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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 15 mars 2018, n° 16-14231

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sermétal Réunion (SA), Ets IA Ravate (SAS), Ravate Professionnel (SAS), Ravate Distribution (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l'Economie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Conseillers :

MM. Douvreleur, Cladière

Avocats :

Mes Hardouin, Vertut, Teytaud, Koehler de Montblanc, Lazarus

CA Paris n° 16-14231

15 mars 2018

LA COUR,

Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l'île de la Réunion ; Vu les déclarations de recours déposées au greffe de la cour d'appel le 30 juin 2016 par la société Sermétal Réunion, sous le numéro RG 16/14231, et par les sociétés Ets IA Ravate, Ravate Professionnel et Ravate Distribution, sous le numéro RG 16/14275 ; Vu l'ordonnance du délégué du premier président de la cour d'appel en date du 12 juillet 2016, ordonnant la jonction des recours et la poursuite de la procédure sous le numéro RG 16/14231 ; Vu les observations des sociétés Ets IA Ravate, Ravate Professionnel et Ravate Distribution déposées au greffe de la cour d'appel le 1er août 2016 et leur mémoire en réplique déposé au greffe de la cour le 23 février 2017 ; Vu l'exposé des moyens de la société Sermétal Réunion déposé au greffe de la cour d'appel le 2 août 2016 et son exposé récapitulatif déposé au greffe de la cour le 22 février 2017 ; Vu les observations écrites déposées au greffe de la cour d'appel par l'Autorité de la concurrence le 10 janvier 2017 ; Vu les observations écrites déposées au greffe de la cour d'appel par le ministre chargé de l'Économie le 11 janvier 2017 ; Vu l'avis du Ministère public en date du 20 septembre 2017, communiqué aux parties le même jour ; Après avoir entendu à l'audience publique du 21 septembre 2017 les conseils des requérantes, qui ont été mises en mesure de répliquer et ont eu la parole en dernier, ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence, celui du ministre chargé de l'Economie et le Ministère public ;

FAITS ET PROCÉDURE

1. Par la décision n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l'île de la Réunion, l'Autorité de la concurrence (ci-après l'Autorité) a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de plusieurs entreprises auxquelles il était reproché d'avoir participé à différentes ententes mises en œuvre entre juin 2005 et mars 2011.

2. Les armatures métalliques et les treillis soudés sont des pièces de fer nécessaires pour arrêter ou fortifier un ouvrage ou pour l'entourer. Ces produits sont obtenus à partir de matériaux de base en acier, prenant la forme de barres droites ou de fils en acier (" ronds à béton ") qui sont ensuite travaillés pour donner un assemblage destiné à la construction de structures en béton armé.

3. Pour son approvisionnement en treillis soudés et armatures métalliques, l'île de la Réunion dépend historiquement de deux zones géographiques, l'Europe et l'Afrique du Sud, la mise en place d'une normalisation de ces produits ayant conduit à réduire les importations en provenance de cette dernière zone et à reporter la demande réunionnaise vers les produits d'origine européenne. Le secteur des armatures métalliques et des treillis soudés à la Réunion fait intervenir plusieurs types d'entreprises : des intermédiaires de transport, qui acheminent sur l'île de la Réunion la matière première nécessaire à la fabrication des produits, des importateurs et transformateurs et des négociants-revendeurs. L'Autorité a relevé dans sa décision que, de 2000 à 2009, la commercialisation des armatures métalliques et des treillis soudés avait fortement évolué, la mise en place d'importants projets d'infrastructures de transport, tel le chantier de la route des Tamarins, ayant significativement accru la demande et la distribution de ces produits.

4. La présente affaire a pour origine une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après la DGCCRF), ouverte à la suite d'une plainte de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des travaux publics, dans le cadre de laquelle ont été effectuées, notamment, des visites et saisies dans les locaux de plusieurs entreprises du secteur des armatures métalliques et des treillis soudés sur l'île de la Réunion.

5. Le 8 février 2010, la DGCCRF a transmis le rapport d'enquête de ses services à la rapporteure générale de l'Autorité.

6. Par décision du 8 avril 2010, l'Autorité s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des treillis soudés et des armatures métalliques dans l'île de la Réunion.

7. Le 27 novembre 2014, la rapporteure générale de l'Autorité a notifié cinq griefs à plusieurs entreprises intermédiaires de transport, importateurs, transformateurs ou négociants-revendeurs de treillis soudés et armatures métalliques, dont les sociétés Ravate Professionnel, Ravate Distribution et Ets IA Ravate, ainsi que la société Sermétal Réunion, pour s'être livrées, durant des périodes comprises entre juillet 2004 et mars 2011, à différentes pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

8. L'une des sociétés destinataires de cette notification, la société Arma Sud Réunion, a sollicité le bénéfice des dispositions de l'article L. 464-2 III du Code de commerce et, par procès-verbal du 29 janvier 2015, a déclaré ne pas contester les trois griefs qui lui avaient été notifiés. Après que les autres entreprises mises en cause eurent présenté leurs observations, un rapport a été établi par les rapporteurs et l'Autorité a tenu, le 16 février 2016, sa séance, à l'issue de laquelle elle a rendu la décision n° 16-D-09 du 12 mai 2016, attaquée dans le cadre du présent recours.

9. Dans cette décision, l'Autorité a considéré que les faits relevant des griefs n° 1 et 3 étaient prescrits (première branche du grief n° 1) ou qu'ils n'étaient pas démontrés (seconde branche du grief n° 1 et grief n° 3). En revanche, elle a considéré qu'il était établi que, en infraction aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce :

- les sociétés Arma Sud Réunion, Réunion Armatures, Sermétal Réunion, toutes importateurs et transformateurs, la société Ravate Professionnel, négociant-revendeur, et sa société mère, la société Ravate Distribution, avaient " enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant, entre le mois de juin 2006 et le mois d'avril 2007, sur le territoire de la Réunion, à une entente sur le marché de la transformation des treillis soudés, en s'accordant sur les modalités de production des treillis soudés et sur la répartition du marché " (grief n° 2, décision attaquée, art. 1er) ;

- les sociétés Arma Sud Réunion et Réunion Armatures avaient " enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant, entre les mois de mai 2006 et de juin 2008, sur le territoire de la Réunion, à une entente sur le marché de la production d'armatures métalliques, aux fins de se répartir le marché " (grief n° 4, décision attaquée, art. 2) ;

- la société C. Steinweg, commissionnaire de transport, et sa société mère, la société C. Steinweg Belgium N.V., le GIE Mer Union, créé par plusieurs chargeurs en vue d'obtenir des taux de fret compétitifs pour le transport de leurs marchandises à destination de la Réunion, la société de transport maritime Organitrans - Organisation Européenne de Transports Internationaux, la société KDI Davum, négociant-revendeur, et ses sociétés mères, les sociétés KDI et Kloeckner Metals France, la société Ravate Professionnel et ses sociétés mères, les sociétés Ravate Distribution et Ets IA Ravate, ainsi que la société Sermétal Réunion avaient " enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant, entre les mois de juin 2005 et de mars 2011, sur le territoire de l'île de la Réunion, à une entente complexe et continue sur les marchés de l'importation, du négoce et de la revente des treillis soudés " (grief n° 5, décision attaquée, art. 3).

10. Elle a, en conséquence, prononcé des sanctions pécuniaires contre ces sociétés, et en particulier :

- au titre des griefs n° 2 et 4, une sanction de 515 000 euros contre la société Ravate Professionnel, solidairement avec sa société mère Ravate Distribution, et une sanction pécuniaire de 523 000 euros contre la société Sermétal Réunion ;

- au titre du grief n° 5, une sanction de 1 632 000 euros contre la société Ravate Professionnel, solidairement avec sa société mère Ravate Distribution, et la société mère de celle-ci, Ets IA Ravate, ainsi qu'une sanction de 907 000 euros contre la société Sermétal Réunion.

11. L'Autorité a, en outre, ordonné la publication d'un résumé de sa décision dans deux journaux de la Réunion.

12. Les sociétés Ravate Professionnel, Ravate Distribution et Ets IA Ravate (ci-après ensemble les sociétés Ravate) et la société Sermétal Réunion (ci-après la société Sermétal) ont formé le 30 juin 2016 un recours en annulation et, subsidiairement, en réformation de cette décision.

13. Par arrêt du 23 mars 2017, la cour a jugé irrecevable la demande, présentée par les sociétés Ravate, de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'interprétation constante des dispositions de l'article L. 464-2 III du Code de commerce selon laquelle la renonciation à contester les griefs suffit pour permettre à l'Autorité de considérer que l'ensemble des infractions en cause est établi à l'égard des parties qui ont fait ce choix procédural, seule devant être discutée la question de la participation aux pratiques anticoncurrentielles des parties qui n'ont pas renoncé à contester les griefs.

MOTIVATION

I. SUR LE RESPECT DES PRINCIPES DE L'ÉGALITE DES ARMES ET DU CONTRADICTOIRE

14. A titre liminaire, la société Sermétal rappelle qu'au cours de la séance que l'Autorité a tenue sur cette affaire, le 16 février 2016, le rapporteur a, lors de son intervention orale, utilisé un support écrit de présentation, comprenant quinze pages et trente diapositives.

Elle fait valoir que ce document n'ayant pas été préalablement communiqué aux parties et ne leur ayant été remis qu'au cours de cette séance, elle n'a pas pu adapter ses propres observations orales à son contenu. Elle ajoute que ce même document comportait deux affirmations contradictoires, relativement au rôle joué par la société Arma Sud dans le secteur des treillis soudés, et qu'il y était proposé de retenir une circonstance atténuante, non mentionnée dans le rapport, que l'Autorité a implicitement rejetée dans la décision attaquée sans même y faire référence.

15. La requérante considère qu'il en est résulté une atteinte aux principes de l'égalité des armes et du contradictoire, qui doit conduire la cour à annuler la décision attaquée.

16. La cour rappelle que l'intervention en séance des rapporteurs est régie par les articles L. 462-7 et R. 464-6 du Code de commerce, qui prévoient que le rapporteur général, ou le rapporteur général adjoint désigné par lui, et le rapporteur ayant instruit l'affaire peuvent présenter des observations orales. Aucune disposition, en revanche, n'impose que le rapport oral du rapporteur et celui du rapporteur général aient préalablement revêtu la forme d'un document écrit communiqué aux parties avant la séance, ni n'interdit à ces rapporteurs d'utiliser, pour les besoins de leur intervention orale, un support écrit, dès lors qu'ils n'allèguent aucun fait nouveau qui ne figurerait pas au dossier, contre les entreprises mises en cause et que celles-ci ont été mises en mesure de répliquer dans des conditions conformes au principe du contradictoire.

17. Il ressort du dossier que tel a bien été le cas en l'espèce. En effet, il n'est pas contesté que le support écrit utilisé par le rapporteur et communiqué aux parties lors de la séance ne comportait pas de modification dans la caractérisation des griefs par rapport à leur notification, la requérante se bornant à souligner qu'il faisait état d'une circonstance atténuante non mentionnée dans le rapport et comportait des affirmations contradictoires.

A cet égard, la cour constate, d'une part, que si les rapporteurs ont effectivement modifié leur appréciation des faits de la cause en proposant à l'Autorité, lors de la séance, et pour la première fois, de retenir une circonstance atténuante, il n'en est résulté, par définition, aucune atteinte à l'exercice par la requérante de ses droits de la défense ; elle relève, d'autre part, que le fait que le support écrit du rapporteur aurait contenu deux affirmations contradictoires est indifférent, la cour ayant pour mission de vérifier que l'intervention en séance du rapporteur est conforme aux règles du procès équitable, mais non d'en sanctionner un éventuel défaut de cohérence interne.

18. Le moyen d'annulation de la société Sermétal sera donc rejeté.

II. SUR LES GRIEFS

19. Dans la décision attaquée, l'Autorité a exposé, à titre de rappel du " contexte " des pratiques en cause, que plusieurs entreprises des secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés à la Réunion avaient mis en place, sous le nom de " Pôle armaturier réunionnais " (ci-après le PAR), un partenariat. Celui-ci visait à assurer le contrôle de l'ensemble de la chaîne de production des armatures métalliques et des treillis soudés par deux groupes, le groupe Ravate, formé, notamment, des sociétés Ravate Professionnel, Ravate Distribution et Ets IA Ravate, et le groupe familial Chong Fah Shen (ci-après le groupe Shen), l'un et l'autre intervenant dans la commercialisation de ces produits. Ce partenariat reposait, en particulier, sur la présence de ces deux groupes, à parité, au capital des sociétés Sermétal et Réunion Armatures, transformateurs et commercialisateurs d'armatures métalliques et de treillis soudés. L'Autorité a noté que le PAR était resté un " concept, sans traduction concrète ", mais qu'il avait rassemblé autour d'un projet commun plusieurs entreprises concurrentes dans le but de protéger la commercialisation des armatures métalliques et des treillis soudés à la Réunion de potentiels autres concurrents (décision attaquée, § 50).

20. En ce qui concerne les griefs reprochés aux entreprises mises en cause, l'Autorité, après avoir écarté deux d'entre eux, comme non fondés ou prescrits, a considéré qu'étaient établies les pratiques d'entente sur le marché de la transformation des matériaux de base en treillis soudés (ci-après le marché de la transformation des treillis soudés), de juin 2006 à avril 2007 (grief n° 2), sur le marché de la production d'armatures métalliques, de mai 2006 à juin 2008 (grief n° 4) et sur les marchés de l'importation, du négoce et de la revente de treillis soudés de juin 2005 à mars 2011 (grief n° 5).

21. Les sociétés Ravate et Sermétal, visées par les griefs n° 2 et 5, soutiennent que ceux-ci ne sont pas démontrés.

A. Sur le grief n° 2

22. L'Autorité a d'abord rappelé que les faits concernés par le grief n° 2 avaient pour origine la décision prise en 2006 par le groupe Shen de créer unilatéralement une nouvelle société, la société Arma Sud Réunion (ci-après la société Arma Sud), ayant pour activité la commercialisation d'armatures métalliques et, à partir de 2007, de treillis soudés (décision attaquée, § 63 et s.). La création de cette société devait permettre, selon les termes d'un projet de protocole d'accord à conclure entre les groupes Ravate et Shen, d' " éviter le développement d'une concurrence non maîtrisée " et de " répondre à la fois aux pointes de la demande de la Route des Tamarins, sans avoir recours à l'importation et à la demande du marché des armatures standards et assemblées pour laquelle s'est progressivement développée une importante concurrence diffuse " (cote 941), mais elle est apparue comme une menace pour la société Sermétal, qui risquait de subir une concurrence nouvelle sur le marché du treillis soudé.

23. Il en est résulté un différend entre les deux actionnaires de référence de la société Sermétal, les groupes Ravate et Shen, lesquels ont engagé une médiation amiable afin de dégager des solutions propres à éviter que la création de la société Arma Sud ne porte préjudice aux sociétés Sermétal et Réunion Armatures. Cette médiation a été confiée à M. Cren, qui exerçait, entre autres fonctions, la direction générale de la société Sermétal.

24. L'Autorité a ensuite considéré qu'il était établi que les sociétés Arma Sud, Ravate Professionnel, Ravate Distribution, Réunion Armatures et Sermétal avaient, du mois de juin 2006 au mois d'avril 2007, sur le territoire de la Réunion, participé à une entente sur le marché de la transformation des treillis soudés, en s'accordant sur les modalités de leur production et sur la répartition du marché (art. 1er du dispositif de la décision attaquée).

1. Sur la preuve de l'entente

25. La société Arma Sud n'ayant pas contesté le grief qui lui avait été notifié, l'Autorité a d'abord rappelé qu'il était admis par la jurisprudence que la renonciation à contester les griefs lui permettait de considérer que l'ensemble des infractions en cause était établi à l'égard des parties ayant fait ce choix procédural et que seule devait être discutée la participation aux pratiques anticoncurrentielles des parties n'ayant pas renoncé à contester les griefs ; elle s'est référée à sa pratique décisionnelle (décisions n° 04-D-42 du 4 août 2004 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre du marché de la restauration de la flèche de la cathédrale de Tréguier et n° 11-D-07 du 24 février 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux de peinture d'infrastructures métalliques), à la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris (Paris, 26 janvier 2010, Adecco France e.a., n° 2009-03532) et à celle de la Cour de cassation (Cass. com. 29 mars 2011, Manpower France e.a., n° 10-12913).

26. La société Arma Sud, à qui le grief n° 2 avait été notifié, s'étant engagée, par procès-verbal du 29 janvier 2015, à ne pas le contester, l'Autorité en a conclu que ce grief était établi à son égard et qu'il lui appartenait de démontrer la participation individuelle aux pratiques visées de chacune des parties n'ayant pas fait le même choix procédural, soit la société Sermétal et les sociétés Ravate.

27. En premier lieu, les requérantes reprochent à l'Autorité d'avoir fait application de la jurisprudence précitée qui, selon elles, porte atteinte aux règles du procès équitable.

28. C'est ainsi que les sociétés Ravate soulignent que la société Arma Sud n'ayant pas contesté le grief n° 2, il leur a été impossible, par application de cette jurisprudence, de se défendre tant sur les faits eux-mêmes que sur leur qualification juridique, en violation du droit à un procès équitable. Elles demandent en conséquence à la cour d'annuler la décision attaquée en tant qu'elle les a sanctionnées au titre de ce grief.

29. La société Sermétal soutient que la non-contestation par la société Arma Sud des griefs qui lui ont été notifiés, qui résulte d'un choix procédural propre à cette société, ne saurait valoir preuve irréfragable, absolue et erga omnes de la matérialité de l'entente. Elle rappelle que l'Autorité elle-même donne à la non-contestation de grief une portée relative, puisqu'elle a indiqué, au point 42 de son communiqué de procédure du 10 février 2012 relatif à la non-contestation des griefs, que des circonstances particulières pouvaient justifier qu'elle ne retienne pas tout ou partie d'un grief, nonobstant le fait qu'il n'a pas été contesté. Elle souligne, par ailleurs, que la société Arma Sud a, dans le cours de la procédure, contesté plusieurs des faits qui lui étaient reprochés, jusqu'à ce qu'elle fasse le choix de ne finalement pas les contester. Elle conclut que, dans ces conditions, l'Autorité aurait dû se livrer ab initio à une caractérisation de l'entente visée par le grief n° 2, avant celle, incidente, de sa participation, et que, faute d'y avoir procédé, la décision attaquée doit être réformée.

30. En second lieu, et sur le fond, les requérantes font valoir que le grief n° 2 n'est pas établi.

31. Les sociétés Ravate soutiennent que les faits objet du grief n° 2 ne sont pas punissables, car ils ne s'analysent qu'en une simple tentative d'entente qui n'a pas été suivie d'un accord, au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Elles font valoir, à cet égard, que, selon la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et la jurisprudence, aucune infraction ne peut être retenue à l'encontre d'entreprises ayant seulement envisagé une possible action concertée dont l'objet aurait été anticoncurrentiel, dès lors qu'aucun élément n'établit l'existence d'un accord.

32. Elles rappellent que les faits en cause se situent dans le contexte du différend qui les avait opposées à la société Arma Sud, né de la création de cette société par M. Shen, qui se serait livré à des manœuvres déloyales, et des nombreuses initiatives prises par M. Cren pour y mettre fin. Elles affirment que les pièces du dossier sur lesquelles l'Autorité s'est appuyée démontrent, tout au plus, une intention des parties de s'entendre, mais ne prouvent pas que cette intention aurait été suivie d'un accord de volontés emportant une restriction de concurrence.

