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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 3 avril 2018, n° 17-06719

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bonkenburg France (SAS)

Défendeur :

Aedes Protecta (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leplat

Conseillers :

M. Ardisson, Mme Muller

CA Nîmes, du 22 juin 2017

22 juin 2017

Exposé du litige

La société par actions simplifiée Protecta sise au Thor (84) a pour activité la fabrication de produits phytosanitaires, biocides et pièges englués pour insectes volants et rampants.

La société par actions simplifiée Bonkenburg France, sise à Mantes-la-Ville (78) est spécialisée dans la vente et la distribution de produits horticoles utilisables en agriculture biologique, de produits de traitement des plantes et d'anti-nuisibles pour le jardin.

Elle a été attributaire d'un marché émanant de l'enseigne Leroy-Merlin et a, dans le cadre de celui-ci, passé à la société Protecta, quatre commandes de bandes engluées UAB (Usage en Agriculture Biologique), la première le 12 novembre 2012 pour 15 000 pièces à livrer le 5 décembre 2012, les trois suivantes le 29 novembre 2012 respectivement pour 18 000 pièces chacune à livrer les 29 mars, 28 juin et 27 septembre 2013.

La première commande livrée le 5 décembre 2012 par la société Protecta a été payée régulièrement le 22 avril 2013 par la Société Bonkenburg France.

La deuxième commande livrée pour partie le 19 février 2013 et pour solde le 19 mars 2013, est restée impayée, suivant factures émises les 21 février et 21 mars 2013.

Les deux dernières commandes, selon la société Protecta, ont été fabriquées mais non livrées compte tenu des impayés de la deuxième livraison.

Suite à une première relance du 21 juin 2013 en réclamation d'un solde débiteur de la somme de 72 118,80 euros à lui payer sous huitaine et une sommation étant demeurée sans réponse, la société Protecta a mis en demeure la société Bonkenburg France, le 3 juillet 2013 par courrier recommandé, de lui régler cette somme représentant les commandes livrées et facturées, outre intérêts de retard.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 juillet 2013, la société Bonkenburg France a contesté les demandes de la société Protecta et estimé qu'il y avait eu " tromperie et/ou escroquerie " sur les marchandises.

C'est ainsi que le 14 août 2013, la société Protecta a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce d'Avignon aux fins de constater, d'une part, la compétence de la juridiction pour connaître du litige, laquelle a été contestée par la société Bonkenburg France et, d'autre part, l'exigibilité d'une créance certaine pour les sommes de 37 694,096 et 34 424,71euros, soit la somme totale de 72 118,80 euros.

Par ordonnance du 14 janvier 2014, le juge des référés s'est déclaré compétent pour juger de l'affaire et a estimé qu'il n'y avait lieu à référé en raison de l'existence de contestations sérieuses, renvoyant les parties à mieux se pourvoir.

Les échanges de lettres recommandées avec avis de réception qui se sont poursuivis n'ayant pas permis aux parties de trouver un accord, la société Protecta a fait assigner la société Bonkenburg France par exploit du 24 avril 2014 par-devant le Tribunal de commerce d'Avignon.

A l'issue de huit renvois, l'affaire est finalement retenue à l'audience du 2 octobre 2015 à laquelle les parties ont développé leurs arguments.

Au soutien de ses dernières écritures, la société Protecta entendait demander au bénéfice de l'exécution provisoire, à tout le moins aux 2/3 de :

Vu l'ordonnance de référé du 14 janvier 2014,

- Se déclarer compétent en l'état de l'autorité de la chose jugée retenant la compétence de la juridiction avignonnaise en référé, faute de contredit et d'appel et au visa complémentairement des articles 42 et suivants, 48, 63 et suivants, 80 et suivants et 82 du Code de procédure civile,

- Donner acte à la concluante de sa demande additionnelle et la dire et juger recevable, au visa de l'article 71 du Code de procédure civile, et fondée ;

Y faisant droit,

Vu les pièces justificatives de la demande et vu les articles 1134, 1582 et 1583 du Code civil,

