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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 24 avril 2018, n° 17-00656

BESANÇON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ambre France (SA)

Défendeur :

Marcom (SARL), MRC (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mazarin

Conseillers :

Mmes Uguen Laithier, M. Lévèque

Avocats :

Mes Aitali, Bevalot

T. com. Besançon, du 22 févr. 2017

22 février 2017

Faits et prétentions des parties

Par acte du 3 février 2014, la SARL Marcom a fait assigner la SA Ambre devant le Tribunal de commerce de Besançon afin d'obtenir l'indemnisation de ses divers préjudices suite à la rupture du contrat liant les parties et M. X est intervenu volontairement à l'instance.

Par exploit d'huissier délivré le 16 février 2016, la SA Ambre a fait appeler en la cause la SAS MRC aux fins de la voir condamner solidairement aux côtés de la SARL Marcom et M. X, pour détournement de clientèle.

Les deux affaires ont fait l'objet d'une jonction par décision du 13 avril 2016.

Par jugement rendu le 22 février 2017, ce tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- constaté que la SARL Marcom a été chargée de janvier 2010 à juin 2013 d'une mission de représentation commerciale et de développement de sa clientèle,

- dit que la SA Ambre a confié une mission d'agent commercial à la SARL Marcom pour la période du 1er juillet au 31 octobre 2013,

- dit abusive la rupture du contrat d'agent commercial notifiée à la SARL Marcom le 31 octobre 2013,

- condamné la SA Ambre à payer à la SARL Marcom les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 :

* 90 894,47 € à titre d'indemnisation de la rupture abusive du contrat,

* 15 149,08 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 21 078,60 € au titre de la facture du mois d'octobre 2013,

* 60 596,32 € au titre des commissions acquises après la cessation du contrat,

- débouté la SARL Marcom de ses demandes au titre du remboursement du prêt et à titre de dommages intérêts,

- enjoint à la SA Ambre, sous astreinte de 500 € par jour de retard dans les 15 jours de la signification du jugement, de produire l'intégralité des comptes des exercices 2012, 2013, 2014 et 2015,

- condamné la SA Ambre à payer à la SARL Marcom la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Suivant déclaration parvenue au greffe de la cour le 15 mars 2017, la SA Ambre a relevé appel de cette décision dont l'exécution provisoire a été arrêtée par ordonnance du Premier président en date du 27 juin 2017, celle-ci étant subordonnée au nantissement du stock estimé à 231 459,63 € ainsi qu'au cautionnement par la SA Ambre dans un délai de 20 jours.

Aux termes de ses dernières écritures transmises le 16 février 2018, l'appelante demande à la cour de :

* à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'une relation d'agent commercial avec la SARL Marcom pour la période de janvier 2010 à juin 2013 et en ce qu'il a rejeté la demande adverse au titre de l'emprunt,

- le réformant pour le surplus, dire qu'il n'existe aucune relation d'agent commercial avec la SARL Marcom pour la période du 1er juillet au 31 octobre 2013 et débouter en conséquence cette dernière de ses entières demandes,

* à titre subsidiaire, ordonner à la SARL Marcom de justifier des ventes réalisées par son intermédiaire et à défaut débouter celle-ci de ses demandes indemnitaires,

* à titre très subsidiaire,

- dire qu'il y a lieu de retenir au titre de l'indemnité de fin de contrat une période de 4 mois,

- dire que les fautes imputables à la SARL Marcom justifiaient une rupture immédiate et sans préavis et, à défaut, limiter l'indemnisation au titre du préavis à un mois de rémunération,

- débouter la SARL Marcom de sa demande de 100 000 € au titre du caractère abusif de la rupture,

- dire que la somme due au titre de la facture du 30 octobre 2013 est de 13 311,90 € HT,

- dire que l'indemnisation au titre des commissions acquises après cessation du contrat ne sauraient être supérieure à 37 945,88 €,

* en toute hypothèse,

- constater qu'elle a d'ores et déjà produit dès la première instance l'intégralité des comptes des exercices 2012, 2013 et 2014,

- dire la SARL Marcom et M. X coupables de faits de concurrence déloyale et de détournement de clientèle,

- condamner en conséquence solidairement la SARL Marcom, la SAS MRC et M. X à lui payer la somme de 541 800 € à titre d'indemnisation de son préjudice à ce titre, outre intérêts à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement la SARL Marcom, la SAS MRC et M. X à lui payer la somme de 8 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens avec droit pour la Selarl Terryn Aitali & associés de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières écritures déposées le 18 décembre 2017, la SARL Marcom, la SAS MRC et M. X demandent à la cour de :

* à titre principal :

- dire que la relation contractuelle entre la SARL Marcom et la SA Ambre doit être qualifiée de contrat d'agent commercial depuis le 10 mars 2010,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat à effet au 31 octobre 2013 est brutale et abusive,

- condamner en conséquence la SA Ambre à payer à la SARL Marcom, outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 :

* 313 596 € à titre d'indemnisation de la rupture anticipée du contrat,

* 47 039,51 € à titre d'indemnisation compensatrice de préavis,

* 100 000 € toutes causes de préjudices confondues à raison du caractère abusif de la rupture,

* 21 078,60 € au titre des commissions sur opérations d'octobre 2013,

* 94 079,02 € au titre des commissions acquises après cessation du contrat,

* à titre subsidiaire :

- dire que la relation contractuelle existant depuis le 9 mars 2010 caractérise un mandat d'intérêt commun et que sa révocation unilatérale donne lieu à dommages intérêts même en l'absence de faute,

- condamner en conséquence la SA Ambre à payer à la SARL Marcom les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013,

* 100 000 € toutes causes de préjudices confondues à raison du caractère abusif de la rupture,

* 22 992,20 € au titre des commissions sur opérations d'octobre 2013,

* 94 079,02 € en compensation de l'absence de préavis,

* en tout état de cause :

- débouter la SA Ambre de sa demande d'indemnisation au titre de la concurrence déloyale,

- condamner la SA Ambre à verser à M. X la somme de 150 000 € au titre du prêt contracté pour souscrire des titres obligataires cédés dans le seul intérêt de la SA Ambre pour un euro symbolique le 30 décembre 2012,

- condamner la SA Ambre à verser à la SARL Marcom une indemnité de 6 000 € au titre des frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens, avec droit pour son conseil de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 12 mars 2018.

Motifs de l'arrêt

* Sur la nature des relations contractuelles,

Attendu que le litige porte à titre principal sur la qualification de la relation contractuelle entre la SA Ambre et la SARL Marcom entre mars 2010 et le 31 octobre 2013, la première estimant, en l'absence d'écrit la formalisant, qu'il s'agit de prestations de services marketing et commerciales, la seconde estimant au contraire qu'il s'agit d'une relation d'agent commercial dès le 9 mars 2010, date de création de la SARL Marcom, avec pour mission d'animer la politique commerciale de la SA Ambre, mission répondant selon elle aux conditions requises par l'article L. 134-1 du Code de commerce ;

Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ;

Que si l'absence d'un écrit n'interdit nullement de qualifier une relation contractuelle entre deux parties de contrat d'agent commercial, il incombe à celui qui se prévaut d'un tel contrat de rapporter la preuve par tous moyens qu'il a agi en qualité d'agent commercial pour le compte de son cocontractant et que les conditions dans lesquelles l'activité est exercée corroborent l'existence d'un tel contrat ;

Attendu que l'article L. 134-1 du Code de commerce dispose que l'agent commercial, qui peut être une personne physique ou une personne morale, est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ;

Que tant les dispositions particulières de ce texte et le statut qui en découle que leur interprétation par la jurisprudence conduisent à en faire une application restrictive, au regard des conditions dans lesquelles la relation contractuelle a effectivement été exercée ;

Attendu que c'est tout d'abord à bon droit et par des motifs que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que durant la période écoulée entre mars 2010 et le 26 juin 2013 inclus, la SARL Marcom ne justifiait d'aucune relation d'agent commercial au bénéfice de la SA Ambre ;

Qu'en effet, aucune convention écrite ne vient tout d'abord corroborer l'existence d'un contrat d'agent commercial au profit de la SARL Marcom ; que si l'inscription de cette dernière au registre spécial des agents commerciaux, qui constitue une mesure de police professionnelle, n'est plus une condition pour justifier d'une telle relation contractuelle, son absence, comme c'est le cas en l'espèce, permet néanmoins de donner un éclairage supplémentaire sur la nature de la relation d'affaires entre les parties en corrélation avec les autres éléments du dossier ; que les factures établies par la SARL Marcom elle-même, produites au débats sur la période de janvier 2011 à juin 2013, visent précisément des "prestations marketing et commerciales suivant nos accords" et des honoraires mais aucune rémunération sous forme de commission n'y apparaît ; que dans ces conditions le jugement déféré qui a considéré que la relation de développement des ventes et de représentation s'inscrivait dans un contrat de prestation de services et non d'agent commercial, sera confirmé de ce chef ;

Attendu qu'aux termes d'un document daté du 27 juin 2013, signé par le représentant légal de la SA Ambre et M. X, il a été convenu que les relations futures entre la SA Ambre et la SARL Marcom se formaliseront comme suit avec effet au 1er juillet 2013 : la SARL Marcom assurera la commercialisation pour le compte de la SA Ambre des montres de marque Yonger & Bresson sur le territoire français et celle des montres et bijoux de marque Uno de 50, moyennant une rémunération mensuelle de 3 000 € HT, augmentée d'une commission égale à 20 % du chiffre d'affaire pour ses fonctions de commercialisation des montres Yonger & Bresson et d'une commission de 5 % pour la commercialisation des produits de la marque Uno de 5 ; que le document co-signé prévoyait que les principes ainsi arrêtés feraient l'objet d'une formalisation dans un cadre contractuel détaillé, stipulant les conditions habituelles et usuelles que la SA Ambre et M. D. s'engageaient à signer ;

Que la SA Ambre verse ainsi aux débats un projet de contrat daté du 1er juillet 2013, soit quelques jours seulement après la signature de ce premier document circonstancié, intitulé "contrat de prestations de services" reprenant les conditions ci-dessus arrêtées ;

Attendu que si ce second document n'est pas signé par les parties, il s'inscrit dans la logique du premier qui l'annonçait, dont il ne contredit pas les termes, et atteste à tout le moins que la volonté de la SA Ambre était clairement à cette date de concrétiser un contrat de prestations de services et non pas un contrat d'agent commercial avec la SARL Marcom, par l'intermédiaire de son dirigeant, M. X ; que s'il n'est pas contestable que ce dernier n'a pas signé le projet de contrat pour le compte de sa société, il n'est pas démontré qu'il se soit formellement opposé, à réception du document, à la qualification juridique proposée par son cocontractant ni aux modalités plus précises d'exécution de la convention envisagée ; que les relations contractuelles entre ces deux parties se sont donc poursuivies sur la base du seul document pré contractuel du 27 juin 2013, jusqu'au 31 octobre 2013, date de la notification par lettre recommandée avec avis de réception de la rupture des relations d'affaires à l'initiative de la SA Ambre ; que l'évocation d'une rémunération complémentaire sous forme de commissions ne saurait suffire à qualifier la relation de contrat d'agence commerciale, les commissions prévues pouvant parfaitement constituer une forme d'intéressement aux répercussions positives des prestations apportées par la SARL Marcom sur le chiffre d'affaires, sur lequel est calculé la commission et non sur les ventes effectuées, ce que confirme l'envoi mensuel de l'état des commandes directes par la SA Ambre à M. X et non l'inverse ;

Qu'à la date du 27 juin 2013, il n'est pas davantage démontré que la SARL Marcom était inscrite au registre spécial des agents commerciaux ;

Qu'il n'est pas contesté par la partie intimée que l'objet social de la SARL Marcom est "l'assistance, la fourniture de prestations en matière de représentation commerciale et technique au profit de toute entreprise, le marketing conceptuel et factuel, l'animation et la formation des personnes, et la distribution de produits manufacturés des métiers de l'horlogerie, bijouterie et articles de luxe" ;

Que cet objet social est d'ailleurs corroboré par les prestations servies à la SA Ambre durant la période de référence, du 27 juin au 31 octobre 2013, comme cela résulte des factures établies par la SARL Marcom, qui font état notamment d'animation et d'encadrement de l'équipe commerciale de Uno 50, recherche de commerciaux, présence à des salons commerciaux et mise en place d'opérations commerciales ;

Que la SARL Marcom ne démontre pas qu'elle détenait un mandat permanent lui permettant de négocier en toute indépendance avec la clientèle au nom de la SA Ambre et ne produit d'ailleurs à cet effet qu'un seul et unique bon de commande daté du 1er octobre 2013 réalisé par M. Jérôme F., salarié VRP multicartes de la SARL Marcom ; que ses factures pour la période considérée ne visent que des "visites clients indépendants" et "visite clients grand compte" ; que parallèlement, la SA Ambre justifie qu'elle disposait elle-même d'une force de vente, savoir huit représentants exerçant pour son compte sous la forme salariée ou en vertu d'un contrat d'agent commercial, et dont elle produit les bons de commande ;

Attendu par ailleurs, qu'il n'est pas clairement établi que les clients de la SA Ambre ont traité avec la SARL Marcom dont le gérant était M. X, en qualité de mandataire agissant de façon indépendante comme agent commercial de la SA Ambre plutôt qu'en s'adressant à l'ancien dirigeant de la SA Ambre, qu'était M. Y jusqu'au 30 juin 2013 ;

Qu'au regard des faits de la cause ci-dessus examinés, il apparaît que la SARL Marcom exerçait une mission de prestation d'assistance technique commerciale et marketing, d'animation et de conseil, à telle enseigne que la lettre de notification de la rupture du contrat à l'initiative de l'appelante porte mention d'un non-respect des engagements de suivi et d'animation des points de vente et d'absence de formations ; qu'en tout état de cause il n'est pas apporté la démonstration par la SARL Marcom de ce qu'elle disposait du pouvoir de négocier voire de conclure des ventes pour le compte de la SA Ambre dans le cadre d'un mandat permanent et donc de disposer d'une marge de manœuvre dans les conditions de vente des produits fixées par son cocontractant ;

Qu'il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la SA Ambre avait confié une mission d'agent commercial à la SARL Marcom pour la période du 1er juillet au 31 octobre 2013 ;

* Sur les conséquences de la rupture des relations contractuelles,

Attendu qu'il a été précédemment retenu que la preuve n'était pas rapportée par la SARL Marcom de ce que la relation contractuelle ayant existé entre 2010 et le 31 octobre 2013 entre elle et la SA Ambre était constitutive d'un contrat d'agence commerciale, en sorte que les intimés ne sauraient solliciter la condamnation de l'appelante à verser à la SARL Marcom les indemnités afférentes à ce statut en matière de rupture, lesquelles n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; que dans ces conditions, le jugement déféré devra être infirmé en ce qu'il a fait droit aux prétentions indemnitaires formée par les parties intimées en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce ;

Attendu qu'à titre subsidiaire la SARL Marcom considère que la relation doit, à tout le moins, s'analyser en un mandat d'intérêt commun et que sa rupture, même non fautive, lui ouvre droit à une indemnisation de son préjudice ; qu'elle conteste par ailleurs l'existence qu'une quelconque faute et précise que le mécontentement des clients portait sur un défaut de qualité des montres Younger & Bresson et non sur une insuffisance de sa part ;

Que la SA Ambre prétend pour sa part démontrer que la SARL Marcom a commis des fautes dans l'exécution de sa mission d'assistance justifiant la rupture de leur relation contractuelle pour faute grave sans indemnité et fait état de plusieurs plaintes de clients, d'une insuffisance dans le suivi des points de vente, et d'un comportement déloyal imputable à M. X, et ce même s'il était fait application de la notion de mandat d'intérêt commun ;

Attendu en premier lieu que la SA Ambre ne peut exciper du projet de contrat de prestation de services qu'elle dit avoir soumis à la signature de son cocontractant mais qui n'a jamais été signé par aucune des deux parties pour prétendre à l'application d'une clause de celui-ci écartant toute indemnité en cas de rupture du contrat, quelle qu'en soit la cause ;

Attendu ensuite que pour prétendre à l'existence d'un mandat d'intérêt commun, la SARL Marcom doit établir l'existence à la fois d'un intérêt commun mais surtout d'un mandat consenti par la SA Ambre ; qu'il a été précédemment démontré que la preuve de l'existence d'un mandat de négocier pour le compte de l'appelante n'était pas établie et que la SARL Marcom était liée à son cocontractant par un contrat de prestation de services, de sorte que les effets habituellement prêtés au mandat d'intérêt commun ne sauraient recevoir application en l'espèce ; que la SARL Marcom sera donc déboutée de sa demande formée à ce titre à hauteur des sommes de 94 079,02 € au titre de l'indemnité de préavis et de 100 000 € au titre de l'indemnité de rupture abusive ;

Qu'il s'ensuit que la rupture de la relation contractuelle et la demande d'indemnité pour rupture abusive et brutale auraient être pu être examinées sous l'angle du droit commun des contrats ; que cependant la partie intimée ne forme à titre plus subsidiaire aucune demande d'indemnisation sur ce fondement ;

* Sur le remboursement d'un prétendu prêt,

Attendu que M. X sollicite la condamnation de la SA Ambre à lui payer la somme de 150 000 €, constituée de 50 échéances de 3 000 € chacune, au titre d'un prêt remboursable en cinq ans portant sur un capital de 100 000 €, qu'il explique avoir souscrit aux fins d'investir ladite somme dans la SA Ambre, qui traversait alors un cap délicat et ne pouvait plus obtenir de concours bancaires, et ce, contre promesse de remboursement de cette dernière ; qu'il prétend que la somme de 3 000 € versée à titre de rémunération mensuelle fixe à la SARL Marcom correspondait en réalité au remboursement déguisé de ce prêt, dont les échéances ont donc cessé le 31 octobre 2013 ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que M. X, alors dirigeant de la SA Ambre a investi une somme de 100 000 € dans cette société sous forme d'obligations ; qu'il a ensuite, par acte sous seing privé du 30 décembre 2012, cédé ses 10 000 obligations convertibles moyennant le prix de 1 €, révisable à 100 000 € en cas de retour à meilleure fortune ; que c'est à raison que les premiers juges ont retenu qu'il avait signé cette cession en parfaite connaissance de cause, en sa qualité de président du conseil d'administration, dont il n'a démissionné qu'en juin 2013 ;

Qu'aucune pièce ne vient par ailleurs confirmer les allégations de l'intéressé selon lesquelles la somme versée à la SARL Marcom aurait en réalité constitué un remboursement déguisé de cet emprunt ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Marcom de sa demande à ce titre et, ajoutant audit jugement, M. X sera débouté de la même demande formée à son bénéfice ;

* Sur la concurrence déloyale,

Attendu qu'en l'espèce, aucune stipulation conventionnelle n'a prescrit à l'égard de la SARL Marcom ou de M. X une quelconque obligation de non concurrence ;

Que l'action en concurrence déloyale, fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, a précisément vocation à être mise en œuvre pour sanctionner un comportement qui n'entre pas dans le champ défini par une clause de non concurrence ;

Que le principe de la liberté du commerce autorise toute personne à créer sa propre entreprise, de sorte qu'en l'absence de clause de non concurrence, la création par M. X d'une société, même à bref délai après la rupture des relations conventionnelles avec la SA Ambre, ne constitue pas en soi une concurrence illicite ou déloyale ; qu'il est en effet admis qu'un salarié qui crée sa propre activité puisse aviser ses clients habituels de cette création à la condition que cette information ne s'accompagne pas d'un dénigrement de son employeur ni d'une pratique illicite de détournement de clientèle, qui contreviendrait à son obligation de loyauté ;

Qu'à cet égard, le détournement illicite de clientèle ne peut résulter du seul fait que des clients se reportent sur la société nouvellement créée en raison de la compétence de son gérant ou du lien de confiance tissé antérieurement avec celui-ci, en l'absence de manœuvres déloyales clairement imputables à l'ancien salarié reposant sur une volonté délibérée de capter une partie de la clientèle ;

Qu'il n'est pas davantage proscrit à l'ancien salarié d'utiliser les connaissances accumulées au cours de ses précédentes fonctions pour les mettre à profit dans ses nouvelles fonctions, et notamment la connaissance qu'il a nécessairement des coordonnées de ses anciens clients ;

Attendu qu'en l'occurrence, M. X a créé, postérieurement au 31 octobre 2013, une SAS MRC ; qu'il est établi qu'avant de démissionner de ses fonctions de dirigeant de la SA Ambre, il avait lui-même négocié le 1er février 2013 le contrat d'exclusivité de distribution entre cette société et la société espagnole ARS pour les produits de la marque Uno de 50 ; que si cette dernière a mis un terme à sa relation d'affaires avec la SA Ambre pour contracter avec la SAS MRC en vertu d'un contrat à effet au 1er janvier 2014, auquel il a d'ailleurs été mis un terme le 31 décembre 2015, il n'est pas démontré que le fait pour la société ARS d'avoir suivi son interlocuteur habituel en la personne de M. Y soit le résultat de manœuvres déloyales ou d'un comportement illicite de celui-ci caractérisant un détournement de clientèle ; qu'en effet si la SA Ambre impute aux trois intimés un détournement de fichiers de clientèle et un démarchage systématique de sa clientèle pour lui proposer des produits concurrents, elle n'étaye nullement ses allégations et échoue à démontrer un comportement fautif de ces derniers, qui aurait généré un préjudice à son détriment ;