33. La société Sermétal soutient également qu'aucun des éléments du dossier ne démontre l'existence d'une entente, faute de preuves, directes ou indirectes, d'un accord de volontés. Elle fait valoir, en effet, que, si M. Cren a effectivement entrepris, à partir de juin 2006, plusieurs démarches pour mettre un terme aux dissensions entre les sociétés des groupes Ravate et Shen, nées de la crainte que la société Arma Sud ne pénètre le marché du treillis soudé et ne vienne ainsi la concurrencer, aucune d'entre elles n'a abouti. Elle souligne, s'agissant de la personnalité de M. Cren, domicilié aux Antilles et peu présent à la Réunion, la multiplicité des mandats que celui-ci exerçait et son manque d'implication dans la gestion des sociétés établies à la Réunion dans lesquelles il exerçait un mandat, et fait valoir qu'il en est résulté une situation de conflit d'intérêts, puisque, alors qu'il était directeur général de la société Sermétal, M. Cren avait participé à la création de la société Arma Sud, dont M. Shen avait pris l'initiative. Elle rappelle qu'un accord de sous-traitance portant sur les armatures métalliques avait été conclu le 27 mai 2006 entre les sociétés Armatures Réunion et Arma Sud, nouvellement créée, permettant à celle-ci de s'implanter durablement, et que M. Cren a tenté de conclure un autre accord de sous-traitance entre la société Sermétal et la société Arma Sud portant sur les treillis soudés, mais qui n'a finalement pas abouti. C'est ainsi que les procès-verbaux des conseils d'administration de la société Sermétal ni aucune autre pièce du dossier, ne porteraient de trace d'un tel accord, dont, à l'inverse, l'inexistence ressortirait de ces mêmes pièces et de la chronologie des faits.

34. La société Sermétal précise que la recherche d'un accord a eu pour point de départ un courrier du 16 juin 2006 adressé aux sociétés Ravate et au groupe Shen par M. Cren, à la suite de la médiation amiable dont il avait été chargé. Il ressortirait de ce courrier et de ses annexes, que l'Autorité a négligé de prendre en compte, d'une part, que M. Cren était intervenu à titre exclusivement personnel, en sa qualité de " professionnel de l'armature", dans le cadre d'une mission de " bons offices " afin de rapprocher les deux groupes, et, d'autre part, que cette démarche n'a pas permis de parvenir à un accord.

35. La cour relève, d'une part, que la société Arma Sud n'ayant pas contesté le grief n° 2, c'est à juste titre que l'Autorité en a conclu qu'elle pouvait considérer qu'il était établi à l'égard de cette société, sans qu'il ait été porté atteinte au principe constitutionnel des droits de la défense ni aux règles du procès équitable, dès lors qu'elle a rappelé, dans la décision attaquée, les constatations pertinentes relatives aux pratiques en cause, qui ont été relevées dans le cadre de l'enquête de la DGCCRF et de l'instruction par les rapporteurs, et qu'elle s'est ensuite attachée à déterminer si les requérantes y avaient ou non participé.

36. D'autre part, et en tout état de cause, la cour observe que la décision attaquée contient les constatations de fait et les éléments de droit d'où il ressort que les agissements des entreprises mises en cause, loin de ne caractériser qu'une simple tentative de parvenir à un accord anticoncurrentiel, démontrent qu'elles se sont entendues pour mettre en œuvre des mesures visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence.

37. Il résulte, en effet, de ces constatations et éléments que, durant le cours de l'année 2006 et jusqu'en avril 2007, les entreprises mises en cause ont activement recherché les moyens de remédier au différend, né de la création de la société Arma Sud, opposant les groupes Ravate et Shen et qu'elles se sont rencontrées régulièrement et ont échangé, en particulier dans le cadre de la médiation confiée, en avril 2006, à M. Cren, afin de convenir des mesures à prendre et de la stratégie à adopter face à cette situation d'une concurrence nouvelle. C'est ainsi que des réunions ayant cet ordre du jour se sont tenues les 23 juin, 31 octobre et 11 décembre 2006, M. Cren ayant, par ailleurs, " rencontré à plusieurs reprises " les intéressés (courrier du 16 juin 2006, cote 938), et que plusieurs notes, compte-rendus et courriers, consacrés à ce même thème, ont été échangés (projet de " Protocole d'accord " et " Synthèse des solutions envisagées " en date du 16 juin 2006, cotes 940 à 949 ; " Refondation du PAR - Note de synthèse " en date du 19 mars 2007, cotes 760 à 771 ; " Refondation du PAR - Compte rendu de la séance du 23 juin 2006 ", cotes 663 à 670 ; courrier du 16 juin 2006 de M. Cren aux groupes Ravate et Shen, cote 938 ; courrier du 20 mars 2007 de la société Ravate à la société Sermétal, cote 1035 ; courrier du 3 avril 2007 de la société Sermétal à la société Ravate, cote 1029).

38. Les visées anticoncurrentielles de ces négociations, qui ne sont d'ailleurs pas contestées, sont avérées. Ainsi, les documents précités font-ils état de la nécessité d'une " solidarité entre entreprises réunionnaises " qui " permettra de se protéger contre les majors du BTP et leur capacité à introduire des tiers pour "casser" le marché " (cote 665), de la volonté des intéressés d' " éviter le développement d'une concurrence non maîtrisée " (cote 941) et de conclure un " accord stratégique " fondé, notamment, sur le principe selon lequel " la création d'Armasud ne doit pas porter préjudice aux sociétés Sermétal et Réunion Armatures " ni ne doit avoir pour conséquence " de déstabiliser le marché du treillis soudé à la Réunion qui est basé sur l'absence de vente en direct et le passage obligatoire par les sociétés de négoce " (cote 767).

39. Il ressort des pièces du dossier que les entreprises mises en cause, loin de ne s'être livrées qu'à des démarches préparatoires qui ne caractériseraient qu'une tentative, comme le prétendent les requérantes, se sont entendues pour faire obstacle au développement d'une concurrence entre elles, leur accord s'étant traduit par des actions concrètes visant à le mettre à exécution.

40. C'est ainsi qu'elles ne se sont pas bornées à envisager ensemble les mesures propres à faire obstacle à cette nouvelle concurrence née de la création de la société Arma Sud, mais qu'elles se sont entendues sur les moyens d'y parvenir, en convenant que la société Arma Sud ne procéderait à aucune vente directe de treillis soudés à la clientèle et n'interviendrait sur ce marché qu'en qualité de sous-traitante des sociétés Sermétal et Réunion Armatures.

Cette convention a ainsi été formulée dans la note de synthèse du 19 mars 2007 établie par M. Cren : " (...) en matière de treillis soudé, c'est Sermétal qui assurera la fourniture des négociants pour le tonnage de treillis soudé qu'elle sera capable de fabriquer dans des conditions économiques, et utilisera Armasud, en tant que de besoin, comme sous-traitant pour assurer le complément de production nécessaire. Armasud ne vendra donc pas en direct de treillis soudé sauf accord préalable de Sermétal " (cote 771).

41. Le caractère opérationnel des mesures convenues est, au demeurant, attesté par les échanges intervenus entre les protagonistes, qui démontrent que ceux-ci entendaient que la société Arma Sud soit effectivement confinée dans un rôle de sous-traitant des négociants en place, sans, par conséquent, les concurrencer auprès de la clientèle. Ainsi, répondant à un courrier de M. Ravate du 20 mars 2007 lui faisant part de ses " inquiétudes sur l'activité Sermétal dans l'avenir et ce, eu égard à la production et commercialisation de treillis soudés par Armasud " et lui demandant de lui indiquer les " dispositions que vous avez prises afin de préserver les intérêts de la société Sermétal " (cote 1035), M. Cren lui a, par courrier du 3 avril suivant, répondu dans les termes suivants : " (...) je vous confirme (...) que le groupe Chong Fah Shen a pris des dispositions pour que à l'instar de ce qui a déjà été fait pour les relations entre Armasud et Réunion Armatures, la société Armasud se limite à la production de treillis soudés de manière que la société Sermétal seule assume la commercialisation de treillis soudés " (cote 1029).

42. Enfin, la réalité de l'entente ainsi mise en œuvre ne saurait être remise en cause au motif qu'aucun accord n'a été formellement conclu pour consacrer contractuellement les rapports de sous-traitance convenus, en matière de treillis soudés, entre les sociétés Arma Sud et Sermétal, alors qu'un contrat de sous-traitance portant sur les armatures métalliques a été passé le 27 mai 2006 entre les sociétés Arma Sud et Réunion Armatures. En effet, l'absence de formalisation écrite de la volonté commune des parties n'affecte en rien la pertinence et la force probante des constatations ci-dessus rappelées.

2. Sur la participation à l'entente de la société Sermétal

43. A titre subsidiaire, dans le cas où la cour reconnaîtrait l'existence d'une entente mise en place par les sociétés Ravate et le groupe Shen, la société Sermétal soutient qu'elle n'était ni présente ni représentée dans les discussions entre ces protagonistes, puisque pas plus M. Shen, son président, que M. Cren, son directeur général, n'ont agi en ces qualités. Elle en conclut que c'est à tort que l'Autorité a considéré qu'elle avait participé à cette entente.

44. Mais il convient, d'abord, de rappeler que les négociations menées par M. Cren engageaient le sort même de la société Sermétal, dont les groupes Shen et Ravate étaient les deux principaux actionnaires, et qu'elles avaient pour objet d'en préserver les intérêts face à l'arrivée sur le marché de la société Arma Sud, en cohérence avec les responsabilités incombant à M. Cren au titre de son mandat de directeur général.

45. Sans doute, comme le souligne la société Sermétal, M. Cren ne détenait-il pas de mandat particulier qu'elle lui aurait confié pour la représenter dans les discussions qu'il avait engagées avec les sociétés Ravate et le groupe Shen. Mais un tel constat n'est pas en lui-même de nature à faire obstacle à la démonstration de la participation de la requérante à l'entente, dont la preuve n'est soumise à aucune exigence formelle. En l'espèce, il ne peut être contesté que M. Cren, qui était alors directeur général de la société Sermétal, avait en cette qualité toute capacité pour représenter et engager celle-ci ; à cet égard, la multiplicité de ses mandats sociaux, pas plus que le fait que ses courriers, à l'exception de l'un d'entre eux, n'étaient pas rédigés sur du papier à en-tête de cette société, ne suffisent à considérer qu'il n'agissait qu'à titre personnel et qu'il se trouvait placé hors du cadre des fonctions et responsabilités qui lui incombaient au titre de son mandat de directeur général de la société Sermétal. Il suffit, au demeurant, de constater que, dans le cours de cette concertation, les courriers qu'il reçoit de ses interlocuteurs sont adressés à la société Sermétal " à l'attention de M. J.C. Cren " (cotes 1035 et 1036).

46. De même, si la qualité de " professionnel de l'armature " que M. Cren revendique dans le courrier d'accompagnement du projet de protocole d'accord adressé aux groupes Ravate et Shen (cote 938), qualité qu'il n'y a pas lieu de mettre en doute, a pu être prise en considération lorsqu'il a été désigné pour régler le différend né de la création de la société Arma Sud, on ne saurait pour autant en conclure que, dans cette mission, il s'était détaché de tous les liens l'unissant à la société Sermétal, dont il était le directeur général.

47. La société Sermétal ne peut donc sérieusement soutenir qu'elle n'était pas représentée lors des discussions relatives à l'arrivée d'Arma Sud sur les marchés des treillis soudés et des armatures et c'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré que sa participation au grief n ° 2 était établie.

3. Sur le respect du principe non bis in idem et des droits de la défense

48. L'Autorité a prononcé contre la société Ravate Professionnel, au titre du grief n° 2, solidairement avec la société Ravate Distribution, une sanction pécuniaire de 515 000 euros pour avoir participé, entre les mois de juin 2006 et d'avril 2007, sur le territoire de la Réunion, à une entente sur le marché de la transformation des treillis soudés, en s'accordant sur les modalités de production des treillis soudés et sur la répartition du marché et, au titre du grief n° 5, solidairement avec les sociétés Ravate Distribution et Ets IA Ravate, une sanction pécuniaire de 1 632 000 euros pour avoir participé, entre les mois de juin 2005 et de mars 2011, sur le territoire de l'île de la Réunion, à une entente complexe et continue sur les marchés de l'importation, du négoce et de la revente des treillis soudés.

49. Les sociétés Ravate soutiennent que le grief n° 2, " si tant est qu'il soit sanctionnable ", n'est qu'une modalité de l'entente sanctionnée au titre du grief n° 5 et qu'elles ont donc été sanctionnées deux fois pour les mêmes faits, en violation, d'une part, du principe non bis in idem et, d'autre part, de leurs droits de la défense puisque la confusion qui en est résultée ne leur a pas permis de comprendre la nature et la portée des infractions qui leur étaient reprochées.

50. Mais il ressort du dossier que les faits pour lesquels les requérantes ont été sanctionnées au titre du grief n° 2 se distinguent, sans se confondre avec eux, de ceux pour lesquels elles ont été sanctionnées au titre du grief n° 5.

51. En effet, les pratiques relevant du grief n° 2 ont fait suite à l'arrivée, sur le marché de la transformation des treillis soudés, d'un nouvel acteur, la société Arma Sud, susceptible de concurrencer les sociétés Réunion Armatures et Sermétal, lesquelles se sont alors entendues sur une répartition du marché, la société Arma Sud devant demeurer sous-traitant des transformateurs déjà en place et ne pas entretenir de contact direct avec la clientèle. En revanche, les pratiques relevant du grief n° 5 ont été mises en œuvre sur les marchés de l'importation, du négoce et de la revente des treillis soudés et tendaient à limiter le développement des revendeurs indépendants au moyen, en particulier, de discriminations tarifaires et de blocage des importations, sans que ce grief ait pris en compte la création de la société Arma Sud.

52. Il peut être ajouté, surabondamment, que les périodes de mise en œuvre des pratiques en cause sont différentes, celles relevant du grief n° 5 - qui se sont déroulées du mois de juin 2005 au mois de mars 2011 - ayant commencé avant celles du grief n° 2 - mises en œuvre du mois de juin 2006 au mois d'avril 2007 - et s'étant poursuivies après. De même, ces deux griefs n'ont pas concerné les mêmes entreprises, puisque, si les sociétés Ravate et Sermétal ont été mises en cause au titre de chacun d'entre eux, tel n'est pas le cas de la société Arma Sud, mise en cause au titre du seul grief n° 2, ni des sociétés C. Steinweg, C. Steinweg Belgium N.V., KDI Davum, KDI, Kloeckner Metals France, Mer Union N.V. et Organitrans, mises en cause au titre du seul grief n° 5.

53. Ces constatations établissant que les faits sanctionnés au titre du grief n° 2 se distinguent de ceux sanctionnés au titre du grief n° 5, les requérantes ne démontrent pas qu'il aurait été porté atteinte au principe non bis in idem et à leurs droits de la défense.

4. Sur l'analyse prétendument indifférenciée des griefs n° 2 et 4

54. La société Sermétal reproche à l'Autorité d'avoir, dans la décision attaquée, procédé à une analyse commune des griefs n° 2 et 4, sans les différencier, alors que les pratiques visées par ces griefs se distinguent les unes des autres en ce qui concerne les marchés affectés (les marchés du treillis soudé et de l'armature étant distincts), les entreprises en cause, la période et les circonstances de mise en œuvre Elle soutient que cette analyse commune et indifférenciée a conduit l'Autorité à des conclusions erronées, portant tant sur le bien-fondé du grief n° 2 qui lui a été notifié que sur la détermination de la sanction qui lui a été infligée, et qu'elle est, de surcroît, contraire au principe de légalité des délits et des peines. Elle demande à la cour d'annuler en conséquence la décision attaquée.

55. Sans doute l'Autorité a-t-elle, lors de l'examen du bien-fondé des griefs notifiés, analysé les griefs n° 2 et 4 dans une même partie de la décision attaquée, composée des paragraphes 205 à 260. Elle a justifié cette manière de faire en observant que les pratiques qui en étaient l'objet présentaient des caractéristiques identiques, en ce qu'elles relevaient de la " même typologie d'accord " et qu'elles tendaient à réserver " spécifiquement aux seules entreprises Sermétal et Réunion Armatures les relations avec le marché aval des négociants et revendeur ", portant sur les treillis soudés, pour le grief n° 2, et les armatures métalliques, pour le grief n° 4 (décision attaquée, § 222 et 227).

56. Néanmoins, l'Autorité a, aux paragraphes 228 à 241 de la décision attaquée, examiné séparément la question de savoir si la société Sermétal avait participé au grief n° 2, sans procéder à aucun amalgame avec le grief n° 4, qui ne lui était pas reproché. C'est ainsi qu'elle a répondu aux arguments par lesquels cette société entendait démontrer qu'elle n'avait pas pris part aux pratiques visées par le grief n° 2, consistant à soutenir qu'elle ne s'était livrée, avec les autres entreprises mises en cause, qu'à une tentative d'entente, sans parvenir à un véritable accord, que les réunions auxquelles elle avait participé n'avaient pas de finalité anticoncurrentielle, qu'elle n'avait d'ailleurs pas participé à la réunion du 23 juin 2006 et que la société Arma Sud avait représenté, à partir du mois de février 2007, une concurrence dans le secteur de la production de treillis soudés. Ayant réfuté chacun de ces arguments, l'Autorité en a conclu que la société Sermétal avait participé aux pratiques visées par le grief n° 2, qu'elle a donc jugé établi à son égard. Dans le cours de cet examen, elle ne s'est référée qu'aux éléments du dossier relatifs aux seules pratiques visées par le grief n° 2, sans jamais opposer à la société Sermétal des éléments relatifs au grief n° 4 qui ne la concernait pas.

57. Le moyen d'annulation de la société Sermétal sera donc rejeté.

5. Sur la durée de la participation de la société Sermétal à l'entente

58. Subsidiairement, la société Sermétal soutient que, si sa participation à l'entente était reconnue, ce ne pourrait l'être qu'au vu d'un seul courrier, en date du 3 avril 2007 et émis par télécopieur le 5 avril suivant, que M. Cren a adressé à ses interlocuteurs sur papier à en-tête de la société Sermétal (cote 1029), et jusqu'au 13 avril suivant, date à laquelle l'intéressé a diffusé la note intitulée " Architecture du PAR - Nouvelle proposition ". Elle en conclut qu'en tout état de cause, sa participation à l'entente ne pourrait être retenue que pour une durée de huit jours.

59. Mais, ainsi que la cour vient de la constater, tout au long de la concertation visée par le grief n° 2, M. Cren a agi en qualité de représentant de la société Sermétal, et il est notamment indifférent que ses courriers, à l'exception de celui du 3 avril 2007, n'aient pas été rédigés sur le papier à en-tête de cette société. C'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré que la participation de la société Sermétal aux pratiques litigieuses était établie pour la durée du grief, soit du mois de juin 2006 au mois d'avril 2007.

