CA Lyon, 6e ch., 26 avril 2018, n° 16-09221
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ecorénove (SAS)
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boisselet
Conseillers :
Mme Clerc, M. Gaget
Avocats :
Selarl Saint-Cyr Avocats, SCP Aguiraud, Nouvellet, Selarl Equity Avocats, Selarl Levy Roche Sarda
Faits, procédure et moyens des parties
Le 21 juin 2013, dans le cadre d'un démarchage à domicile, Monsieur X a commandé auprès de la société Ecorénove, exerçant sous l'enseigne Mysun, la fourniture et la pose d'une installation de panneaux photovoltaïques moyennant le prix de 34 000 euros TTC.
Afin de financer cette acquisition, il a accepté le même jour l'offre de crédit affecté de la société Sygma Banque d'un montant de 34 000 euros, remboursable en 120 mensualités de 406,39 euros après différé de 12 mois.
L'attestation de fin de travaux a été signée le 7 septembre 2013 par Monsieur X et l'attestation de conformité du Consuel a été délivrée le 20 septembre 2013.
Alors que l'installation photovoltaïque fonctionnait, Monsieur X, estimant qu'elle ne produisait pas suffisamment d'énergie pour autofinancer le crédit contrairement à ce qui lui avait été promis par la société venderesse, a assigné, par actes extra judiciaires des 11 et 20 avril 2016, la société Ecorénove et la société Sygma banque (aux droits de laquelle devait intervenir la BNP Paribas Personal Finance) devant le Tribunal d'instance de Lyon aux fins d'obtenir l'annulation du contrat de vente et subséquemment celle du crédit affecté, pour violation des règles relatives au démarchage à domicile.
Par jugement contradictoire du 14 novembre 2016, le tribunal précité a, tout à la fois :
- prononcé la nullité du contrat conclu le 21 juin 2013 entre la société Ecorénove et Monsieur X
- constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit conclu entre la BNP Paribas Personal Finance et Monsieur X
- dit que Monsieur X sera dispensé de restituer à la BNP Paribas Personal Finance le montant du crédit affecté
- débouté la BNP Paribas Personal Finance et la société Ecorénove de l'intégralité de leurs demandes
- dit que la société Ecorénove devra reprendre l'ensemble des matériels posés au domicile de Monsieur X dans les deux mois suivant la signification du jugement, après en avoir prévenu de dernier quinze jours à l'avance
- à défaut d'enlèvement dans le délai susvisé, autorisé Monsieur X à disposer desdits matériels comme bon lui semblera
- condamné la BNP Paribas Personal Finance à rembourser à Monsieur X l'intégralité des échéances du crédit perçues par elle jusqu'à la date du jugement
- condamné in solidum la société Ecorénove et la BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur X la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions
- condamné in solidum la société Ecorénove et la BNP Paribas Personal Finance aux dépens.
Par déclaration du 20 décembre 2016 enregistrée au greffe de la cour le même jour, la société Ecorénove a relevé appel général de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées électroniquement le 8 mars 2017, la société Ecorénove sollicite que par réformation du jugement déféré, la cour, statuant à nouveau au visa des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation :
- constate que l'action engagée par Monsieur X l'a été plus de douze mois après la souscription du contrat, en conséquence, dise l'action de Monsieur X prescrite
- déboute Monsieur X de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- en toute hypothèse, condamne Monsieur X à payer à la société Ecorénove la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 29 septembre 2017, Monsieur X demande à la cour de statuer comme suit :
vu les articles L. 111-1, L. 121-23 et suivants, L. 311-31 et suivants du Code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016 vu les articles 1338 et 1583 du Code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016
- débouter la société Ecorénove et la BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque, de leurs demandes, fins et conclusions
- confirmer le jugement attaqué
- pour le surplus, condamner la BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque, à restituer à Monsieur X la somme de 14 240,16 euros arrêtée au mois d'avril 2017, ainsi que toutes les autres sommes d'argent prélevées sur son compte bancaire
- condamner in solidum la société Ecorénove et la BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque, au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens, au profit de Monsieur X.
