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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 4 mai 2018, n° 16-22511

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Arapaho (SARL)

Défendeur :

Orange Caraïbe (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis Schaal

Conseillers :

Mme Bel, M. Picque

Avocats :

Mes Ohana, Medici, Eslami Nodouchan

T. com. Paris, du 12 oct. 2016

12 octobre 2016

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société Orange Caraïbe (OC), située en Guadeloupe, est une filiale à 100 % du groupe Orange spécialisé dans l'exploitation, la gestion et la commercialisation dans le domaine des télécommunications.

La société Arapaho, spécialisée dans la fourniture de prestations informatiques et l'hébergement de contenus multimédias.

Depuis 2008, les deux sociétés sont en relations des affaires, la société Arapaho a été choisie par la société OC, pour exploiter, maintenir et développer le portail Internet mobile " Orange World " et fournir des contenus éditoriaux afin d'alimenter ledit portail mobile.

Deux contrats, ont été signés entre les parties :

- Un contrat cadre de " prestations de services et de fourniture de contenus multimédias ", rétroactif au 1er juin 2008 pour une durée indéterminée ;

- Un contrat de " fourniture et licence de contenus éditoriaux sms/wap/web " rétroactif au 1er avril 2008 pour une durée de 24 mois, prorogée par avenant pour une durée indéterminée.

Le 5 septembre 2013, la société OC a indiqué à la société Arapaho son souhait de redéfinir le périmètre de ses prestations via une consultation de l'ensemble des professionnels du secteur.

Le 6 septembre 2013, la société Arapaho a adressé un courrier LRAR à la société OC dans lequel elle évoquait les conséquences que pourraient produire une rupture de son contrat avec la société OC.

Le 19 septembre 2013, la société OC a notifié à Arapaho la résiliation du contrat cadre entré en vigueur le 1er juin 2008 ainsi que tous les contrats ou avenants rattachés, avec un préavis d'un an prenant fin le 30 septembre 2014.

La cessation des relations commerciales entre les parties a eu lieu comme prévu le 30 septembre 2014.

Par acte extrajudiciaire du 12 mai 2015, la société Arapaho a assigné la société OC devant le Tribunal du commerce de Paris en demandant l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi suite à la rupture brutale et abusive des relations entre les parties à raison de sa situation de dépendance économique et de l'exclusivité exigée par OC, notamment du fait de l'utilisation de logiciels spécifiques d'OC pour assurer ses prestations.

La société OC répliquait qu'il n'y avait aucune clause d'exclusivité avec cette société, qu'elle avait octroyé un préavis d'un an alors que le préavis contractuel était de trois mois, qu'elle s'étonnait que la société Arapaho revendique une soi-disant dépendance économique sans jamais évoquer les stipulations de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

Par jugement contradictoire rendu le 12 octobre 2016, le Tribunal du commerce de Paris a débouté la société OC de sa demande de nullité de l'acte introductif d'instance et ses demandes reconventionnelles d'indemnités pour procédure abusive et débouté la société Arapaho de sa demande d'indemnité de 1 646 338 euros et de toutes ses autres demandes, a condamné la société Arapaho à payer à la société OC la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Le tribunal énonce essentiellement en ses motifs que :

Sur l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance à raison de l'absence de mise à jour des informations qui figurent au Kbis, cette situation lui cause nécessairement grief à raison de la difficulté future d'exécution, mais que l'adresse figurant sur l'assignation étant bien celle qu'il fallait prendre en compte de sorte que la société OC n'aura aucune difficulté à faire exécuter, en cas de besoin, le futur jugement à intervenir.

Le respect d'un préavis d'un an pour des contrats conclus en juin 2008 soit une durée d'un peu plus de cinq ans, au-delà du préavis contractuel de trois mois est un délai raisonnable ; OC. a maintenu pendant toute la période de préavis un courant d'affaires avec Arapaho ; elle a maintenu au même niveau que les années précédentes les rémunérations fixes prévues au titre du contrat cadre de prestation et du contrat de contenu pendant cette période ; le contrat SMS Partner a été maintenu au même niveau de rémunération ; seules les rémunérations variables au titre des contrats de contenus et les prestations hors contrat ont subi une nette diminution représentant une réduction de 37 % du chiffre d'affaires réalisé par la société Arapaho avec la société OC en 2014 en comparaison avec les années 2012 et 2013.

