société Green Power Technologie pour ses demandes à son encontre, pour défaut de qualité à agir,

à titre subsidiaire,

- déclarer irrecevables la société Green Power Technologie pour ses demandes nouvelles à son encontre,

en tout état de cause,

- condamner la société Green Power Technologie à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile dont distraction au profit de Me Stéphane Fertier ;

Sur ce

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité des demandes formées à l'encontre de la société Bel Power Solutions

La société Bel Power Solutions explique qu'en cours de procédure, la société Power One France a cédé à la société ABB France son activité de conception, fabrication, distribution et de service d'onduleurs solaires, que la société Power One France est devenue la société Bel Power Solutions à compter du 1er septembre 2014, et que la société ABB France, venant aux droits de la société Power One France, est, intervenue volontairement dans la cause aux côtés de la société Power One Italy Spa. Elle souligne que la société Bel Power Solutions n'est plus concernée par la présente affaire, étant subrogée dans ses droits et actions par la société ABB France et que donc la société Green Power Technologie n'a plus qualité pour agir contre elle. Elle souligne que les demandes formées à son encontre sont irrecevables d'abord pour défaut d'intérêt à agir puis pour avoir été formulées pour la première fois à son encontre en cause d'appel.

La société Green Power Technologie ne formule aucune observation sur ces points.

Aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile, " l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt au succès ou au rejet d'une prétention. L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et l'appréciation de la preuve des faits nécessaires au succès d'une prétention relève de l'examen de l'affaire au fond ".

L'article 122 du même code dispose que " Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ".

Il n'est pas contesté par l'ensemble des parties que la société ABB vient aux droits de la société Power One France.

La société Green Power Technologie ne formule des griefs qu'à l'encontre des sociétés du groupe Power-One, à savoir les sociétés Power-One France et Power One Italy SpA. Dès lors, seule la société venant aux droits de la société Power-One Technologie peut voir sa responsabilité recherchée dans le cadre de cette instance.

La société Green Power Technologie n'a donc aucun intérêt à agir à l'encontre de la société Bel Power Solutions dans le cadre de la présente instance.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les demandes formées par la société Green Power Technologie à l'encontre de la société Bel Power Solutions.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Green Power Technologie soutient que la date de la rupture par la société Power One de leurs relations commerciales est floue, laquelle oscillant entre le 4 avril et le 2 mai 2013. Elle en déduit que la société Power-One a rompu la relation commerciale sans préavis écrit et qu'elle n'a eu aucune garantie quant à la durée du préavis puisqu'elle n'en connaissait ni le point de départ ni la durée exacte. Elle relève également que la période transitoire accordée par la société Power-One ne peut être qualifiée de préavis au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce, les conditions imposées par la société Power-One pendant cette période rendant impossible la poursuite des relations entre les parties : la société Power-One a unilatéralement et de manière substantielle modifié le contenu des conditions contractuelles qui s'appliquaient habituellement entre les parties en exigeant d'une part le paiement en avance de la totalité des commandes et d'autre part en interdisant à la société Green Power toute opération de communication et de représentation relative aux produits de marque Power-One. L'appelante soutient que les manquements invoqués à son égard ne sont pas justifiés et n'ont pas fondé la rupture.

Les sociétés ABB et Power One Italy SpA font valoir qu'elles ont rompu la relation le 4 avril 2013, rupture qu'elles ont confirmé le 2 mai 2013, en rappelant qu'une période de transition serait applicable à compter du 15 avril 2013 pour une période de 6 mois. Elles soulignent que les relations établies avec la société Green Power ont été poursuivies selon les conditions initialement convenues pendant toute la période de préavis, qui a pris fin au mois de novembre 2013. Elles expliquent que le comportement de la société Green Power, constituant des fautes graves, justifie la rupture immédiate par la société Power-One de leurs relations commerciales.

