CA Riom, 3e ch. civ. et com., 25 avril 2018, n° 16-02847
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Abrisud (SAS)
Défendeur :
MACIF
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Riffaud
Conseillers :
M. Kheitmi, Mme Theuil-Dif
Exposé du litige :
Suivant un bon de commande établi et accepté le 6 mai 2004, M. P. a confié à la société Abrisud la fourniture et la pose d'un abri de piscine pour sa résidence secondaire située à Monchamp sur la commune de Laussone (43). Cet abri, d'un prix de 10 700 euros TTC a été monté et fixé le 27 août 2004.
Au cours de l'hiver 2004/2005, il s'est effondré et la société Abrisud a procédé à son changement le 28 avril 2005.
Ce second abri s'est effondré le 1er décembre 2012.
A la suite de la déclaration de sinistre effectuée par M. P. auprès de son assurance, la Société d'assurance mutuelle des commerçants de France et des cadres salariés de l'industrie et du commerce (MACIF), une expertise amiable a été diligentée le 15 janvier 2013 et la MACIF a indemnisé l'entier préjudice subi par son assuré à hauteur de 16 994 euros. Elle a ensuite vainement demandé le remboursement de la somme de 14 100 euros à la société Abrisud.
Par acte d'huissier de justice délivré le 18 décembre 2014, subrogeant les droits de son assuré, la MACIF a attrait la société Abrisud devant le Tribunal de grande instance du Puy-en-Velay pour obtenir, au visa des articles 1147 du Code civil et L. 121-12 du Code des assurances, paiement :
- de la somme de 14 100 euros au titre du remboursement des sommes qu'elle a réglées à M. P., déduction faite des règlements réalisés par la compagnie d'assurance Generali en sa qualité d'assureur de la société Abrisud, outre la somme de 1 000 euros en règlement de la franchise non réglée par Generali au titre de sa garantie contractuelle ;
- de la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- d'une indemnité de 1 500 euros au titre de ses frais de procès.
Par jugement du 4 novembre 2016, le Tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, a :
- déclaré la société Abrisud entièrement responsable du préjudice subi par M. P. en suite du montage et de la fixation de l'abri de piscine réalisés le 28 avril 2005 pour sa résidence secondaire située à Monchamp sur la commune de Laussone, et fixé à la somme de 16 994 euros les dommages et intérêts en réparation des désordres matériels subis par M. P. ;
- fixé à 15 100 euros la somme restante due par la société Abrisud à payer à la MACIF, subrogée dans les droits de son assuré ;
- condamné en conséquence la société Abrisud à payer à la MACIF :
* la somme de 15 100 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;
* la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour le 9 décembre 2016, la SAS Abrisud a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 22 janvier 2018 elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris, et de :
A titre principal, au visa des articles 1641 et 1648 du Code civil,
Sur la qualification de l'action,
- constater qu'en soutenant que les chevilles auraient été " défaillantes " ce qui aurait provoqué l'affaissement de l'abri, il est caractérisé l'existence d'un vice caché ;
- dire que dès lors qu'il existe des vices cachés au sens de l'article 1641 du Code civil, cette garantie constitue l'unique fondement possible de l'action de l'acheteur ;
- dire que l'action en responsabilité de droit commun en cas de vice caché qui ne relève que de l'action en garantie régie par les articles 1641 et suivants du Code civil, doit être rejetée ;
- dire que la garantie contractuelle de droit commun ne peut se cumuler avec l'action résultant de l'application du régime spécial des vices cachés, en vertu de l'adage " specialia generalibus derogant " ;
Sur l'obligation de résultat,
- constater que la notice d'entretien et d'utilisation de l'abri prévoit une procédure stricte concernant la manipulation de l'abri ou son arrimage en cas de vent, ou de déneigement régulier en cas de chute de neige, dans la mesure où les abris de piscine constituent des équipements dont la structure est particulièrement légère ;
- dire que le rôle actif des acquéreurs d'un abri de piscine doit être pris en compte dans la qualification de la nature de l'obligation ;
- dire que dans l'hypothèse où les utilisateurs sont activement impliqués dans le processus d'exécution de l'obligation à laquelle le débiteur est tenu, cette obligation ne peut être qu'une obligation de moyens, dans la mesure où le créancier n'est pas le seul maître de l'obtention du résultat ;