Les prestations d'OC sont des prestations d'agence internet ; aucune prestation fournie par Arapaho ne nécessitait l'utilisation de logiciels spécifiques ou d'outils particuliers qui auraient été mis à disposition par OC ; la demanderesse réalise des prestations à l'identique ( contenant et contenu) pour d'autres sociétés ; Arapaho disposait de tous les moyens techniques et humains pour diversifier sa clientèle ; OC n'avait pas de position dominante sur le marché de la production de sites WEB pas plus que sur la production de messages promotionnels à destination des clients d'OC, prestation toujours en cours à la date de l'assignation ; OC n'a en aucune manière mis en place une quelconque entrave à la concurrence qui aurait empêchée Arapaho de se diversifier.

La demanderesse n'avait aucune clause d'exclusivité imposée par OC. ; elle s'est mise par choix en situation d'avoir un client représentant un pourcentage élevé de son chiffre d'affaires.

La société Arapaho a relevé appel par déclaration en date du 11 novembre 2016.

Vu les dernières conclusions notifiées et signifiées le 31 janvier 2017 par la société Arapaho, aux fins de voir la Cour :

Vu les articles 1134 et 1135 du Code civil et L. 442-6 du Code de Commerce.

Vu le contrat cadre de prestation de services et de Fournitures de Contenus Multimédias.

Recevoir l'appel de la société Arapaho et le dire bien fondé.

Infirmer le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 12 octobre 2016 en ce qu'il a débouté la société Arapaho de ses demandes d'indemnités à l'encontre d'Orange Caraïbe.

Statuant à nouveau, Condamner Orange Caraïbe au paiement de 41 441 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect du préavis.

Condamner Orange Caraïbe au paiement de 82 882 euros de dommages et intérêts, pour brusque rupture et abus de dépendance économique.

Condamner Orange Caraïbe au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

L'appelante fait valoir en substance que la société intimée n'a pas respecté le préavis de 12 mois donné le 13 septembre 2013 pour le 1er octobre 2014, en supprimant certaines des prestations de la société Arapaho dès le mois de décembre 2013 et pendant les mois suivants, n'exécutant pas de bonne foi le préavis, ne maintenant pas un niveau d'activité ou de rémunération semblables aux précédents au mépris du contrat et des articles visés, et qu'elle a dès lors engagé sa responsabilité contractuelle. OC. a fait miroité une procédure d'appel d'offres qu'elle n'a jamais formalisée alors que Arapaho envisageait de déposer sa candidature.

Elle ajoute qu'elle s'est trouvée en situation de dépendance économique dans le cadre d'une position stratégique d'OC. sur le marché des communications aux Antilles, situation non-prise en compte par les premiers juges ; que de 2008 à 2013, son chiffre d'affaires avec l'intimée est passé de 47,96 % à 85,87 % en 2013, et qu'elle a consacré l'essentiel de son activité aux prestations fournies à Orange. Le contrat cadre a placé l'appelante dans une totale dépendance ne lui permettant plus de se diversifier, la dépendance économique se définissant comme l'impossibilité pour une entreprise de développer une relation commerciale équivalente avec un nouveau client, l'intimée exigeant de la part de son prestataire qu'il minimise cet état de dépendance économique.

Vu les dernières conclusions notifiées et signifiées le 28 mars 2017 par la société Orange Caraïbe, tendant à voir la Cour :

Vu les articles 32-1,56,58,127 et 901 du Code de procédure civile,

Vu l'article L. 420-2 du Code de commerce,

Vu les articles 1134 et 1135 et suivants du Code civil,

In limine litis :

Constater la nullité de la déclaration d'appel délivrée par la SARL Arapaho ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA Orange Caraïbe de sa demande en nullité de l'assignation ;

En conséquence et statuant à nouveau :

Constater la nullité de l'assignation délivrée par la SARL Arapaho ;

En tout état de cause :