Les parties s'accordent sur le caractère établi des relations commerciales et leur durée, à savoir 3 années, mais aussi sur le fait que les relations commerciales de la société Green Power étaient indifféremment avec les sociétés Power-One France et Power One Italy SpA. En revanche, elles s'opposent sur la date de la rupture, la durée du préavis, son effectivité et le préjudice subi par l'appelante.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu'elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.

Sur la date de la rupture

Les échanges courriels des 10 et 12 décembre 2013 entre les représentants des sociétés Power-One Italy et de Green Power (pièce 7 intimées) démontrent que les parties échangeaient sur la signature par les parties d'un contrat de distribution. Au cours de ces échanges, les uns et les autres ont considéré que les relations entre elles étaient rompues, sans autres explications.

Toutefois, il convient de relever que les échanges suivants, dès les 20 et 27 décembre 2012 entre les mêmes personnes établissent que les relations commerciales entre les parties étaient stabilisées, celles-ci échangeant pour finaliser la signature du contrat de distribution. Par ailleurs, les relations commerciales ont perduré normalement.

En effet, par courriel du 5 février 2013, la société Power-One Italy a notamment indiqué à la société Green Power qu'elle avait une nouvelle stratégie de développement et d'organisation qui ne remettait pas en cause leur relation " qui s'est stabilisée " et qu'elle souhaitait continuer de développer ladite relation.

Ce courriel démontre que la société Power-One indiquait à la société Green Power que leurs relations commerciales allaient se poursuivre malgré les différends qu'elles avaient pu avoir par le passé.

Dès lors, il ne peut être considéré que la société Green Power pouvait s'attendre à la rupture des relations commerciales entre les parties, ces échanges devant être analysés comme des actes de négociation entre partenaires commerciaux.

Puis, par courriel du 4 avril 2013, envoyé à la société Green Power, la société Power-One Italy indique qu'elle " a entrepris de restructurer le mode de commercialisation de ses produits et vous informe que nous mettons fin à la collaboration directe avec votre société ainsi que les sociétés relatives telles que Inhusol enregistrée en Roumanie ce qui implique que nous ne serons plus en mesure de prendre en compte vos commandes à dater de ce jour. A ce titre, nous vous demandons, avec effet immédiat, de ne plus vous présenter en tant que partenaire officiel de Power One ni même d'utiliser notre image, nom ou logo à des fins commerciales ou toute autre raison notamment mais exclusivement par voie de courrier électronique, de courrier postal, " mailing " téléphonique, exposition ou salon public ou professionnel. Power One est cependant prêt à évaluer avec vous une période de transition pour une durée pouvant aller jusqu'à 6 mois à compter de ce jour qui vous permettrait de continuer de passer des commandes auprès de notre société dans le respect des conditions suivantes : le règlement effectif des factures relatives aux commandes reçues et enregistrées à ce jour suivant les termes de paiement indiqués sur ces dernières, le paiement en avance de la totalité des nouvelles commandes passées durant cette période de transition, l'arrêt absolu et immédiat de toute action de promotion commerciale du nom, de l'image et du logo et des produits conçus, fabriqués et commercialisés par Power One ".

Il y a lieu de considérer ce courriel comme constituant le courrier de rupture de la société Power-One de ses relations commerciales établies avec la société Green Power, la société Power-One signifiant clairement à son interlocuteur la fin de leurs relations commerciales ainsi que les modalités de la rupture.

Sur le préavis

Il est de principe que, sauf circonstances particulières, l'octroi d'un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures.

En l'espèce, il convient de relever que la société Power-One Italy signifie à la société Green Power dans le courriel du 4 avril 2013, comme au cours de la réunion du 17 avril 2013 qui s'est tenue dans les locaux de la société Power-One France et dans le courrier du 3 mai 2013 que la rupture des relations commerciales est à effet immédiat, tout en précisant qu'une période de " transition " était accordée dans un délai maximum de 6 mois.