- dire qu'il appartient à la société MACIF de rapporter la preuve d'une faute de la société Abrisud de nature à engager sa responsabilité contractuelle de droit commun, mais aussi le préjudice et le lien de causalité ;
- dire et juger que la société MACIF est défaillante dans la démonstration d'une quelconque faute imputable à la société Abrisud susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle de droit commun ;
- déclarer irrecevable l'action intentée sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ;
- requalifier la demande qui doit être examinée sur le fondement de la garantie des vices cachés des articles 1642 et suivants du Code civil ;
- dire que la société MACIF ne rapporte pas la preuve d'un quelconque vice caché, qui serait antérieur à la vente ;
A titre subsidiaire, au visa des articles 1103 et suivants du Code civil ;
- constater que les abris d'Abrisud sont conformes à la norme NF P 90309 ;
- lui donner acte de ses contestations sur le rapport d'expertise amiable réalisé par le mandant de la MACIF, qui ne contient aucun élément de description des désordres, ni aucune analyse technique, et en ce qu'il a été effectué par un conseil technique privé dont on ne connaît pas les compétences en matière d'abri de piscine ;
- constater qu'elle a refusé de signer le " Procès-Verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages " dont se prévaut l'assureur ;
- dire que ce rapport, contesté ne peut à lui seul suffire à rapporter la preuve d'un quelconque manquement de la société Abrisud à ses obligations légales ou contractuelles ;
- dire que l'expert privé de la MACIF n'a pas sollicité de certificat d'intempéries, et qu'il n'a pas apprécié l'accumulation de neige, selon sa densité, qui est un facteur déterminant des contraintes exercées sur l'abri ;
- dire que la MACIF est défaillante dans la démonstration d'une quelconque faute imputable à la société Abrisud susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle de droit commun ;
- dire que la MACIF n'apporte pas la preuve du respect par ses assurés des consignes d'utilisation de l'abri, notamment de déneigement ;
- constater que la société MACIF n'apporte pas la preuve de la faute d'Abrisud et d'un lien de causalité avec le préjudice allégué ;
- débouter la société MACIF de toutes demandes ;
En tout état de cause,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance ;
- condamner la société MACIF à payer à la société Abrisud la somme de 3 000 euros sur le même fondement au titre des frais de première instance ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de ses frais en cause d'appel ;
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle reproche aux premiers juges d'avoir caractérisé un vice caché tout en retenant la responsabilité contractuelle de droit commun, en méconnaissance du principe de non-cumul des responsabilités et de la primauté du régime dérogatoire sur le régime général. Elle conclut à l'irrecevabilité de l'action fondée sur la garantie contractuelle de droit commun, laquelle tend en réalité à la démonstration d'un vice caché.
A cet égard, elle soutient que la MACIF ne rapporte pas la preuve d'un tel vice et que le rapport mentionnant une éventuelle défaillance a toujours été contesté et ne peut fonder une telle preuve.
Elle ajoute que pour contourner cette absence de preuve, les juges de première instance ont caractérisé un manquement à son obligation de résultat.
Elle rappelle que le sinistre est survenu sept ans après l'installation et qu'il ne peut être dit que le bien ne répondait pas intrinsèquement à sa destination puisqu'il a supporté autant d'hivers. Elle soutient ensuite que le rôle actif d'entretien de l'abri par l'acquéreur en raison de la légèreté de sa structure conduit à exclure la qualification d'obligation de résultat au profit d'une obligation de moyen.
Elle prétend que la véritable cause de l'affaissement de l'abri est le non-respect par M. P. des consignes d'entretien et d'utilisation par temps de neige.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 31 janvier 2018 au moyen de la communication électronique, la MACIF et M. Philippe P., intervenant volontaire, demandent à la cour, au visa des articles 1147 du Code civil et L. 121-12 du Code des assurances, de confirmer le jugement entrepris ;
- condamner la SAS Abrisud à payer à la MACIF une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- la condamner au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP B. & associés.
