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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 22 mai 2017, n° 15-05612

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Caravan'67 (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mmes Wolf, Fabreguettes

TI Illkirch-Graffenstaden, du 9 sept. 20…

9 septembre 2015

Faits, procédure et prétentions des parties

Madame X désirait vendre son camping-car Autostar Athénor 546 immatriculé 1833 YW 67 et elle a pris attache pour cela avec la SARL Caravan'67 en février 2015.

Elle demandait au minimum un prix de 15 000 euros, mais le gérant de la société, Monsieur Y, a évalué ce prix à 12 500 euros, dont 2 500 euros représentant sa commission et elle a fini par accepter de lui remettre son véhicule, avec sa carte grise, après avoir signé le 27 février 2015 un document intitulé " attestation ", qui confie le camping car en dépôt vente à cette société avec la mention que le déposant désire obtenir un prix de 10 000 euros.

Selon la SARL Caravan'67, son gérant a omis de réclamer à Madame X le certificat de vente signé en blanc prévu par ce formulaire.

Ce document prévoit par ailleurs une possibilité de reprise du bien par le client lui-même, moyennant une commission de 10 % du prix.

Madame X a fait envoyer deux membres de sa famille le 6 mars 2015 chez Caravan'67 et a ainsi appris que le véhicule était mis en vente pour le prix de 19 000 euros, sans qu'il soit question d'une remise en état ou de la prise en charge des frais de transfert de la carte grise.

Elle a alors le même jour adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à cette société pour demander la restitution de son bien, puis elle a saisi le 20 mars 2015 le Tribunal d'instance d'Illkirch-Graffenstaden d'une requête en injonction de faire en ce sens, lequel y a fait droit par ordonnance du 2 avril 2015 fixant le délai de restitution au 15 avril 2015 et un examen de la cause à une audience du 22 avril 2015.

Madame X précise qu'avant d'entreprendre cette démarche judiciaire, Monsieur Y lui avait fait part téléphoniquement que le camping-car avait déjà été réservé et vendu et il avait donc refusé de le rendre, ne présentant cependant aucune facture, ni certificat de cession ou chèque d'acompte.

La SARL Caravan'67 a précisé pour sa part que le véhicule avait été vendu le 6 mars 2015 dans l'après-midi à Monsieur et Madame Thierry B. au prix de 16 500 euros avec mise en peinture de la jupe et du bas de caisse, carte grise, révision moteur et cellule et garantie contractuelle de trois mois.

En dernier lieu, Madame X a demandé au tribunal de dire le contrat liant les parties nul et de nul effet pour dol, d'ordonner la restitution du camping car sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de condamner la SARL Caravan'67 à lui payer une indemnité de 60 euros par jour en réparation de son trouble de jouissance jusqu'à restitution, une somme de 1 800 euros en réparation de son préjudice économique et un montant de 1 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle demandait aussi la publication du jugement à intervenir sous astreinte dans les DNA.

La SARL Caravan'67 a demandé à titre reconventionnel que Madame X soit condamnée sous astreinte de 50 euros par jour à effectuer les démarches administratives, signature du certificat de vente et de la carte grise pour neutralisation, pour concrétiser la vente, précisant qu'elle tenait un chèque de 10 000 euros à disposition de l'intéressée.

Par jugement en date du 9 septembre 2015, le tribunal d'instance a estimé que le contrat signé entre les parties était un contrat combinant le dépôt et la vente sous condition, que les articles L. 121-18 et L. 121-18-2 du Code de la consommation n'étaient pas applicables, que l'erreur sur le prix ne pouvait constituer une cause de nullité du contrat, qu'aucun dol n'était établi et que la vente prouvée à Monsieur Y était parfaite et marquait l'exécution du contrat, de sorte qu'il a débouté Madame X de sa demande et l'a invitée, au besoin condamnée à finaliser les formalités administratives afférentes à la vente, sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la signification du jugement.

Le tribunal a aussi, au besoin, condamné la SARL Caravan'67 a remettre à Madame X le chèque de 10 000 euros sous la même astreinte à compter de l'accomplissement des formalités de vente.

Madame X a été condamnée aux dépens et à payer une somme de 500 euros à la défenderesse au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les parties ont été déboutées du surplus de leurs prétentions.

Madame Yvonne W., épouse M. a interjeté appel le 26 octobre 2015 et, par dernières conclusions déposées le 6 janvier 2017, elle demande l'infirmation de ce jugement et, compte tenu de l'évolution du litige, puisqu'elle explique avoir exécuté l'injonction de faire, elle demande toujours que le contrat soit déclaré nul et que la SARL Caravan'67 soit condamnée à lui payer au titre de la restitution par équivalent ou subsidiairement pour manquement à l'obligation de restitution, la vente à Monsieur Y n'étant finalement pas intervenue, ou subsidiairement encore pour manquement de l'intimée à son obligation de conseil ou de loyauté la somme de 18 000 euros dont à déduire celle de 10 000 euros déjà payée.