Il y a donc lieu d'apprécier si les conditions allouées à la société Green Power jusqu'au 4 octobre 2013 dans ces mêmes documents permettent la poursuite des relations commerciales entre les parties aux conditions antérieures, constituant ainsi un préavis effectif, ou si ces conditions ne peuvent permettre une poursuite identique des relations commerciales, induisant donc que les sociétés Power-One Italy et Power-One France n'ont pas accordé à la société Green Power de préavis au sens de l'article précité.

Le procès-verbal de la réunion qui s'est tenue le 17 avril 2013 entre les parties démontre que la décision de rupture des relations commerciales entre les parties est maintenue à effet immédiat par les sociétés du groupe Power-One, celles-ci autorisant toutefois la société Green Power à lui commander directement ses produits jusqu'au 4 octobre 2013, avec paiement comptant, et que pendant cette période dite de " transition ", la société Green Power n'a pu continuer à communiquer sur la marque Power-One pour vendre ses produits.

Cette décision est confirmée par le courrier du 2 mai 2013 envoyé par la société Power-One Italy à la société Green Power.

S'agissant de la modification des modalités de paiement, il ressort des éléments du dossier (pièces 17 intimées, 22 et 23 appelante) qu'une ligne de crédit avait effectivement été mise en place au bénéfice de la société Green Power par les sociétés Power-One à la fin de l'année 2012. Ainsi, l'exigence du paiement comptant des nouvelles commandes, après le 4 avril 2013, modifie les conditions mises en place entre les parties avant la rupture, conditions auxquelles il convient de se référer pour apprécier l'effectivité d'un préavis.

En outre, l'interdiction de réaliser toute opération de communication autour des produits Power-One empêche la société Green Power de commercialiser dans des conditions normales les produits qu'elle distribue, modifiant ainsi, de manière substantielle les relations entre les parties.

Dès lors, les sociétés Power-One Italy et Power-One France ne justifiant pas de circonstances particulières, le délai de " transition " de 6 mois accordé ne constitue pas un délai de préavis au sens de l'article L. 442-6, I, 5° précité, en ce que la décision concomitante de la société Power-One de retirer à la société Green Power les conditions commerciales antérieures entre elles, à savoir la réalisation d'actions de promotion commerciale des produits Power-One et la ligne de crédit permettant un paiement différé et non comptant des commandes, ne place pas la société Green Power dans la possibilité de mettre à profit la période pour se réorganiser, s'agissant de conditions importantes dans l'équilibre des relations commerciales.

Enfin, il importe peu dans ces conditions que la société Green Power ait pu commander certains produits pendant cette période.

Il y a donc lieu de considérer qu'aucun préavis n'a été accordé à la société Green Power au moment de la rupture par les sociétés Power-One Italy et Power-One France.

Sur les fautes invoquées à l'encontre de la société Green Power pour justifier la rupture immédiate des relations commerciales établies

Il convient à titre liminaire de relever que les sociétés Power-One Italy et Power-One France n'ont fait état, au moment de la rupture, d'aucune faute justifiant celle-ci à l'égard de la société Green Power et que par courriel du 5 février 2013 déjà évoqué supra, il apparaît que la société Power-One Italy considérait que les difficultés entre les parties avaient été surmontées. Ainsi les griefs antérieurs connus par les intimées ne peuvent être utilement invoqués aux motifs qu'elles ne les considèrent pas comme étant suffisamment graves pour justifier une rupture.

Plus précisément, les sociétés Power-One font grief à la société Green Power d'avoir utilisé ses logos. Or, ces griefs ont été évoqués entre les parties au mois d'octobre 2012, et par courriel précité du 5 février 2013, les intimées ne formulaient plus ces reproches indiquant au contraire à l'appelante que leurs relations commerciales allaient se poursuivre.

Elles reprochent également à la société Green Power d'avoir réalisé au cours des mois précédents des opérations de déstockage par l'entremise d'autres distributeurs. Il convient de relever que ces opérations de déstockage ont été signalées à l'appelante par courriels des 28 février et 4 mars 2013, aucune autre pièce ne justifiant d'opérations de déstockage antérieures, étant précisé qu'il n'est pas soutenu et encore moins établi que la société Green Power a continué son opération après le courriel de la société Power-One du 1er mars 2013. Ces seuls éléments ne démontrent pas que ces griefs sont d'une gravité suffisante pour justifier une rupture immédiate des relations commerciales établies.