- Condamner la Société Bonkenburg à payer à la Société Protecta, sur les deux factures non contestées mais impayées ;

La somme de 37 694,09 euros avec intérêt de droit à compter du 3 juillet 2013, date de la première mise en demeure ;

La somme de 34 324,71 euros avec intérêt de droit à compter du 3 juillet 2013, date de la première mise en demeure ;

La somme de 86,54 euros à valoir sur les pénalités de retard contractuelles ;

Y ajoutant et faisant droit à la demande additionnelle,

- Condamner la Société Bonkenburg au paiement de la somme de 66 330 euros HT (soit 79 330,68 euros TTC) correspondant à 66 % de (la) valeur de 30 000 bandes fabriquées à valoir sur les commandes de 36 000 bandes du 29 novembre 2012, selon facture du 19 septembre 2013 ;

- La condamner encore au paiement du solde de cette commande, soit la somme de 33 165 euros HT (soit 39 665,34 euros TTC) ;

- Dire et juger que, de la créance de la Société Protecta, serait déduite la somme de 450,08 euros correspondant aux frais de la Société L'Envol pour le numérotage des lots ;

- Rejeter pour le surplus l'intégralité des défenses et demandes reconventionnelles de la Société Bonkenburg en l'état des pièces produites et vu, notamment, les dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile ;

- Condamner la Société Bonkenburg au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Condamner la Société Bonkenburg au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement entrepris du 5 février 2016 le Tribunal de commerce d'Avignon a :

Se déclarant compétent pour connaître du litige,

Dit bien fondée la Société Protecta en sa demande ;

Condamné la Société Bonkenburg à payer à la Société Protecta la somme de 72 118,80 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2014 ;

Condamné la Société Bonkenburg à payer à la Société Protecta la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la société Bonkenburg aux dépens.

Appel de ce jugement ayant été interjeté par la société Bonkenburg France le 7 mars 2016, la Cour d'appel de Nîmes a, par arrêt du 22 juin 2017 :

Infirmé le jugement entrepris en ce que le tribunal de commerce a retenu sa compétence territoriale.

S'est déclaré territorialement incompétente au profit de la Cour d'appel de Versailles.

Dit que le dossier de l'affaire lui était transmis par les soins du greffe avec une copie de la décision de renvoi.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamné la société Protecta aux dépens engagés devant la Cour d'appel de Nîmes.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu la saisine de la Cour d'appel de Versailles du 12 septembre 2017 ;

Vu les dernières écritures signifiées le 5 décembre 2017 par lesquelles la société Bonkenburg France demande à la cour de :

Vu les articles 42, 46, 48, 74, 75, 79 alinéa 2 et 97 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1116, 1147, 1382, 1603 et 1604 du Code civil,

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Avignon du 5 février 2016 en ce qu'il a condamné Bonkenburg à payer à Protecta la somme de 72 118,80 euros au titre de la deuxième commande ;

Constater l'absence de conformité des produits livrés tant au regard du label UAB qu'au regard des exigences linguistiques ;

Constater que Protecta s'est rendue coupable de manœuvres et de réticences dolosives ;

En conséquence,

Rejeter la demande en paiement à hauteur de 72.018,80 euros TTC formée par Protecta au titre de la commande n° 2.

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Avignon du 5 février 2016 en ce qu'il a débouté Protecta de ses demandes additionnelles au titre des deux commandes suivantes pour un montant total de 99 415 euros HT ;

A titre reconventionnel,

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Avignon du 5 février 2016 en ce qu'il a débouté Bonkenburg de ses demandes reconventionnelles

Jugeant de nouveau sur ce point

Ordonner la réfaction du prix des produits livrés à hauteur de la somme déjà versée par Bonkenburg à Protecta, soit 60 099 euros TTC ;

Prononcer la résolution judiciaire des ventes intervenues aux termes des bons de commande n° CF000490 et CF000491 du 29 novembre 2012 qui n'ont pas fait l'objet d'une livraison ;