60. Le moyen de la requérante sera donc rejeté.

B. Sur le grief n° 5

61. Au titre du grief n° 5, l'Autorité a sanctionné les sociétés C. Steinweg, Mer Union, KDI, Ravate, Sermétal et Organitrans pour avoir, du mois de juin 2005 au mois de mars 2011, mis en œuvre " une entente complexe et continue sur les marchés de l'importation, du négoce et de la revente des treillis soudés ", en prenant part à des pratiques visant à empêcher les entreprises extérieures à cette entente de se développer sur le marché aval de la revente des treillis soudés. Elle a ainsi retenu, à l'encontre de ces entreprises, trois séries de pratiques :

- l'établissement d'un système de différenciation tarifaire, les entreprises mises en cause s'étant entendues pour que la société Sermétal pratique, au moins pendant les années 2005 à 2008, une différenciation tarifaire entre les sociétés des groupes Ravate et KDI et les autres revendeurs, telles les sociétés Mogamat - souvent désignée dans les pièces du dossier sous le nom de " société Mogalia " (décision attaquée, § 43) - et SMS, principaux revendeurs alternatifs de treillis soudés, en appliquant à ceux-ci des prix de vente du treillis soudé moins favorables (décision attaquée, § 308 à 311) ;

- des mesures de blocage et de surveillance des importations prises par les membres de l'entente afin de dissuader les sociétés SMS et Mogamat de procéder à des importations (décision attaquée, § 312 à 319) ;

- la conclusion entre le GIE Mer Union et la société Organitrans, intermédiaire de transport, d'un accord d'exclusivité territoriale par lequel cette société s'engageait à ne transporter aucun matériau de construction vers la Réunion (décision attaquée, § 320 à 326).

62. L'Autorité a relevé que ces pratiques, contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce, avaient conduit à limiter la liberté commerciale des nouveaux entrants et à empêcher le développement des revendeurs présents sur le marché. Elle a souligné que ces comportements avaient également eu pour objet d'empêcher ces mêmes opérateurs de trouver des solutions alternatives au circuit de fabrication et de commercialisation des treillis soudés mis en place dans le cadre du PAR et qui impliquait l'interdiction des importations et de la vente directe (décision attaquée, § 290).

63. Elle a constaté que ces pratiques avaient donné lieu à des accords qui ont été formellement arrêtés au cours de plusieurs réunions, comme en attestent les pièces du dossier consistant en des notes internes, des courriers électroniques et des déclarations, formant un " faisceau d'indices graves, précis et concordants permettant d'attester de l'existence des pratiques poursuivies par le grief n° 5 " (décision attaquée, § 296).

1. Sur la réalité de l'entente

64. Ainsi qu'il vient d'être rappelé, l'Autorité a considéré que les sociétés Steinweg, KDI, Ravate, Sermétal, Organitrans et le GIE Mer Union s'étaient livrés, de juin 2005 à mars 2011, à des pratiques visant à empêcher les entreprises extérieures à leur entente de se développer sur le marché aval de la revente des treillis soudés (décision attaquée, § 261), ces pratiques consistant en une différenciation tarifaire, des mesures de blocage des importations et une exclusivité territoriale pour la desserte maritime de la Réunion.

65. S'agissant de la différenciation tarifaire reprochée aux entreprises mises en cause, l'Autorité s'est fondée sur les constatations tirées du dossier, qu'elle a rappelées aux paragraphes 84 à 93 de la décision attaquée. Elle a synthétisé ces constatations sous la forme de deux tableaux figurant aux paragraphes 90 et 91, consacrés aux prix pratiqués et quantités vendues par la société Sermétal. Du premier de ces tableaux, il ressort que, sur la période 2000 à 2008, les prix moyens de vente à la tonne de treillis soudés par cette dernière société aux sociétés Ravate Professionnel, Micab, filiale à 100 % du groupe Ravate, et KDI Davum ont été de 594,55 euros (TS structure), 655,53 euros (TS spécial) et 609,79 euros (Autres) et que, pour ces mêmes produits, les prix de vente à la société Mogamat ont été de 617,41 euros, 678,39 euros et 632,66 euros, soit un écart de, respectivement, 3,8 %, 3,5 % et 3,8 % (" Tableau 3 Prix de vente Sermétal par clients 2000-2008 ", décision attaquée, § 90). Le second tableau indique, sur la même période, les quantités de treillis soudés vendus par la société Sermétal, d'une part, aux sociétés Ravate Professionnel, Micab et KDI Ravate et, d'autre part, à la société Mogamat (" Tableau 4 Treillis soudés vendus par Sermétal en tonnes 2000-2008 ", décision attaquée, § 91).

L'Autorité en a conclu que la société Sermétal " pratiquait une différenciation tarifaire entre ses différents revendeurs (décision attaquée, § 93) et qu' " [u]n tarif unique et plus favorable était appliqué aux sociétés Micab, Davum et Ravate Professionnel, et un autre tarif moins favorable était appliqué pour Mogamat " (décision attaquée, § 90).

66. La société Sermétal conteste cette analyse et soutient que les données sur lesquelles l'Autorité s'est fondée sont erronées, puisqu'elles font état de prix demeurés les mêmes de 2000 à 2008, alors que, sur cette période, le prix de l'acier a subi une augmentation de près de 100 %. Elle fait valoir qu'en toute hypothèse, les différences de prix sont faibles et " étaient justifiées par des considérations objectives liées aux quantités commandées par [la société] Mogamat " et par la société SMS. Elle ajoute que cette dernière société n'a souffert d'aucune difficulté d'approvisionnement de sa part, ce qui aurait le cas si elle avait voulu favoriser ses autres clients.

67. Mais, en premier lieu, la cour observe que le tableau figurant au paragraphe 90 de la décision attaquée, critiqué par la société Sermétal, - d'où il ressort une différenciation des tarifs appliqués, d'une part, aux sociétés Micab, Davum et Ravate Professionnel et, d'autre part, à la société Mogamat -, a été élaboré à partir des données que cette requérante a elle-même fournies. En effet, la société Sermétal a, en réponse à une demande des rapporteurs, produit un tableau indiquant ses prix de vente des treillis soudés, d'une part, aux sociétés Ravate Professionnel, Micab et Davum, d'autre part, à la société Mogamat, sous la désignation de société Mogalia, pour les mois de septembre 2000, septembre 2001, l'année 2002, les mois de mars 2003, avril 2004, juillet 2005, septembre 2006, juillet 2007, mars et juillet 2008 (" Tableau d'évolution des prix / Tonne treillis soudés Clients Sermétal de 2000 à 2008 ", cote 1816) ; or, force est de constater que la requérante, si elle conteste l'interprétation qu'en a retenue l'Autorité, ne prétend pas que ces données auraient été falsifiées.

68. En deuxième lieu, ce tableau ne doit pas être interprété comme signifiant que le prix de vente par la société Sermétal des treillis soudés est resté stable de 2000 à 2008, ce qui serait effectivement contraire à la réalité. Dans ledit tableau, l'Autorité a synthétisé les prix qu'a communiqués la société Sermétal, sur la période 2000 à 2008, aux dates ci-dessus rappelées.

69. En troisième lieu, il ressort tant du tableau figurant au paragraphe 90 de la décision attaquée que du tableau fourni par la société Sermétal que, sur la période considérée, les prix appliqués à la société Mogamat, extérieure à l'entente, ont été toujours supérieurs à ceux appliqués aux sociétés Ravate Professionnel, Micab et Davum.

70. En quatrième lieu, s'il est exact que, comme le souligne la société Sermétal, les quantités en tonnes de treillis soudés qu'elle a vendues à la société Mogamat sont inférieures à celles qu'elle a vendues à la société KDI Davum, elles n'en sont pas moins souvent assez proches, ainsi pour les années 2003, 2004 et 2006 où elles s'élèvent, pour la société KDI Davum, à 2094, 2030 et 2468 tonnes et, pour la société Mogamat, à 2085, 2238 et 2032 tonnes. Par ailleurs, la comparaison des quantités vendues à la société Mogamat et de celles vendues à la société Micab révèle que les premières ont été supérieures aux secondes de 2003 à 2006, l'année 2007 n'étant pas renseignée, et très proches pour l'année 2008, alors que les tarifs appliqués à la société Mogamat ont été significativement supérieurs à ceux appliqués à la société Micab. Enfin, il ressort de ces données que les quantités vendues aux sociétés Ravate Professionnel, Micab et KDI Davum n'étaient nullement équivalentes, alors même que les tarifs qui leur étaient appliqués par la société Sermétal étaient identiques : ainsi les quantités vendues à la société Ravate Professionnel ont-elles été toujours supérieures à celles vendues à la société KDI Davum et plus de deux fois supérieures à celles vendues à la société Micab, voire plus de trois fois en 2008.

71. Enfin, la réalité de cette différenciation tarifaire est attestée par certaines pièces du dossier, qui émanent des entreprises mises en cause elles-mêmes et qui l'évoquent explicitement. Ainsi, une note de la société Sermétal en date du 19 février 2007, intitulée " Le marché du treillis soudé " (cotes 325 à 330), en fait état et l'explique dans les termes suivants : " Ravate et Davum entendent faire une marge commerciale sur le treillis ; alors que Mogalia se sert du treillis comme produit d'appel. Cette différence de stratégie, sous la pression de Ravate et Davum, nous a amené à pratiquer des prix beaucoup plus élevés à Mogalia " (cote 330). De même, une autre note de la même société, en date du 16 août 2006 et intitulée " Politique importation Mogalia " (cotes 186 à 188), indique que la société Mogamat veut " s'émanciper " des fournisseurs locaux, en recourant à des importations, car elle " accepte de plus en plus mal le différentiel de tarif (entre autres de treillis soudés) existant entre lui et les autres groupes " (cote 187).

72. Il en ressort que c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que la société Sermétal avait pratiqué, de 2005 à 2008, une différenciation tarifaire en faveur des sociétés Micab et KDI Davum et en défaveur de la société Mogamat.

73. S'agissant des importations de treillis soudés, l'Autorité a relevé que les sociétés Mogamat et SMS, alors qu'elles ne bénéficiaient pas de prix compétitifs de la part de la société Sermétal, ont tenté de réaliser des importations directes de treillis soudés, mais que les sociétés Ravate, Sermétal et KDI Davum ont décidé de " riposter " en mettant en place un ensemble de mesures de pression et de blocage visant à les dissuader de procéder à de telles importations (décision attaquée, § 94 et s. et 312 et s.). Elle s'est fondée sur les déclarations des représentants des sociétés Mogamat et SMS, des comptes-rendus de réunion, différents courriers postaux et électroniques et des notes manuscrites saisies dans les locaux des entreprises concernées, faisant état de la volonté des entreprises mises en cause de s'opposer à ces importations et en envisageant les moyens.

74. La société Sermétal soutient que la réalité de ces agissements n'est pas démontrée par les éléments du dossier. Elle fait valoir que les mesures de blocage qui lui sont reprochées n'ont pu être ni décidées ni mises en œuvre tant qu'a duré la guerre commerciale entre les transporteurs Mer Union et Organitrans - cette dernière société pratiquant des taux de fret très bas afin de développer sa clientèle de chargeurs -, ce conflit ayant pris fin en mars 2007 par la conclusion entre ces deux entreprises d'un accord de joint venture. Elle affirme, en effet, que pendant ce conflit, les importateurs, et parmi eux les sociétés Mogamat et SMS, n'ont nullement été contraints de passer par le GIE Mer Union et, à cet égard, elle met en cause la valeur probante des déclarations des représentants des sociétés Mogamat et SMS dont l'Autorité a fait état dans la décision attaquée.

75. Mais la circonstance qu'un conflit commercial a opposé les transporteurs Mer Union et Organitrans jusqu'en mars 2007 ne peut être considérée comme ayant, à elle seule, rendu impossibles les agissements concertés reprochés aux entreprises mises en cause, lesquels sont démontrés par les pièces du dossier. C'est ainsi qu'à partir de 2005, les importations réalisées par la société Mogamat, ou ses tentatives d'importation, ont donné lieu, de la part des entreprises mises en cause, à des réactions ayant clairement pour objet d'y faire obstacle.

76. Ainsi, le compte-rendu, déjà cité, de la réunion tenue le 3 juin 2005 entre les groupes Ravate et Shen et la société Sermétal fait état, dans les termes suivants, d'une " lutte " à mener contre les importations de la société Mogamat : " Abdoulah Ravate propose à Bruno Lacastaignerate [KDI Ravum] d'organiser autant que de besoin des réunions pour une politique commune de lutte aussi bien contre les importations exotiques de ronds béton et autres produits métallurgiques que contre des actions éventuelles de Mogalia de déstabilisation du marché des treillis soudés. Cette action commune doit également s'appuyer en amont sur une protection par les taux de fret (...). Ils conviennent d'en parler avec les représentants de Steinweg et d'Organitrans qui seront de passage à la Réunion la semaine prochaine " (cote 171). Dans le même sens, l'un des participants à cette réunion, le représentant de la société KDI Davum, a ainsi explicité sa position dans un courriel du 30 juin suivant : " Concernant notre position, elle est claire. Il est hors de question de ne pas réagir aux attaques de Mogalia et à ces importations de métropole en cours (...) sans réaction positive de Sermétal, nous serions amenés à riposter contre toute déstabilisation du marché du treillis soudé à la Réunion " (cote 163). Cette question, enfin, a été évoquée lors de la réunion des délégués du personnel de la société Sermétal, tenue le 31 octobre 2006, lors de laquelle il a été fait explicitement état de l'action menée pour s'opposer aux importations de la société Mogamat. En effet, selon le compte-rendu de cette réunion (cotes 203 à 207), M. Cren, directeur général de Sermétal, a d'abord rappelé à ses interlocuteurs qu' " en 2005, contrairement à ce qui se passait auparavant, où il n'existait que des petites importations de treillis non normalisés, on a assisté pour la première fois à des importations de treillis soudés aux normes NF d'origine européenne ; produits directement concurrents de ceux de Sermétal : 1 000 tonnes en 2005 par les sociétés SMS et Mogalia ; 750 tonnes en 2006 par la société Mogalia " ; il a ensuite précisé qu' " il a fallu une nouvelle fois l'intervention dissuasive du Président de Sermétal, M. Chong Fah Shen, pour arrêter les importations faites par SMS sur des navires de l'Urcoopa " (cote 204).

77. Le projet de partenariat que la société Mogamat avait envisagé, en 2006, de nouer avec la société Organitrans a entraîné des réactions du même ordre. Ce partenariat avait pour objet l'ouverture, à partir de septembre 2006, d'une desserte régulière de la Réunion, à raison de quatre escales par an, vouée à se substituer aux acheminements " au coup par coup ". Inquiète de cette concurrence nouvelle, la société Steinweg, organisateur de transport du GIE Mer Union, regroupant les principaux chargeurs de la Réunion, a alors alerté ses clients, en les invitant expressément à rechercher les moyens de l'empêcher. Le représentant de cette société a ainsi envoyé aux sociétés Ravate, KDI Davum, Shen et au GIE Mer Union les courriels suivants, en date des 10, 11, 13 et 20 juillet 2006 :

- "Tout juste revenu de la Réunion, ce message d'alerte confirmant la position de Mogalia avec Organitrans de programmer à partir du mois de septembre 4 escales/an Anvers/PDG. L'escale sera assurée par des lots 700/800 M³ de treillis soudés (...) faute d'arrangements locaux entre Sermétal et cet importateur vous aurez à envisager une concurrence sur le produit mais également Mer Union contre Organitrans qui nuira forcément aux intérêts de tout le monde. Je vous laisse en tirer les conclusions, mon devoir étant de vous alerter " (courriel du 10 juillet 2006, cote 199) ;

- " Important et à tous. Benecis a reçu une commande de Mogalia +/- 350T treillis soudés 700/800M³ en position sur camion Anvers, navire à désigner. Chargement septembre. Il semble, compte tenu du contexte, difficile de demander à Organitrans de ne pas charger ce lot. Seule une action locale peut encore aboutir à un compromis " (courriel du 11 juillet 2006, cote 197) ;

- " La composition du chargement Organitrans mi/septembre pour Mogalia se présente comme suit : 350/400T treillis soudés 70/800 M³ ; 700/800T ronds à béton 6/12 m ; 150/200T bois ; 150/200T panneaux contreplaqués (...) Je n'ai bien sûr aucune spécification sur les marchandises, encore moins sur le taux de fret obtenu et ce n'est pas Organitrans qui va me le donner. Moi les amis, je ne sais pas si la solution de ne rien entreprendre avant l'embarquement est la meilleure (...) N'y a-t-il aucune entente possible de votre part pour discuter avec Mogalia ? (...) Par ailleurs je pose la question de savoir si vous devez ou pas informer vos fournisseurs classiques de cette situation, ces derniers pouvant être tentés de livrer FOB Anvers pour Mogalia " (courriel du 13 juillet 2006, cote 196) ;

- " Désolé d'en rajouter mais Mogalia rajoute aux chargement ci-dessous 250/300T de poutres acier. En suspend un lot de tôle (150T) non confirmé actuellement " (courriel du 20 juillet 2006, cote 193).

78. Ces informations ont entraîné des réactions immédiates de la part des sociétés KDI Davum, Ravate et Sermétal, lesquelles ont exprimé leur détermination commune à prendre les mesures propres à empêcher les importations de la société Mogamat, comme en attestent les courriels suivants :

- " (...) Sermétal devrait prendre ses dispositions pour arrêter de servir Mogalia car ce chantage ne date pas d'aujourd'hui. Il faudrait également et par représailles que le GIE ne charge plus un seul lot Mogalia. Tant qu'il n'y a pas de représailles ou de chantage de notre part à l'encontre de Mogalia, ils se sentiront toujours en position de force ou de négocier " (courriel de KDI Davum du 11 juillet 2006, cote 198) ;

- " Je ne pense pas qu'il faille négocier quoi que ce soit localement au risque de tomber dans un chantage et donner de la force en même temps que laisser penser à une faiblesse de Sermétal !!!. Il faut essayer de savoir à quel prix le treillis a été négocié en position départ Anvers et le taux de fret accordé. A partir de ces infos, une approche plus rationnelle pourrait être faite " (courriel de Ravate du 11 juillet, cote 197) ;

- " Je pense qu'il est urgent que l'on se rencontre. J'espère que Sermétal a déjà coupé les vivres à Mogalia en treillis soudés (...) J'espère également que Mer Union ne charge plus 1 kg pour Mogalia sinon cela n'a pas de sens et déstabilise les membres du groupement mais principalement Ravate et Davum " (courriel de KDI Davum du 19 juillet, cote 195).

79. Il est établi, en outre, que ces mêmes sociétés ont tenu une réunion le 21 juillet 2006, dont le compte-rendu manuscrit dressé par la société Sermétal, dans les locaux de laquelle il a été saisi, comprend les mentions suivantes : " - Mer Union ne charge plus 1 kg à Mogalia - Sermétal ne livre plus Mogalia - Davum et Ravate ne livrent pas " (cote 309).

La même société Sermétal a, par ailleurs, dans sa note déjà citée du 16 août 2006, intitulée " Politique importation Mogalia ", défini en ces termes sa position à l'égard des importations de la société Mogamat : " Nous avons été alertés (Groupe Ravate - Micab - Sermétal - Davum) par nos partenaires de Mer Union NV (...) d'une opération d'importation importante que préparait le groupe Mogalia avec le concours de la Compagnie Maritime Organitrans qui porterait sur un tonnage de 2 000 tonnes de matériaux divers (...) les différents intervenants ont mesuré le risque encouru par cette politique de Mogalia : Mer Union qui voit ces tonnages lui échapper ; les négociants qui auront à faire face à une concurrence accrue de Mogalia ; Sermétal qui souffrira de 2 à 3 000 tonnes d'importation de TS [treillis soudés] (...) La réponse à apporter à la politique d'importation de Mogalia est de le laisser faire une première opération en lui faisant sentir qu'il ne peut pas faire n'importe quoi en toute impunité et sans représailles de notre part à tous. Si d'aventure, Mogalia persistait à vouloir faire cette opération, il s'exposerait à des mesures de rétorsion de notre part à tous : demande faite à Mer Union de ne pas charger un kilo pour Mogalia. Cette consigne est déjà appliquée puisque Olivier Carré [société C. Steinweg] a déjà refusé d'embarquer des marchandises de Mogalia ; Davum et Ravate envisagent de ne pas dépanner Mogalia qui compte tenu de ce qui précède aura forcément des ruptures de stock dans tous les produits ; politique de Sermétal qui va durcir ses relations avec Mogalia " (cotes 186 à 188).

