Cass. com., 5 avril 2018, n° 16-19.655
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Capstone Properties (SAS) , Reverdy , Lipp
Défendeur :
Capstone (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk : Rapporteur : Mme Darbois
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, la SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Capstone Systems Industry, immatriculée le 14 mars 2008, et la société Capstone Properties, immatriculée le 19 juin 2009, ont pour activité, respectivement, la promotion immobilière et toutes activités dans le domaine immobilier, et l'acquisition, la détention, la gestion, la location, la prise à bail, la vente et l'échange de tout ou partie de terrains, d'immeubles, biens et droits immobiliers ; qu'elles exploitent les noms de domaines " capstone-properties.fr " et " capstone.fr ", enregistrés le 28 août 2008 et le 30 avril 2010, dont M. Lipp, gérant de la première, jusqu'aux opérations de liquidation de celle-ci, et associé et gérant de la seconde, est titulaire ; que la société Capstone, immatriculée le 7 juillet 2010, a pour activité la commercialisation de logements neufs à l'égard de particuliers et d'investisseurs ; qu'elle a pour nom commercial et enseigne la dénomination " Capstone " et est titulaire, pour désigner le service " affaires immobilières" en classe 36, de la marque verbale " Capstone " n° 10 3 752 599, déposée le 8 juillet 2010 et enregistrée le 3 décembre 2010, de la marque semi-figurative " Capstone " n° 10 3 752 598, déposée le 29 juillet 2010 et enregistrée le 10 décembre 2010, et de la marque semi-figurative " Capstone L'immobilier Neuf " n° 10 3 780 741, déposée en couleurs le 9 novembre 2010 et enregistrée le 18 mars 2011 ; qu'elle est également titulaire des noms de domaine " capstone-immobilier.fr " et "capstone-immobilier.com ", enregistrés le 13 septembre 2010 ; que lui reprochant de porter atteinte à leurs droits antérieurs à leurs dénominations sociales et noms de domaine, les sociétés Capstone Systems Industry et Capstone Properties, ainsi que M. Lipp, ont assigné la société Capstone, sur le fondement des articles L. 711-4 et L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle et 1382 du Code civil, en nullité de marques, concurrence déloyale et parasitisme ; que la société Capstone Systems Industry, qui avait adopté la dénomination sociale Foncière Corbas le 15 mai 2013, ayant été mise en liquidation judiciaire le 12 mars 2015, M. Reverdy, nommé mandataire liquidateur, est intervenu volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter les demandes d'annulation de la marque verbale " Capstone " et des marques semi-figuratives " Capstone" et " Capstone L'immobilier Neuf ", l'arrêt retient qu'il n'existe pas de risque de confusion entre celles-ci et la dénomination sociale de la société Capstone Systems Industry, jusqu'au 15 mai 2013, et de la société Capstone Properties ;
Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur l'atteinte, dénoncée par M. Lipp, au nom de domaine " capstone.fr ", dont il est titulaire, enregistré antérieurement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Sur ce moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété à la lumière de l'article 4 de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ;
Attendu que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à une dénomination antérieure, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; que le risque de confusion doit s'apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, vis-à-vis du consommateur des produits ou services tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d'exploitation des marques ni de l'activité de leur titulaire ;
Attendu que pour retenir qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du public entre les marques " Capstone " et "Capstone L'immobilier Neuf " et les dénominations sociales de la société Capstone Systems Industry, jusqu'au 15 mai 2013, et de la société Capstone Properties, l'arrêt retient que, dans la mesure où le domaine d'activité effective de ces sociétés et de la société Capstone exploitant lesdites marques, s'il se trouve classé dans l'immobilier, n'est pas identique, puisque les premières, qui s'adressent à des entreprises cherchant des locaux commerciaux, interviennent dans le domaine de l'immobilier industriel et commercial, tandis que la dernière, qui commercialise des logements auprès des particuliers, intervient dans l'immobilier neuf pour les primo-accédants ; qu'il en déduit que le public visé, d'attention moyenne, ne peut se méprendre sur l'origine des services proposés et la nature de l'activité exercée ;
Qu'en statuant ainsi, au regard de l'activité effectivement exercée par le titulaire des marques en cause, alors qu'elle devait se référer, en ce qui concerne l'impression d'ensemble sur les plans visuel, phonétique ou conceptuel, à l'enregistrement de celles-ci désignant le service des "affaires immobilières ", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur ce moyen, pris en sa cinquième branche : - Vu l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété à la lumière de l'article 4 de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient, ensuite, que, si les dénominations sociales et les marques en présence utilisent, chacune en leur sein, le terme " Capstone ", il n'est pas démontré que, dans l'appréciation globale des dénominations sociales tenant compte de l'ensemble des éléments qui les composent, ce terme a un caractère distinctif intrinsèque et dominant, en ce qu'il est accolé aux vocables "Properties " et " Systems Industry ", lesquels seraient descriptifs et secondaires, de sorte qu'il n'existe pas de similitude entre les dénominations sociales et les marques déposées ;
Qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que le terme " Capstone " était l'" élément visuel et phonique central " des signes en présence, sans caractériser en quoi cet élément, si même il n'était pas dominant, était négligeable et ne pouvait constituer un facteur pertinent d'appréciation de l'impression d'ensemble produite par les dénominations sociales invoquées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur ce moyen, pris en sa septième branche : - Vu l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété à la lumière de l'article 4 de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient, encore, que, dans l'appréciation globale des signes en présence, il n'existe pas de similitude entre les dénominations sociales et les marques déposées, notamment s'agissant de la marque " Capstone L'immobilier Neuf ", dont la charte graphique de couleur et de calligraphie est particulière et différente du logo choisi par la société Capstone Properties ;
Qu'en statuant ainsi, en se fondant sur un élément étranger aux signes antérieurs invoqués, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter les demandes au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré en quoi l'utilisation de la dénomination sociale, du nom commercial et de l'enseigne " Capstone ", ainsi que des marques déposées, constituent une faute à l'égard de la société Capstone Systems Industry, jusqu'au 15 mai 2013, et de la société Capstone Properties ;
Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le risque de confusion allégué par la société Capstone Properties, M. Reverdy, ès qualités, et M. Lipp avec le nom de domaine " capstone.fr ", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur ce moyen, pris en sa cinquième branche : - Vu l'article 1382, devenu 1240, du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Capstone Properties, M. Reverdy, ès qualités, et M. Lipp au titre du parasitisme, l'arrêt retient que, si les sociétés Capstone Properties et Foncière Corbas versent aux débats des brochures pour justifier de leurs efforts publicitaires, il y a lieu, en revanche, de relever que la société Capstone n'a pas pu se placer dans le sillage de ces sociétés, dans la mesure où elles n'interviennent pas dans le même secteur d'activité et ne visent pas la même clientèle ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, en reprenant dans sa dénomination sociale, son nom commercial, son enseigne, ses noms de domaine et ses marques le terme " Capstone ", constituant, selon ses propres constatations, " l'élément visuel et phonique central " des dénominations sociales de la société Capstone Systems Industry, jusqu'au 15 mai 2013, et de la société Capstone Properties, pour identifier des activités similaires à celles de ces sociétés, exercées dans le domaine immobilier, la société Capstone ne s'était pas indûment placée dans leur sillage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon, autrement composée.