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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 12 avril 2018, n° 17-01092

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Green Power (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bech

Conseillers :

M. Poupet, Mme Boutié

TGI Boulogne-sur-Mer, du 9 août 2016

9 août 2016

Le 26 mai 2011, M. X, domicilié à Fiennes (Pas-de-Calais), a commandé à la société Green Power une éolienne de marque Wipo, modèle GP 10 kw, dont le prix était de 38 405 euros.

Il a réglé par chèque un acompte de 11 520 euros le 5 juillet 2011 et un second acompte de 19 200 euros le 16 novembre 2011.

L'éolienne a été installée le 6 janvier 2012.

M. X a fait assigner la société Green Power devant le Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer par acte du 9 mai 2016 afin de voir prononcer la nullité du bon de commande du 26 mai 2011 sur le fondement des dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage ou, subsidiairement, la résolution de la vente pour inexécution de ses obligations par la défenderesse, et condamner celle-ci à lui verser 28 620 euros à titre de remboursement des acomptes, avec capitalisation des intérêts, outre 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à procéder à l'enlèvement de l'éolienne sous astreinte de 300 euros par jour à compter de la signification du jugement.

Par jugement réputé contradictoire du 9 août 2016, le tribunal l'a débouté de ses demandes et condamné aux dépens.

M. X, ayant relevé appel de ce jugement, réitère ses demandes, portant toutefois à 3 500 euros le montant de l'indemnité pour frais irrépétibles sollicitée.

La société Green Power, contestant d'une part la soumission du bon de commande aux dispositions relatives au démarchage, d'autre part tout manquement à ses obligations de vendeur, conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. X à lui payer 7 682 euros au titre du solde du prix, 2 100 euros à titre de remboursement d'un acompte qu'elle a versé dans la perspective d'un protocole d'accord et 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation des intérêts, outre 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP A.

Vu les conclusions de l'appelant en date du 25 septembre 2017 et les dernières conclusions notifiées par l'intimée le 28 novembre 2017.

SUR CE

Sur la nullité alléguée du bon de commande

Les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 14 juin 2014 et donc à la date du contrat liant les parties, imposent le respect d'un certain nombre de règles, notamment en ce qui concerne la forme du contrat, à quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services.

Il est constant néanmoins que ne sont soumis aux règles régissant les contrats conclus par démarchage, dits aujourd'hui conclus " hors établissement ", que les contrats conclus en la présence physique simultanée des parties, autrement dit ceux dont il est possible qu'ils aient été conclus par le consommateur sous l'effet du talent de persuasion du professionnel présent à ses cotés.

Il n'est pas contesté qu'un agent technico-commercial de la société Green Power, M. Y, s'est rendu au cours de l'année 2010 au domicile de M. X, à la demande de celui-ci, pour réaliser une étude relative à l'installation d'une éolienne mais que M. X n'a pas pris d'engagement ce jour-là.

M. X soutient qu'il a néanmoins signé le bon de commande du 26 mai 2011 lors d'une autre visite de M. Y, ce que conteste la société Green Power.

La seule attestation produite par M. X au soutien de sa position a peu de force probante dès lors qu'elle émane de son épouse.

Or, la société Green Power verse aux débats un courriel adressé le 23 mai 2011 par M. Y à M. X ainsi rédigé " suite à notre entretien téléphonique, veuillez trouver ci-joint le bon de commande à me retourner signé et nos conditions générales de vente " et un courriel du 26 mai suivant par lequel M. X lui répond : " Bonjour, ci-joint le bon de commande, si nécessaire je vous ferai parvenir l'original ".

Elle apporte ainsi la preuve de ce que M. X s'est engagé hors la présence de son " commercial ".

Le contrat n'est donc pas soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants, susvisés, du Code de la consommation et le moyen de nullité tiré du non-respect de ces dispositions est inopérant.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. X de ce chef.

Sur la demande de résolution du contrat

L'article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable en l'espèce, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ; que dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit ; que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts; que la résolution doit être demandée en justice.

Si M. X vise ce texte de portée générale, il ne précise pas le fondement juridique des manquements allégués de la société Green Power à ses engagements qui justifieraient, selon lui, la résolution du contrat.

L'article 1610 du Code civil, qu'il vise également et qui évoque l'hypothèse où le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu, est sans rapport avec le présent litige puisque ce n'est pas un retard de livraison qui est reproché à l'intimée.

S'agissant d'une vente, la résolution, aux torts du vendeur, peut être justifiée soit par un manquement de celui-ci à son obligation de délivrer une chose conforme aux stipulations du contrat, résultant des articles 1603 et suivants du Code civil, soit par l'existence d'un vice caché affectant le bien vendu conformément aux articles 1641 et suivants du même code.