Si la cour devait confirmer le dépôt-vente, elle demande accessoirement le paiement d'une somme supplémentaire de 4 850 euros sur le prix, après limitation de la commission du garage à 1 650 euros.

Dans tous les cas, elle réclame aussi à titre de dommages et intérêts les montants de 1 800 euros au titre de préjudice économique, 2 400 euros au titre du préjudice de jouissance et 1 000 euros au titre du préjudice moral et la condamnation de la SARL Caravan'67 aux dépens des deux instances et à lui payer deux sommes de 2 000 et 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour respectivement la première instance et l'appel.

Enfin, elle demande que la clause subordonnant la résiliation du contrat au versement d'une indemnité de 10 % du prix convenu soit déclarée abusive et non écrite.

La SARL Caravan'67 demande, par dernières conclusions communiquées le 3 février 2017, la confirmation du jugement, que Madame X soit déboutée de sa demande et condamnée aux dépens et à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

Madame X revendique l'application à son profit de l'article L. 121-16 2° a) du Code de la consommation, devenu l'article 221-1 nouveau de ce même code, aux termes duquel constitue un contrat de vente ou de fourniture de services hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur "dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence et de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur."

Le SARL Caravan'67 discute pour sa part la qualification pouvant être donnée au contrat, parlant tantôt d'un dépôt sous condition de vendre, tantôt de la vente d'un consommateur à un professionnel et non d'une prestation de service offerte par elle-même, et contestant l'existence d'un mandat.

En l'espèce, il n'est pas discuté par les parties que Madame X, suite à une petite annonce de la SARL Caravan'67 parue dans un magazine local, par laquelle cette société indiquait acheter ou prendre en dépôt-vente des camping-cars, mobil-homes et caravanes, a contacté cette société, dont le gérant, Monsieur Y, s'est déplacé à son domicile de Scherwiller, où les parties ont conclu le contrat litigieux.

Ce document, intitulé curieusement " attestation ", indique que Madame X accepte de confier son camping-car "en dépôt vente chez Caravan'67 [...]" et que le prix qu'elle désire en obtenir était de 10 000 €.

Un tel contrat correspond à l'évidence, contrairement à ce que soutient l'intimée, à la fourniture d'une prestation de services puisque, pour éviter à Madame X d'avoir à chercher elle-même un acquéreur pour son véhicule, la SARL Caravan'67 acceptait de prendre le camping-car de l'appelante en dépôt dans son établissement le temps nécessaire pour le présenter à des acheteurs potentiels et à négocier sa vente avec ces derniers pour le prix convenu, dont en l'espèce le contrat ne précisait pas de manière claire s'il s'agissait d'un minimum ou d'un maximum.

En effet, le prix de 10 000 euros a été ajouté de manière manuscrite à une mention "le prix que je désire obtenir est de : ... €", ce qui est une formulation ambigüe, car elle n'exclut pas que ce prix puisse être supérieur, alors que sur la même ligne figure aussi une mention "Minimum........€", qui n'a pas été renseignée.

Ce contrat confiait par ailleurs un mandat à la SARL Caravan'67 pour la vente du camping-car dès lors que l'attestation prévoyait qu'y soient joints la carte grise de ce véhicule, le double des clés et un certificat de vente signé en blanc, que cette société pouvait donc remplir à sa guise en y ajoutant le nom de l'acheteur - même s'il est reconnu qu'en l'espèce Madame X n'avait pas remis ce document à Monsieur Y car il avait oublié de le lui réclamer.

En l'occurrence, le mandataire se trouvait en possession tant du véhicule que de tous les documents administratifs, clés et double de clés permettant la vente sans que plus aucune intervention du vendeur-mandant ne s'avère nécessaire.

Il importe peu, par ailleurs, que le contrat n'ait pas précisé expressément le montant de la commission du mandataire, car sa rémunération découlait de l'autorisation qu'il avait de vendre le véhicule pour le compte du mandant et était parfaitement déterminable, comme correspondant à la différence entre le prix espéré par ce mandant et celui que le mandataire pouvait retirer de la vente, au besoin après une remise en état du véhicule correspondant à un service supplémentaire rendu au vendeur.

L'existence de ce mandat n'emporte cependant plus aucune conséquence directe pour le litige, puisque la SARL Caravan'67 a refusé sa révocation et la restitution du camping-car, au motif avancé de la vente déjà intervenue au profit de Monsieur Y.

