CA Douai, 8e ch. sect. 1, 19 avril 2018, n° 16-04993
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA), France Solaire Energie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Battais
Conseillers :
Mmes Convain, Billières
LA COUR,
Attendu que la société Banque Solféa a interjeté appel d'un jugement du Tribunal d'instance de Calais du 5 juillet 2016 qui, prononçant la nullité du contrat de fourniture et pose de panneaux photovoltaïques que Monsieur X a conclu le 27 novembre 2012 avec la société France Solaire Energie, placée depuis lors en liquidation judiciaire, et du contrat de crédit accessoire que ce dernier et Madame Y ont souscrit auprès de la société Banque Solféa suivant une offre préalable acceptée le même jour, l'a déboutée de sa demande en paiement formée contre Monsieur X et Madame Y et l'a condamnée à rembourser à ces derniers les sommes payées par eux au titre du contrat de prêt ; qui a débouté Monsieur X et Madame Y de leur demande en paiement de dommages et intérêts formée contre la société France Solaire Energie, prise en la personne de Madame A, mandataire judiciaire chargée de sa liquidation judiciaire ; et qui a condamné la société Banque Solféa à payer à Monsieur X et Madame Y une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que dans ses conclusions récapitulatives n° 2 déposées au greffe de la cour le 25 octobre 2017, la société BNP Paribas Personal Finance, qui expose venir aux droits de la société Banque Solféa en vertu d'une cession de créance intervenue le 28 février 2017, demande à la cour de lui donner acte de son intervention volontaire et de constater que ces conclusions valent notification de la cession de créance intervenue en application des dispositions de l'article 1324 du Code civil ;
Que faisant observer à titre liminaire qu'il est excessif de stigmatiser, comme le font Monsieur X et Madame Y, le comportement de la société Banque Solféa alors qu'elle est elle-même victime des pratiques de certaines sociétés auxquelles elle ne saurait être associée et a conclu de bonne foi une convention d'agrément avec la société France Solaire Energie à une date où rien ne permettait de prévoir la multiplication des procédures en cours et la mise en liquidation judiciaire de l'entreprise, que Monsieur X et Madame Y disposent à ce jour d'une installation en état d'être raccordée au réseau public d'électricité et que le droit protecteur du Code de la consommation ne doit pas être détourné de ses fins pour autoriser des emprunteurs à ne pas exécuter leur obligation de remboursement du prêteur, la société BNP Paribas Personal Finance reproche au premier juge d'annuler le contrat de prestation de services pour inobservation des dispositions régissant le démarchage à domicile alors que les manquements allégués ne sont sanctionnés que par une nullité relative ; que Monsieur X et Madame Y, qui avaient connaissance des éventuels vices affectant le bon de commande par la reproduction, sur le bon de commande, de l'ensemble des dispositions de Code de la consommation relatives aux mentions obligatoires devant y figurer à peine de nullité, ont bénéficié du délai de rétractation de l'article L. 121-25 du Code de la consommation leur permettant une lecture attentive de leur contrat et avaient déjà eu recours aux services d'un avocat lorsqu'ils ont accepté la proposition amiable de la banque et laissé intervenir la société APEM à leur domicile et étaient donc à même d'agir, dès cette date, en annulation du contrat, ont en tout état de cause eu l'intention d'en réparer les vices en s'abstenant d'user de leur faculté de rétractation et en confirmant la vente litigieuse par des actes postérieurs non équivoques tels que l'acceptation sans réserve de la livraison des matériels commandés et de la réalisation des travaux à leur domicile alors qu'il s'agit de lourds travaux en toiture, la demande de libération des fonds entre les mains de la société France Solaire Energies par la signature sans réserve de l'attestation de fin de travaux destinée à la société de crédit, le paiement depuis le 10 janvier 2014 des échéances de remboursement du prêt, la transmission à la société France Solaire Energie de l'arrêté de non-opposition de la mairie et la manifestation de leur intention de bénéficier du crédit d'impôt, l'acceptation de l'intervention de la société APEM à leur domicile le 13 juin 2014, soit plus d'un an et demi après la commande de l'installation et la demande adressée par eux au Consuel afin de savoir si l'attestation Consuel qui leur avait été transmise par France Solaire Energie était recevable par ERDF ;
