Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 3 mai 2018, n° 16-26.531

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

3DSoft (SARL)

Défendeur :

Toyota France (SAS) , Toyota Motor Europe (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Girardet

Avocat général :

M. Sudre

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Ortscheidt

Paris, pôle 5, ch. 2, du 21 oct. 2016

21 octobre 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 octobre 2016), que la société 3DSoft a conçu et commercialisé un logiciel dénommé " Mecaplanning ", dédié à la gestion des services après-vente automobiles, dont elle a adapté une version aux besoins de la société Toyota France, sous la dénomination " e-TSM/Meca Planning " (TSM) ; que, faisant grief à la société Toyota Motor Europe (TME) et à la société Toyota France (les sociétés Toyota) d'avoir mis au point un logiciel dénommé " After Sale Workbench " (ASW) à partir d'une ingénierie inverse à celle du sien, elle les a assignées en contrefaçon de droits d'auteur, concurrence déloyale et parasitisme ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société 3DSoft fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en réparation d'acte de contrefaçon, alors, selon le moyen, que le matériel de conception préparatoire est une composante du logiciel éligible à la protection du droit d'auteur sur les programmes d'ordinateur ; qu'en énonçant, pour rejeter les demandes de la société 3DSoft fondées sur la contrefaçon du logiciel TSM, que son argumentation, tendant à démontrer que les sociétés avaient, en violation de ses droits d'auteur, reconstitué le matériel de conception préparatoire du logiciel TSM à partir de son format objet exécutable par un ordinateur et qu'elles avaient communiqué ce matériel de conception préparatoire à la société Infosys, sous la forme du document " Business requirement specification ", afin qu'elle compose le Code source du logiciel ASW, était dénuée de portée juridique, dès lors que les interfaces graphiques n'étaient pas éligibles à la protection du droit d'auteur sur les programmes d'ordinateur, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 1er de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes ;

Mais attendu que la société 3DSoft n'a pas précisé quels étaient les éléments du programme d'ordinateur TSM, à leur stade de conception préparatoire qu'elle incriminait, en dehors de la reprise de ses interfaces graphiques, sur lesquelles portaient les développements de ses écritures ;

Et attendu qu'après avoir exactement retenu que les interfaces graphiques étaient exclues du champ de la protection du droit d'auteur sur les programmes d'ordinateur, la cour d'appel a estimé que la société 3DSoft n'établissait pas la reprise d'éléments protégés par ce droit ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de rejet des demandes fondées sur une rétro-ingénierie destinée à reconstituer le matériel préparatoire ;

Sur le second moyen du même pourvoi : - Attendu que la société 3DSoft fait grief à l'arrêt de condamner les sociétés Toyota à lui payer seulement la somme de 125 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme commis à leur détriment, alors, selon le moyen, que la victime d'actes de parasitisme a droit à la réparation de son entier préjudice, comprenant les pertes, le manque à gagner et le préjudice moral causés par le comportement parasitaire ; qu'en énonçant, pour débouter la société 3DSoft de sa demande de dommages-intérêts en réparation des pertes subies, des gains manqués et du préjudice moral résultant des actes de parasitisme commis par les sociétés Toyota, que l'action en parasitisme n'aurait vocation à indemniser que le préjudice résultant du pillage illicite d'investissements et de savoir-faire, tels des frais de conception, de mise au point, de communication ou encore la perte de l'avantage concurrentiel procuré par ses investissements, la cour d'appel a violé l'article 1240 du Code civil (ancien article 1382 du même Code), ensemble le principe de réparation intégrale ;

Mais attendu que, le montant des dommages-intérêts alloués en réparation d'une atteinte portée à un droit de propriété intellectuelle étant déterminé en fonction de critères que le juge doit prendre en considération distinctement, énoncés à l'article 2 de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014, l'arrêt retient à bon droit que ces dispositions ne sont pas applicables à la fixation des dommages-intérêts alloués en réparation d'actes de parasitisme ; que, sans méconnaître le principe de la réparation intégrale, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine de l'étendue du préjudice subi par la société 3DSoft, estimé que celle-ci ne justifiait pas du surplus de sa demande indemnitaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les moyens uniques des pourvois incidents des sociétés Toyota France et TME, réunis, ci-après annexés : - Attendu que la société Toyota France et la société TME font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à verser à la société 3DSoft une somme de 125 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d'actes de parasitisme ;

Attendu que, relevant que les ressemblances constatées entre les logiciels en présence, relatives aux spécifications fonctionnelles générales ainsi qu'à la présentation des écrans, à leur contenu et à leur séquencement, avaient pour origine les nombreuses captures d'écran du logiciel TSM, l'arrêt retient que de tels actes caractérisent une appropriation du savoir-faire de la société 3DSoft réalisée en trompant la confiance de cette dernière, qui a permis aux sociétés Toyota d'éviter de supporter des investissements financiers et un risque économique ; que la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office un moyen de droit nouveau, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Et attendu que le rejet du pourvoi principal rend sans objet l'examen du pourvoi incident éventuel de la société Toyota France ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi principal et les pourvois incidents.