Par ailleurs, depuis lors, par suite du jugement de première instance, Madame X a préféré régulariser les formalités administratives afférentes à cette vente, bien qu'il se soit en définitive avéré que Monsieur Y s'était vu proposer un autre camping-car et que l'intimée avait mis à son nom et non celui de Monsieur Y la " déclaration d'achat d'un véhicule d'occasion" que lui a remis l'appelante, se désignant donc comme acheteur, avant de revendre le véhicule à une tierce personne.

Ces vicissitudes postérieures à la signature du contrat n'empêchent pas de se poser la question essentielle de la validité de ce contrat, qui était bien de fourniture de services, au moment où il a été conclu.

Ce contrat entre en l'espèce dans la définition du contrat hors établissement puisqu'il a été conclu au domicile de l'appelante, en présence simultanée des deux parties, hors de l'établissement d'Illkirch-Graffenstaden qui est le lieu où l'intimée exerce son activité en permanence et de manière habituelle, peu important si ce démarchage à domicile a été sollicité par Madame X elle-même.

La SARL Caravan'67 et son gérant se devaient donc de respecter les dispositions protectrices du Code de la consommation, notamment celles stipulées aux articles L. 111-1 et L. 111-2, imposant une information préalable sur les caractéristiques essentielles du service proposé et son prix, à l'article L. 221-5 (recodifié), imposant un droit de rétractation et diverses autres informations obligatoires, et à l'article L. 221-9 précisant la forme et le contenu du contrat conclu hors établissement et la nécessité tant de l'information préalable prévue à l'article L. 221-5 que de l'existence d'un formulaire de rétractation accompagnant le contrat.

En l'occurrence, l'" attestation" de la SARL Caravan'67 ne répond à aucune de ces exigences légales et la sanction encourue pour le non-respect de l'article L. 221-9 du Code de la consommation, qui englobe les autres dispositions, est la nullité du contrat telle que prévue à l'article L. 242-1 du même code.

Le jugement entrepris, qui a confondu contrat à distance et contrat conclu hors établissement, sera donc infirmé et il sera dit que le contrat conclu le 27 février 2015 entre Madame Yvonne M. et la SARL Caravan'67 est nul et de nul effet.

Les parties doivent en conséquence être remises en l'état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion de ce contrat, ce qui implique la restitution du camping-car donné en dépôt-vente ou, puisqu'elle n'est plus possible, sa restitution en équivalent.

Doit en l'espèce être retenu pour juste prix de cette équivalence le prix évalué par recours à la cote officielle DICA, tenant compte de l'année du véhicule et de son faible kilométrage, soit la somme de 15 269 euros, sans prendre en considération l'éventuelle marge bénéficiaire que pouvait appliquer le professionnel ou les travaux que l'intimée prétend, sans en justifier, avoir effectués pour remettre le bien en état postérieurement à la conclusion du contrat.

La SARL Caravan'67 sera donc condamnée à payer ce montant de 15 269 euros à Madame X, en l'occurrence en quittance et deniers compte tenu de la somme de 10 000 euros déjà versée, avec les intérêts au taux légal à compter du contrat annulé, soit du 27 février 2015.

Compte tenu de l'annulation du contrat, il n'y a pas lieu de statuer sur le caractère abusif ou non de la clause pénale de 10 % prévue en cas de résiliation de ce contrat.

S'agissant des divers chefs de préjudice réclamés par Madame X, il ne saurait être retenu de préjudice de jouissance ou de préjudice économique puisque l'appelante désirait vendre son véhicule et avait accepté qu'il soit mis en dépôt ailleurs qu'à son domicile, de sorte qu'elle ne souhaitait plus en conserver l'usage, ni n'avait l'intention de le louer à des tiers - peu important si la restitution du véhicule aurait encore été possible à un moment donné puisque Monsieur Y avait renoncé à son achat du fait du litige né entre les parties qui l'empêchait de disposer du camping-car.

Par contre, Madame X a nécessairement subi un préjudice moral du fait du non-respect du Code de la consommation qui l'a privée de l'exercice d'une partie de ses droits, notamment du droit de rétractation, et la cour lui accordera donc une somme de 500 euros en réparation de cette faute de l'intimée, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La SARL Caravan'67, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable par ailleurs d'allouer à Madame X une somme de 2 500 euros pour ses frais autres que les dépens exposés lors des deux instances.

Par ces motifs, LA COUR, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, déclare nul et de nul effet le contrat conclu le 27 février 2015 entre Madame W. Yvonne, épouse M. et la SARL Caravan'67 ; condamne la SARL Caravan'67 à payer à Madame W. Yvonne, épouse M. les sommes de : en quittance et deniers, 15 269 euros (quinze mille deux cent soixante-neuf euros), avec les intérêts au taux légal à compter du 27 février 2015, à titre de restitution par équivalent suite à l'annulation du contrat, 500 euros (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne la SARL Caravan'67 aux dépens de première instance et d'appel ; déboute les parties du surplus de leurs fins et prétentions.