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Décisions

Cass. com., 5 avril 2018, n° 15-23.976

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Baumhueter France (SARL)

Défendeur :

Aria (SARL) , Net bati (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocats :

SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer, SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre

T. com. Bordeaux, du 7 déc. 2012

7 décembre 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mai 2015), que la société Harex Fibracier industrie (la société HFI), importateur en France de fibres polypropylènes, fabriquées par les sociétés du groupe Baumhueter, a conclu en 1993 et 1996, respectivement avec les sociétés Net bati et Aria, un contrat de distribution exclusive limitée à certaines zones géographiques, renouvelable par tacite reconduction et résiliable par chacune des parties ; que, le 21 février 2003, la société HFI a informé la société Net bati de la cession, à la société de droit allemand FIBCO GmbH (la société FIBCO), de son activité de négoce de fibres polypropylènes, dont la gestion serait assurée par la société Eurofibres en cours de formation, filiale de la société FIBCO, et de l'engagement de cette dernière, au nom et pour le compte de la société Eurofibres, à poursuivre le contrat sans aucune modification ; que le 9 avril 2010, la société Baumhueter France (la société Baumhueter), exerçant son activité sous le nom commercial Eurofibres, a informé les sociétés Net bati et Aria qu'elle envisageait la commercialisation de ses produits dans le secteur du sud-ouest par ses propres agents commerciaux à partir du deuxième trimestre 2010, leur réservant toutefois la possibilité de s'approvisionner en direct ; qu'invoquant une rupture brutale de leurs relations commerciales, les sociétés Net bati et Aria ont assigné la société Baumhueter en réparation de leurs préjudices sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Baumhueter fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes des sociétés Net bati et Aria alors, selon le moyen : 1°) qu'une relation commerciale établie s'entend d'échanges commerciaux conclus directement entre les parties ; que dans ses conclusions d'appel, la société Baumhueter soutenait que les sociétés Net bati et Aria se fournissaient auprès de la société Baumhueter Extrusion et fournissait à l'appui de cette allégation un certain nombre de factures et bons de livraison ; qu'en ignorant ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que la charge de la preuve de l'existence d'une relation commerciale établie pèse sur le demandeur à l'indemnisation fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; que la société Baumhueter soulignait que plus aucune relation n'existait entre la société Net bati et le groupe Baumhueter depuis 2008 ; qu'en écartant ce moyen au motif que la société Baumhueter n'apporterait pas la preuve de cette allégation, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté, au vu de l'examen des statuts de la société Eurofibres, que l'activité de négoce des fibres polypropylènes cédée par la société FIBCO avait été reprise par la société Baumhueter exerçant sous le nom commercial Eurofibres, l'arrêt relève que dans ses lettres des 29 juin 2007 et 3 mars 2008, adressées aux sociétés Net bati et Aria, la société Baumhueter se référait au contrat conclu entre les parties en 1993 et à l'attribution d'un secteur géographique ; qu'il relève encore que la lettre du 9 avril 2010 établit qu'elle considérait que la société Aria distribuait, depuis 1996, les produits Eurofibres ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir l'existence d'échanges commerciaux directs entre les sociétés Net bati et Aria, d'un côté, et la société Baumhueter, de l'autre, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument omises ;

Et attendu, d'autre part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que l'arrêt, ayant constaté que la société Baumhueter avait informé la société Net bati le 9 avril 2010 de son intention de commercialiser directement ses produits à compter du deuxième trimestre 2010, a retenu que la relation commerciale entre ces deux sociétés n'avait pas cessé en 2008 ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Baumhueter fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a rompu de façon brutale les relations commerciales avec les sociétés Net bati et Aria et de la condamner au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) qu'il est permis aux parties à une relation commerciale établie de déterminer les modalités de sa rupture ; que la société Baumhueter soutenait que le courrier du 9 avril 2010 n'exprimait qu'une intention de mettre fin à l'exclusivité dont se prévalaient les sociétés Net bati et Aria ; que l'arrêt relève que, par ce courrier, il leur était proposé de rompre partiellement les relations commerciales soit de mettre un terme à ces relations par un rachat de portefeuille de clients, que deux dates de préavis étaient envisagées et qu'il était laissé place à une discussion sur l'option proposée ; qu'en considérant que ce courrier devait être regardé comme rompant la relation commerciale établie et fixant un délai de préavis imprécis courant à compter de cette annonce, quand il résultait de ses propres constatations que la société Baumhueter se limitait à proposer aux sociétés Net bati et Aria de s'entendre sur les modalités de rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ensemble l'article 1134 du Code civil ; 2°) que pour apprécier la durée minimale du préavis mettant fin à une relation commerciale établie, il doit être tenu compte du préavis réellement effectué ; que la société Baumhueter soutenait qu'il résultait de son courrier du 29 septembre 2010 qu'elle avait régulièrement mis fin à ses relations avec les sociétés Net bati et Aria au 31 mars 2011 et que ce n'est qu'en août et novembre suivant qu'elle avait mis en place ses agents commerciaux ; qu'en considérant que le délai de résiliation au 31 mars 2011 adressé par courrier du 29 septembre 2010 ne pouvait pas être pris en considération et qu'il n'y avait lieu que de tenir compte du préavis initial de 3 mois adressé par courrier du 9 avril 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 3°) qu'en cas de violation de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture de la relation commerciale reconnue comme établie ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la relation commerciale rompue procède de la fin de l'exclusivité de distribution des produits Baumhueter dont auraient bénéficié les sociétés Net bati et Aria sur une zone géographique déterminée ; que la société Baumhueter rappelait que ces sociétés avaient toujours la possibilité de se fournir en fibres Baumhueter aux conditions antérieures ; qu'en accordant une indemnité en considération de la perte de marge brute des sociétés Net bati et Aria générée par la distribution des produits Baumhueter, et non de celle résultant de l'exclusivité qui leur était accordée, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que par sa lettre du 9 avril 2010, la société Baumhueter avait informé les sociétés Net bati et Aria de sa volonté de mettre fin à leurs relations commerciales par une rupture, soit partielle, en devenant ses clients, soit totale, en rachetant leur portefeuille client, qu'elle avait fixé à une date approximative le préavis et ouvert une discussion sur l'option proposée, et relevé que la lettre du 29 septembre 2010, postérieure à la notification de la rupture et à l'assignation, ne pouvait être prise en compte pour déterminer le point de départ du préavis, la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis, a pu en déduire que la société Baumhueter avait rompu la relation commerciale le 9 avril 2010 ;

Et attendu, en second lieu, que sous le couvert d'un grief infondé de violation de la loi, le moyen, en sa troisième branche, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, de l'étendue du préjudice ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.