Qu'elle s'oppose par ailleurs à la demande de résolution du contrat de prestation de services pour défaut de conformité et inexécution du contrat alors que seul est invoqué le défaut de raccordement de l'installation au réseau ERDF, que Monsieur X et Madame Y sont irrecevables en leur demande de résolution compte tenu de la signature d'une attestation de fin de travaux sans réserve et que les griefs allégués ne sont pas de nature à justifier le prononcé de la résolution judiciaire du contrat dès lors que le défaut de finalisation de l'installation est imputable à Monsieur X et Madame Y qui ont refusé de signer l'autorisation de réalisation des travaux quand elle avait validé le devis établi par la société APEM afin d'effectuer les démarches restant à accomplir ; qu'elle ajoute encore que le défaut de raccordement, serait-il avéré, ne fait pas obstacle au fonctionnement de l'installation qui peut fonctionner à des fins d'autoconsommation et réitère sa proposition de faire terminer, à ses frais, les travaux et démarches nécessaires à la finalisation de l'installation de Monsieur X et Madame Y de sorte que les manquements allégués ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier la résolution judiciaire du contrat principal ; qu'elle conclut en conséquence au rejet des demandes formées par Monsieur X et Madame Y tendant tant à l'annulation qu'à la résolution des contrats et demande à la cour de dire que l'exécution des contrats doit être poursuivie ;
Que dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement en ce qu'il a annulé le contrat principal ou prononcerait la résolution de celui-ci, la BNP Paribas Personal Finance rappelle que Monsieur X et Madame Y restent tenus de lui rembourser l'intégralité du capital prêté sans qu'ils puissent lui opposer une quelconque faute dans la délivrance des fonds dès lors qu'il n'appartient pas au prêteur de s'assurer de la conformité du bon de commande, qu'il ne saurait ainsi lui être notamment reproché de n'avoir pas décelé les éventuelles anomalies d'un document qu'elle est fondée à ne pas avoir en sa possession ni à ne pas réclamer, que le devoir de mise en garde du banquier, comme son devoir de conseil, ne s'exercent que relativement au crédit qu'il est censé accorder et, qu'à supposer même qu'elle ait décelé les irrégularités formelles du bon de commande, elle aurait pu valablement se convaincre, à réception d'un ordre exprès de régler les travaux, que l'emprunteur avait eu l'intention de purger les vices affectant le bon de commande ; qu'elle ajoute encore qu'elle n'a débloqué les fonds qu'après réception de l'attestation de fin de travaux signée sans réserve plus d'un mois après la conclusion des contrats par Madame Y, laquelle était parfaitement informée des modalités de déblocage des fonds, de sorte qu'elle s'est bien assurée de l'exécution du contrat principal et n'avait aucune raison de suspecter que les travaux n'étaient pas terminés ou pas conformes avant de débloquer lesdits fonds, qu'elle n'a en tout état de cause ni les moyens ni les compétences pour vérifier que les travaux sont achevés ; que l'objet de l'attestation de fin de travaux est dénué de toute équivoque, que sont uniquement exclus du champ de l'attestation de fin de travaux le raccordement au réseau ERDF et les autorisations administratives éventuelles, ces prestations n'étant pas prévues au contrat financé à crédit ; qu'aucune stipulation contractuelle ne subordonnait ainsi le déblocage des fonds au raccordement effectif de l'installation au réseau public d'électricité, qui reste la prérogative exclusive d'ERDF et ne peut jamais être le fait du vendeur, et que c'est donc à bon droit que l'attestation de fin de travaux exclut les autorisations administratives et ledit raccordement qui dépendent ainsi de l'intervention de tiers ; qu'elle soutient encore, à supposer sa faute établie, qu'il n'existe pas en droit français, hors le cas de la responsabilité civile, de principe permettant de faire échec aux restitutions consécutives à l'annulation ou la