En effet, l'article 1603 du Code civil dispose que le vendeur a deux obligations principales, délivrer et garantir la chose qu'il vend.

La délivrance s'entend de la remise d'une chose conforme aux stipulations du contrat.

Il n'est pas démontré ni même soutenu que l'éolienne livrée ne serait pas l'éolienne commandée et un manquement à l'obligation de délivrance est donc exclu.

Par ailleurs, l'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

En vertu de l'article 1644, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Mais l'article 1648 précise que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

La société Green Power conteste l'existence d'un quelconque vice affectant l'éolienne et fait valoir qu'en toute hypothèse, une demande de résolution de la vente sur ce fondement se heurte à la prescription.

M. X expose que l'éolienne n'est pas conforme à ce qu'il en attendait, qu'elle ne lui procure aucune économie d'énergie, au contraire, et qu'elle est excessivement bruyante.

Cependant, il ne produit aucune pièce justifiant, techniquement, d'un défaut caché affectant cet appareil à la date de la vente, lequel a fait l'objet en 2011 d'un certificat de conformité visé par le Consuel.

Ses factures, censées démontrer que sa consommation d'électricité n'a pas diminué et a même augmenté, ne sauraient constituer une telle preuve. Au demeurant, l'intimée expose, sans être contredite, qu'une installation telle que l'éolienne litigieuse n'a pas pour effet de réduire la consommation d'électricité de son propriétaire ni d'assurer sa propre consommation mais de produire de l'électricité qui fait l'objet de la part d'EDF d'un rachat distinct, non d'une imputation sur les factures de consommation.

Par ailleurs, les courriels par lesquels M. X informe la société Green Power de ce que ses voisins se plaignent du bruit de l'éolienne ne sont pas davantage la preuve d'un vice caché ni même du caractère anormal du bruit produit par le fonctionnement de l'appareil par rapport aux normes en vigueur.

Enfin, le protocole d'accord que la société Green Power a soumis le 9 février 2015 à M. X, qui l'a refusé, par lequel elle proposait de reprendre l'éolienne et d'en rembourser le prix, ce qu'elle présente comme un geste commercial face aux doléances de l'appelant relatives au bruit de l'appareil, lesquelles sont effectivement l'objet de plusieurs courriers électroniques, ne saurait davantage constituer la preuve d'un vice de l'appareil, et ce d'autant moins que ce document précise en son article 4 qu'il vaut transaction mais non reconnaissance par chacune des parties du bien-fondé des prétentions de l'autre.

En toute hypothèse, il ressort des échanges de courriels produits par M. X lui-même qu'il a dénoncé les désordres dont il fait état dès 2012, de sorte que l'action introduite par M. X par acte du 9 mai 2016, si elle se voulait une action en garantie des vices cachés, ce qui n'est pas explicite, serait irrecevable.

C'est donc à bon droit que le tribunal a débouté M. X de sa demande de résolution de la vente.

Sur les autres demandes

Les considérations qui précèdent conduisent au rejet de toutes les demandes de l'appelant.

Il n'est pas discuté que M. X reste devoir 7 682 euros sur le montant de la facture d'achat de l'éolienne et qu'il a reçu de la société Green Power, en même temps que la proposition de protocole d'accord, 2 100 euros d'acompte qu'il a encaissé tout en refusant ledit protocole.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande tendant à sa condamnation au paiement desdites sommes présentée par l'intimée, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et capitalisation des intérêts.

La société Green Power ne caractérise pas le préjudice en réparation duquel elle demande 10 000 euros de dommages et intérêts et ne peut donc qu'être déboutée de cette demande.

M. X, partie perdante, doit être condamné aux dépens conformément à l'article 696 du Code de procédure civile.

Il est en outre équitable, vu l'article 700 du même code, qu'il indemnise l'intimée des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer la défense de ses intérêts.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement entrepris, déboute M. X de toutes ses demandes, le condamne à payer à la société Green Power les sommes de sept mille six cent quatre-vingt-deux euros (7 682) et deux mille cent euros (2 100) avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, lesquels produiront eux-mêmes des intérêts lorsqu'ils seront dus pour une année entière, déboute la société Green Power de sa demande de dommages et intérêts, condamne M. X à payer à la société Green Power une indemnité de trois mille cinq cents euros (3 500) par application de l'article 700 du Code de procédure civile, le condamne aux dépens qui pourront être recouvrés par la SCP A selon les modalités prévues par l'article 699 du même code.