Dans ses dernières écritures d'appel notifiées électroniquement le 13 novembre 2017, la BNP Paribas Personal Finance sollicite, au visa des " articles 1138 ancien du Code civil, 1130 et suivants du Code de la consommation, L. 121-23 du Code de la consommation "
- à titre principal
* dire et juger que les conditions de nullité du contrat principal ne sont pas réunies
* dire et juger qu'en toute hypothèse, Monsieur X ne peut plus invoquer la nullité de ce contrat, et donc du contrat de prêt suite au remboursement volontaire du contrat de telle sorte que l'action n'est pas valable en application de l'article 1338 alinéa 2 du Code civil
* constater que les manquements invoqués au soutien d'une demande de résolution judiciaire du contrat de vente, et donc du contrat de crédit, ne sont pas justifiées et ne constituent en toute hypothèse pas un motif de résolution du contrat
en conséquence,
* réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré
* débouter Monsieur X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
* dire et juger que le contrat de crédit doit être exécuté et que Monsieur X sera tenu au remboursement des échéances
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité des contrats serait confirmée
* réformer en toutes ses dispositions le jugement querellé
* constater que la BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque n'a commis aucune faute
* constater que Monsieur X ne peut justifier d'un préjudice
en conséquence,
* débouter Monsieur X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
* condamner Monsieur X à payer à la BNP Personal Finance la somme de 19 759,84 euros
* condamner la société Ecorénove à garantir Monsieur X de la condamnation prononcée à son encontre
- à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait que l'emprunteur n'est pas tenu au remboursement du capital,
* débouter Monsieur X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
* réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré
en conséquence, condamner la société Ecorénove à payer à la BNP Paribas Personal Finance la somme de 19 759,84 euros
- en tout état de cause,
* condamner Monsieur X à payer à la BNP Paribas Personal Finance la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
* condamner Monsieur X aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Y, Selarl Levy Roche Sarda, avocat sur son affirmation de droit.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2018 et l'affaire plaidée le 15 mars 2018, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS
Attendu que le bon de commande ayant été signé le 21 juin 2013, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi 2014-344 du 17 mars 2014, les articles du Code de la consommation visés dans le présent arrêt s'entendent dans leur version antérieure au 13 juin 2014 seule applicable en l'espèce.
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, que l'instance ayant été introduite avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel.
Sur la recevabilité de l'action en nullité de Monsieur X
Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a débouté la société Ecorénove de son exception d'irrecevabilité fondée sur une prescription annale, l'action en nullité du contrat de vente, telle qu'initiée par Monsieur X étant soumise au régime de la prescription quinquennale, délai de prescription de droit commun ;
que cette action est parfaitement recevable, comme ayant été engagée dans les cinq ans à compter de la souscription du contrat de vente.
Sur le bien-fondé de l'action en nullité
Attendu qu'il est constant que Monsieur X poursuit, non pas la résolution, mais la nullité de la vente et corrélativement celle du crédit affecté, en excipant des irrégularités du bon de commande au regard des exigences posées par l'article L. 121-23 du Code de la consommation ;
qu'à cette fin, il soutient que le bon de commande signé avec la société Ecorénove ne mentionne pas :
- la marque, le modèle et le descriptif technique des matériels vendus,
- les délais d'exécution des services, à savoir un planning détaillé des démarches administratives (mairie, région, EDF et ERDF) de la livraison des panneaux, de leur installation, de l'obtention du Consuel, du raccordement
- les plans techniques.