résolution d'un contrat, en l'espèce la restitution du capital emprunté par les emprunteurs au prétexte d'une faute de la banque, que le préjudice résultant d'une faute de la banque tirée de l'irrégularité du bon de commande consiste tout au plus en la perte d'une chance d'avoir conclu un contrat valable ; que rien ne permet de présumer que Monsieur X et Madame Y n'auraient pas souhaité régulariser leur investissement en signant un nouveau bon de commande conforme aux exigences légales en sorte que le préjudice qu'il prétend subir est incertain ; que Monsieur X et Madame Y reconnaissent avoir été livrés des matériels commandés, lesquels ont ensuite été installés, seul le raccordement, qui n'est pas nécessairement imputable à la société venderesse et encore moins à la banque et qui n'est en tout état de cause pas irrémédiable, semblant faire défaut, Monsieur X et Madame Y ne pouvant valablement prétendre à l'absence de valeur des matériels dont ils disposent ; qu'il n'est donc ni juste ni équitable que le préjudice de Monsieur X et Madame Y soit chiffré à l'exact montant de la dette de restitution que l'annulation ou la résolution du contrat de crédit fait naître sur leur tête ; qu'elle en déduit que le préjudice subi ne peut être égal au montant de la dette ; qu'elle fait enfin valoir que Monsieur X et Madame Y, qui ont donné leur accord à la proposition amiable de la banque, ne caractérisent pas le préjudice moral qu'ils invoquent ;
Que la société Banque Solféa demande en conséquence à la cour, dans l'hypothèse où le contrat de crédit serait annulé ou résolu en conséquence de l'annulation ou de la résolution du contrat principal, de constater qu'elle n'a commis aucune faute et de condamner Monsieur X et Madame Y à lui rembourser l'intégralité du capital restant dû à la date du jugement, soit la somme de 21 500 euros, sous déduction des échéances déjà payées, majorée des intérêts au taux légal à compter de la remise des fonds le 9 janvier 2013 ; qu'elle demande encore à la cour de dire et juger que le préjudice éventuellement subi par Monsieur X et Madame Y n'est pas caractérisé, que la preuve d'un préjudice équivalent au montant du capital emprunté n'est pas rapportée, que le lien de causalité entre la faute de la banque et le préjudice éventuellement subi n'est pas davantage caractérisé, que la preuve d'un préjudice moral d'un montant de 5 000 euros n'est pas rapportée et conclut en conséquence au rejet de la demande de Monsieur X et Madame Y aux fins d'être dispensés de rembourser le prêt comme de leur demande en dommages et intérêts formée contre elle ;
Que dans l'hypothèse où la cour jugerait que la société Banque Solféa a commis une faute, la société BNP Paribas Personal Finance demande de dire et juger qu'aucun texte ne prévoit la déchéance de la créance de restitution du capital emprunté, de faire application des règles de la responsabilité civile, de dire et juger que le préjudice ne peut être égal à la créance de restitution de la banque étant donné que la société France Solaire Energie étant en liquidation judiciaire et impécunieuse, Monsieur X et Madame Y vont conserver le bénéfice de l'installation et, le montant des travaux de raccordement et de mise en service étant limité à 2 700 euros, de réduire le préjudice éventuellement subi à de plus justes proportions, de dire et juger que la preuve d'un préjudice moral d'un montant de 5 000 euros, qui plus est serait imputable à la banque, n'est pas rapportée et de débouter Monsieur X et Madame Y de leur demande ;
Qu'elle conclut en toute hypothèse au rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur X et Madame Y et réclame leur condamnation solidaire à lui verser une somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que dans leurs conclusions récapitulatives en réponse du 17 novembre 2017, Monsieur X et Madame Y, qui font leur l'argumentation du premier juge, concluent à la confirmation du jugement entrepris ; que reprenant en cause d'appel les prétentions qu'ils avaient initialement soumises au premier juge, ils demandent en outre à la cour, à titre principal, de dire et juger que la prestation n'a pas été exécutée, de dire que la banque a commis une faute et, en conséquence, de prononcer la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit y affecté, d'exonérer l'emprunteur