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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 26 avril 2018, n° 16-01312

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Nobladis (SA), Axa France Iard (SA)

Défendeur :

Les Combustibles de Normandie (SAS), B. Energy (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mme Heijmeijer, Gouarin

CA Caen n° 16-01312

26 avril 2018

Exposé du litige

Le 26 octobre 2013, monsieur A. a acheté au centre commercial Leclerc de Blagnac en Gironde un bidon de pétrole combustible livré par la SAS les combustibles de Normandie à la SA Nobladis exploitant le centre commercial, dont le contenu s'est en partie déversé dans le coffre de son véhicule lors de son transport.

Exposant avoir dédommagé monsieur A. la SA Nobladis et son assureur, la SA Axa France IARD, ont, par acte d'huissier du 7 avril 2015, assigné la société les combustibles de Normandie devant le Tribunal de commerce de Caen.

La SAS les combustibles de Normandie ayant fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la SA B. énergie celle-ci est intervenue volontairement à la procédure en première instance.

Par jugement du 02 mars 2016, le Tribunal de commerce de Caen a :

- mis hors de cause la SAS les combustibles de Normandie,

- donné acte à la SA B. énergie de son intervention volontaire à la procédure,

- débouté les sociétés Nobladis et Axa France IARD de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté la SA B. énergie de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ni à exécution provisoire,

- condamné les sociétés Nobladis et Axa France IARD aux entiers dépens.

Les sociétés Nobladis et Axa France IARD ont relevé appel de cette décision par déclaration du 30 mars 2016.

Dans des conclusions n°2 remises au greffe le 07 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, les sociétés B. Energy et combustibles de Normandie demandent à la Cour de :

- mettre hors de cause la SAS les combustibles de Normandie et condamner solidairement les sociétés Nobladis et Axa France IARD à lui à payer la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de son intervention devant la Cour,

- rejeter l'ensemble des demandes des sociétés Nobladis et Axa France IARD à l'encontre de la SA B. energy,

- condamner solidairement les sociétés Nobladis et Axa France IARD à payer à la société B. energy la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- subsidiairement, constater que la victime a commis une faute à l'origine de son préjudice au moins pour moitié, que la SA Nobladis aurait dû lui opposer, et limiter le recours des sociétés Nobladis et Axa France IARD à la moitié des sommes qu'elles ont prises en charge, objet de leur action.

Dans des conclusions récapitulatives n°3, remises au greffe le 03 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, les sociétés Nobladis et Axa France IARD demandent à la Cour, au visa des articles 1386-1 et suivants et subsidiairement 1147 du Code civil, de :

- dire et juger que la SA B. Energy a engagé sa responsabilité du fait des produits défectueux et subsidiairement sa responsabilité contractuelle ;

- en conséquence, condamner la SA B. Energy au paiement d'une somme de 3 930 euros au profit de la SA Nobladis, relative au montant de la franchise contractuelle laissée à sa charge,

- condamner la SA B. Energy au paiement de la somme de 1 709,50 € au profit de la SA Axa France IARD, correspondant au montant pris en charge par l'assureur,

- condamner la SA B. Energy au paiement d'une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause la société les combustibles de Normandie, celle-ci ayant fait l'objet d'une fusion absorption par la société B. Energy.

L'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société les combustibles de Normandie qui doit être déboutée de sa demande fondée sur ce texte.

Il est acquis qu'une partie du contenu du bidon de pétrole combustible livré par la société B. Energy venant aux droits de la société les combustibles de Normandie à la société Nobladis qui l'a vendu à monsieur A., s'est déversée dans le coffre du véhicule automobile de ce dernier.

Les sociétés Nobladis et Axa France Iard qui soutiennent que le sinistre a pour cause le défaut d'étanchéité du bouchon du bidon, recherchent la responsabilité de la société B. Energy sur le fondement des dispositions combinées des articles 1386-1 et 1386-11 anciens devenus les articles 1245 et 1245-10 nouveaux du Code civil aux termes desquelles le producteur est responsable de plein droit du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la " victime ", " à moins qu'il ne prouve........... que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement'.

Pour preuve de la cause du sinistre les appelantes versent aux débats le rapport d'expertise établi le 27 janvier 2017 par la SARL cabinet ACTE mandaté par Axa assurances.

La société B. Energy soutient que ce rapport est non contradictoire et lui est inopposable dés lors qu'elle n'a pas pu participer aux opérations d'expertise et examiner le système de fermeture du bidon mis en cause malgré ses demandes.

Mais la société B. Energy reconnaît elle-même que la société les combustibles de Normandie a été convoquée par la SARL cabinet ACTE aux opérations d'expertise auxquelles elle n'a pas participé.

Si elle le soutient elle ne prouve, par la production d'aucune pièce, que les conditions dans lesquelles elle aurait été convoquée, l'auraient placée dans l'impossibilité d'assister à la réunion d'expertise du 16 décembre 2013.

La SARL cabinet ACTE atteste de l'absence totale de contact entre ce cabinet et les établissements les combustibles de Normandie dont l'auteur du rapport souligne qu'ils ne se sont " ni présentés ni faits représenter ni excusés ".

Dans ces conditions, l'intimée ne peut faire grief à l'expert de ne pas lui avoir proposé une autre date de réunion, ce qui aurait supposé à tout le moins une démarche de sa part pour l'informer de l'impossibilité pour elle d'être présente le 16 décembre 2013.

L'intimée ne démontre pas plus avoir vainement demandé à examiner le système de fermeture du bidon en cause que ce soit avant, pendant ou après l'expertise, ce qui ôte également tout fondement au grief formulé sur ce point.

Il est ainsi établi que la société les combustibles de Normandie a été régulièrement convoquée aux opérations d'expertise amiable organisées par la SARL cabinet ACTE et n'a pas entendu y participer.