Confirmer le jugement entreprise en ce qu'il a débouté la SARL Arapaho de sa demande d'indemnités de 1 646 399 euros et de toutes ses autres demandes et en ce qu'il a condamné la SARL Arapaho au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA Orange Caraïbe de sa demande d'indemnités pour procédure abusive ;

Et statuant à nouveau :

Constater l'illisibilité et l'irrégularité des pièces de la société Arapaho n° 28 à 30 au regard de l'article 202 du CPC ;

Constater l'absence de manquements de la société Orange CaraïbeS lors de la rupture du contrat-cadre MOP080800006 et celui de " fourniture et licence de contenus éditoriaux sms/wap/web ", conclu avec la société Arapaho ;

Constater l'absence d'état de dépendance économique de la société Arapaho ;

En conséquence, Écarter des débats les pièces de la SARL Arapaho n° 28 à 30 et les déclarer irrecevables ;

Débouter la SARL Arapaho de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner la SARL Arapaho à régler une amende pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;

Condamner la SARL Arapaho à verser à la SA Orange Caraïbe la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;

Condamner la SARL Arapaho à verser à la SA Orange Caraïbe la somme complémentaire de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction de ces derniers au profit de Maître Emmanuel ....

L'intimée réplique :

Sur la nullité de l'assignation délivrée à la société OC, la société Arapaho tente de dissimuler l'adresse de son siège social depuis le début de la procédure, faisant grief à la société OC.

Sur la dépendance économique, s'agissant du contrat-cadre, l'intimée souligne l'article 2 signé entre les parties qui prévoit que " le présent Contrat Cadre n'entraine aucune exclusivité de part et d'autre [...] Les Parties sont libres de traiter, à tout moment, avec tout autre cocontractant ou professionnel du secteur de l'informatique, y compris pour les prestations et/ou services définis ci-après ".

S'agissant du contrat de fourniture et licence, aucune exclusivité n'y est mentionnée.

En l'absence d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles que l'appelante a noué avec une autre entreprise, les reproches de l'abus de dépendance économique ne sont pas fondé. Aucun obstacle n'empêchait la société Arapaho de diversifier ses prestations en rapport avec son activité, cette diversité étant effective ainsi qu'il résulte des mentions du site de l'appelante.

Les trois mêmes attestations d'anciens salariés, dont une étant toujours illisible tout comme les copies des cartes d'identité (pièce n° 28 à 30) produites par l'appelante, doivent être rejetées conformément à l'article 202 du CPC.

Sur la rupture des relations d'affaires, le délai de préavis de 12 mois accordé à la société Arapaho est suffisant à l'égard de l'ancienneté de leurs relations contractuelles et été parfaitement respecté, ainsi qu'il résulte du tableau récapitulatif de l'ensemble des paiements effectués au bénéfice de la société Arapaho durant l'année du préavis et antérieurement.

L'état de dépendance économique est insusceptible de caractériser une prétendue brutalité dans la rupture.

L'appelante ne démontre pas une violation du droit de la concurrence et un préjudice qui en résulterait.

L'absence de mise en demeure préalable ou d" une tentative de négociation amiable constituant une violation de l'article 127 du CPC, le prononcé d'une amende civile et l'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive sont justifiés.

MOTIFS ;

La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

1. L'incident de nullité de la déclaration d'appel ayant été vidé par ordonnance du 17 novembre 2017 par le conseiller de la mise en état exclusivement compétent pour en connaître, il n'y a lieu de statuer de ce chef de demande, la cour relevant que les conclusions au fond de l'intimée en date du 28 mars 2017 sont antérieures aux conclusions d'incident déposées par l'intimée les 6 juillet 2017 et 25 septembre 2017.

2. Sur la nullité de l'assignation délivrée par la société Arapaho :

Il est versé aux débats un extrait Kbis retraçant les diverses adresses du siège social de la société Arapaho tels que mentionnés dans les conclusions d'intimée, établissant ainsi le décalage entre l'adresse et la publicité des mentions du changement de celle-ci, de sorte que la tardiveté de la prise en compte des mentions rectificatives, dont l'imputabilité à l'appelante n'est pas rapportée, n'apparaît pas source de grief.

Il en résulte que c'est à bon droit que le premier juge a débouté l'intimée de son exception de nullité de l'acte.