Condamner Protecta au paiement de 34 401,64 euros de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité délictuelle, en réparation du préjudice subi par Bonkenburg du fait des manœuvres et de réticences dolosives de Protecta ou, à (sic) alternativement, au paiement de 75 732,75 euros, si par extraordinaire le Tribunal condamnait Bonkenburg au paiement des sommes de 37 694,09 et 34 324,71 euros TTC au titre des factures émises par Protecta ;

Condamner Protecta au paiement de 176 463,39 euros de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité contractuelle en réparation du préjudice matériel subi par Bonkenburg du fait du défaut de conformité des produits vendus ;

Condamner Protecta au paiement de 15 000 euros de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité contractuelle en réparation du préjudice moral subi par Bonkenburg du fait du défaut de conformité des produits vendus ;

En tout état de cause,

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Avignon du 5 février 2016 en ce qu'il a débouté Bonkenburg de ses demandes au titre des frais de pose des numéros de lot et de frais (sic) ;

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Avignon du 5 février 2016 en ce qu'il a condamné Bonkenburg à payer 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Jugeant de nouveau sur ces points

Condamner Protecta au paiement de la somme de 450,08 euros au titre de la facture réglée par Bonkenburg à la société L'Envol pour la pose de numéros de lots sur les emballages des bandes engluées livrées par Protecta ;

Ordonner la compensation entre les condamnations éventuelles des parties;

Condamner Protecta à verser la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamner Protecta aux entiers dépens.

Vu les dernières écritures signifiées le 14 décembre 2017 au terme desquelles la société Aedes Protecta, venant aux droits de la société Protecta, demande à la cour de :

Vu l'arrêt rendu le 22 juin 2017 par la 4e Chambre Commerciale de la Cour d'Appel de Nîmes renvoyant cause et parties devant la Cour d'Appel de Versailles, désignée comme compétente, pour qu'il soit fait droit au fond,

Donner acte à la société Aedes Protecta, venant aux droits de la société Protecta, absorbée du fait du traité de fusion absorption intervenu au 1er août 2017 avec effet rétroactif au 1er janvier 2017, et vu de ce chef la publication intervenue les 26 et 27 juin 2017 pour la Société Aedes et le 28 juin 2017 pour la Société Protecta, outre le récépissé de dépôt des déclarations au Centre de formalités des entreprises en date du 7 septembre 2017 (pièces G/8 à G/10), de la poursuite voire de la reprise d'instance à son profit,

Dire et juger recevable l'appel de la Société Bonkenburg.

Dire et juger recevables les conclusions prises et l'appel incident formé au nom de la Société Protecta devant la Cour d'Appel de Nîmes et repris et soutenus au nom de la Société Aedes Protecta devant la Cour d'Appel de Versailles,

1. Vu l'article 1134 du Code Civil et vu l'article 1104 du Code Civil applicable au 1er octobre 2016,

Vu le principe consacré par arrêt du 22 juin 2017, selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, couramment dénommé " Estoppel " (pièce G/7),

Vu les commandes passées et relevant leur date, les livraisons intervenues et relevant leur date, le mail du 26 mars 2013 (pièce F/1 ou pièce adverse 18) de la Société Bonkenburg annonçant un retard dans le paiement mais ne contestant ni la qualité, ni la conformité des produits livrés, n'invoquant aucun vice et sollicitant seulement que les livraisons à venir soient retardées avec annonce d'un différé de paiement non négociable,

Vu le paiement de la première commande intervenue sans protestation ni réserve du 22 avril 2013 (pièce 10),

Confirmer le jugement rendu le 5 février 2016 par le Tribunal de Commerce d'Avignon en ce qu'il a accueilli la demande initiale de la Société Protecta sauf, tenant le traité de fusion absorption et l'intervention de la Société Aedes Protecta en lieu et place de la Société Protecta, à condamner en conséquence la Société Bonkenburg à payer à la Société Aedes Protecta la somme de 72 118,80 euros outre intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2014 au titre de la deuxième commande faite.