Attendu que si l'absence de clause de non concurrence n'exclut pas l'obligation de loyauté du dirigeant, force est de constater qu'en l'espèce aucun comportement déloyal n'est caractérisé à l'encontre de M. X ; qu'il s'ensuit que l'appelante est mal fondée à solliciter l'indemnisation d'un quelconque préjudice à ce titre et que le jugement déféré qui a rejeté sa demande sera confirmé sur ce point ;

* Sur la demande en paiement de commissions,

Attendu que la SARL Marcom sollicite à titre principal que la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il lui a alloué la somme de 21 078,60 € au titre des commissions d'octobre 2013, facturées mais non réglées par la SA Ambre, en sa qualité d'agent commercial ; qu'à titre subsidiaire, elle sollicite l'allocation d'une somme de 22 992,20 € au titre de ces mêmes commissions ;

Que si la SA Ambre ne disconvient pas devoir la rémunération de la SARL Marcom au titre du mois d'octobre 2013, elle fait valoir en premier lieu et à juste titre que les honoraires forfaitaires mensuels facturés 4 600 € dans la facturation produite par l'intimée (pièce n° 5) doivent être ramenés à 3 000 € conformément aux stipulations conventionnelles ; que pour le surplus elle estime qu'il y aurait lieu de déduire du chiffre d'affaire des produits Younger&Bresson sur lequel est calculée la commission la valeur des retours pour un montant de 21 561,73 € ce qui ramènerait la commission correspondante à 5 465,23 € au lieu de 9 977,58 € et qu'il y aurait lieu à compenser la somme de 10 593,44 € due par la SARL Marcom au titre de son compte courant débiteur ;

Attendu cependant qu'il n'est pas établi que la cause des retours de produits serait imputable à la SARL Marcom, de sorte qu'il convient de retenir comme base de calcul le chiffre d'affaire initial ; qu'il en résulte que la rémunération due à la SARL Marcom au titre du mois d'octobre 2013 s'élève à 17 824,24 € ht, soit 21.078,60 ttc après application d'une TVA à 19,6 %, taux alors en vigueur, et se décompose comme suit :

* honoraires forfaitaires : 3 000,00 €

* commission Younger&Bresson : 9 777,58 €

* commission Uno de 50 : 4 846,67 €

Que s'agissant enfin de la demande de compensation formée par l'appelante, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la SA Ambre ne s'expliquait pas quant à la nature et au bienfondé de la créance invoquée, alors que la SARL Marcom n'étant pas associée elle ne pouvait être titulaire d'un compte d'associé en ses livres ;

Que de ce chef, le jugement déféré, qui a alloué la somme de 21 078,60 € à la SARL Marcom, devra être confirmé ;

* Sur les demandes accessoires,

Attendu que les parties succombant chacune partiellement en leurs prétentions, il n'est pas inéquitable de laisser à leur charge leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Que la SA Ambre, qui succombe au principal, supportera en revanche les dépens de première instance et d'appel, les dispositions accessoires du jugement déféré étant infirmées ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement rendu le 22 février 2017 par le Tribunal de commerce de Besançon en ce qu'il a : - dit recevables l'action de la SARL Marcom et l'intervention de M. X, - constaté que la SARL Marcom a été chargée de janvier 2010 à juin 2013 d'une mission de représentation commerciale et de développement de sa clientèle, - condamné la SA Ambre à payer la SARL Marcom la somme de 21 078,60 € au titre de la rémunération d'octobre 2013, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 novembre 2013, - débouté la SARL Marcom au titre du remboursement du prêt, - débouté la SA Ambre de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts pour concurrence déloyale. L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Déboute la SARL Marcom du surplus de ses demandes indemnitaires fondées sur l'existence d'un contrat d'agent commercial et sur un mandat d'intérêt commun. Déboute M. X de sa demande de remboursement de prêt. Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. Condamne la SA Ambre à supporter les dépens de première instance et d'appel. Autorise la SCP Bevalot à recouvrer directement ceux d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.