du remboursement du prêt, de condamner la société Banque Solféa au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de préjudice moral et de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solféa au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'ils demandent subsidiairement à la cour de dire que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solféa sera tenue de finaliser et réparer l'installation défectueuse, " outre le versement d'une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi " et réclament l'allocation, à la charge de la société BNP Paribas Personal Finance, d'une somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que Madame A, désignée en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société France Solaire Energie, assignée par un acte d'huissier de justice délivré à domicile à la requête de la société Banque Solféa le 22 septembre 2016 et à laquelle les dernières écritures de la société BNP Paribas Personal Finance et de Monsieur X et Madame Y ont été signifiées respectivement les 26 octobre 2017 et 28 décembre 2016, n'a pas constitué avocat ;
Attendu qu'il convient, à titre liminaire, de donner acte à la société BNP Paribas Personal Finance de sa reprise d'instance en ce qu'elle vient aux droits de la société Banque Solféa à la suite d'une cession de créance intervenue le 28 février 2017 ;
Attendu, sur le fond, qu'en application de l'alinéa 1er de l'article L. 311-31 dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable aux faits de la cause, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation ;
Que selon l'article L. 311-32 de ce même code, dans sa rédaction issue de la même loi, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé, ces dispositions n'étant applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur ;
Attendu, sur ce, qu'il ressort des éléments du dossier qu'à la suite d'un démarchage à domicile, Monsieur M. a conclu le 27 novembre 2012 avec la société France Solaire Energie un contrat de prestation de services, versé en original aux débats par Monsieur X et Madame Y, ayant pour objet la fourniture et la pose d'une installation solaire photovoltaïque d'une puissance globale de 3000 Wc comprenant douze panneaux photovoltaïques certifiés NF EN 61215 Classe II, avec système intégré au bâti, onduleur, coffret de protection, disjoncteur et parafoudre, un forfait d'installation de l'ensemble à l'exclusion d'éventuelles tranchées, ainsi que les démarches administratives auprès de la mairie, la région, EDF, ERDF et du Consuel, une assurance RC et PE, la mise en service, le Consuel et le tirage des câbles entre le compteur et l'onduleur étant inclus moyennant le prix de 21 500 euros toutes taxes comprises ; que selon une offre préalable acceptée le même jour, produite également en original par chacune des parties à l'acte, Monsieur X et Madame Y ont par ailleurs conclu, avec la société Banque Solféa, un crédit accessoire à cette prestation de services portant sur une somme de 21 500 euros, remboursable, après une période de différé de onze mois, par cent cinquante-neuf mensualités de 205 euros chacune sans assurance, incluant des intérêts au taux nominal de 5,75 % l'an ;
Attendu qu'une attestation établie au nom de Monsieur M. et signée le 3 janvier 2013 par Madame Y et le représentant de la société France Solaire Energies, certifiant que les travaux, objets du financement " qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles " étaient terminés et conformes au devis et demandant à la société Banque Solféa de payer la somme de 21 500 euros représentant le montant du crédit à l'entreprise a été adressée à cet établissement financier qui a en conséquence versé les fonds prêtés entre les mains de la société France Solaire Energies le 9 janvier suivant ;
Qu'une facture d'un montant toutes taxes comprises de 21 500 euros a par ailleurs été établie au nom de Monsieur M. par la société France Solaire Energies le 31 décembre 2012 portant d'une part sur un pack duo solaire comprenant douze panneaux de 245 Wc NF EN 61215 Classe II, pour une puissance globale de 2 940 Wc, avec garantie de rendement et de perte d'exploitation 20 ans du fabricant, l'installation d'un kit d'intégration au bâti de marque Ultimate Solar, un onduleur de marque Schneider 3300, un coffret de protection DC et un coffret de protection AC de marque Schneider, le tout moyennant un prix forfaitaire de 17 000 euros hors taxe, et d'autre part sur des frais d'installation de l'ensemble pour 2 500 euros hors taxe et des frais de mise en service jusqu'à 30 mètres à l'exclusion d'éventuelles tranchées, des démarches administratives et une attestation de conformité Consuel pour un total forfaitaire de 593,46 euros hors taxe ;