2. Vu complémentairement les conditions générales de vente de la Société Protecta dans le cadre de ses relations avec la Société Bonkenburg,

Vu l'article 9 du Code de Procédure Civile et les seules pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation (Cass. Com., 28/06/2005 -Pourv. n° 03-16.794) sur la réticence dolosive et la nécessité d'une intention coupable établie,

Et vu le futur article 1137 alinéa 2 concernant la " dissimulation intentionnelle ",

Constatant que, par mail du 26 mars 2013 (pièce F/1 ou pièce adverse 18), la Société Bonkenburg ne se plaignait aucunement de manquement quelconque de la Société Protecta, de quelque non-conformité ou de quelque dol ou réticence dolosive de la part de son cocontractant et demandait seulement que les livraisons à venir soient différées, annonçant qu'elle imposerait un retard dans le paiement des factures,

Et constatant qu'elle payait sans contestation ni réserve, serait-ce avec quelques jours de retard sur les 60 jours annoncés, la première facture courant avril 2013 sans encore la moindre protestation ni réserve, les contestations n'intervenant que très tardivement lorsque la Société Protecta s'est montrée très insistante alors que la Société Bonkenburg constatait que ses prévisions, et/ou celles de la Société Leroy Merlin, étaient en définitive fantaisistes,

Rejeter l'appel principal formé par la Société Bonkenburg en toutes ses dispositions, et notamment en résiliation judiciaire du contrat, en réfaction de prix, en dommages et intérêts pour prétendue responsabilité contractuelle ou délictuelle et pour toutes autres causes et fins à l'encontre de la Société Protecta, voire de la Société Aedes Protecta.

3. Accueillant l'appel incident comme régulier en la forme et juste au fond,

Vu les articles 1146 et suivants du Code Civil en leur version applicable aux faits de la cause,

Constatant en outre les dates des livraisons prévues pour les troisième et quatrième commandes et le fait que les colliers litigieux devaient être fabriqués et proposés à la vente avant la période d'été,

Relevant que la Société Bonkenburg se plaignait (à tort) de retard de livraison démontrant son intransigeance,

Et vu les pièces nouvellement produites à la Cour (pièces G/5 et G/6),

Et constatant que partie des commandes 3 et 4 avait été facturée et demeurée à la disposition de la Société Bonkenburg, à charge pour celle-ci de remplir préalablement ses obligations antérieures,

Condamner la Société Bonkenburg à payer à la Société Aedes Protecta venant aux droits de la Société Protecta la somme de 79 090,28 euros TTC, correspondant à 66 % de la valeur des 30 000 bandes fabriquées à valoir sur la commande de 36 000 bandes en date du 29 novembre 2012, et ce selon facture du 19 septembre 2013,

Et ce avec intérêts de droit au taux légal depuis le 28 juin 2013 sur 79 090,28 euros correspondant, à la date de livraison de la 3e commande, au prix TTC des 18 000 bandes commandées et pour le solde à compter du 28 septembre 2013.

Et constatant par ailleurs, pour le solde des commandes, que les manquements de la Société Bonkenburg ont généré une perte de chiffre d'affaires et de marge brute à la Société Protecta,

Condamner la Société Bonkenburg à payer à la Société Aedes Protecta venant aux droits de la Société Protecta la somme complémentaire de 25 056,66 euros selon décompte établi dans les conclusions (page 39 des présentes conclusions) à titre de justes et légitimes dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, notamment par perte de marge bénéficiaire, par la Société Protecta.

Et ce avec intérêt au taux légal à compter du 28 septembre 2013.

5. Donner acte à la Société Aedes Protecta venant aux droits de la Société Protecta de son offre de déduire des condamnations prononcées - par compensation - la somme de 450,08 euros correspondant aux frais de la Société L'Envol pour le numérotage des lots (pièce E/2).

6. Condamner enfin la Société Bonkenburg à payer à la Société Aedes Protecta venant aux droits de la Société Protecta :

- à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, la somme de 15 000 euros,

- vu la suppression du tarif de postulation incluant à l'époque droit proportionnel au profit de la partie gagnante, et vu le renvoi de l'affaire de la Cour d'Appel de Nîmes à la Cour d'Appel de Versailles et l'intervention devant celle-ci, au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de Procédure Civile, la somme de 20 000 euros.

Condamner la Société Bonkenburg en tous les dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Selarl Patricia M. agissant par Maître Patricia M. Avocat au Barreau de Versailles Toque 619, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la non conformité des produits livrés et la réticence dolosive :

La société Bonkenburg France maintient devant la cour que les produits livrés par la société Aedes Protecta n'étaient pas conformes à la commande pour ne pas avoir été UAB (Usage en Agriculture Biologique), ne pas avoir respecté les exigences linguistiques convenues et n'avoir pas été numérotés par lots.

La société Aedes Protecta soutient quant à elle qu'elle parfaitement informé la société Bonkenburg France, dès le 16 novembre 2012, de ce qu'il en était de la glu Rampastop (r), sans que cela ne l'empêche d'accepter les deux premières livraisons et de poursuivre ses commandes sans changement.

Il est constant que la société Bonkenburg France a passé commandes à la société Protecta de bandes de glu à quatre reprises :

- Bon de commande n° CF 000480 du 12 novembre 2012 pour 15 000 bandes engluées UAB Leroy-Merlin à livrer le 5 décembre 2012 à Mantes- La- Ville (78) ;

- Bon de commande n° CF 000489 du 29 novembre 2012 pour 18.000 bandes engluées UAB Leroy-Merlin à livrer le 29 mars 2013 à Mantes- La- Ville (78);

- Bon de commande n° CF 000490 du 29 novembre 2012 pour 18.000 bandes engluées UAB Leroy-Merlin à livrer le 28 juin 2013 à Mantes- La- Ville (78) ;

- Bon de commande n° CF 000491 du 29 novembre 2012 pour 18.000 bandes engluées UAB Leroy-Merlin à livrer le 27 septembre 2013 à Mantes- La- Ville (78).

Elle fait valoir que la qualité UAB du produit était essentielle, car exigée par le client final, la société Leroy-Merlin, dont elle ne produit pas le marché, mais une simple attestation, datée du 27 septembre 2013, de Christian V., son directeur commercial et gérant fondateur, qui l'affirme.

Il doit être relevé que les échanges intervenus entre les parties, antérieurement à ces quatre commandes (proposition commerciale de la société Protecta du 27 juillet 2012, échange de courriels des 14 et 17 septembre 2012 et courrier de la société Protecta du 7 novembre 2012) ne précisent pas cette qualité, seules les commandes de la société Bonkenburg France la mentionnant expressément, ainsi que les factures de la société Protecta des 31 janvier 2013, 21 février 2013 et 21 mars 2013.

La société Bonkenburg France entend tirer cette non conformité des produits de l'aveu même de la société Aedes Protecta qui aurait admis que le produit vendu ne rentre pas exactement dans la classification UAB, compte tenu de la réglementation européenne, mais aussi du fait du changement de normes européennes lors de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2009, du Règlement CE n°889/2008 du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) n°834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles, dont l'article 5 n'autorise qu'une liste de produits limitativement énumérés en annexe II pouvant être utilisés dans la production biologique, dont les substances engluées vendues par la société Aedes Protecta ne feraient pas partie.

La société Aedes Protecta se prévaut quant à elle d'un courrier de la société Ecocert du 11 octobre 2010, mis aux débats, selon lequel la glu peut être utilisée en agriculture biologique (...) uniquement en piège (papier, ruban, carton, ...). [Elle] est autorisée seulement si elle ne rentre pas en contact direct avec l'arbre et qu'elle ne contient pas d'insecticides chimiques, termes qu'elle a repris dans une attestation du 29 février 2012, également versée aux débats.