Par conséquent, le rapport d'expertise amiable établi par ce cabinet et en tout état de cause soumis à la discussion contradictoire des parties, est opposable à la société B. Energy.

L'auteur du rapport a fait les constatations suivantes :

- " Monsieur L., responsable de rayon bazar, nous présente 3 bidons de pétrole de marque Maxicalor Classic Economique possédant un bouchon de couleur noire.

- Un seul bidon est présenté à moitié vide (celui de monsieur A. selon monsieur L.).

- Les bouchons sont équipés d'une sécurité qui nécessite un appui important puis la rotation du bouchon pour l'ouvrir.

- Les 3 bidons présentés ne nécessitent aucun appui pour effectuer l'ouverture.

- En position allongée les bouchons ne permettent pas une étanchéité parfaite au bidon.

- Monsieur L. nous informe que tous les bidons ont été contrôlés et remis en rayon pour la vente. Seuls cinq ou six bidons présentaient un défaut.

- Monsieur L. nous informe qu'il n'a eu aucun retour des établissements combustibles de Normandie après l'envoi des fiches de réclamation ".

Après analyse de ces constatations l'auteur du rapport conclut à 'une défaillance dans la fermeture des bouchons. Ces bouchons sont équipés de sécurités pour éviter des ouvertures intempestives qui ne fonctionnent pas correctement' et que le bouchon litigieux " s'est desserré lors du transport sur palette ".

Pour contester ces conclusions la société B. Energy fait valoir que les constatations sont incomplètes car l'expert n'a pas recherché la présence de l'opercule thermo-soudé' qui équipe également chaque bidon dés sa sortie d'usine.

Mais loin de caractériser une insuffisance du rapport sur ce point l'absence de mention par l'expert de la présence d'un opercule thermo-soudé sur les bidons examinés ne peut s'expliquer que par le fait qu'aucun de ces bidons n'en était pourvu, ce qui constitue une anomalie supplémentaire. Dans le cas contraire, la SARL cabinet ACTE l'aurait nécessairement signalé.

La société B. Energy procède par affirmations lorsqu'elle soutient que compte tenu des contrôles par caméra et humain au cours du processus de fabrication et de conditionnement 'il est donc impossible qu'au stade de la fabrication, puisse se produire une anomalie concernant la présence de l'opercule thermo-soudé, ou le mauvais serrage ou un mauvais positionnement du bouchon' alors qu'une défaillance technique ou humaine ne peut jamais être exclue.

Elle procède encore par affirmation lorsqu'elle fait valoir que " rien ne permet d'affirmer que les bidons n'auraient pas été livrés en parfait état " et que " par conséquent le défaut de serrage mis en cause est nécessairement intervenu postérieurement à la livraison " et serait le fait d'un acte inapproprié ou malveillant.

Contrairement à ce qu'elle soutient le fait que seuls cinq bidons aient présenté un défaut de fermeture lors du contrôle a posteriori effectué par la société Nobladis n'est pas la preuve d'une intervention humaine ponctuelle dés lors qu'un défaut de fabrication peut tout aussi bien être ponctuel et ne pas affecter la totalité d'un lot.

Au regard des constatations de la SARL Cabinet ACTE que ne contredit utilement aucune pièce de la société B. Energy la preuve d'un défaut de fabrication du bidon dont le système de fermeture n'assurait pas sa totale étanchéité, est donc rapportée.

En application des dispositions de l'article 1386-11 devenu 1245-10 du Code civil la société B. Energy qui ne prouve pas que ce défaut n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par elle ou que ce défaut est né postérieurement, est responsable de plein droit de ses conséquences dommageables.

La société B. Energy est mal fondée à conclure subsidiairement à un partage de responsabilité par moitié au motif que monsieur A. aurait fait preuve d'une " imprudence fautive pour avoir transporté dans sa voiture un bidon contenant un produit polluant sans s'assurer qu'il était correctement arrimé dans son coffre " dés lors que c'est l'absence d'étanchéité du bouchon qui est exclusivement à l'origine du déversement d'une partie du pétrole dans le coffre du véhicule de monsieur A. et non l'absence, alléguée et non prouvée, d'un arrimage adéquat de ce bidon qui se serait révélée sans conséquence si le bouchon avait offert l'étanchéité attendue.

La société B. Energy doit donc être condamnée à payer à la société Nobladis la somme de 3 930 € représentant le montant non discuté de la franchise laissée à sa charge par son assureur lors de l'indemnisation de monsieur A. et à la société Axa France IARD la somme de 1 709,50 € correspondant au montant non discuté de l'indemnité versée par l'assureur, le jugement déféré étant infirmé en conséquence.

Partie perdante, la société B. Energy doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée aux dépens de première instance et d'appel y compris ceux afférents à l'intervention de la société les combustibles de Normandie devant la cour d'appel.

Il serait inéquitable de laisser la charge de leurs frais irrépétibles aux appelantes unies d'intérêts auxquelles la société B. Energy doit être condamnée à payer la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, Infirme le jugement rendu le 2 mars 2016 par le Tribunal de commerce de Caen sauf dans ses dispositions mettant hors de cause la société les combustibles de Normandie qui sont confirmées, Statuant à nouveau sur les dispositions réformées et y ajoutant, Condamne la SA B. Energy à payer à : - la SA Nobladis la somme de 3 930 €, - la SA Axa France IARD la somme de 1 709,50 €, - aux sociétés Nobladis et Axa France IARD unies d'intérêts la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SAS les combustibles de Normandie et la SA B. Energy de leurs demandes au titre des frais irrépétibles Condamne la SA B. Energy aux dépens de première instance et d'appel y compris ceux afférents à l'intervention de la société les combustibles de Normandie devant la cour d'appel.