Que le 12 août 2013, la société France Solaire Energies faisait parvenir à Monsieur X et Madame Y un formulaire d'attestation de conformité émise le 11 février 2013 et revêtue du visa du Consuel désignant la société Habilec comme étant l'installateur et mentionnant " douze panneaux en 245 Wc " ;
Que se plaignant d'une violation des dispositions des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation de la part de la société France Solaire Energies, de la délivrance par celle-ci d'une attestation de conformité de l'installation ne correspondant pas à celle effectivement posée et d'une impossibilité pour ERDF de mettre l'installation en service en raison du lieu d'installation des décompteurs, Monsieur X et Madame Y, auxquels la société Banque Solféa a proposé l'intervention de la société APEM afin d'assurer, à ses frais, la finalisation des travaux, ont assigné la société France Solaire Energies et l'établissement de crédit en résolution des contrats de vente et de crédit et en paiement de dommages et intérêts devant le Tribunal d'instance de Calais par un acte du 26 février 2015 ;
Que la société France Solaire Energies ayant été ultérieurement placée en redressement puis en liquidation judiciaires par deux jugements successifs du Tribunal de commerce d'Evry des 20 juillet et 21 septembre 2015, Madame A, désignée mandataire liquidateur à cette procédure, a été assignée en cette qualité en intervention forcée à la requête de Monsieur X et Madame Y par un acte délivré le 7 octobre 2015 devant le Tribunal d'instance de Calais qui, après avoir ordonné la jonction des deux instances, a rendu le jugement déféré ;
Attendu, sur la validité du contrat de prestation de services, qu'en vertu de l'article L. 121-23 du Code de la consommation, dans sa version issue de la loi n° 93-949 du 27 juillet 1993 applicable au cas d'espèce, les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, notamment la mention relative à la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ;
Que l'article L 121-24 précise que le contrat doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de cette faculté de renonciation et contenant les mentions décrites aux articles R. 121-3 à R. 121-26 du Code de la consommation ;
Que l'article R. 121-3 du Code de la consommation prévoit précisément que le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation prévu à l'article L. 121-25 fait partie de l'exemplaire du contrat laissé au client ; qu'il doit pouvoir en être facilement séparé ; que sur l'exemplaire du contrat, doit figurer la mention : " Si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci- contre " ;
Que l'article R. 121-4 dispose pour sa part que le formulaire prévu à l'article L. 121-24 comporte, sur une face, l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé ;
Que quant à l'article R. 121-5, il précise qu'il comporte, sur son autre face, les mentions successives ci-après en caractères très lisibles :
1° En tête, la mention " Annulation de commande " (en gros caractères), suivie de la référence " Code de la consommation, articles L. 121-23 à L. 121-26 " ;
2° Puis, sous la rubrique " Conditions ", les instructions suivantes, énoncées en lignes distinctes :
" Compléter et signer ce formulaire " ;
" L'envoyer par lettre recommandée avec avis de réception " (ces derniers mots doivent être soulignés dans le formulaire ou figurer en caractères gras) ;
" Utiliser l'adresse figurant au dos " ;
" L'expédier au plus tard le septième jour à partir du jour de la commande ou, si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant " (soulignés ou en caractères gras dans le formulaire) ;
3° Et, après un espacement, la phrase :
" Je soussigné, déclare annuler la commande ci-après ", suivie des indications suivantes, à raison d'une seule par ligne :
" Nature du bien ou du service commandé... "
" Date de la commande... "
" Nom du client... "
" Adresse du client... ".