80. Il ressort clairement de ces éléments du dossier que la société Sermétal et les autres entreprises mises en cause ont convenu de mesures de pression et de blocage visant à dissuader les sociétés Mogamat et SMS de procéder à des importations et les ont mises en œuvre.

81. S'agissant de l'accord d'exclusivité territoriale, l'Autorité a relevé que les entreprises mises en cause, concomitamment aux mesures prises contre la société Mogamat, avaient cherché à s'opposer à ses importations en œuvrant en faveur d'un accord entre son transporteur, la société Organitrans, et le GIE Mer Union. Les discussions, menées, en particulier, par la société Steinweg, ont abouti en mars 2007 à un accord attribuant une exclusivité territoriale au GIE sur la Réunion et à la société Organitrans sur Madagascar, cet accord étant resté en vigueur jusqu'à sa dénonciation en mars 2011. Elle a analysé cet accord de répartition des marchés de transport de fret - par lequel le transporteur de la société Mogamat, la société Organitrans, s'était engagé à ne transporter aucun matériau de construction vers la Réunion - comme constituant, par nature, une restriction de concurrence par objet.

82. La société Sermétal fait valoir que les discussions en vue de parvenir à cet accord ont été longtemps infructueuses et que ce n'est que le 22 mars 2007 qu'il a été conclu, de sorte que, jusqu'à cette date, ces tentatives ne tombent pas sous le coup de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

83. Mais cette analyse est démentie par les pièces du dossier qui démontrent que les entreprises mises en cause, loin de s'être livrées à de simples tentatives, s'étaient déjà accordées, dès avant mars 2007, sur la mise en place d'une répartition de marché, comme en attestent, notamment, les courriels qu'elles ont échangés et qui comportent les mentions suivantes : " Comme tu le sais depuis plusieurs semaines Jacques et moi sommes en relation avec Daniel Berrebi [société Organitrans] pour trouver un compromis au sujet des treillis soudés pour Mogamat. L'idée étant un joint-venture, Ars/Steinweg = Réunion d'un côté et de l'autre Organitrans = Mada [Madagascar] + vrac " (courriel de Steinweg à Sermétal du 22 septembre 2006, cote 185) ; " Nous avons proposé à Daniel Berrebi [société Organitrans] un partenariat dans lequel Mer Union gère le fret sur Réunion et Organitrans celui de Madagascar + le vrac " (courriel de Steinweg à Sermétal, KDI Davum et Ravate rendant compte de ses négociations avec Organitrans, cote 183).

84. La note interne de la société Sermétal, déjà citée, en date du 19 février 2007, rend compte de l'avancée des discussions en vue de cette répartition de marchés (cotes 325 à 330). Ayant rappelé que le marché du treillis soudé à la Réunion " était jusqu'à présent caractérisé par une situation de quasi monopole de Sermétal qui avait jusqu'à présent réussi à protéger son marché par toute une série de mesures (...) ", elle évoque ainsi les efforts de certains opérateurs pour " casser cette situation de monopole " : " Rappelons les importations de 600 tonnes effectuées en 2005 par SMS (Yvan Mainix) qui a pu faire entrer cette marchandise sur un navire Urcoopa. Également les 2 importations de 250 et 400 tonnes effectuées par Mogalia en 2006, embarquées sur un navire Organitrans, bénéficiant de tarifs de fret anormalement bas à la tonne et non au m³, conséquence du conflit qui a opposé Mer Union à Organitrans (...) Plus importantes, sont les importations que Mogalia risque de faire rentrer et qui perturbent le marché (...) ". Enfin, cette note évoque l'accord d'exclusivité à conclure entre la société Organitrans et le GIE Mer Union : " (...) il y a à l'heure actuelle des contacts entre Mer Union et Organitrans qui pourraient déboucher sur un joint venture entre les deux compagnies. Parmi les conditions exigées par Mer Union pour la signature de ce joint venture il y a l'exigence d'une exclusivité territoriale pour Mer Union sur le département de la Réunion, Organitrans, quant à elle, bénéficierait de la même exclusivité territoriale sur Madagascar. Dans ces conditions, plus aucun kilo de treillis soudés ne serait chargé sur la plate forme commune Mer Union/Organitrans, mettant ainsi fin aux importations de treillis de Mogalia (...). "

85. En revanche, ces mêmes entreprises excluent toute solution dans laquelle la société Organitrans continuerait à assurer du transport de fret vers la Réunion, comme en attestent ces mêmes courriels : " (...) nous ne pouvons accepter un joint-venture dans lequel Organitrans aurait tout loisir de charger ce qu'il veut " (cote 185) ; " La conception de la répartition du marché selon Organitrans serait d'avoir un service maritime commun (Orga/Mer Union) chacun commercialisant le fret avec d'un côté les partenaires du GIE Mer Union pour ARS/Steinweg et de l'autre Orga avec Mogalia, Kouma etc. Qui dit Mogalia dit treillis soudés. Pour ce qui nous concerne nous ne pouvons accepter ce schéma " (cote 183) ; " Pour ma part, je ne veux pas non plus d'un service commun où Organitrans commercialiserait le fret sur la Réunion " (cote 183).

86. Il ressort de ces constatations que les agissements en cause ne peuvent être considérés comme de simples tentatives, qui auraient échoué jusqu'en mars 2007, mais sont la mise en œuvre à partir de septembre 2006, d'une stratégie commune des sociétés Steinweg, Sermétal, KDI Davum et Ravate ayant pour objet explicite, afin de faire obstacle aux importations de la société Mogamat, la mise en place d'une répartition du marché de transport du fret vers Madagascar et la Réunion, la société Organitrans acceptant de ne plus assurer de transport vers cette dernière destination.

87. Enfin, la société Sermétal souligne que l'Autorité a fait état, aux paragraphes 137 à 140 de la décision attaquée, d'une " tentative d'accord avec Mogamat " portant sur les prix et que démontreraient le compte-rendu d'une réunion tenue le 19 février 2007 et les déclarations de M. Mogalia. Elle rappelle que la tentative de parvenir à un accord anticoncurrentiel ne peut se confondre avec l'accord lui-même et n'est donc pas punissable, de sorte qu'en l'espèce, ces agissements ne tombent pas sous le coup de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

88. Mais il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que, si l'Autorité a effectivement constaté que les entreprises mises en cause avait, en 2007, tenté de " discipliner " la société Mogamat en lui proposant de la fournir en treillis soudés pour éviter qu'elle ait recours à des importations et en envisageant la conclusion d'un accord sur les prix entre elle et la société Arma Sud, c'est au seul titre d'un rappel du contexte général des pratiques litigieuses, sans que cette tentative ait été qualifiée d'entente.

89. L'ensemble de ces constatations établit la réalité des pratiques visées par le grief n° 5.

2. Sur l'existence d'une infraction unique depuis juin 2005

90. L'Autorité a fixé le point de départ des pratiques visées par le grief n° 5, formant une infraction unique, au 3 juin 2005, date de la première réunion documentée au cours de laquelle ont été discutées la mise en œuvre d'une différenciation tarifaire par la société Sermétal et la nécessité de bloquer les importations de treillis soudés (décision attaquée, § 332).

91. La décision attaquée est contestée sur ce point tant par les sociétés Ravate que par la société Sermétal.

92. Les sociétés Ravate soutiennent que l'existence d'une infraction unique, complexe et continue n'est pas établie avant juillet 2006 et qu'en conséquence, le grief n° 5 ne peut avoir commencé en juin 2005, dans la mesure où, d'une part, le dossier révèle une discontinuité des pratiques entre juin 2005 et juillet 2006 et, d'autre part, les pratiques de juin 2005 sont prescrites.

93. S'agissant de la discontinuité, les sociétés Ravate font valoir que, selon la jurisprudence, les standards de preuve propres à établir la continuité des pratiques anticoncurrentielles exigent que les faits en cause soient suffisamment rapprochés dans le temps et que soient prises en compte, pour déterminer si elles ont été ou non interrompues, les " caractéristiques concrètes " de l'entente, en particulier ses modalités de fonctionnement et les spécificités du secteur concerné. Elles font valoir qu'en l'espèce, treize mois se sont écoulés entre les pratiques de juin 2005 et celles de juillet 2006, sans que ce délai s'explique par les caractéristiques du marché ou par les caractéristiques de l'entente, qu'il s'agisse de la limitation des importations ou de la différenciation tarifaire alléguées par l'Autorité. En ce qui concerne la limitation des importations, elles prétendent que c'est à tort que l'Autorité a considéré que le délai de treize mois correspondait au temps écoulé entre deux tentatives d'importation par les sociétés Mogamat et SMS ; à l'inverse, elles soutiennent que, durant cette période, on relève au moins deux ou trois importations, de sorte que le délai de treize mois ne s'explique pas. En ce qui concerne la différenciation tarifaire, les sociétés Ravate soutiennent que cette pratique n'est pas démontrée entre juin 2005 et juillet 2006, et qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que la société Sermétal n'aurait pas décidé, seule et de façon autonome, de ses tarifs et que ceux-ci auraient été décidés en concertation avec elles et la société KDI Davum.

94. S'agissant de la prescription, les sociétés Ravate font valoir qu'en l'absence de continuité démontrée entre les pratiques de juin 2005 et celles de juillet 2006, les premières sont prescrites par application des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce, selon lesquelles " la prescription est acquise en toute hypothèse lorsqu'un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s'est écoulé sans que l'Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci ".

95. La société Sermétal reproche également à l'Autorité d'avoir fixé au 3 juin 2005 le point de départ des pratiques qu'elle a sanctionnées au titre du grief n° 5. Elle fait valoir, en effet, que les pratiques observées à cette date sont indépendantes de celles relevées à compter du mois de juillet 2006 et que la prescription décennale de l'article L. 462-7 du Code de commerce est donc acquise à leur égard. Elle soutient que, pour écarter cette prescription, l'Autorité les a artificiellement rattachées aux pratiques ultérieures, non prescrites, au motif d'une prétendue infraction unique, complexe et continue recouvrant des mesures de différenciation tarifaire, de blocage et de suivi des importations et d'exclusivité territoriale, ainsi que d'un prétendu " plan d'ensemble ". A l'appui de ses dires, la requérante prétend d'abord que, dans la décision attaquée, l'Autorité aurait considéré que le grief n° 5 était une " implication " du PAR visé par le grief n° 2, lequel n'a débuté qu'en juin 2006 ; elle en conclut que les pratiques de juin 2005, qui lui sont antérieures, ne peuvent relever du grief n° 5. Elle soutient ensuite que les pratiques de juin 2005 et celles de juillet 2006 ne procèdent pas du même fait générateur et qu'elles sont indépendantes l'une de l'autre, de sorte qu'elles ne sauraient relever d'une même infraction aux règles de concurrence.

96. La cour rappelle que, si les pratiques de juin 2005 constituaient un grief distinct, celui-ci serait effectivement prescrit par application des dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce. Mais ces pratiques ont été appréhendées par l'Autorité en tant qu'elles formaient, avec les pratiques ultérieures constatées entre juillet 2006 et mars 2011, une infraction unique, complexe et continue, justifiant de les incriminer dans le même grief.

97. Il convient donc de déterminer si les éléments du dossier démontrent qu'il en est ainsi ou si, à l'inverse, faute de relever d'une telle infraction unique, les pratiques de juin 2005 sont prescrites.

98. L'Autorité a rappelé, dans la décision attaquée, que, selon une jurisprudence constante, tant interne que communautaire, une violation des règles relatives aux ententes peut résulter non seulement d'un acte isolé, mais aussi d'une série d'actes ou d'un comportement continu, quand bien même ceux-ci constitueraient également, en eux-mêmes et pris isolément, une violation des règles de concurrence, dès lors que ces différentes actions s'inscrivent dans un " plan d'ensemble ", en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence. Il en découle que plusieurs agissements différents, mais poursuivant un objectif économique unique, peuvent former une infraction unique, complexe et continue, pour les périodes durant lesquelles ils ont été mis en œuvre

99. En l'espèce, les éléments du dossier démontrent que les pratiques constatées, d'une part, en juin 2005, d'autre part, de juillet 2006 à mars 2011 avaient le même objet anticoncurrentiel, puisqu'elles tendaient à faire obstacle au développement des revendeurs de treillis soudés extérieurs à l'entente, les sociétés Mogamat et SMS, et relevaient donc d'une infraction unique aux règles de concurrence.

100. Tel était bien l'objet de la réunion du 3 juin 2005. En effet, il est indiqué dans son compte-rendu (cotes 171 et 172) que les participants - les sociétés Ravate, Sermétal et KDI Davum - se sont réunis " pour éclaircir la situation de malaise découlant d'offres de prix anormalement bas faites par Micab [filiale du groupe Ravate] " et que le représentant du groupe Ravate a justifié cette offre en affirmant que " c'est pour répondre à une attaque de Mogalia à la SBTPC qu'il a demandé à Micab de s'aligner et de faire une offre à la SMTPC au stade livré chantier à 960 euros/T ". Ces participants ont ensuite, selon ce même compte-rendu, discuté d'une " politique commune de lutte aussi bien contre les importations exotiques de ronds béton et autres produits métallurgiques que contre des actions éventuelles de Mogalia de déstabilisation du marché des treillis soudés ", cette politique devant " s'appuyer en amont sur une protection par les taux de fret (...) ", et considéré que " Davum et Ravate sont des concurrents mais que la concurrence entre eux est saine et loyale et qu'ils s'entendent. Sous entendu la concurrence de Mogalia ne l'est pas (...) ".

101. Ce rappel démontre, sans équivoque, que les pratiques de juin 2005 avaient le même objet anticoncurrentiel que celles constatées ultérieurement, à savoir faire obstacle à la concurrence née du développement des revendeurs alternatifs, et qu'elles ont porté sur les mêmes moyens d'y parvenir, un blocage des importations, qui s'est accompagné, comme la cour l'a constaté plus haut, d'une différenciation tarifaire mise en œuvre depuis au moins 2005.

102. A cette identité d'objet, s'ajoute une forte complémentarité des différentes pratiques relevées, les unes, en juin 2005, les autres, entre juillet 2006 et mars 2011. En effet, la différenciation tarifaire pratiquée par la société Sermétal au détriment des revendeurs extérieurs à l'entente, telle la société Mogamat, les mesures de blocage et de dissuasion de leurs importations et l'exclusivité territoriale consentie au GIE Mer Union, membre de l'entente, pour la desserte maritime de la Réunion ont permis, comme l'Autorité l'a relevé dans la décision attaquée (§ 302 et 303), de " contrôler efficacement la totalité des canaux d'approvisionnement des revendeurs alternatifs et de les contraindre à se conformer à l'organisation de marché mise en œuvre ", chacune de ces pratiques étant " destinée à faire face à une ou plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence ".

103. Cette identité d'objet et cette complémentarité des pratiques rendent inopérant l'argument des requérantes selon lequel le délai de treize mois qui s'est écoulé entre les pratiques de juin 2005 et celles de juillet 2006 marquerait une discontinuité interdisant de les regrouper dans un même grief.

104. En effet, d'une part, la cour a jugé ci-dessus que la différenciation tarifaire pratiquée par la société Sermétal était établie au moins de 2005 à 2008. Par ailleurs, à l'inverse de ce que prétendent les sociétés Ravate, les mesures de différenciation tarifaire ne sauraient en aucune façon être considérées comme ayant été décidées, non dans le cadre d'une concertation, mais par la seule société Sermétal ; les éléments du dossier précédemment rappelés démontrent, au contraire, que ces mesures ont procédé d'une concertation entre les sociétés Sermétal, Ravate et KDI Davum, lesquelles ont, dès leur réunion du 3 juin 2005, arrêté le principe d'une stratégie tarifaire face à la société Mogamat, en riposte aux " attaques " et à la " déstabilisation " du marché du treillis soudé qu'elles lui imputaient (cote 171).

105. D'autre part, s'agissant des importations, l'Autorité a, dans la décision attaquée (§ 342 à 344), relevé que les participants à l'entente étaient en réalité intervenus pour bloquer les importations de treillis soudés chaque fois que celles-ci avaient lieu, ou étaient sur le point d'intervenir et que, par conséquent, le délai de treize mois correspondait simplement au temps écoulé entre deux tentatives d'importation par les sociétés Mogamat et SMS.

106. La société Sermétal conteste cette affirmation et s'appuie sur deux pièces déjà mentionnées, d'où il ressortirait que les sociétés Mogamat et SMS ont, en 2005 et 2006, importé du treillis soudé à plusieurs reprises. C'est ainsi qu'elle souligne que ses notes des 31 octobre 2006 (" Réunion des délégués du personnel de Sermétal du 30 octobre 2006 ", cotes 203 à 207) et 19 février 2007 (" Le marché du treillis soudé ", cotes 325 à 330) évoquent des importations dans les termes suivants : " (...) en 2005, contrairement à ce qui se passait auparavant (...) on a assisté pour la première fois à des importations de treillis soudés aux normes NF (...) : 1000 tonnes en 2005 pour les sociétés SMS et Mogamat, 750 tonnes en 2006 pour la société Mogalia " (cote 204); " Rappelons les importations de 600 tonnes effectuées en 2005 par SMS (Yvan Mainix) qui a pu faire rentrer cette marchandise sur un navire Urcoopa. Également les 2 importations de 250 et 400 tonnes effectuées par Mogalia en 2006 (...) " (cote 326).

107. Dans ses observations, l'Autorité fait valoir que les deux occurrences d'importation ci-dessus mentionnées sont très probablement intervenues après le mois de juillet 2006, puisque la préparation de ces opérations est évoquée dans un courriel de la société Steinweg en date du 10 juillet 2006.

108. Mais quoi qu'il en soit de la réalité et de la date précise de ces importations, les pièces du dossier établissent que, loin d'être ponctuelles, les mesures de surveillance, par les membres de l'entente, des importations concurrentes et les démarches entreprises pour y faire obstacle, engagées à partir du mois de juin 2005, se sont ensuite poursuivies. Ainsi, il ressort des notes précitées que, tout au long de la période considérée, les entreprises mises en cause récapitulaient minutieusement les importations réalisées, ou susceptibles de l'être, par les sociétés Mogamat et SMS et rendaient compte des efforts accomplis pour les empêcher, par une " intervention dissuasive " (cote 204). Ces éléments démontrent donc la continuité, après le mois de juin 2005, de la volonté commune des entreprises mises en cause de surveiller et bloquer les importations de ces sociétés et des pratiques qu'elles ont mises en œuvre pour y parvenir.

109. Dès lors, la circonstance que, comme le fait valoir la société Sermétal, ces pratiques n'auraient pas le même fait générateur importe peu. Sans doute, les pratiques de juin 2005 ont-elles été déclenchées, selon le compte-rendu déjà cité de la réunion du 3 juin 2005, par une offre de ronds à béton faite par la société Mogalia à la société SMTPC à un prix, 960 euros/t, considéré par ses concurrents comme une " attaque " visant à " une déstabilisation du marché du treillis soudé " (cote 171), et les pratiques de juillet 2006 procèdent-elles de la découverte du projet de partenariat entre les sociétés Organitrans et Mogalia. Mais il n'en reste pas moins qu'en visant à faire obstacle au développement des revendeurs alternatifs, elles poursuivaient le même objectif et étaient complémentaires.

110. C'est, par ailleurs, à tort que la société Sermétal prétend que ces pratiques sont indépendantes les unes des autres, en ce que celles de juin 2005 n'auraient porté que sur les prix et les conditions de vente et que la protection par le fret n'aurait eu qu'un caractère accessoire. En effet, les termes du compte-rendu de la réunion du 3 juin 2005 démentent cette allégation, puisqu'il y est explicitement indiqué que les protagonistes envisagent d' " organiser autant que de besoin des réunions pour une politique commune de lutte aussi bien contre les importations exotiques de ronds béton et autres produits métallurgiques que contre des actions éventuelles de Mogalia de déstabilisation du marché (...) Cette action commune doit également s'appuyer en amont sur une protection par les taux de fret (...) Il convient d'en parler avec les représentants de Steinweg et d'Organitrans qui seront de passage la semaine prochaine " (cote 171).

111. De même, la société Sermétal ne peut soutenir que les éléments du dossier ne démontrent aucune pratique discriminatoire en matière tarifaire à partir de juillet 2006. Il ressort, au contraire, de ces éléments, et comme la cour l'a constaté ci-dessus, que la société Sermétal a pratiqué, de 2005 à 2008, une différenciation tarifaire en défaveur de la société Mogamat.

112. Enfin, il est vain de rattacher les pratiques en cause au PAR, prétendument visé par le grief n° 2, qui a pour point de départ le mois de juin 2006, et d'en conclure qu'elles ne peuvent, pour cette raison d'antériorité, relever du grief n° 5. En effet, comme la cour le constatera ci-après, le PAR n'est nullement visé par le grief n° 2, dont il n'est pas un élément constitutif, ni, au demeurant, par les autres griefs notifiés.

3. Sur l'atteinte aux principes de proportionnalité de la peine et d'interdiction de double poursuite

113. La société Sermétal soutient que les faits visés par le grief n° 5 ne constituent pas une infraction distincte de celle visée par le grief n° 2 et qu'ils ont donc été sanctionnés deux fois, en violation des principes de proportionnalité de la peine et d'interdiction de double poursuite consacrés par les articles 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et 4 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. En effet, elle considère que les faits relevant du grief n° 5 ne sont que des restrictions accessoires du PAR, sur lequel portait, selon elle, le grief n° 2, de sorte que, comme l'Autorité l'aurait elle-même relevé, ils sont imbriqués avec les faits relevant de ce dernier grief.

114. A l'appui de cette allégation, la requérante souligne que l'Autorité a affirmé, dans la décision attaquée, qu'au moyen du PAR, objet du grief n° 2, les entreprises en cause avaient décidé d'un " ensemble de mesures visant à protéger la commercialisation des armatures métalliques et des treillis soudés à la Réunion de potentiels autres concurrents " (décision attaquée, § 50) ; elle en conclut que le PAR impliquait l'interdiction des importations, laquelle est précisément reprochée au titre du grief n° 5, qui, dès lors, vise la même infraction que le grief n° 2. Elle ajoute que ce caractère accessoire a été confirmé par la notification des griefs, qui, selon elle, rattache expressément à la mise en œuvre du PAR les restrictions à l'importation relevant du grief n° 5.

115. Mais la société Sermétal se méprend sur le sens des références au PAR qui figurent dans la décision attaquée. En effet, contrairement à ce qu'elle prétend, il ressort des termes mêmes de cette décision que l'Autorité a entendu sanctionner, au titre du grief n° 2, la participation des entreprises mises en cause, non au PAR, mais à une entente sur le marché de la transformation des treillis soudés, par laquelle elles se sont accordées sur les modalités de production et sur la répartition du marché.

116. Au demeurant, la participation au PAR n'a, en tant que telle, pas fait l'objet d'une instruction par les rapporteurs ni n'a été incluse par eux dans les griefs qu'ils ont notifiés ; c'est donc à tort que la société Sermétal affirme que la notification des griefs opère un rattachement au PAR des restrictions relevant du grief n° 5, la cour observant, en particulier, que les deux passages de cette notification qu'elle cite (notification des griefs, § 102 et 109) font état non du PAR, mais de la création et de l'activité de la société Arma Sud. En revanche, si le PAR est évoqué à plusieurs reprises dans la décision attaquée, c'est au titre d'un rappel du contexte des pratiques reprochées, auquel l'Autorité a jugé utile de procéder afin d'en faciliter la compréhension. C'est ainsi que l'Autorité en a décrit, aux paragraphes 47 à 50 de la décision attaquée, les étapes de la constitution - deux protocoles d'accord passés entre les groupes Shen et Ravate les 2 octobre 1997 et 4 décembre 2002 -, en précisant que ce pôle était " resté un concept, sans traduction concrète au niveau des entreprises réunionnaises ", mais qu'il avait permis de rassembler autour d'un projet commun plusieurs entreprises concurrentes désireuses de protéger de potentiels autres concurrents la commercialisation des armatures métalliques et des treillis soudés à la Réunion.

117. De surcroît, les pratiques objets des griefs n° 2 et 5 ont eu pour cadre des marchés distincts - les marchés de la transformation des armatures métalliques et des treillis soudés pour les pratiques relevant du grief n° 2, le marché de la revente de treillis soudés par les négociants pour celles relevant du grief n° 5 -, et poursuivaient des objectifs différents - éviter que l'entrée sur le marché de la société Arma Sud ne concurrence les acteurs en place, pour le grief n° 2, limiter le développement des revendeurs indépendants, pour le grief n° 5.

118. La cour ajoutera surabondamment, d'une part, que les périodes de mise en œuvre des pratiques objets des griefs n° 2 et 5 ne sont pas les mêmes, puisqu'elles courent du mois de juin 2006 au mois d'avril 2007, pour le grief n° 2, et du mois de juin 2005 au mois de mars 2011, pour le grief n° 5, d'autre part, que ces deux griefs n'ont pas impliqué les mêmes entreprises, puisque, si les sociétés Ravate et Sermétal ont été mises en cause au titre l'un et l'autre griefs, tel n'est pas le cas des sociétés Réunion Armatures et Arma Sud, mises en cause au titre du grief n° 2 seulement, ni des sociétés C. Steinweg, Steinweg Belgium N.V., KDI Davum, KDI, Kloeckner Metals France, Mer Union N.V. et Organitrans mises en cause au titre du grief n° 5 seulement.

119. Dès lors, les faits relevant du grief n° 5 ne peuvent être confondus avec ceux relevant du grief n° 2, ni au motif qu'ils seraient les uns et les autres l'accessoire du PAR, celui-ci n'ayant pas fait l'objet d'un grief, ni par leurs caractéristiques prétendument identiques. Il en résulte qu'il n'a été porté aucune atteinte aux principes de proportionnalité des sanctions et d'interdiction d'une double poursuite.

4. Sur la participation à l'entente de la société Sermétal

120. La société Sermétal fait valoir qu'elle n'a pas participé à l'accord conclu entre le GIE Mer Union et la société Organitrans et qu'elle s'en est publiquement distanciée en continuant à livrer la société Mogamat. Elle soutient qu'elle s'est ainsi " constamment extraite des prévisions de l'entente " et que sa participation à cette entente n'est établie, tout au plus, que du 21 juillet 2006 (date de la réunion, déjà citée, dont la société Sermétal a dressé un compte rendu manuscrit, cote 309) au 16 août 2006 (note interne de ce jour de la société Sermétal, cotes 186 à 188), soit pour une durée d'un mois.

121. Sans doute la société Sermétal n'était-elle pas signataire de l'accord conclu entre le GIE Mer Union et la société Organitrans, mais elle a été associée aux négociations menées en vue de cette conclusion par le GIE Mer Union, dont elle était membre et administrateur, et elle a pesé pour en influencer le résultat. Ainsi, elle a été avertie du succès des négociations par un courriel du 22 mars 2007 adressé par le GIE : " Ce mail est destiné aux administrateurs de Mer Union NV. Après des mois de transaction, nous sommes enfin arrivés à déterminer le cadre d'un "joint-venture" avec Organitrans (...) Ce "JV" permettra à Mer Union de reprendre la main, en exclusivité, les trafics sur Réunion " (cote 146).

L'intérêt particulier que la société Sermétal portait à cet accord est, par ailleurs, attesté par le courriel suivant, en date du 2 avril 2007, que lui a adressé le GIE : " Cela n'a pas été sans mal, mais ns sommes enfin arrivés à un accord équitable entre Mer Union et Organitrans. J'espère que tu seras satisfait ns sommes allés dans le sens voulu par le GIE (...) " (cote 147), ainsi que par une note interne du 3 mai 2007 dans laquelle elle indique, à propos de l'accord qui venait d'être conclu : " (...) une des clauses du contrat que nous avons imposé à Organitrans est une interdiction totale de charger du treillis soudé destiné à la Réunion (...) " (cote 332). Ces éléments démontrent que la société Sermétal s'est personnellement impliquée dans les négociations qui ont abouti à l'accord entre le GIE Mer Union et la société Organitrans et qu'elle a oeuvré éen faveur de sa conclusion.

122. Quant à la poursuite de ses livraisons à la société Mogamat, qu'invoque la société Sermétal, c'est à juste titre que l'Autorité rappelle que la circonstance que les mesures décidées en commun n'aient pas été complètement appliquées par un membre de l'entente ne suffit pas à exonérer celui-ci de toute participation et que, de surcroît, en l'espèce, la requérante n'a, à aucun moment, fait connaître aux autres entreprises en cause qu'elle entendait cesser de participer à cette entente.

5. Sur l'évocation de faits prescrits

123. Soulignant que, dans la décision attaquée, l'Autorité s'est référée, à plusieurs reprises, à la constitution, à partir de 1997, du PAR, la société Sermétal lui reproche d'avoir affirmé que, dans ce cadre, les entreprises en cause s'étaient interdites de procéder à des importations de produits finis et à des ventes directes et avaient conclu un accord de répartition de marché. Elle fait valoir que les rapporteurs avaient considéré que ces faits, constatés sur la période 1997-1999, étaient prescrits et que, de surcroît, ils étaient sans lien avec les pratiques qui étaient l'objet de la notification des griefs et inutiles à leur compréhension. Elle soutient que, dans ces conditions, c'est à tort que l'Autorité les a relatés et qu'elle a ainsi manqué à son devoir d'impartialité en " entret[enant] l'apparence d'un comportement permanent d'inclination " de sa part à des pratiques restrictives de concurrence.

124. Mais, si des faits prescrits ne peuvent, par définition, faire l'objet d'une sanction, l'Autorité peut néanmoins, afin d'apporter un éclairage sur des pratiques non prescrites, s'y référer dans sa décision, dès lors qu'elle ne les qualifie pas au regard des textes réprimant les pratiques anticoncurrentielles ni ne les inclut dans les poursuites. Tel est bien le cas en l'espèce puisque, comme la cour l'a relevé plus haut, la constitution du PAR a été clairement exclue des cinq griefs notifiés, lesquels n'y font aucune référence, étant observé, de surcroît, que les pratiques visées par ces griefs ont, pour les plus anciennes d'entre elles, débuté en mars 2004, soit postérieurement à la période de discussion et de conception du PAR. En revanche, l'Autorité a pu estimer que ce PAR était un élément de contexte permettant de mieux comprendre les pratiques sanctionnées et qu'il était donc opportun de rappeler les circonstances dans lesquelles il a été imaginé par ces concepteurs. En s'y référant, l'Autorité n'a donc nullement manqué à son devoir d'impartialité, ni tenté de contourner les règles de la prescription.

6. Sur la durée des pratiques

125. La société Sermétal fait valoir que, par l'effet de la prescription décennale prévue par l'article L. 462-7 du Code de commerce, la décision attaquée étant en date du 12 mai 2016, les pratiques qui y sont visées et qui sont antérieures au 12 mai 2006 sont prescrites.

126. Elle soutient que les pratiques susceptibles d'être sanctionnées ont pour point de départ le mois de mars 2007, date de la conclusion de l'accord entre le GIE Mer Union et la société Organitrans, lequel, selon la décision attaquée, en constitue le " cœur", et qu'elles ont pris fin en 2009, année de la rupture de la concertation entre les sociétés Davum, Ravate et les membres du GIE.

127. Mais, en premier lieu, ainsi que la cour l'a jugé ci-dessus, les pratiques mises en œuvre à partir du mois de juin 2005 relevaient, avec les pratiques ultérieures, d'une infraction unique et complexe, dont la continuité est établie. L'argument de la société Sermétal tiré de la prescription décennale sera donc écarté.

128. En deuxième lieu, si l'Autorité a effectivement souligné, au paragraphe 354 de la décision attaquée, que l'accord entre le GIE Mer Union et la société Organitrans " fai[sait] partie du cœur du plan global de lutte contre le développement de concurrents sur le marché aval ", ce constat ne signifie nullement que les pratiques reprochées n'auraient commencé qu'à la date de conclusion dudit accord, puisque l'Autorité a, au contraire, démontré que les agissements de leurs auteurs relevaient, dès juin 2005, de la même concertation anticoncurrentielle.

129. En troisième lieu, l'accord d'exclusivité territoriale de mars 2007, retenu, au titre du grief n° 5, comme l'un des éléments constitutifs de l'entente, est resté en vigueur jusqu'à sa dénonciation en mars 2011. Aussi, comme l'Autorité le rappelle dans ses observations, on ne pourrait considérer que les entreprises membres de l'entente y auraient renoncé avant cette date que si elles s'en étaient clairement distanciées. Tel n'est pas le cas en l'espèce, les circonstances invoquées par la société Sermétal - tenant à l'entrée sur le marché de la société Arma Sud, à la chute du prix de l'acier, à l'augmentation des importations de treillis soudés et au transfert par la société Davum de ses approvisionnements vers la société Arma Sud à compter de 2010 -, extérieures à sa volonté, ne démontrant aucune distanciation de sa part.

7. Sur l'atteinte aux principes d'impartialité, d'égalité de traitement et de neutralité

130. La société Sermétal rappelle que la société Arma Sud a été mise en cause au titre des griefs n° 2 et 4, qu'elle a choisi de ne pas contester, mais pas au titre du grief n° 5. Elle en conclut que, ce faisant, les services d'instruction, puis l'Autorité, ont porté atteinte au principe d'égalité de traitement, en violation des règles du procès équitable, puisque, selon elle, cette société était concernée par le PAR et que les pièces du dossier " corroborent " qu'elle était impliquée dans les pratiques relevant du grief n° 5, lesquelles sont imbriquées dans celles relevant des griefs n° 2 et 4. Elle considère qu'il en résulte, de la part des services d'instruction puis de l'Autorité, une " suspicion de partialité et de manque de neutralité ".

131. La cour rappelle qu'il revient au rapporteur de l'Autorité de fonder la notification de griefs sur les faits qui lui paraissent de nature à en établir le bien-fondé et que, dès lors, les griefs ne doivent être notifiés qu'aux entreprises à l'encontre desquelles il relève des éléments suffisamment probants de nature à démontrer le caractère anticoncurrentiel de leur comportement. Au cas d'espèce, les rapporteurs ont donc pu, sans manquer à leur devoir d'impartialité ni au principe de l'égalité de traitement, considérer que les éléments en leur possession ne permettaient pas de reprocher à la société Arma Sud d'avoir participé aux pratiques relevant du grief n° 5. De surcroît, la cour observe, d'une part, que les pratiques relevant des griefs n° 2 et 5 étant distinctes, la mise en cause de la société Arma Sud au titre des premières n'impliquait nullement qu'elle soit mise en cause au titre des secondes et, d'autre part, que le fait que son dirigeant, M. Shen, soit cité dans certaines des pièces fondant le grief n° 5 ne suffit pas, à lui seul, à la mettre en cause.

132. L'atteinte, qu'allègue la société Sermétal, aux principes d'impartialité, d'égalité de traitement et de neutralité n'est donc pas démontrée.

133. Il résulte des développements qui précèdent que c'est à juste titre que l'Autorité a, dans la décision attaquée, retenu que les sociétés Ravate et la société Sermétal avaient participé, entre juin 2005 et mars 2011, aux pratiques anticoncurrentielles objet du grief n° 5.

III. SUR LES SANCTIONS

134. L'Autorité a, aux paragraphes 421 et suivants de la décision attaquée, rappelé qu'il lui incombait de déterminer les sanctions pécuniaires qu'elle prononcerait dans la présente affaire conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 I du Code de commerce, qui en fixent le montant maximum, et du troisième alinéa du même article, qui précisent qu'elles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées.

135. Elle a, par ailleurs, indiqué qu'en l'espèce, elle ferait application de son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après le communiqué sanctions).

136. Enfin, l'Autorité a rappelé que, selon la jurisprudence, elle pouvait infliger une sanction unique pour plusieurs infractions et, à cette fin, ne prendre en considération, comme assiette, qu'une seule et même valeur des ventes, en relation avec l'ensemble des pratiques en cause. Elle a observé qu'en l'espèce, les pratiques visées par les griefs n° 2 et 4 avaient été mises en œuvre dans le cadre des mêmes réunions et contacts, qu'elles poursuivaient le même objet - faire face à l'arrivée de la société Arma Sud sur les marchés de la fourniture d'armatures métalliques et de treillis soudés à la Réunion -, et que la période retenue pour le premier de ces griefs était couverte par celle retenue pour le second. Elle a, en conséquence, prononcé une seule sanction au titre des griefs n° 2 et 4, dont elle a fixé le montant à l'article 7 du dispositif de la décision attaquée.

137. En revanche, l'Autorité a constaté que l'objet des pratiques visées par le grief n° 5 différait sensiblement de celui des autres pratiques en cause et elle a donc prononcé, à l'article 9 de ce dispositif, des sanctions distinctes au titre de ce grief.

138. Les requérantes, d'une part, contestent les montants de base des sanctions qui leur ont été infligées au titre des griefs n° 2 et 5, tel que l'Autorité les a déterminés, et, d'autre part, soutiennent que les éléments pertinents d'individualisation de ces sanctions n'ont pas été pris en compte.

A. Sur le prononcé de sanctions distinctes au titre des griefs n° 2 et 5

139. Les sociétés Ravate soutiennent que l'Autorité a commis une " erreur manifeste " en leur infligeant, au titre du grief n° 5, une sanction distincte de celle qu'elle leur a infligée au titre du grief n° 2. Elles rappellent, en effet, qu'il ressort de sa pratique décisionnelle que l'Autorité prononce " fréquemment " une sanction unique pour des griefs différents, lorsque ceux-ci ont pour même objet de verrouiller les marchés et d'évincer les concurrents. Elles font valoir que tel est le cas en l'espèce, puisqu'il leur est reproché, dans le cadre du grief n° 2 comme dans celui du grief n° 5, d'avoir mis en œuvre une stratégie tendant à verrouiller les marchés amont et de la transformation, pour le premier, de la transformation et aval pour le second. Elles ajoutent que la période visée par le grief n° 5 englobe celle visée par le grief n° 2 et que les modalités de mise en œuvre des pratiques ne sont pas différentes.