De même, la communication par un employé de la société Power-One Technologie à la société Green Power d'informations confidentielles n'est pas démontrée, la seule lettre de licenciement de cet employé ne pouvant établir la réalité du grief ni sa gravité, celle-ci n'étant corroborée par aucun autre élément extérieur.

Enfin, il est aussi soutenu que la société Green Power commercialisait des produits concurrents à ceux de la société Power-One. Cette affirmation contestée n'est étayée que par un extrait de site Internet de la société Plein Soleil du 15 mars 2013, qui explique que le Groupe Inhusol, par ses filiales Inhusol Energy et Green Power Technologie, a fait le choix d'élargir sa gamme en intégrant les produits REFUsol (pièce 11 intimées). L'extrait du profil Viadéo.com de M. Soudrille, responsable de la société Green Power, daté du 28 novembre 2013, mentionne que la société représente les produits European Investers (pièce 2 intimées). Ces seules pièces ne peuvent suffire à démontrer que la société Green Power a commercialisé ces produits avant la rupture. Il n'est d'ailleurs pas établi que ces produits sont concurrents de ceux de commercialisés sous la marque Power-One.

Dans ces conditions, les sociétés Power-One France et Power-One Italy ne démontrent pas que la société Green Power a commis des fautes suffisamment graves justifiant une rupture des relations commerciales établies sans préavis.

Il ressort de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures.

Dès lors, la rupture des relations commerciales établies a été brutale à l'égard de la société Green Power.

Sur la durée du préavis

L'évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l'ancienneté des relations, du volume d'affaires réalisé avec l'auteur de la rupture, du secteur concerné, de l'état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.

En l'espèce, la durée des relations commerciales établies entre les parties est de 3 années. Le flux d'affaires entre elles a été en 2010 de 3 549 439 euros, en 2011 de 7 160 952 euros, en 2012 de 14 320 373 euros et en 2013 de 4 889 700 euros (pièce 33 appelante), ces chiffres étant corroborés par ceux communiqués par la société Power-One (pièce 11 intimées). Il ressort de l'étude comptable communiquée par la société Green Power (pièces 19, 20, 33, 46, 47, 48 et 49 dont les chiffres sont corroborés par les chiffres retenus par les intimées, et ses comptes annuels non contestables) que l'ensemble de son chiffre d'affaires était réalisé avec les sociétés Power-One.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le délai de préavis dont aurait dû bénéficier la société Green Power pour réorganiser son activité est de 6 mois, tel qu'elle le demande.

Sur le préjudice

Il est constant que le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture. Il est de principe qu'une moyenne des trois dernières années de chiffres d'affaires entre les parties est réalisée pour évaluer la perte de marge, afin de refléter le mieux possible le volume d'activité concerné.

Il n'y a pas lieu de prendre en considération la réorientation de l'activité de la société Green Power pendant la durée du préavis, ni l'évolution de l'activité qui aurait pu être espérée par la société Green Power, au regard de ses projections.

Pour calculer la perte de marge pendant la durée du préavis, il convient de tenir compte des commandes de la victime de la rupture à l'égard de l'auteur qui ont pu être réalisées pendant cette période, la victime n'ayant ainsi pas perdu l'intégralité de la marge escomptée.

Le chiffre d'affaires mensuel réalisé entre les parties est de 831 124 euros. Il apparaît toutefois que la société Green Power a pu commander auprès des intimées pendant les 6 mois de préavis pour 1 931 114 euros, correspondant à un chiffre d'affaires mensuel de 321 857,15 euros. Il y a donc lieu de retenir la somme de 509 266 euros (831 124 - 321 857,15) au titre du chiffre d'affaires manqué par la société Green Power pendant toute la période de préavis. La marge sur coûts variables de la société Green Power étant de 13,47 %, la perte mensuelle de marge de la société Power-One est de 68 598,13 euros.

En conséquence, le préjudice subi par la société Green Power en raison de la rupture de leurs relations commerciales par la société Power-One est de 411 588,78 euros, au titre de la perte de marge. Il y a lieu de condamner in solidum la société ABB, qui vient aux droits de la société Power One, et la société Power One Italy SpA, celles-ci ne contestant pas avoir été indifféremment les interlocuteurs de la société Green Power, qui a eu des échanges commerciaux avec les deux sociétés tels que les courriels le démontrent, à verser à la société Green Power la somme de 411 588,78 euros à titre de dommages et intérêts.

La société Green Power sollicite également la réparation d'un préjudice financier, en raison de la brutalité de la rupture. A défaut de préciser en quoi ce préjudice est différent de la perte de marge, elle ne démontre pas le principe de ce préjudice. Il y a donc lieu de la débouter de sa demande de ce chef.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Green Power de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur la demande de dommages et intérêts pour abus et déloyauté :

La société Green Power reproche aux sociétés ABB et Power One Italy SpA de l'avoir discréditée, ce qui lui a causé un préjudice d'image et de réputation. Elle explique que les intimées ont délibérément cherché à lui nuire en l'évinçant du marché.

Les sociétés ABB et Power One Italy SpA contestent avoir rompu abusivement les relations commerciales avec la société Green Power ainsi que le préjudice allégué.

Le courriel du 5 février 2013, par lequel il est indiqué que les relations devraient se poursuivre, ne constitue pas un abus de rompre, en ce que d'autres échanges précédents entre les parties, notamment au dernier trimestre 2012, démontrent que les sociétés Power-One souhaitaient modifier le réseau de distribution des produits Power-One et que des griefs étaient formulés à son égard par ces dernières.

La société Green Power ne peut donc prétendre qu'elle a été trompée.

En outre, la société Green Power ne démontre pas que l'augmentation de son stock au premier trimestre 2013 fait suite à la demande de la société Power-One, ni en tout état de cause que cette demande est fautive.

De même, le choix de la date de la rupture ne peut constituer un grief caractérisant un abus dans l'exercice du droit de rompre.

Il y a donc lieu de débouter la société Green Power de ses demandes de ce chef, celle-ci ne démontrant aucune faute imputable à la société Power-One.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle des sociétés ABB et Power One Italy SpA :

Les sociétés ABB et Power One Italy SpA reprochent à la société Green Power de les avoir dénigrées, et d'avoir bradé ses produits.

Il a déjà été relevé ci-dessus que les fautes alléguées n'étaient pas établies. En tout état de cause aucun préjudice n'est établi.

Il y a donc lieu de débouter les sociétés ABB et Power One Italy SpA de leurs demandes de ce chef.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Green Power Technologie à verser un euro à la société ABB France et un euro à la société Power One Italy à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :

Il y a lieu de confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, les parties ne sollicitant pas sa remise en cause.

Les sociétés ABB et Power One Italy SpA, parties perdantes, doivent être condamnées in solidum aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Green Power Technologie la somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare irrecevables les demandes formées par la société Green Power Technologie à l'encontre de la société Bel Power Solutions ; Infirme le jugement sauf en ce qu'il a : - débouté la société Green Power de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture déloyale et fautive, - condamné la société Green Power Technologie à verser à la société ABB France et à la société Power One Italy la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné la société Green Power Technologie aux entiers dépens ; Statuant à nouveau, Condamne in solidum la société ABB, qui vient aux droits de la société Power One, et la société Power One Italy SpA, à verser à la société Green Power la somme de 411 588,78 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ; Déboute la société Green Power du surplus de ses demandes ; Déboute les sociétés ABB et Power One Italy SpA de leurs demandes de dommages et intérêts ; Condamne in solidum les sociétés ABB et Power One Italy SpA aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Green Power Technologie la somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Rejette toute autre demande.