4° Enfin, suffisamment en évidence, les mots :
" Signature du client... " ;
Que l'article R. 121-6 dispose enfin que le vendeur ne peut porter sur le formulaire que les mentions prévues aux articles R. 121-4 et R. 121-5, ainsi que des références d'ordre comptable ;
Attendu en l'espèce que l'exemplaire du contrat de vente produit en original par Monsieur X et Madame Y, s'il est doté d'un formulaire destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation prévu à l'article L. 121-25, est dépourvu de la mention : " Si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci-contre " ; qu'il est en outre notamment dépourvu de l'indication, sur l'autre face que celle sur laquelle sont portées les mentions prévues à l'article R. 121-5, de l'adresse à laquelle il doit être envoyé ;
Que surtout, ce formulaire, qui figure au pied du verso du contrat, a pour effet s'il est utilisé, de faire disparaître la signature de Monsieur M. au pied du recto de celui-ci et dès lors de priver le consommateur de la preuve de son engagement ; qu'il n'est donc pas facilement détachable de l'ensemble du document ;
Qu'il suit que le contrat de prestation de services conclu le 27 novembre 2012 entre la société France Solaire Energies et Monsieur M. n'est pas conforme aux exigences prévues à peine de nullité par les articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige ;
Attendu que si la violation du formalisme prescrit par l'article L. 121-23 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer ;
Que ni l'absence de protestation lors de la livraison et de la pose des matériels commandés, ni la signature par Madame Y de l'attestation de fin de travaux, ni le versement des fonds par la société de crédit à la société France Solaire Energies en charge de l'exécution du contrat ni le début de l'exécution du contrat ni la transmission à la société France Solaire Energie de l'arrêté de non-opposition de la mairie ni encore la manifestation de leur intention de bénéficier du crédit d'impôt, et la demande adressée par eux au Consuel afin de savoir si l'attestation Consuel qui leur avait été transmise par France Solaire Energie était recevable par ERDF ne sauraient constituer à cet égard des circonstances de nature à caractériser une telle connaissance et une telle intention de la part des acquéreurs et ne peuvent donc couvrir la nullité relative encourue sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 ;
Que l'apposition par Monsieur M. de sa signature sous la mention du bon de commande par laquelle il déclarait " avoir pris connaissance et accepté les termes et conditions figurant au verso et en particulier avoir été informé des dispositions des articles L. 121-21 et L. 121-26 du Code de la consommation applicable aux ventes à domicile et avoir reçu l'exemplaire [du] contrat doté d'un formulaire détachable de rétractation " qui reproduisait in extenso les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation, outre qu'il ne reproduisait pas celles des articles R. 121-3 et R. 121-4 dudit code, ne saurait davantage suffire à établir que les acquéreurs ont agi en toute connaissance de cause et renoncé à invoquer les vices de forme du contrat de vente dès lors que, pour que la confirmation soit valable, il faut que son auteur ait pris conscience de la cause de nullité qui affecte l'acte et que la connaissance certaine de ce vice ne peut résulter pour un consommateur profane du seul rappel, dans lesdites conditions générales, des dispositions du Code de la consommation relatives aux mentions prévues à peine de nullité par l'article L. 121-23 précité du Code de la consommation ;
Que pour les mêmes raisons, l'acceptation par Monsieur X et Madame Y de l'intervention à leur domicile de la société Apem, mandatée par la société Banque Solféa, aux fins d'établir un devis ne saurait également suffire, quand même elle serait intervenue après la consultation par eux d'un avocat, à établir que les acquéreurs ont agi en toute connaissance de cause et renoncé à invoquer les vices de forme du contrat de vente et ce, alors même que cette intervention n'a pas été suivie d'effet ;
Que de tels agissements n'ont pu en ces conditions avoir pour effet de couvrir les irrégularités affectant le bon de commande ;
Qu'écartant en conséquence le moyen tiré de la confirmation du contrat nul, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres motifs de nullité invoqués par Monsieur X et Madame Y, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de prestation de services conclu le 27 novembre 2012 entre la société France Solaire Energies et Monsieur M. ;
Attendu que dès lors qu'en vertu de l'article L. 311-32 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, le contrat de crédit est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé, c'est également à bon droit que le premier juge a constaté l'annulation, par voie de conséquence, du contrat de crédit accessoire souscrit par Monsieur X et Madame Y auprès de la société Banque Solféa le 27 novembre 2012 ;