140. La cour rappelle, d'une part, que, s'il est loisible à l'Autorité de prononcer une seule sanction pour des griefs distincts, elle n'y est nullement tenue.

141. Elle observe, d'autre part, qu'en l'espèce, les marchés visés par les griefs n° 2 et 5, tels que précisément définis dans la décision attaquée, ne sont pas identiques, puisque le grief n° 2 visait une répartition du marché de la transformation des treillis soudés et le grief n° 5 visait une restriction de l'accès des négociants alternatifs au marché de la revente de treillis soudés, circonstance suffisant à expliquer le choix de l'Autorité d'appliquer deux sanctions distinctes.

142. Le moyen des sociétés Ravate sera donc rejeté.

B. Sur les montants de base des sanctions

1. Sur le montant de base des sanctions prononcées au titre du grief n° 2

143. En ce qui concerne l'assiette du montant de base des sanctions prononcées au titre des griefs n° 2 et 4, l'Autorité a distingué les entreprises visées par le seul grief n° 2 et celles visées par le grief n° 2 et le grief n° 4. Pour les premières, telles les sociétés Ravate et Sermétal, elle a retenu le chiffre d'affaires généré par la vente de treillis soudés à la Réunion ; pour les secondes, elle a également pris en compte le chiffre d'affaires généré par la vente d'armatures métalliques à la Réunion.

144. En ce qui concerne, en revanche, la proportion de la valeur des ventes à retenir afin de déterminer le montant de base, l'Autorité a examiné ensemble les griefs n° 2 et 4 pour en apprécier la gravité et l'importance du dommage à l'économie en résultant. Elle en a déduit une même proportion de 14 % pour les entreprises visées par le seul grief n° 2 et pour celles visées par le grief n° 2 et le grief n° 4.

a. Sur l'assiette du montant de base

145. La société Sermétal rappelle que le point 39 du communiqué sanctions prévoit que la méthode de calcul du montant de base à partir de la valeur des ventes peut être adaptée lorsqu'elle aboutirait " à un résultat ne reflétant manifestement pas de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction ". Elle fait valoir que, si, comme l'Autorité l'a indiqué au paragraphe 432 de la décision attaquée, la valeur des ventes est généralement " une référence appropriée et objective permettant de proportionner l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction ", elle n'est un paramètre approprié et objectif que si des ventes en lien avec l'infraction sont intervenues. Or, elle souligne qu'en l'espèce, l'Autorité a reconnu dans la décision attaquée qu'aucune vente de treillis soudés n'était intervenue entre la société Arma Sud et elle-même durant la période 2006-2010.

146. Elle ajoute que l'Autorité s'est, à tort, référée à l'exercice comptable 2007, alors qu'elle avait connaissance de ce que son chiffre d'affaires était, au jour de la décision attaquée, trois fois moindre.

147. Il est constant qu'aucune vente de treillis soudés n'est intervenue entre les sociétés Arma Sud et Sermétal durant la période 2006-2010, comme l'Autorité l'a expressément souligné dans la décision attaquée (§ 82). Ce constat est, au demeurant, cohérent avec le fait que, alors qu'un accord de sous-traitance portant sur les armatures métalliques avait été conclu le 27 mai 2006, les négociations engagées en vue de la conclusion d'un autre accord de sous-traitance portant sur les treillis soudés n'ont pas abouti. Cependant, c'est à tort que la société Sermétal en tire la conclusion que la valeur des ventes de treillis soudés ne peut servir d'assiette au montant de base de la sanction. En effet, la valeur des ventes, utilisée comme une référence objective et appropriée doit s'entendre, non pas des seules ventes affectées par l'infraction, lesquelles peuvent, en revanche, relever d'un examen des effets des pratiques en cause, mais des ventes réalisées sur le marché affecté par cette infraction, afin, comme le prévoit le communiqué sanctions, de refléter l'ampleur économique de l'infraction, mais aussi le poids relatif de l'entreprise sur le secteur ou le marché concerné.

C'est donc à juste titre que l'Autorité, pour le calcul du montant de base de la sanction de la société Sermétal, comme pour celle des autres participants au grief n° 2, a retenu le chiffre d'affaires généré par la vente de treillis soudés à la Réunion.

148. S'agissant, enfin, de l'exercice comptable à prendre en considération, l'Autorité a, conformément au point 33 du communiqué sanctions, retenu le dernier exercice complet de participation à l'infraction. La circonstance que, comme la société Sermétal le fait valoir, le chiffre d'affaires de cette société aurait baissé, pour se trouver, au jour de la décision attaquée, à un niveau très inférieur, relève, le cas échéant, d'une prise en compte, au stade de l'individualisation de la sanction, de sa capacité contributive.

b. Sur la proportion de la valeur des ventes

149. L'Autorité a considéré que les pratiques visées par les griefs n° 2 et 4 étaient d'une particulière gravité, en tant qu'elles constituaient des ententes horizontales faisant obstacle à la liberté d'entreprendre des entreprises et aux règles de concurrence en procédant à une répartition artificielle des marchés, et que cette gravité était accrue par la volonté affichée des mises en cause de maintenir en l'état la structure de la concurrence et par la circonstance que les produits concernés étant utilisés, notamment, dans le cadre de marchés publics, ces pratiques avaient pu avoir un impact négatif sur le bon usage des deniers publics (décision attaquée, § 442 et s.). Elle a, par ailleurs, au vu de l'ampleur des infractions, des caractéristiques économiques des activités et des conséquences conjoncturelles et structurelles des pratiques visées par les griefs n° 2 et 4, estimé que le dommage à l'économie en résultant était d'une importance certaine mais limitée (décision attaquée, § 452 et s.). Compte tenu de ces éléments, elle a, pour déterminer le montant de base, fixé à 14 % la proportion de la valeur des ventes retenue comme assiette des sanctions.

150. Les sociétés Ravate soutiennent que l'Autorité ne pouvait pas, comme elle l'a fait, apprécier d'une façon identique, par une seule et même analyse, la gravité des faits relevant des griefs n° 2 et 4 et le dommage à l'économie en résultant et, en conséquence, retenir une même proportion de la valeur des ventes, qu'elle a fixée à 14 %. Elles font valoir, en effet, que les pratiques relevant de ces deux griefs sont différentes quant à leur durée et aux marchés qu'elles ont affectés, et que les premières, à l'inverse des secondes, n'ont pas eu d'impact sur le chantier de la construction de la route des Tamarins, de sorte que leurs conséquences conjoncturelles et structurelles sont distinctes. Elles ajoutent qu'elles-mêmes n'ayant participé qu'au grief n° 2, cette manière de faire les défavorise par rapport aux entreprises qui ont participé aux deux griefs. Elles considèrent que, dans ces conditions, la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste et d'une contradiction de motifs et qu'elle emporte des conséquences disproportionnées. Elles demandent donc à la cour de fixer la proportion de la valeur des ventes servant d'assiette à la sanction à un niveau " nettement inférieur " à 14 %.

151. La société Sermétal reproche également à l'Autorité d'avoir retenu la même proportion de la valeur des ventes - 14 % - pour les entreprises qui ont participé aux griefs n° 2 et 4 et pour celles qui, comme elle-même, n'ont participé qu'au grief n° 2. Elle fait valoir que ces deux griefs ne présentent pas le même degré de gravité, que le dommage à l'économie en résultant n'est pas le même, puisque les pratiques qui lui sont reprochées n'affectent, par définition, qu'un seul marché, alors que celles reprochées aux entreprises ayant participé aux deux griefs ont affecté deux marchés et, enfin, que les durées de participation à chacun de ces griefs sont différentes. Elle demande donc à la cour de réformer la décision attaquée, et précise que le pourcentage retenu pour le grief n° 2 devrait être " deux à trois fois plus faible " que celui retenu pour le grief n° 4.

152. Le ministre chargé de l'Économie considère que, si la méthode consistant à prononcer une sanction unique pour des griefs différents a été admise dans son principe par la jurisprudence, son application au cas d'espèce est, cependant, discutable. Il souligne, en effet, que les pratiques visées s'inscrivent dans un même contexte - lié à la menace que représentait, pour les sociétés Sermétal et Réunion Armatures, la société Arma Sud nouvellement créée - et qu'elles poursuivent le même objectif de répartition des marchés sur l'île de la Réunion, mais qu'elles ont été mises en œuvre sur des durées différentes, n'ont pas porté sur les mêmes produits et n'ont pas mis en cause les mêmes entreprises.

Ainsi, s'agissant des produits - treillis soudés, pour le grief n° 2, et armatures métalliques, pour le grief n° 4 -, le ministre rappelle que l'Autorité a relevé dans la décision attaquée qu'ils " correspondent à des usages différents et pourraient constituer des marchés distincts " (décision attaquée, § 179) et il fait valoir, en particulier, qu'un " doute raisonnable " subsiste en ce qui concerne l'impact du grief n° 2 sur le chantier de construction de la route des Tamarins. Il considère que les pratiques relevant du grief n° 2 et portant sur les treillis soudés ont eu des conséquences conjoncturelles et structurelles limitées, non comparables à celles résultant des pratiques relevant du grief n° 4 portant sur les armatures métalliques. Il conclut que ces considérations pourraient justifier une diminution du montant des sanctions infligées au titre du grief n° 2 et il invite la cour à les prendre en compte.

153. L'Autorité justifie la méthode qu'elle a employée en soulignant que les infractions poursuivies au titre, respectivement, du grief n° 2 et du grief n° 4 présentaient de fortes similarités et ont été mises en œuvre dans le cadre des mêmes réunions et contacts et qu'elles visaient, de manière commune, à contrôler les conséquences de l'arrivée de la société Arma Sud, en tant qu'opérateur de production de produits finis armaturiers, à côté des sociétés Sermétal et Réunion Armatures. Elle en conclut qu'il était, dès lors, cohérent d'analyser les déterminants de la sanction de manière conjointe pour ces deux griefs. Elle soutient, par ailleurs, qu'elle a déterminé de manière individualisée l'étendue de la participation de chaque entreprise, en rappelant que les sociétés Ravate et Sermétal n'ont été condamnées que pour la durée exacte du grief n° 2 et que la valeur des ventes retenue pour le calcul de la sanction qui leur a été infligée ne concernait que les ventes de treillis soudés, et non celles d'armatures métalliques, à l'inverse de la valeur des ventes retenue pour le calcul de la sanction infligée à la société Arma Sud pour les deux griefs.

154. S'agissant de la gravité des pratiques, l'Autorité rappelle qu'il convient, conformément à son communiqué sanctions, de l'analyser en fonction de la nature et des caractéristiques objectives de l'infraction, son impact sur les marchés affectés étant analysé au stade du dommage à l'économie. Elle observe qu'en l'espèce, dès lors que les pratiques visées par les griefs n° 2 et 4 consistaient en une répartition de marchés au stade de la transformation, étaient intervenues lors des mêmes contacts et présentaient les mêmes caractéristiques objectives, il y avait lieu d'analyser leur gravité ensemble et d'en conclure que chacune de ces deux infractions devait être considérée comme particulièrement grave, sans qu'il ait résulté de cette méthode d'analyse conjointe aucune augmentation de la responsabilité des sociétés Ravate et Sermétal.

155. S'agissant du dommage à l'économie, l'Autorité relève, au titre de l'ampleur de l'infraction, que, si le nombre de marchés affectés par le grief n° 2, un seul, est moindre que celui des marchés affectés par le grief n° 4, deux, l'entente visée par le premier de ces griefs regroupait effectivement les deux seuls producteurs, actuels ou potentiels, de treillis soudés de la Réunion et que la production n'était concurrencée que marginalement par les importations directes de treillis. Elle en conclut que la part de marché cumulée des entreprises visées par le grief n° 2 sur le marché de l'importation et de la transformation de treillis soudés était très importante.

156. La cour rappelle qu'il est loisible à l'Autorité de considérer que les circonstances de l'espèce lui permettent de prononcer une seule sanction au titre de plusieurs griefs et, en conséquence, de procéder à une seule et même analyse de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, dès lors qu'il n'en résulte pas d'atteinte au principe de proportionnalité énoncé à l'article L. 464-2 du Code de commerce.

157. Au cas particulier, c'est à juste titre que l'Autorité a relevé que, par leur nature, tant les pratiques relevant du grief n° 2 que celles relevant du grief n° 4 constituaient des ententes horizontales faisant obstacle à la liberté d'entreprendre des entreprises et aux règles de la concurrence, en procédant à une répartition artificielle des marchés, de telles ententes étant traditionnellement considérées comme d'une " particulière gravité ", et que cette gravité était accrue par la " volonté affichée des mises en cause de maintenir en l'état la structure de la concurrence " sur les marchés du treillis soudé et des armatures métalliques (décision attaquée, § 443 et 444).

158. De même, c'est en tenant compte des particularités des différents marchés en cause que, fût-ce par une même analyse, l'Autorité a correctement apprécié, au regard des éléments du dossier, l'existence et l'importance du dommage à l'économie résultant des pratiques qui sont l'objet des griefs n° 2 et 4, en s'attachant à examiner, comme le prévoit son communiqué sanctions, l'ampleur des infractions, les caractéristiques économiques des activités en cause et les conséquences conjoncturelles et structurelles de ces pratiques.

159. C'est ainsi, s'agissant en premier lieu de l'ampleur des infractions, que l'Autorité a relevé que les pratiques visées par le grief n° 2 comme celles visées par le grief n° 4 avaient affecté, les unes, le secteur des treillis soudés, les autres, celui des armatures métalliques, sur tout le territoire de la Réunion et avaient donc couvert l'ensemble du marché géographique pertinent. En ce qui concerne, par ailleurs, les marchés de produits, sans doute, comme le soulignent les requérantes, les pratiques relevant du grief n° 2 et celles relevant du grief n° 4 n'ont-elles pas affecté le même nombre de marchés, les premières affectant le marché amont de l'importation ou de la transformation de treillis soudés et les secondes affectant, d'une part, le marché amont de l'importation ou de la transformation d'armatures métalliques et, d'autre part, le marché aval du négoce et de la revente de ces mêmes produits ; mais il est établi par la décision attaquée que la part de marché cumulée des entreprises visées par le grief n° 2 sur le marché correspondant était très importante - la société Sermétal, seule entreprise de la Réunion en capacité de transformer sur place des treillis soudés à partir de bobines de fil machine, occupant une position prééminente sur ce marché, jusqu'à l'arrivée fin 2007 de la société Arma Sud, qui n'a conquis des parts de marché significatives qu'à partir de 2008 -, comme l'était également la part de marché cumulée des entreprises ayant pris part aux pratiques visées par le grief n° 4 sur les marchés amont et aval des armatures métalliques.

160. S'agissant, en deuxième lieu, des caractéristiques économiques des activités en cause, il est établi par la décision attaquée que les marchés amont couverts par les griefs n° 2 et 4 présentent les mêmes barrières à l'entrée, lesquelles tiennent aux contraintes propres aux importations à la Réunion et relatives à l'étroitesse géographique des marchés et aux coûts, fiscaux et de transport, pesant sur l'importation de produits finis. En outre, l'Autorité a relevé (décision attaquée, § 462) que la demande réunionnaise de treillis soudés et d'armatures métalliques était limitée, à l'exception de pics ponctuels résultant de la mise en chantier d'infrastructures, telle la construction de la route des Tamarins, ce qui réduisait les perspectives de développement d'éventuels nouveaux entrants. Enfin, elle a noté que les produits en cause, treillis soudés et armatures métalliques, étaient principalement destinés aux secteurs du bâtiment et des travaux publics, de sorte que, compte tenu de la faible part représentée par ces produits dans les coûts finaux, il était peu probable qu'une élévation de leur prix entraîne une diminution significative de la demande, d'autant qu'une grande partie de cette demande était constituée de commandes publiques obéissant à des impératifs de service public, et donc moins sensibles aux variations de prix que des entreprises privées cherchant à maximiser leur profit. L'Autorité en a justement déduit que l'élasticité-prix de la demande de treillis soudés, comme celle d'armatures métalliques, était faible.

161. S'agissant, en troisième lieu, des conséquences conjoncturelles et structurelles des infractions, il y a lieu, au préalable, d'observer que, si les marchés en cause sont d'inégale importance, d'une part, cette inégalité est prise en compte au titre de la valeur des ventes et, d'autre part, comme l'Autorité l'a souligné dans ses observations, la taille économique et géographique des marchés n'entre pas en ligne de compte dans l'appréciation du dommage à l'économie pour une infraction donnée, puisque des pratiques très localisées et portant sur un marché de faible taille peuvent avoir un impact significatif sur ce marché. En l'occurrence, il est avéré que tant les pratiques relevant du grief n° 2 que celles relevant du grief n° 4 ont retardé l'entrée de la société Arma Sud, et la pression sur les prix en résultant, sur, respectivement, le marché des treillis soudés et celui des armatures métalliques, ainsi qu'en atteste le fort développement de cette société à partir de la cessation de sa participation à ces pratiques.

162. Concernant, plus particulièrement, le fait que les pratiques incriminées ont coïncidé avec le chantier de la route des Tamarins, qui a entraîné une augmentation de la demande en armatures métalliques, et pas en treillis soudés, il a seulement à voir avec la taille des marchés visés respectivement par le grief n° 2 et par le grief n° 4 - laquelle, ainsi qu'il a été dit, est déjà prise en compte dans le calcul de la sanction, fondée sur la valeur des ventes affectées - et non avec les conséquences conjoncturelles et structurelles des infractions, qui s'apprécient dans le cadre de chaque marché concerné, indépendamment de sa taille. C'est ainsi qu'une pratique anticoncurrentielle peut ne causer qu'un faible dommage à l'économie sur un marché de très grande taille et, à l'inverse, qu'une pratique anticoncurrentielle peut causer un grand dommage à l'économie sur un marché de très petite taille.

163. Enfin, est sans pertinence l'argument selon lequel, la participation à deux griefs étant plus grave que la participation à un seul grief, il conviendrait, pour les entreprises ayant participé au seul grief n° 2, d'appliquer une réduction du pourcentage de la valeur des ventes affectées retenu pour le calcul de la sanction. En effet, la gravité intrinsèque du grief n° 2 et le dommage qu'il a causé à l'économie ne sont pas diminués par la circonstance que certaines des entreprises impliquées dans ce grief ont également participé au grief n° 4.

164. C'est donc à juste titre que l'Autorité a, au vu de ces éléments, fixé à 14 % la proportion de la valeur des ventes retenue comme assiette des sanctions infligées au titre du grief n° 2 comme au titre du grief n° 4.

c. Sur le coefficient de durée appliqué à la société Sermétal

165. Les griefs n° 2 et 4 n'ayant pas la même durée - le grief n° 2 courant du mois de juin 2006 au mois d'avril 2007 et le grief n° 4 courant du mois de mai 2006 au mois de juin 2008 -, l'Autorité a retenu, pour les entreprises visées par ces deux griefs, telle la société Arma Sud, la durée complète des pratiques visées par le grief n° 4, soit deux ans et un mois, ce qui l'a conduite à appliquer un coefficient de durée de 1,54.

166. La société Sermétal considère que, ce faisant, l'Autorité a fait abstraction de la durée de la participation de la société Arma Sud au grief n° 2 et qu'elle l'a ainsi fait bénéficier d'un " traitement de faveur ", contraire au principe selon lequel les entreprises placées dans des situations comparables ne doivent pas être traitées de manière différente. Elle demande, en conséquence, à la cour d'annuler la sanction qui lui a été infligée.

167. Mais l'Autorité ayant fait le choix d'infliger à la société Arma Sud une sanction unique pour les griefs n° 2 et 4, c'est à juste titre qu'elle a retenu, pour le calcul de cette sanction, la durée de sa participation au grief le plus long, soit le grief n° 4, étant rappelé qu'elle a, par ailleurs, pris en compte la valeur des ventes réalisées par cette société, tant sur le secteur des treillis soudés, visés par le grief n° 2, que sur le secteur des armatures métalliques, visé par le grief n° 4. Il n'en est donc résulté, contrairement à ce que prétend la société Sermétal, aucune atteinte au principe d'égalité de traitement.

168. Enfin, la société Sermétal demande subsidiairement à la cour, au cas où elle n'annulerait pas la sanction qui lui a été infligée, d'en réduire le montant. Elle soutient, en effet, que sa participation au grief n° 2 n'est établie que sur une durée de huit jours, comprise entre l'envoi du seul courrier de M. Cren rédigé sur un papier à en-tête de la société Sermétal, le 5 avril 2007, et la fin du grief.

169. Mais la cour ayant précédemment jugé que M. Cren avait, tout au long des pratiques visées par le grief n° 2, agi en qualité de représentant de la société Sermétal, la participation de cette société à ces pratiques est établie de juin 2006 à avril 2007, soit pour toute la durée du grief.

170. Le moyen de la requérante sera donc rejeté.

2. Sur le montant de base des sanctions prononcées au titre du grief n° 5

171. S'agissant du grief n° 5, l'Autorité a retenu, comme assiette de la sanction, le chiffre d'affaires annuel généré par la vente de treillis soudés à la Réunion durant le dernier exercice complet de participation aux pratiques en cause, auquel, compte tenu de l'évaluation qu'elle a faite de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, elle a appliqué une proportion de 16 %, contestée par les sociétés Ravate et Sermétal.

a. Sur l'assiette du montant de base

172. La société Sermétal soutient que les pratiques qui lui sont reprochées au titre du grief n° 5 ne se sont pas poursuivies après l'année 2009 et qu'en conséquence, l'Autorité ne pouvait pas, d'une part, calculer la valeur des ventes sur la base du chiffre d'affaires de l'année 2010 et, d'autre part, aurait dû appliquer un coefficient de durée de 2,7 et non de 3,37.

173. Mais il est établi, comme la cour l'a constaté ci-dessus, que, loin d'avoir pris fin en 2009, la participation de la société Sermétal aux pratiques en cause s'est poursuivie durant toute la durée du grief n° 5, soit de juin 2005 à mars 2011. C'est donc à juste titre que l'Autorité a, conformément au point 33 du communiqué sanctions, retenu l'exercice 2010, c'est-à-dire le dernier exercice comptable complet de participation au grief, comme exercice de référence pour le calcul de la valeur des ventes et, par ailleurs, a appliqué, comme elle l'a fait pour les autres entreprises mises en cause placées dans la même situation, un coefficient de durée de 3,37, calculé selon la méthode définie au point 42 de ce même communiqué.

b. Sur la proportion de la valeur des ventes

ð. Sur la gravité des faits

174. L'Autorité a apprécié la gravité des faits en examinant leur nature et leurs caractéristiques objectives. Quant à leur nature, elle a constaté que les pratiques en cause, consistant en une entente unique, complexe et continue entre concurrents destinée à empêcher les entreprises extérieures à l'entente de se développer sur le marché aval des treillis soudés, s'étaient substituées à la libre appréciation par chaque entreprise de sa stratégie commerciale et tarifaire et avaient concouru à faire obstacle à la liberté d'entreprendre des entreprises. Elle en a conclu qu'elles revêtaient une " particulière gravité ", dans la mesure où les entreprises concernées par ce grief s'étaient " entendues pour verrouiller l'ensemble de la chaîne économique du secteur du treillis soudé, de l'importation des produits à la revente sur le marché aval par les détaillants " (décision attaquée, § 501). S'agissant de leurs caractéristiques objectives, l'Autorité a relevé que les membres de l'entente avaient cherché à contrer les importations de treillis soudés " au travers d'un faisceau complet de comportements de blocage : refus de livraison, refus de chargement, prix discriminatoires et pressions auprès des transporteurs maritimes ", ce qui démontrait que les pratiques avaient revêtu " un haut degré de sophistication (...) de nature à renforcer un peu plus la gravité de l'infraction " (décision attaquée, § 504 et 505).

175. En ce qui concerne la nature des pratiques objet du grief n° 5, la société Sermétal souligne qu'elle était le seul producteur de treillis soudés de la Réunion et que les composantes de l'infraction qui lui est reprochée relèvent, le plus souvent, davantage de la tentative que de la commission d'une telle infraction.

176. Mais, d'une part, la situation de concurrence sur le marché amont de la production de treillis soudés n'est pas déterminante de la réalité d'une entente constatée sur le marché aval de la revente de ces produits, les pratiques reprochées ayant consisté à empêcher le développement de revendeurs alternatifs. D'autre part, il a été précédemment jugé par la cour que les agissements des entreprises mises en cause s'analysaient, non comme de simples tentatives, mais comme de véritables pratiques anticoncurrentielles.

177. Par ailleurs, la société Sermétal fait valoir que l'infraction se caractérise par l'hétérogénéité de ses composantes - quant à leur nature et leur durée - et l'intensité variable de la concertation menée, dans la mesure où l'entrée de la société Arma Sud sur le marché, la chute des prix de l'acier, l'augmentation des importations et le transfert par la société KDI Davum de son approvisionnement de la société Sermétal vers la société Arma Sud ont modifié les facteurs de la concurrence pour les années 2008 et 2009. Elle en déduit que l'Autorité aurait dû distinguer deux phases différentes de l'entente, en fonction desquelles elle aurait dû moduler son appréciation de la gravité.

178. Sans doute n'y a-t-il pas lieu d'exclure a priori que les pratiques en cause aient pu, tout au long de la durée du grief, varier en intensité, compte tenu, notamment, des changements intervenus dans le contexte économique et les conditions de la concurrence ; mais, comme l'Autorité le souligne dans ses observations, cette hypothèse relève d'un examen, non de la gravité de ces pratiques, mais de l'éventuel dommage à l'économie en résultant.

179. En ce qui concerne les caractéristiques objectives de l'infraction, les sociétés Ravate et Sermétal soutiennent qu'à l'inverse de ce qu'a jugé l'Autorité, les pratiques qui leur sont reprochées ne sont ni complexes ni sophistiquées. C'est ainsi que la société Sermétal fait valoir que ces pratiques révèlent, au contraire, un " désordre évident entre les comportements, attentes et intérêts de chaque participant aux pratiques, de même que dans l'application des termes de l'entente ".

180. Le ministre rappelle sur ce point que la sophistication d'une entente doit s'apprécier au regard de ses modalités de fonctionnement et il considère qu'en l'espèce, les pratiques en cause ont été mises en œuvre dans le cadre de simples réunions, échanges de courriels et conclusion de contrats, qu'elles ne comportent pas de mécanisme complexe d'organisation et qu'elles ne présentent donc pas un degré élevé de sophistication.

181. Sans doute, comme le soulignent les requérantes, l'entente qui leur est reprochée ne présentait-elle pas de caractère secret ni ne comportait de dispositif particulier de surveillance ou de sanction ; mais elle a consisté en la mise en œuvre vue du même objectif consistant à empêcher le développement des revendeurs de treillis soudés qui lui étaient extérieurs, de pratiques anticoncurrentielles multiples et diverses, tenant à l'établissement d'un système de différenciation tarifaire, à la mise en place de mesures de blocage des importations et, enfin, à la conclusion d'un accord d'exclusivité territoriale entre transporteurs, lui conférant le caractère de complexité relevé par l'Autorité. Cette entente, par ailleurs, n'a pas impliqué que les seules entreprises de la Réunion actives dans le secteur du treillis soudé et désireuses de se protéger de la concurrence des sociétés Mogamat et SMS puisque, afin de faire obstacle aux importations réalisées par ces dernières, lui ont été associées les entreprises du secteur du transport maritime.

182. Il résulte de ces constatations que, par leurs caractéristiques objectives, les pratiques en cause présentaient, comme l'Autorité l'a justement considéré, un degré de sophistication de nature à en renforcer la gravité.

ß. Sur le dommage à l'économie

183. L'Autorité a déterminé l'importance du dommage causé à l'économie en examinant l'ampleur de l'infraction, les caractéristiques économiques des activités en cause et les conséquences conjoncturelles et structurelles des infractions.

184. En ce qui concerne l'ampleur de l'infraction, elle a noté que les pratiques visées par le grief n° 5 avaient affecté les activités d'importation, de transformation et de revente de treillis soudés sur l'ensemble du territoire de la Réunion et avaient ainsi couvert tout le marché géographique pertinent.

185. Distinguant le marché amont de l'importation ou de la transformation de treillis soudés et le marché aval du négoce et de la revente de treillis soudés, elle a relevé qu'à partir de 2008, la concurrence exercée par la société Arma Sud sur le marché amont était de nature à permettre aux négociants-revendeurs de mieux concurrencer les sociétés KDI Davum et Ravate. Elle en a conclu que l'ampleur des pratiques, très importante avant l'entrée de la société Arma Sud sur le marché du treillis soudé, avait substantiellement diminué postérieurement à celle-ci, fin 2007.

186. En ce qui concerne les caractéristiques économiques des activités et les conséquences structurelles et conjoncturelles des infractions, l'Autorité a relevé que les barrières à l'entrée ainsi que la faible élasticité-prix de la demande avaient été de nature à renforcer l'impact des pratiques.

187. La société Sermétal soutient, en premier lieu, que l'Autorité a commis une erreur d'appréciation en ce qui concerne les marchés amont affectés par l'infraction. En effet, dans la mesure où cette infraction visait à restreindre les importations de treillis soudés, mais pas les importations de bobines nécessaires à leur fabrication, elle n'a pas affecté, selon la requérante, le marché de la transformation et de la fabrication de treillis soudés ; elle en conclut qu'il ne faut donc en apprécier l'ampleur que sur le seul marché de l'importation de treillis soudés, et non sur le marché de la transformation ou la fabrication de treillis soudés.

188. Mais il n'y a pas lieu, pour évaluer l'ampleur de l'infraction, de distinguer un marché amont de l'importation de treillis soudés et un autre marché amont de la transformation des treillis soudés, puisque le marché aval de la revente de treillis soudés dépend, en amont, d'un seul marché, décrit au paragraphe 180 de la décision attaquée, sur lequel se rencontrent l'offre de produits finis et la demande des négociants qui revendent ces produits finis à des artisans ou des entreprises de BTP et qui met en concurrence, pour l'offre de produits finis, les importateurs, d'une part, et les transformateurs, d'autre part.

189. En deuxième lieu, la société Sermétal souligne que l'Autorité a, dans l'analyse du grief n° 5, distingué deux périodes, séparées par l'entrée en 2008 de la société Arma Sud sur le marché du treillis soudé, mais elle lui reproche de ne pas en avoir tenu compte dans son appréciation du dommage à l'économie.

190. Cependant, les termes mêmes de la décision attaquée démentent cette allégation. En effet, l'Autorité a expressément rappelé que l'activité de la société Arma Sud avait, à partir de 2008, réduit la part de marché de la société Sermétal et l'a prise en considération, au titre de l'examen de l'ampleur de l'infraction et pour évaluer l'importance du dommage à l'économie en résultant, en ce qui concerne tant le marché amont de l'importation et de la transformation des treillis soudés que le marché aval du négoce et de la revente de treillis soudés. Elle a ainsi relevé, s'agissant du premier de ces marchés, qu'après 2008, le développement des activités de la société Arma Sud avait " considérablement réduit la part de marché de Sermétal " et des autres participants aux pratiques, laquelle était très importante avant 2008, de l'ordre de 90 % (décision attaquée, § 508 et 509). S'agissant du second de ces marchés, l'Autorité a fait le même constat et en a conclu que " l'ampleur des pratiques, très importante avant l'entrée d'Arma Sud sur le marché des treillis soudés, a[vait] substantiellement diminué postérieurement à celle-ci, fin 2007 " (décision attaquée, § 514).

191. En troisième lieu, la société Sermétal conteste l'analyse que l'Autorité a faite de l'existence de barrières à l'entrée, qu'elle a jugées " importantes " (décision attaquée, § 516), et de l'élasticité-prix de la demande de treillis soudés, qu'elle a considérée comme " faible " (décision attaquée, § 518).

192. Mais l'Autorité a justement relevé qu'il résultait, d'une part, de l'étroitesse géographique des marchés en cause, qui limite les perspectives de développement à long terme d'un entrant souhaitant transformer sur place des treillis soudés et des armatures métalliques à partir de bobines de fils machine, et, d'autre part, des coûts pesant sur l'importation de produits finis d'importantes barrières à l'entrée de nature à renforcer l'impact des pratiques, tout en soulignant, à nouveau, que la concurrence exercée par la société Arma Sud sur le marché avait pu remettre en cause l'efficacité de la concertation visée par le grief (décision attaquée, § 515 et 516). Elle a, par ailleurs, rappelé à juste titre que, pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, les treillis soudés représentent une faible part des coûts finaux et qu'il était donc peu probable qu'une élévation du prix des intrants se traduise par une diminution significative de leur demande, de sorte que la faible élasticité-prix avait pu amplifier les effets des pratiques (décision attaquée, § 517 et 518).

193. C'est donc par une juste appréciation des circonstances de l'espèce que l'Autorité a, pour déterminer le montant de base des sanctions pécuniaires infligées au titre du grief n° 5, retenu la proportion de 16 % de la valeur des ventes.

c. Sur le coefficient de durée appliqué à la société Sermétal

194. La société Sermétal fait valoir qu'elle a démontré qu'elle n'avait participé aux pratiques relevant du grief n° 5 que du 21 juillet au 18 août 2006 et qu'en conséquence, le montant de la sanction prononcée contre elle doit être ajustée à cette durée.

195. Mais la cour, qui a examiné ci-dessus la participation individuelle de la société Sermétal aux pratiques objet du grief n° 5, a constaté que cette société y avait pris part durant toute la durée de ce grief, de juin 2005 à mars 2011.

196. Le moyen de la requérante sera donc rejeté.

C. Sur l'individualisation des sanctions

1. Concernant les sociétés Ravate

197. L'Autorité a relevé que la société Ravate Professionnel, auteure des pratiques objet du grief n° 5, faisait partie du groupe Ravate qui disposait, comme d'ailleurs le groupe KDI, d'une taille et d'une puissance économique " significativement plus importantes que les autres auteurs de l'infraction " (décision attaquée, § 538). Elle a décidé, en conséquence, de majorer de 15 % le montant de la sanction qu'elle lui a infligée, au titre du grief n° 5, dont elle a ainsi fixé le montant à 1 632 000 euros.

198. Les sociétés Ravate contestent l'application de cette majoration, qu'elles jugent contraire aux principes posés par la jurisprudence, selon lesquels l'appartenance d'une entreprise à un groupe ne peut entraîner un relèvement automatique de la sanction. Elles font valoir, en effet, que l'Autorité n'a pas indiqué, dans la décision attaquée, les motifs justifiant, à ses yeux, que le montant de la sanction infligée à la société Ravate Professionnel soit majoré en raison de ce que celle-ci appartenait à un groupe de sociétés. Elles considèrent, par ailleurs, que l'Autorité a violé le principe d'égalité de traitement, puisque la société Ravate Professionnel, qui appartient à un groupe de taille intermédiaire et a réalisé en 2013 un chiffre d'affaires de 268 millions d'euros, a subi une majoration d'un niveau identique à celui subi par la société KDI Davum, qui appartient à un groupe de dimension internationale et a réalisé cette même année un chiffre d'affaires de 621 millions d'euros.

199. Le ministre chargé de l'Économie rappelle que, selon la jurisprudence, la sanction doit rester " nécessairement en lien avec la situation propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée " et il fait valoir qu'en conséquence, l'application, au titre de l'appartenance à un groupe, d'un taux de majoration identique pour deux entreprises se trouvant dans des conditions objectives différentes pourrait être contraire à ce principe de proportionnalité. Pour cette raison, il invite la cour à réviser à la baisse le taux de majoration de la sanction infligée aux sociétés Ravate.

200. La cour relève, en premier lieu, que l'Autorité a constaté que pendant toute la période des pratiques en cause, la société Ravate Professionnel était détenue à 100 % par la société Ravate Distribution, laquelle était détenue à 99 % par la société Ets IA Ravate, société faîtière du groupe Ravate, et qu'en conséquence, les sociétés Ravate Distribution et Ets IA Ravate étaient présumées exercer sur leur filiale Ravate Professionnel une influence déterminante, ce que les intéressés ne contestent pas. C'est donc à juste titre que l'Autorité a pris en considération l'appartenance de la société Ravate Professionnel, qui n'avait pas agi d'une manière autonome, au groupe Ravate pour déterminer le montant de la sanction qu'elle lui a infligée, solidairement avec les sociétés Ravate Distribution et Ets IA Ravate.

201. En second lieu, le constat, sur lequel l'Autorité s'est appuyée, selon lequel les groupes auxquels appartenaient les sociétés KDI Davum et Ravate Professionnel étaient d'une taille et d'une puissance économique très supérieures à celles des autres sociétés qui ont été sanctionnées avec elles au titre du grief n° 5 n'est pas discuté. L'Autorité a ainsi relevé, aux paragraphes 537 et suivants de la décision attaquée, que la société C. Steinweg Belgium NV, société mère de la société C. Steinweg, avait réalisé en 2013 un chiffre d'affaires d'environ 16 millions d'euros, soit environ 39 fois moins que le groupe KDI et environ 17 fois moins que le groupe Ravate. C'est donc à juste titre que, conformément au point 49 du communiqué sanctions, selon lequel la taille et les ressources de l'entreprise s'apprécient " notamment par rapport aux autres auteurs de l'infraction ", elle a décidé de majorer le montant des sanctions prononcées contre les sociétés KDI Davum et Ravate au titre du grief n° 5, alors qu'elle n'a pas appliqué de majoration aux sanctions prononcées contre les sociétés C. Steinweg et Sermétal et le GIE Mer Union.

202. Mais une semblable comparaison des groupes auxquels appartiennent les sociétés KDI Davum et Ravate révèle également de grandes différences en ce qui concerne leur taille et leur puissance économique, comme en attestent leur chiffre d'affaires mentionné plus haut, et le plafond légal de la sanction encourue, qui s'élève, pour le groupe KDI, à 738 800 000 euros et, pour le groupe Ravate, à 28 240 528 euros (décision attaquée, § 537, 538 et 545). Cette forte disparité commande, par application du principe de proportionnalité et conformément aux termes du communiqué sanctions, rappelés ci-dessus, de réformer sur ce point la décision attaquée et, l'Autorité ayant majoré de 15 % la sanction de la société KDI Davum, de réduire à 7 % le montant de la majoration de la sanction prononcée contre les sociétés Ravate. Cette sanction, dont le montant de base s'élève à 1 419 208 euros, sera en conséquence fixée par la cour à 1 518 000 euros.

2. Concernant la société Sermétal

203. La société Sermétal reproche à l'Autorité de ne pas avoir individualisé sa sanction au regard de la circonstance atténuante proposée en séance par les rapporteurs et du caractère mono-produit de son activité.

a. Sur la circonstance atténuante proposée par les rapporteurs

204. La société Sermétal rappelle que les rapporteurs ont, lors de la séance, proposé de retenir une circonstance atténuante au titre de la pression qu'elle aurait subie de la part des sociétés Ravate Professionnel et KDI Davum, mais que l'Autorité a, tacitement, refusé de lui en accorder le bénéfice. Elle demande à la cour de réformer sur ce point la décision attaquée et de minorer le montant des sanctions prononcées contre elle au titre des griefs n° 2 et 5.