Attendu cependant que l'examen du bon de commande litigieux permet de vérifier qu'il mentionne, conformément au texte de l'article L. 121-23 précité, non seulement les noms du fournisseur et du démarcheur, les adresses du fournisseur et du lieu de conclusion du contrat, mais encore :
- la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts (" 24 panneaux photovoltaïques d'une puissance de 250Wc Black d'une puissance totale de 6 000Wc, module CE, avec garantie de 10 ans sur les panneaux, et de 25 ans sur la production / 12 micro onduleurs Enphase de 190-260Wc, garantie 25 ans, circuit DC basse tension système d'intégration toiture + pose avec garantie 10 ans sur la structure, coffret de protection électriques AC, câbles /connectiques organes de protection/ accessoires de pose ") et des services proposés (" raccordement et mise en service par Mysun, raccordement ERDF de 250à 5750Wc pris en charge des frais de raccordement par Mysun, à hauteur maximum de 850 euros le raccordement ERDF et 150 euros le Consuel, raccordement ERDF de 6 000 à 9000wC pris en charge des frais de raccordement par Mysun à la hauteur maximum de 1 050 euros le raccordement ERDF et 150 euros le Consuel ")
- le délai d'exécution de la prestation de services (12 semaines à compter de la prise de cotes par le technicien et l'encaissement de l'acompte ou l'accord définitif de la société de financement)
- le prix global à payer (34 000 euros) et les modalités de paiement (crédit avec différé de 12 mois)
- le taux nominal de l'intérêt (4,80 %) et le taux effectif global de l'intérêt (4,87 %) dès lors que la vente était faite à crédit, mais également la durée du crédit (120 mois), le nombre d'échéances (108), le coût des échéances mensuelles sans assurance (406,39 euros) et avec assurance (460,21 euros), le coût total du crédit sans assurance (43 890,12 euros) et avec assurance (49 602,12 euros)
- la faculté de renonciation prévue par l'article L. 121-25 du Code de la consommation et les conditions d'exercice de cette faculté telles que prévues aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du même code visé au verso du bon de commande.
Que sauf à ajouter au texte de l'article L. 121-23 du code précité, il ne saurait être fait grief au bon de commande litigieux de ne pas mentionner notamment le poids, la composition des panneaux, leurs caractéristiques en terme de rendement, de capacité de production et de performances comme retenu par le premier juge.
Attendu que Monsieur X a signé le 2 juillet 2013 le document de visite technique par lequel il a été parfaitement informé du matériel préconisé, de la validation par le bureau d'études, des caractéristiques de la toiture, de la couverture, de la charpente prises en compte pour la mise en œuvre de l'installation, des contraintes liées à l'environnement (accessibilité de la toiture, passage de câble à travers un mur, mise en place de goulotte, travaux de génie et permis de voirie), de la nature de l'abonnement électrique et le détail des raccordements, du schéma d'implantation électrique en vue aérienne (le passage de câble se fera à l'intérieur de la maison dans la gaine existante), un dossier photographique étant par ailleurs établi, ainsi qu'un plan d'implantation des modules en vue aérienne.
qu'il importe peu que ce document a été signé après l'expiration du délai de rétractation prévu au bon de commande signé le 21 juin 2013, en ce que Monsieur X gardait la faculté de dénoncer toute irrégularité de ce bon de commande par rapport aux biens et aux prestations qui y étaient prévus et ceux qui avaient été validés dans ce document de visite ;
qu'en effet, disposant grâce à ce document d'une information technique très pointue et complète sur l'installation photovoltaïque, il était en mesure de détecter le moindre vice de forme du bon de commande s'agissant de la marque et du modèle des panneaux, de leurs caractéristiques techniques, et par suite de dénoncer la nullité du bon de commande au visa de l'article L. 121-23 du Code de la consommation ;
que pour autant, il a signé le 7 septembre 2013 la fiche d'installation sans aucune réserve, quant à la conformité du matériel fourni et installé par rapport à celui qui était prévu dans le bon de commande ;
qu'il a bénéficié du raccordement de son installation photovoltaïque comme prévu au contrat et a reçu paiement de la participation financière de la société Ecorénove audit raccordement, cette dernière s'étant par ailleurs acquittée de son autre engagement (obtention auprès du Consuel de l'attestation de conformité de l'installation) ;
qu'il a enfin remboursé régulièrement le crédit affecté et a requis à deux reprises l'intervention du service après-vente de la société Ecorénove les 29 juillet et 28 août 2015, alors même que l'installation fonctionnait depuis le 19 février 2014 (date de la fiche de mise en service signée par Monsieur X) ;
que ces différentes diligences signent de la part de Monsieur X la volonté non équivoque de s'approprier l'installation litigieuse, en pleine connaissance de cause de ses caractéritiques, étant relevé qu'il n'a jamais conclu que celle-ci n'était pas conforme au bon de commande signé le 21 juin 2013 ou qu'elle ne fonctionnait pas ;
qu'en particulier, il ne communique pas de courriers à l'adresse de la société Ecorénove dénonçant des dysfonctionnements ou des retards dans la mise en œuvre de cette installation.