Il ressort toutefois des échanges de courriels, postérieurs à la première commande du 12 novembre 2012, puisque le premier est daté du 15 novembre 2012, que la société Aedes Protecta admet (courriel du 16 novembre 2012) que : La bande avec glu Rampastop était utilisable en Agriculture Biologique, mais la glu Rampastop, de par ses composants, n'est pas elle utilisable en Agriculture Biologique et que pour bénéficier du taux de TVA réduit de 7%, il faudrait changer de glu en la remplaçant par la glu Progarien (ex Navarre), qui est certifiée utilisable en agriculture biologique ou encore (courriel du 27 novembre 2012) que : Tout produit utilisant le numéro d'homologation 9200532 du produit Rampastop ne peut bénéficier du taux de TVA réduit de 7% car les intrants (polybutènes, isobutènes) ne sont pas listés en annexe II du guide intrant INAO, et donc non validés par Ecocert, ajoutant toutefois : la raison pour laquelle ils peuvent tout de même bénéficier de la mention UAB (feu vert Ecocert), est que la glu n'est pas en contact avec le végétal mais sur un support ; mais cela n'est pas une condition suffisante pour bénéficier du taux réduit de TVA, comme tu le comprends.

Il résulte de ces échanges que la société Bonkenburg France ne recherchait pas, en premier lieu, à préserver la qualité UAB des produits commandés, mais à tirer de cette qualité le bénéfice d'un taux réduit de TVA de 7% au lieu des 19,6% mentionnés sur les factures et ce sans vraiment apporter la démonstration que ces mêmes produits n'étaient pas de qualité UAB, puisque leurs conditions d'utilisation, telles que mentionnées par la société Ecocert, leur préservaient une utilisation en agriculture biologique, étant observé que l'allégation de la société Aedes Protecta selon laquelle la société Bonkenburg France préférait conserver l'usage de la glu Rampastop est corroborée par le fait que c'est bien cette glu qu'elle lui a proposée dans sa lettre du 27 juillet 2012 et qu'elle n'a jamais demandé son remplacement par la glu Progarien, qui lui aurait ouvert le taux réduit de TVA auquel elle aspirait.

Ainsi donc, c'est justement que le Tribunal de commerce d'Avignon a pu apprécier que, forte des échanges qu'elle avait eus avec son fournisseur sur la consistance des produits, la société Bonkenburg France a accepté, sans réserves, la livraison des deux premières commandes et se trouve ainsi malvenue à soutenir une non conformité des produits de ce chef.

S'agissant du grief relatif aux exigences linguistiques du produit, la société Bonkenburg France fait état d'une prétendue demande d'étui en double langue : français/italien pour la première livraison et espagnol/portugais pour la deuxième. Elle s'appuie pour cela sur les dires de Christian V., son directeur commercial et gérant fondateur, dans l'attestation précitée et dans un courriel du 9 avril 2013 de la société Aedes Protecta, récapitulatif de la chronologie de leurs relations, mentionnant au 30 janvier 2013 : vous nous précisez la prochaine réception des étuis ESP/PORT, ainsi que la livraison pour mi-mars des 18000U de la 2ème commande. Elle reproche à la société Aedes Protecta de lui avoir, néanmoins, livré en février et mars 2013 des étuis en français/italien.

Mais outre le fait que, ni les différents bon de commandes mis aux débats, ni aucun autre document contractuel, ne mentionnent cette prétendue exigence de bilinguisme en espagnol/portugais, les quatre commandes litigieuses concernent des livraisons devant s'effectuer au magasin Leroy-Merlin de Mantes-la-Ville, situé en France, et pour lequel la société Bonkenburg France n'explicite pas l'intérêt qu'il y aurait eu à commercialiser des produits uniquement en langue espagnole et portugaise, ce qui au demeurant viendrait heurter les dispositions de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

Ce grief de non conformité ne saurait dans ces conditions prospérer.

Quant au grief du non étiquetage par lots des produits livrés, ayant donné lieu à une facturation de 450,08 euros, le 29 avril 2013, par la société L'Envol, outre que cette absence d'étiquetage ne saurait constituer une non conformité, il doit être relevé que la société Aedes Protecta accepte de le prendre à sa charge.