205. Le ministre chargé de l'Économie souligne que, si les pressions exercées par une entreprise sur une autre ne peuvent exonérer celle-ci du grief de participation à une entente, elles peuvent toutefois être prises en considération dans la détermination du montant de la sanction. ll soutient, au cas d'espèce, que les éléments du dossier relatifs aux pressions exercées sur la société Sermétal pour qu'elle adopte une position ferme face aux agissements de la société Mogamat, pourraient justifier l'octroi d'une circonstance atténuante.

206. La cour rappelle, au préalable, que l'Autorité n'est nullement tenue par l'appréciation que les rapporteurs ont porté sur les faits objet des griefs qu'ils ont notifiés et sur les responsabilités respectives des entreprises qui y ont participé.

207. Elle observe, ensuite, que, s'il ressort effectivement du dossier que les sociétés KDI Davum et Ravate Professionnel ont souvent pris l'initiative des pratiques relevant des griefs n° 2 et 5, il n'est cependant pas établi que la société Sermétal n'y aurait pris part que sous la contrainte et par l'effet de pressions qui auraient été exercées contre elle.

208. C'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de cette circonstance dans la détermination du montant des sanctions prononcées contre la société Sermétal.

b. Sur le caractère d'entreprise monoproduit

209. Au vu des informations dont elle disposait, l'Autorité a évalué la part représentée par la valeur des ventes, retenue comme assiette du montant de base, dans le chiffre d'affaires total de la société Sermétal. Elle a alors constaté que cette société menait l'essentiel de son activité, à " plus de 75 % ", dans le secteur de la vente de treillis soudés et, en conséquence, elle lui a accordé une réduction de 60 % de la sanction pécuniaire infligée au titre du grief n° 2 comme au titre du grief n° 5 (décision attaquée, § 484 et 533).

210. La société Sermétal considère que le taux de cette réduction est insuffisant au regard de l'impact de la sanction, dont l'Autorité aurait fait une appréciation erronée. Elle soutient, en effet, que son activité est à plus de 99 % mono-produit, comme en témoignerait une attestation de son commissaire aux comptes qu'elle verse aux débats. Elle demande, en conséquence, à la cour de porter à " au moins 90 % " le montant de la réduction qui doit lui être accordée.

211. Le ministre chargé de l'Économie observe que le montant final des sanctions infligées à la société Sermétal s'élève, pour les griefs n° 2 et 5, à, respectivement, 3,21 % et 5,58 % de son chiffre d'affaires. Il souligne, à titre de comparaison, que les sanctions infligées aux sociétés Ravate représentent moins de 0,6 % de leur chiffre d'affaires. Il s'en remet à l'appréciation de la cour quant à l'octroi d'une réduction supplémentaire des sanctions au titre de l'activité mono-produit de la société Sermétal.

212. Il ressort de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Sermétal (Sermétal, pièce n° 46), que la part du chiffre d'affaires de cette société généré par la vente de treillis soudés s'élève, pour les années 2011 à 2015 à, respectivement, 93,82 %, 97,75 %, 90,56 %, 99,50 % et 99,90 % ; en revanche, elle s'élève pour l'année 2010, dernier exercice comptable complet de participation aux pratiques visées par les griefs, à 79,71 %, ce taux étant cohérent avec le taux de " plus de 75 % " relevé par l'Autorité.

213. En ce qui concerne la réduction accordée à hauteur de 60 %, les précédents tirés de la pratique décisionnelle de l'Autorité, que la requérante invoque, ne sont pas probants puisque, si, dans les deux affaires citées, les entreprises ont bénéficié de réductions de 70 % (décision n° 14-D-20 du 22 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du papier peint en France) et 90 % (décision n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des gadgets et articles de fantaisie), le caractère mono-produit de leur activité était d'un niveau supérieur à celui relevé en l'espèce et s'élevait, respectivement, à 94 et 82 % et 97 %.

214. Par ailleurs, et en toute hypothèse, en prévoyant, au point 48 de son communiqué sanctions, qu'elle " peut [l']adapter à la baisse " le montant de base lorsque l'entreprise sanctionnée mène l'essentiel de son activité dans le secteur ou le marché en relation avec l'infraction, l'Autorité n'a pas défini un statut uniforme de l'" entreprise mono-produit ", auquel serait attaché un barème fixe de réduction de la sanction, mais suppose, pour son application, une prise en compte des circonstances particulières de chaque affaire et une analyse spécifique des données propres de chaque infraction et de chaque entreprise, dans le respect du principe d'égalité.

215. Tel est bien le cas en l'espèce, le même taux de réduction, 60 %, ayant été accordé aux sociétés Sermétal et Arma Sud, dont le caractère mono-produit de l'activité s'établissait au même niveau.

D. Sur les ajustements finaux

1. Sur le respect du maximum légal de la sanction

216. La société Sermétal rappelle que les textes applicables avaient initialement fixé le montant maximum de la sanction pécuniaire encourue à 5 % du chiffre d'affaires réalisé en France par l'entreprise sanctionnée au cours du dernier exercice clos et que ce montant a été porté, par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques, à 10 % du chiffre d'affaires mondial le plus élevé réalisé par cette entreprise au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

217. Elle expose que cette modification législative a été adoptée afin de faire échec aux stratégies de certaines entreprises consistant à filialiser leur activité pour amoindrir artificiellement le chiffre d'affaires à prendre en compte pour le calcul du plafond de la sanction. Elle en conclut que ces dispositions, aujourd'hui codifiées à l'article L. 464-2 du Code de commerce, devraient faire l'objet d'une " application raisonnée et téléologique ", afin de respecter les principes de proportionnalité et d'individualisation de la sanction, et que l'Autorité ne devrait les prendre en compte que si " elle constate une stratégie d'éviction de la sanction par amoindrissement artificiel de son assiette ".

218. La requérante fait valoir que tel n'est pas le cas en l'espèce et que c'est donc à tort que l'Autorité a pris en considération son chiffre d'affaires 2007, dont le montant - 16 244 408 euros - représente deux fois et demi celui de 2014, d'un montant de 6 599 673 euros, et trois fois celui de 2015, d'un montant de 5 400 170 euros, de sorte que la sanction de 523 000 euros prononcée au titre du grief n° 2 représente 3,2 % de son chiffre d'affaires 2007, mais 10 % de son chiffre d'affaires 2015 et 11,75 % de son chiffre d'affaires 2016. Elle demande donc à la cour de constater qu'en retenant le chiffre d'affaires le plus élevé réalisé depuis le début de l'infraction, l'Autorité a fait une mauvaise appréciation du montant de la sanction, contraire aux principes de proportionnalité et d'individualisation de la sanction, et qu'il y a donc lieu de réformer la décision attaquée.

219. Il est avéré, comme en attestent les travaux parlementaires préparatoires à la loi du 15 mai 2001 précitée, rappelés par la société Sermétal, que la modification introduite par ce texte et inscrite à l'article L. 464-2 du Code de commerce, avait notamment pour objectif d'éviter que les entreprises, par des mesures de restructuration et de filialisation, ne diminuent artificiellement l'assiette de la sanction susceptible d'être prononcée contre elles. Mais ces mêmes travaux démontrent que la loi visait plus généralement à permettre au Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence, de prononcer des sanctions suffisamment dissuasives

220. Force est d'ailleurs de constater que la disposition précisant que le montant maximum de la sanction est de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre de caractère impératif et de portée générale, n'est assortie d'aucune exception, de sorte qu'on ne saurait, sans en dénaturer le sens, en limiter l'application à la seule hypothèse où l'entreprise en cause a artificiellement diminué l'assiette de la sanction qu'elle encourt. Dès lors, c'est à juste titre que l'Autorité, sans reprocher à la société Sermétal de s'être livrée à de tels agissements, a, conformément aux dispositions de l'article L. 464-2 précité, vérifié que la sanction prononcée contre cette société n'excédait pas le montant maximum prévu, en retenant son chiffre d'affaires de l'année 2007, lequel correspondait au chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre

2. Sur les difficultés financières de la société Sermétal

221. L'Autorité a considéré que la situation financière de la société Sermétal ne commandait pas de réduire le montant des sanctions prononcées contre elle, puisque l'examen des éléments financiers et comptables disponibles ne permettait pas d'établir l'existence de difficultés particulières et actuelles affectant la capacité de cette société à s'en acquitter.

222. Devant la cour, la société Sermétal souligne que le montant des deux sanctions prononcées contre elle représente, respectivement, 10 % et 17 % de son chiffre d'affaires 2015 et 29 % de son chiffre d'affaires 2016, proportion qu'elle juge " astronomique " et correspondant à des " niveaux létaux ". Elle rappelle que, sur le plan de ses obligations comptables, elle est une " petite entreprise " au sens de l'article L. 123-16 du Code de commerce, puisqu'elle ne dépasse pas deux des trois seuils fixés par ce texte ; qu'au mois de juin 2016, son chiffre d'affaires était en régression de 32 % par rapport à son chiffre d'affaires 2015 ; que ses achats de matières premières représentent, compte tenu de la récente augmentation de leurs prix, 76 % de son chiffre d'affaires et que son résultat, est devenu négatif en 2016. Elle ajoute que, depuis 2009, elle a dû procéder au licenciement des trois quarts de ses effectifs, soit 36 salariés, et que les perspectives d'évolution de son activité sont mauvaises, compte tenu du report de projets de construction par les collectivités locales et de la crise que traverse le secteur du bâtiment et des travaux publics à la Réunion. Elle demande donc à la cour de réduire le montant des sanctions prononcées contre elle. A l'appui de sa demande, la société Sermétal verse au dossier une note, en date de juin 2016, de son dirigeant actuel sur sa situation économique, assortie d'une attestation de son commissaire aux comptes, ainsi que son bilan et compte de résultat au 31 décembre 2016.

223. Dans ses observations devant la cour, l'Autorité rappelle d'abord qu'elle a pris en compte, conformément aux points 53 et 61 à 66 du communiqué sanctions, la situation de la société Sermétal, et qu'il ressortait des éléments alors à sa disposition que cette société était en mesure de payer les sanctions prononcées contre elle sans mettre en péril son activité.

224. Elle indique, ensuite, que les informations nouvelles portées par la société Sermétal à la connaissance de la cour ne sont pas suffisamment complètes et exhaustives pour apprécier la situation financière de cette société, dans la mesure où, en particulier, manquent le bilan et le compte de résultat pour l'année 2016 et l'état actuel de sa trésorerie disponible.

225. Le ministre chargé de l'Économie relève que la société Sermétal n'a pas communiqué, à l'appui de son recours, d'élément justifiant de ses derniers résultats et que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de réviser à la baisse le montant des sanctions pécuniaires prononcées eu égard aux capacités contributives de cette société.

226. Au préalable, la cour rappelle que la société Sermétal a déposé, le 22 février 2017, en même temps que l'exposé récapitulatif de ses moyens, son bilan et son compte de résultat arrêtés au 31 décembre 2016, ainsi qu'un détail de son chiffre d'affaires 2016, ces documents n'ayant, par définition, été disponibles qu'en cours d'instance (Sermétal, pièces n° 127 et 128).

227. Sur le fond de la demande de la société Sermétal, la cour constate que, comme celle-ci le souligne, la baisse sensible de son chiffre d'affaires, depuis la commission des faits, a accru le poids relatif des sanctions qui lui ont été infligées, lesquelles, à la date de la décision de l'Autorité, étaient inférieures au plafond légal de 10 % du chiffre d'affaires à prendre en compte conformément aux dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce, mais représentent 12 % et 20 % de son chiffre d'affaires 2016, soit ensemble 32 %.

228. Mais la cour observe que le paiement des sanctions susceptibles d'être prononcées par l'Autorité avait donné lieu à une provision dans les comptes 2015 de la société Sermétal, le résultat courant avant impôts ayant été bénéficiaire pour 657 458 euros tandis que le résultat de l'exercice était quant à lui déficitaire à hauteur de 162 450 euros. Or, les fonds propres sont restés largement positifs et stables à hauteur d'environ 5 millions d'euros, soit le double du capital social, ce qui est signe de bonne santé financière ; de surcroît, l'endettement apparaît modéré au regard de ces fonds propres, puisque les dettes financières s'élèvent à 488 313 euros pour l'année 2016. En outre, les sanctions ayant été provisionnées, leur poids ne pèsera pas sur les exercices à venir, de sorte que la chute du chiffre d'affaires n'entamera pas la capacité contributive au regard du paiement des sanctions.

229. Par ailleurs, la capacité contributive de la société ne s'apprécie pas uniquement au regard des résultats, de la capacité de la société à produire de la valeur, mais également au regard de son patrimoine, plus spécifiquement de ses actifs, ce nonobstant leur origine.

230. Or, la cour constate que les comptes sociaux de 2016 font apparaître, non seulement des disponibilités de plus de deux millions d'euros, largement supérieures à l'insuffisance de trésorerie alléguée par la requérante, mais également des valeurs mobilières de placement pour près d'un million et demi d'euros peuvent être mobilisées pour le paiement des sanctions prononcées. L'ensemble des fonds mobilisables à l'actif de la société apparaît donc suffisant pour financer les investissements évoqués par la requérante, son fonds de roulement, même augmenté au regard de la hausse des matières premières, et le paiement des sanctions prononcées, ce d'autant plus que les investissements peuvent être financés par de l'endettement, celui-ci étant pour le moment limité au regard des fonds propres de la société.

231. Dès lors, si elle connaît des difficultés du fait de la baisse de son chiffre d'affaires, sa capacité contributive n'est néanmoins pas atteinte au vu de son patrimoine, suffisant pour amortir ces difficultés, payer la sanction, effectuer les investissements invoqués et maintenir son fonds de roulement.

232. Il s'ensuit, au vu de ces éléments, que la société Sermétal ne démontre pas que sa situation financière justifie de diminuer le montant de la sanction qui lui a été infligée.

IV. SUR LA PUBLICATION DU COMMUNIQUÉ DE PRESSE

233. Les requérantes rappellent qu'aucun des griefs pour lesquels elles ont été condamnées ne portait sur le secteur des armatures métalliques ni ne concernait le chantier de construction de la route des Tamarins. Elles soutiennent que, néanmoins, tant le communiqué que l'Autorité a publié sur son site internet à la suite de la décision attaquée que le résumé de cette décision dont elle a ordonné la publication, établissent un lien erroné entre ce chantier et les pratiques qui leur sont imputées et qu'il résulte de cet amalgame un préjudice quant à leur image et leur réputation auprès des entreprises locales. Elles demandent en conséquence à la cour de réparer cette erreur de fait en annulant l'injonction de publication ou, à tout le moins, en enjoignant à l'Autorité de supprimer le passage litigieux, ainsi qu'en ordonnant, sous astreinte, à l'Autorité de publier sur son site internet et dans la presse locale un communiqué rectificatif.

234. Le communiqué dont l'Autorité a ordonné la publication est ainsi rédigé (décision attaquée, § 561) :

" Le 12 mai 2016, l'Autorité de la concurrence a rendu une décision par laquelle elle sanctionne, pour un montant total de 5 021 000 euros, trois ententes intervenues dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés à la Réunion. Une première entente s'est déroulée du mois de juin 2006 au mois d'avril 2007. Elle consistait en une répartition des marchés de la production des treillis soudés à la Réunion, dans le contexte de l'arrivée sur le marché de l'entreprise Arma Sud Réunion. Ont participé aux pratiques les entreprises Arma Sud Réunion, Ravate Professionnel, Réunion Armatures et Sermétal Réunion.

Une deuxième entente s'est déroulée du mois de mai 2006 au mois de juin 2008. Elle consistait en une répartition des marchés de la production des armatures métalliques à la Réunion, dans le contexte de l'arrivée sur le marché de l'entreprise Arma Sud. Ont participé aux pratiques les entreprises Arma Sud Réunion et Réunion Armatures.

Une troisième entente s'est déroulée du mois de juin 2005 au mois de mars 2011. Il s'agissait d'une infraction unique, complexe et continue sur les marchés de l'importation, du négoce et de la revente des treillis soudés, par laquelle les participants ont tenté de limiter le développement des revendeurs/négociants alternatifs, notamment au travers de comportements de discrimination tarifaire et de blocage des importations de produits finis.

Ont participé aux pratiques les entreprises C. Steinweg, KDI Davum, Organitrans - Organisation Européenne de Transport Internationaux, Mer Union N.V., Ravate Professionnel et Sermétal Réunion.

Ces infractions au droit de la concurrence, dont l'objet était de répartir les marchés sur l'île de la Réunion et d'empêcher le développement de nouveaux acteurs, sont particulièrement graves. En outre, ces comportements sont intervenus dans un contexte économique spécifique, marqué par le caractère insulaire de l'économie réunionnaise, et ont affecté l'ensemble des activités de travaux publics à la Réunion, notamment le très important chantier de la route des Tamarins. Ils ont donc causé un dommage certain à l'économie de l'île.

Le texte intégral de la décision de l'Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr "

235. Il en ressort que l'Autorité a d'abord présenté les pratiques qu'elle a sanctionnées, en précisant, pour chacune d'entre elles, le secteur sur lequel elles portaient, armatures métalliques ou treillis soudés, et en désignant nommément les entreprises en cause, de sorte que le lecteur ne peut, en aucune façon, en conclure que les sociétés Ravate et Sermétal auraient participé à l'entente relative aux armatures métalliques.

236. L'Autorité a ensuite évoqué le " très important chantier de la route des Tamarins ", non pour suggérer que les agissements des requérantes l'auraient directement impacté, mais en tant qu'il relève de " l'ensemble des activités de travaux publics à la Réunion ", ce qui ne peut être contesté et sans qu'on puisse en déduire qu'elle aurait procédé à un amalgame préjudiciable.

237. La demande des requérantes sera donc rejetée.

V. SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

238. Il n'y a pas lieu de prononcer des condamnations en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

239. Les requérantes, y compris les sociétés Ravate, qui succombent en l'essentiel de leur recours, seront condamnées aux dépens.

Par ces motifs, rejette le moyen d'annulation de la décision de l'Autorité de la concurrence n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l'île de la Réunion, pris de la violation des principes d'égalité des armes et du contradictoire ; rejette tous autres moyens d'annulation de la décision n° 16-D-09 ; réforme l'article 9 de la décision n° 16-D-09, mais seulement en ce qu'il a infligé à la société Ravate Professionnel, solidairement avec les sociétés Ravate Distribution et Ets IA Ravate, une sanction de 1 632 000 euros au titre des pratiques visées à l'article 3 de cette décision ; Statuant à nouveau, inflige au titre des pratiques visées à l'article 3 de la décision n° 16-D-09 une sanction pécuniaire de 1 518 000 euros à la société Ravate Professionnel, solidairement avec les sociétés Ravate Distribution et Ets IA Ravate ; rappelle que les sommes payées excédant ce montant devront être remboursées aux sociétés concernées, outre les intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt et, s'il y a lieu, capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil ; rejette tous autres moyens de réformation de la décision n° 16-D-09 ;rejette les demandes de condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne les sociétés Sermétal Réunion, Ravate Professionnel, Ravate Distribution et Ets IA Ravate aux dépens.