Attendu que les annulations prononcées entraînent la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats ;
Attendu, s'agissant du contrat de crédit, que l'annulation du contrat de prêt en conséquence de l'annulation judiciaire du contrat de prestations de services qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, hors le cas d'absence de livraison du bien vendu ou de faute du prêteur dans la remise des fonds prêtés, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur, s'agissant d'une simple modalité de déblocage des fonds prêtés qui est sans incidence sur le rapport de droits et obligations liant le prêteur et l'emprunteur, et ce, même en cas d'inefficacité d'un éventuel recours contre le vendeur fautif ;
Attendu encore que l'organisme de crédit commet une faute lorsqu'il manque à son obligation contractuelle de conseil au motif que celui-ci ayant conclu un contrat avec le vendeur ou le prestataire de service, il connaît ou devrait connaître les conditions dans lesquelles se déroule l'opération ; qu'il a le devoir, en professionnel avisé, de ne pas inciter les consommateurs à s'engager dans une relation préjudiciable ;
Attendu à cet égard qu'il sera rappelé que l'annulation du contrat de prestation de services est prononcée à raison de la faute commise par la société France Solaire Energies dans l'accomplissement des formalités impératives prévues à peine de nullité par le Code de la consommation en matière de démarchage ;
Que si les fonds empruntés ont été libérés par la société Banque Solféa au profit de la société France Solaire Energies au vu d'une attestation de livraison avec demande de financement signée le 3 janvier 2013 au nom de Monsieur M. aux termes de laquelle le signataire atteste que les travaux, objets du financement, " qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles " sont terminées et conformes au devis, outre que cette attestation ne vise pas explicitement le bon de commande conclu entre la société prestataire de services et Monsieur M., il n'en demeure pas moins qu'en sa qualité de financier professionnel, la société Banque Solféa, qui a fait conclure par l'intermédiaire de la société France Solaire Energies l'opération de crédit liée à la prestation de service financée et connaissait donc les conditions dans lesquelles se déroulait l'opération, ne pouvait ignorer la nullité encourue en raison de la faute commise par cette société dans l'accomplissement des formalités impératives prévues par le Code de la consommation ; qu'elle aurait dû à tout le moins s'assurer de la régularité du contrat de prestation de services signé par Monsieur M., ce qu'elle n'a pas fait ; qu'elle a ainsi participé à la violation des dispositions légales et réglementaires exposées précédemment ;
Qu'en libérant ainsi les fonds prêtés sans vérifier la régularité du contrat principal, la société Banque Solféa a commis une faute occasionnant à Monsieur X et Madame Y un préjudice, distinct d'une perte de chance de ne pas conclure l'opération en cause, qui, dès lors qu'ils ne pourront, en l'état de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société France Solaire Energies dont la société BNP Paribas Personal Finance reconnaît elle-même qu'elle est impécunieuse, obtenir le remboursement du prix des prestations, doit être réparé par la privation de la créance de restitution de ces fonds ;
Attendu que rien ne s'opposant par ailleurs à ce qu'il soit fait droit à la demande de Monsieur X et Madame Y en restitution des sommes versées par eux à la société Banque Solféa en remboursement du prêt annulé, le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Banque Solféa, devenue BNP Paribas Personal Finance, de sa demande formée contre Monsieur X et Madame Y en remboursement du capital emprunté et l'a condamnée à leur restituer les sommes versées par eux au titre du contrat de prêt annulé ;
Attendu, sur la demande de dommages et intérêts formée contre la société BNP Paribas Personal Finance, que Monsieur X et Madame Y ne justifiant pas d'un préjudice autre que celui déjà réparé par l'absence de restitution à la société prêteuse du capital emprunté, le jugement sera également confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts complémentaire ;
Attendu enfin qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X et Madame Y les frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ; qu'il lui sera en conséquence alloué la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, l'indemnité allouée en première instance étant confirmée ;
Par ces motifs, Donne acte à la SA BNP Paribas Personal Finance de sa reprise d'instance en ce qu'elle vient aux droits de la société Banque Solféa à la suite d'une cession de créance ; Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur X et Madame Y la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel.