Cass. com., 5 avril 2018, n° 16-28.116
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
AEBI & Co AG (Sté)
Défendeur :
Alliance MJ (ès qual.) , Paget France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juin 2016), que, pendant de très nombreuses années, la société AEBI & Co AG (la société AEBI) a confié à la société Paget France (la société Paget) la distribution de son matériel, dans le cadre d'un contrat de distribution annuel, qui s'est renouvelé automatiquement jusqu'en 2011 ; que, le 14 novembre 2011, la société AEBI lui a notifié sa décision de résilier le contrat, avec un préavis de trente jours ; qu'après sa mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société Paget et ses administrateur et mandataire judiciaires ont assigné la société AEBI sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Attendu que la société AEBI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. Billioud, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Paget, une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) que seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même ; qu'en retenant, pour inclure dans l'indemnisation du préjudice le chiffre d'affaires résultant des ventes de pièces détachées, que l'arrêt des ventes de matériels Aebi provoquait nécessairement à terme la perte de chiffre d'affaires réalisé sur les ventes de pièces détachées de ces matériels, la cour d'appel, indemnisant ainsi une perte de chiffre d'affaires résultant, non du caractère brutal de la rupture, mais du non-renouvellement du contrat, a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ; 2°) qu'au demeurant, en se bornant à relever que si le fabricant faisait état de ventes de pièces détachées au distributeur pour 214 000 euros et produisait une liste en ce sens, les factures versées ne justifiaient que de ventes pour un montant inférieur à 48 000 euros pour la période postérieure à la rupture, allant de septembre 2011 à août 2013, sans préciser en quoi cette circonstance aurait caractérisé une rupture brutale indemnisable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé que la société AEBI soutenait que la résiliation notifiée le 14 novembre 2011, à effet au 15 décembre 2011, n'avait concerné que la fourniture de matériels et non celle des pièces détachées qu'elle avait continué à livrer pour des volumes considérables, l'arrêt retient que si la société AEBI fait état de ventes de pièces détachées pour un montant de 214 000 euros, les factures versées ne justifient que de ventes représentant un montant inférieur à 48 000 euros pendant une période de deux années, de septembre 2011 à août 2013 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, faisant ressortir que la résiliation du contrat de distribution avait affecté de manière substantielle tant la fourniture de matériels que celle de pièces détachées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant établi que le courant d'affaires existant entre les sociétés AEBI et Paget était alimenté par les ventes de matériels et de pièces détachées, et que la résiliation notifiée par la société AEBI avait affecté ces deux activités, c'est à bon droit que la cour d'appel, procédant à l'indemnisation complète du manque à gagner occasionné par la brutalité de la rupture, a intégré dans l'assiette du chiffre d'affaires de référence le montant des ventes de pièces détachées ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.