Qu'ainsi, abstraction faite que le bon de commande ne souffre pas d'irrégularités, si la thèse de Monsieur X selon laquelle que le bon de commande serait irrégulier au regard des conditions posées par l'article L. 121-23 du code précité devait être validée, la nullité encourue, qui est une nullité relative, serait en tout état de cause couverte par le comportement de l'intéressé, qui a exécuté volontairement le contrat, en parfaite connaissance de cause du matériel acheté, du mode de financement et des contingences techniques engendrées par l'installation du kit photovoltaïque ;
qu'enfin, le moyen tiré du taux de rendement insuffisant de l'installation n'est pas pertinent et ne saurait suffire à prononcer la nullité du contrat de vente, dès lors d'une part, que la société Ecorénove ne s'est pas engagée contractuellement par écrit sur un seuil de performance et de rendement de l'installation (ces points étant nécessairement tributaires de données factuelles, telles que les périodes d'ensoleillement) et que, de seconde part, Monsieur X ne communique aucune pièce justificative pertinente permettant de vérifier le faible rendement allégué par l'installation photovoltaïque qui fonctionne depuis février 2014 et qui est raccordée au réseau ERDF.
Attendu qu'en définitive, la nullité du bon de commande et par suite de la vente n'est donc pas encourue, le bon de commande ne souffrant pas d'irrégularités au regard des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation ;
que le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a prononcé cette nullité et corrélativement celle du contrat de crédit affecté qui y était attaché ;
qu'il n'y a donc pas lieu pour la cour de statuer plus avant sur les autres prétentions des parties relatives au remboursement du capital et à la faute de la banque.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que Monsieur X, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d'appel et que les mandataires des parties, qui en ont fait la demande, pourront recouvrer ces derniers par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société BNP Paribas Personal Finance les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
Que l'application de l'article 700 du Code de procédure civile sera rejetée comme ne se justifiant pas au profit de Monsieur X qui succombe dans son action en nullité, ni davantage au profit de la société Ecorénove, qui est à l'origine du litige en ce qu'elle a pu laisser penser à Monsieur X, dans le cadre de sa démarche commerciale, que le retour sur investissement serait suffisamment conséquent pour autofinancer l'installation, quand bien même la preuve n'est pas rapportée de son engagement contractuel sur ce point.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme la décision déférée, Statuant à nouveau, Déboute Monsieur X de sa demande en nullité du contrat de vente conclu le 21 juin 2013 avec la société Ecorénove, et de sa demande subséquente en nullité du contrat de crédit affecté conclu avec la Sygma Banque aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas Personal Finance, Dit en conséquence que le contrat de crédit affecté signé le 21 juin 2013 entre Monsieur X et la Sygma Banque, aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas Personal Finance, continue à produire son plein effet, Condamne Monsieur X aux dépens de première instance et d' appel ; dit que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par la Selarl Levy Roche Sarda, avocat, qui en a fait la demande, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.