Il se déduit de cet ensemble d'éléments qu'aucune non conformité des produits livrés ne saurait valablement être alléguée par la société Bonkenburg France pour se soustraire à leur paiement, pas plus qu'une prétendue réticence dolosive de la part de la société Aedes Protecta, qui n'est pas utilement démontrée et que c'est donc justement que le tribunal a débouté la société Bonkenburg France de toutes ses demandes indemnitaires à ce titre, ce que la cour confirme.

Sur les sommes dues à la société Aedes Protecta :

Relativement à la commande n° CF000489 du 29 novembre 2012 pour 18.000 bandes engluées, la société Protecta a établi deux factures, l'une de 37 694,09 euros le 21 février 2013 pour 9408 pièces, et l'autre de 34 424,71 euros le 21 mars 2013 pour 8592 pièces, soit un total de 72 118,80 euros, duquel il convient de soustraire la somme de 450,08 euros pour les frais d'étiquetage que l'intimée propose de prendre en sa charge, ce qui ramène sa créance à la somme de 71 668,72 euros, somme au paiement de laquelle la société Bonkenburg France sera donc condamnée au profit de la société Aedes Protecta, le jugement étant réformé en ce sens.

Au titre des commandes n°CF000490 et n°CF000491 du 29 novembre 2012, pour, chacune, 18 000 bandes de glu, qui n'ont pas été livrées, mais dont la société Aedes Protecta affirme que 30 000 bandes sur 36 000 ont été fabriquées et demeurent à disposition de sa cliente, celle-ci demande paiement d'une somme de 79 090,28 euros, représentant 66% de la valeur de ces 30 000 bandes, outre une somme de 25 056,66 euros de dommages et intérêts pour perte de sa marge bénéficiaire.

La société Bonkenburg France demande la résolution judiciaire de ces deux ventes à raison d'une non conformité de produits, qui a déjà été écartée par la cour et qui ne peut, en tout état de cause, concerner que des produits livrés. La cour confirmera donc le rejet de cette prétention par le tribunal de commerce.

Ceci étant, la société Bonkenburg France critique à bon droit l'allégation du maintien en stock de 30 000 bandes engluées, qui auraient dû lui être livrées le 28 juin et le 27 septembre 2013, par la société Aedes Protecta, alors que le commissaire aux comptes de cette dernière atteste avoir décompté un stock de 19 470 unités au 31 décembre 2013 et que rien n'est produit au-delà de cette date, malgré une allégation constante de longévité du produit de 24 mois et sans non plus que ne soit établi que la société Aedes Protecta fournissait la seule la société Bonkenburg France en bandes engluées de ce modèle, étant en outre observé que, dans un courriel précité du 9 avril 2013, la société Aedes Protecta a admis voir, le 18 mars 2013, stoppé la fabrication en cours de [la] 3ème commande.

Confirmant le jugement sur ce point, la cour déboutera donc la société Aedes Protecta de ses demandes indemnitaires au titre des commandes n°CF000490 et n°CF000491 du 29 novembre 2012 non livrées.

Sur la résistance abusive :

Dès lors que la société Bonkenburg France a contesté la conformité des produits livrés, il ne saurait lui être reproché une résistance abusive au paiement, étant rappelé que la condamnation au paiement est assortie des intérêts moratoires.

La cour déboutera donc la société Aedes Protecta de sa demande de ce chef.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Il est équitable d'allouer à la société Aedes Protecta une indemnité de procédure de 6 000 euros.

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, Confirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société par actions simplifiée Bonkenburg France à payer à la société par actions simplifiée Protecta la somme de 72 118,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2014, Et statuant à nouveau, Condamne la société par actions simplifiée Bonkenburg France à payer à la société par actions simplifiée Aedes Protecta la somme de 71.668,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2014, Et y ajoutant, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société par actions simplifiée Bonkenburg France à payer à la société par actions simplifiée Aedes Protecta la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société par actions simplifiée Bonkenburg France aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du Code de procédure civile. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.