Ils soutiennent que la garantie des vices cachés invoquée par l'appelante relève des obligations du vendeur mais que le contrat la liant avec M. P. constituait, en fait, un contrat de service professionnel.
Ils précisent qu'il n'a jamais été question d'invoquer un défaut de conception ou de fabrication mais de contester les conditions d'installation et d'ancrage de l'abri dont la défaillance a été reconnue par l'assureur d'Abrisud, la société Generali.
Ils ajoutent qu'il ressort de l'expertise amiable que la cause du second effondrement de l'abri est le manquement fautif d'Abrisud dans les conditions d'installation de cet abri. Ils précisent que l'acquéreur n'a aucun rôle dans les conditions d'ancrage lors de sa mise en place ou durant son installation et qu'il ne peut être prétendu que l'obligation à la charge d'Abrisud n'est qu'une simple obligation de moyen. Et l'obligation étant de résultat ils considèrent qu'ils n'ont pas à prouver de faute mais une simple absence de résultat, le sinistre non contesté, et qui ressort du rapport d'expertise signé par l'assureur de la société Abrisud.
En réponse à l'argumentation adverse, ils soutiennent qu'il appartient à la société Abrisud de rapporter la preuve de ce que M. P. n'aurait pas respecté les consignes d'entretien, ce qu'elle ne fait pas.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
C'est en vain que la société Abrisud, qui a assuré non seulement la fourniture mais également la pose de l'abri de piscine, invoque que le sinistre dont a été victime M. P. relève nécessairement du régime légal de la garantie des vices cachés propre à la vente.
Au contraire, c'est à juste titre que le tribunal - prenant en considération l'intégralité des opérations réalisées par la société Abrisud et, en particulier, l'ancrage de l'abri de piscine dans la margelle de cet ouvrage, essentiel à sa stabilité en raison du vent mais également de la présence de neige, fréquente dans la localité où cette société, spécialiste de tels abris, a accepté de le poser - a considéré qu'il y avait lieu de faire application des règles de la responsabilité contractuelle.
C'est encore à juste titre que les premiers juges ont retenu, en fonction de la nature de l'installation et de sa fonction qui doit être pérenne, que, contrairement à ce que prétend la société Abrisud, c'est, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction alors applicable, une obligation de résultat et non simple obligation de moyens qui pèse sur le fournisseur et l'installateur d'un tel abri. Obligation dont il n'est susceptible de s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère.
Or précisément, la société Abrisud n'administre ni la preuve d'un défaut d'entretien qui serait imputable à M. P., ni celles d'intempéries exceptionnelles en un lieu, situé à une altitude de 920 mètres, où elle a accepté d'implanter l'abri, le certificat d'intempéries produit par la société adverse montrant seulement une chute maximale d'environ 25 cm de neige (pièce n° 8).
Dans ces conditions, et sans qu'il soit indispensable de se prononcer sur la valeur probante de l'examen technique qui, réalisé par les experts des compagnies d'assurance, est contesté par la société Abrisud non sur l'existence même du dommage mais sur les causes qui se trouvent à son origine, il doit être constaté que cette société ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère susceptible de l'exonérer de sa responsabilité contractuelle.
Par ailleurs, il ne peut être considéré que la société Abrisud a fait dégénérer en abus la faculté qui lui était ouverte de saisir la justice de ce différend et de le soumettre au double degré de juridiction.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé.
La société Abrisud, qui succombe en son appel, en supportera les dépens, dont la distraction sera ordonnée au bénéfice de la SCP B. & associés, avocat, et elle sera condamnée à payer à la MACIF et à M. P., une indemnité globale de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ; Confirme le jugement déféré ; Condamne la SAS Abrisud aux dépens et à payer à la MACIF et à M. P., une indemnité globale de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Accorde à la SCP B. & associés, avocat, le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en avoir reçu provision.