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Décisions

CA Rouen, ch. de la proximite, 16 mars 2017, n° 15-05915

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Pêche Chasse Evasion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brylinski

Conseillers :

Mmes Labaye, Delahaye

Jur. prox. Le Havre, du 7 sept. 2015

7 septembre 2015

Le 23 février 2014, M. X a commandé auprès de la société Chasse Pêche Evasion via son site internet une carabine Tikka T3 et son montage Optilock pour un montant total de 1 470,90 €. Après modification de la commande pour un autre modèle en raison d'une rupture de stock, la commande a été livrée le 19 mai 2014.

Invoquant que la carabine était endommagée, M. X a fait assigner la société Chasse Pêche Evasion, par acte d'huissier du 26 août 2014, devant la juridiction de proximité du Havre, laquelle, par jugement du 7 septembre 2015, a :

- prononcé la résolution de la vente conclue initialement le 23 février 2014, modifiée le 7 mai 2014, sous le numéro de commande L37512MTMTBsW et portant sur une Carabine Tikka-Huntergaucher

- condamné la société Chasse Pêche Evasion, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, à verser à M. Raphaël R. la somme de 1 470,90 €.

- pris acte de ce que M. Raphaël R. a déjà restitué l'arme

- condamné la société Chasse Pêche Evasion, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, à verser à M. Raphaël R. la somme de 300 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- rejeté la demande de la société Chasse Pêche Evasion, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société Chasse Pêche Evasion, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, à verser à M. Raphaël R. la somme de 400 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté la demande de la société Chasse Pêche Evasion, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, au titre des frais irrépétibles,

- prononcé l'exécution provisoire de la décision.

- condamné la société Chasse Pêche Evasion prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe du 10 décembre 2015, la société Chasse Pêche Evasion a formé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 20 juin 2016, le conseiller de la mise en état a débouté M. X de sa demande d'irrecevabilité de l'appel formé par la société Chasse Pêche Evasion et l'a condamné à régler la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'incident.

Par conclusions enregistrées au greffe le 10 mars 2016 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Chasse Pêche Evasion soutenant, sur l'irrecevabilité de l'appel, que le jugement a été improprement qualifié "en dernier ressort" puisque la demande tendant à la résolution de la vente est une demande indéterminée, rappelant sur le fond qu'elle est une société qui commercialise des articles de chasse et pêche notamment par son site internet, et soutenant qu'elle n'a commis aucune faute puisque la marchandise a été vérifiée avant le transport, soutenant également que M. X n'a formulé aucune réserve sur le bon de livraison, si bien que le transporteur a été libéré de toute responsabilité à l'égard du client, et si bien encore qu'elle a elle-même perdu tout recours envers le transporteur, et estime que M. X a ainsi commis une faute l'empêchant de prétendre à une indemnisation, la facture mentionnant expressément la nécessité de faire des réserves dans un délai de 48 heures, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

- dire la société Chasse Pêche Evasion recevable en son appel

- dire M. X irrecevable en ses prétentions

- le dire mal fondé

- à titre subsidiaire condamner M. X à lui payer la somme de 1 470,90 € à titre de dommages et intérêts dans l'hypothèse où la résolution de la vente serait ordonnée

- ordonner la restitution de la carabine encore en possession de M. X

- ordonner s'il y a lieu une compensation entre les créances réciproques et débouter M. X de ses demandes

- condamner M. X à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamner M. X à lui payer la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions enregistrées au greffe le 9 mai 2016, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. X, soutenant l'irrecevabilité de l'appel s'agissant d'un jugement rendu en dernier ressort, soutenant sur le fond que le vendeur est tenu d'une obligation de délivrance, peu important qu'il fasse appel à d'autres prestataires, et ce en application de l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation, et de l'interprétation faite par la cour de cassation sur le rôle du transporteur en cas de vente à distance, rappelant qu'il a proposé au vendeur de renvoyer l'objet afin d'en obtenir un autre, ce qui lui a été refusé au motif qu'il devait lui-même se retourner contre le transporteur, soutenant enfin qu'aucune preuve ne permet d'établir que la mauvaise exécution du contrat lui est imputable, demande à la cour de dire l'appel irrecevable, subsidiairement de débouter la société Chasse Pêche Evasion de ses demandes et en tout état de cause de la condamner à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure téméraire et abusive et à celle de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Attendu qu'aux termes de l'article 914 du Code de procédure civile :

Le conseiller de la mise en état est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour prononcer la caducité de l'appel, pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910. Les parties ne sont plus recevables à invoquer la caducité ou l'irrecevabilité après son dessaisissement, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.

Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 des ont autorité de la chose jugée au principal;

Attendu que par ordonnance du 20 juin 2016 susceptible de déféré, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'irrecevabilité de l'appel, relevant que le jugement avait été mal qualifié ; qu'aucun déféré n'a été formé par M. X contre cette décision, laquelle a autorité de chose jugée au principal;

Que la fin de non recevoir opposée devant la cour est donc irrecevable ;

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation, tel qu'applicable à la date de conclusion du contrat :

"Le fournisseur doit indiquer, avant la conclusion du contrat, la date limite à laquelle il s'engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation de services. A défaut, le fournisseur est réputé devoir délivrer le bien ou exécuter la prestation de services dès la conclusion du contrat. En cas de non-respect de cette date limite, le consommateur peut obtenir la résolution de la vente dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 114-1. Il est alors remboursé dans les conditions de l'article L. 120-21 ;

En cas de défaut d'exécution du contrat par un fournisseur résultant de l'indisponibilité du bien ou du service commandé, le consommateur doit être informé de cette indisponibilité et doit, le cas échéant, pouvoir être remboursé sans délai et au plus tard dans les trente jours du paiement des sommes qu'il a versées. Au-delà de ce terme, ces sommes sont productives d'intérêts au taux légal.

Toutefois, si la possibilité en a été prévue préalablement à la conclusion du contrat ou dans le contrat, le fournisseur peut fournir un bien ou un service d'une qualité et d'un prix équivalents. Le consommateur est informé de cette possibilité de manière claire et compréhensible. Les frais de retour consécutifs à l'exercice du droit de rétractation sont, dans ce cas, à la charge du fournisseur et le consommateur doit en être informé.

Le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Toutefois, il peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure" ;

Qu'il convient de préciser que le prestataire de service auquel le professionnel a recours pour l'exécution des obligations résultant d'un contrat conclu à distance n'est pas un tiers au contrat au sens de l'article L. 121-20-3 du Code de la consommation ; qu'ainsi, le professionnel, responsable de plein droit à l'égard du consommateur, en vertu de dispositions d'ordre public, de la bonne exécution des obligations nées d'un contrat conclu à distance, ne peut conventionnellement exclure ni limiter, en dehors des prévisions de la loi, la réparation due au consommateur en cas d'inexécution ou de mauvaise exécution d'un tel contrat ;

Qu'en l'occurrence, il résulte des pièces produites que le colis a été livré sur le lieux de travail de M. X (Direction générale des Douanes) et a été réceptionné par une de ses collègues, Mme L., laquelle atteste avoir réceptionné le colis le 19 mai 2014 au matin en l'absence de M. X; que ce dernier a adressé un courriel à la société le 19 mai à 15h34 l'informant avoir constaté après déballage que la crosse était cassée, et produit des photographies non utilement contredites en attestant, lesquelles démontrent en outre que l'emballage n'était pas particulièrement endommagé ;

Que c'est dès lors en vain que la société Chasse Pêche Evasion invoque les clauses mentionnées sur la facture aux termes desquelles " les marchandises voyagent toujours aux risques et périls du destinataire ", " notez sur le bon de livraison les manquements et/ou articles cassés éventuels " Sans ces réserves écrites, aucune réparation et aucun échange ne pourra intervenir vous disposez d'un délai de 48 heures pour faire d'éventuelles réserves auprès du transporteur en cas de manquement ou de dégradation ;

Que la société Chasse Pêche Evasion est donc responsable des dégradations du bien livré, ne produisant aucun élément ou pièce de nature à établir que M. X serait à l'origine des dégradations constatées ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts et aux fins de compensation ;

Que le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et condamné l'appelante au remboursement du prix ;

Qu'il sera également confirmé en ce qu'il l'a condamnée à régler la somme de 300 € à titre de dommages et intérêts ;

Que concernant la restitution de la carabine, la société Pêche Chasse Evasion demande dans son dispositif la restitution de l'arme vendue, sans critiquer précisément dans le corps de ses conclusions le jugement en ce qu'il a pris acte que M. X avait déjà restitué l'arme, et sans critiquer d'ailleurs le fait que les dommages et intérêts de 300 € incluent les frais d'envoi de l'arme endommagée ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande ;

Attendu que M. X n'apporte pas la preuve, au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour procédure téméraire et abusive présentée en cause d'appel, d'un préjudice différent de celui susceptible d'être indemnisé sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la société Chasse Pêche Evasion qui perd le procès sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de celle fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de M. X les frais irrépétibles qu'il s'est vu contraint d'exposer devant la cour ; qu'une somme de 1 000 € lui sera donc accordée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Dit irrecevable devant la cour la fin de non-recevoir opposée par M. X à l'appel interjeté par la société Chasse Pêche Evasion ; Confirme le jugement rendu le 7 septembre 2015 par la juridiction de proximité du Havre en toutes ses dispositions ; Y ajoutant : Déboute M. X de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; Déboute la société Chasse Pêche Evasion de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Chasse Pêche Evasion à payer à M. X la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Chasse Pêche Evasion aux dépens de l'instance d'appel.