3. Sur la demande de l'intimée aux fins de déclarer irrecevables les pièces n° 28 à 30 de la société Arapaho :

L'intimée reproche aux pièces litigieuses (attestations et copies des cartes d'identité) leur caractère illisible.

L'examen de ces pièces révèle en effet le caractère illisible des pièces d'identité et d'une attestation, dont le nom du rédacteur demeure illisible, ces éléments causant nécessairement grief à l'intimée de sorte que les pièces sont déclarées irrecevables.

4. Sur le non-respect du délai de préavis :

L'appelante soutient que le préavis d'un an accordé par l'intimée, que le tribunal a qualifié de délai raisonnable, n'a pas en réalité été respecté par la société OC qui a progressivement interrompu les prestations associées dès le mois de décembre 2013, et cite les différentes prestations affectées et les dates des interruptions dont elle justifie, ne respectant pas son engagement contractuel.

Ainsi qu'il est justement relevé par le premier juge, l'intimée a accordé un préavis qu'il a qualifié de suffisant au regard de la durée des relations entretenues par les parties.

L'intimée établit contre la violation soutenue de son engagement tel qu'elle résulterait de l'interruption des prestations, que, en dépit de l'interruption de certaines des prestations, le chiffre d'affaires de l'appelante résultant de prestations fixes a été maintenu au titre du contrat cadre à un niveau équivalent à celui des années précédentes, excepté pour deux contenus qui se sont poursuivis sur les 2/3 du préavis, ce que ne conteste pas Arapaho.

Seules les rémunérations variables au titre des contrats de contenus ont subi une nette diminution représentant une réduction de 37 % du chiffre d'affaires réalisé par Arapaho, ce qui est le propre des éléments variables, lesquels étaient soit prévus au contrat mais le montant des rémunérations indépendant de la volonté de OC (le contenu horoscope), soit hors contrat, de sorte que l'inexécution contractuelle alléguée ne pouvait résulter de tels éléments.

Aucun élément objectif n'est produit par l'appelante au soutien de l'allégation de ce qu'il a été exigé par OC, que soit " déguisé " le chiffre d'affaires des années 2010 à 2012.

Ainsi l'appelante ne démontre pas que les interruptions en cause ont significativement affecté le chiffre d'affaires réalisé avec l'intimée et constituent une violation de l'engagement contractuel souscrit par OC.

L'appelante ne démontre pas la mauvaise foi d'OC, ni l'existence d'un engagement contractuel d'OC dans l'information donnée à Arapaho dans le courrier du 19 septembre 2013 d'un recours à un appel d'offres ultérieur, dès lors que la consultation envisagée était toujours " à l'étude " au moment où cette information a été donnée.

5. Sur la rupture brutale et préjudiciable des relations d'affaires entre Arapaho et Orange Caraïbe du fait de l'abus de position dominante du fait du non-respect des dispositions des articles L. 420- et L. 420-2 du Code de commerce :

Selon l'article L. 420-2 du Code de Commerce :

" Est prohibée dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442-6 ou en accords de gamme."

L'appelante excipe d'une situation de dépendance économique dans ses relations avec OC ne lui permettant plus de se diversifier, les contrats passés avec OC l'ayant obligée à consacrer tous ses moyens et effectifs aux prestations dévolues à cette société. Elle ne prétend pas à une clause contractuelle d'exclusivité.

Elle soutient, sans verser de pièce le caractérisant, l'existence d'un marché pertinent des communications aux Antilles sur lequel OC serait en situation de position dominante.

Les parties rappellent la définition donnée par arrêt du 12 février 2013 de la Cour de Cassation aux termes de laquelle " l'état de dépendance économique se définit comme l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise ; ... "

L'allégation d'une situation de totale dépendance n'établit pas en elle-même l'existence d'une telle situation qu'il appartient à l'appelante de démontrer.

Le pourcentage du chiffre d'affaires réalisé avec la société est insuffisant à établir le bienfondé de l'état de dépendance économique au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce, la responsabilité de l'intimée ne pouvant être recherchée à raison du seul choix économique de l'appelante.

Les litiges entre OC et d'autres entreprises ne sont pas susceptibles de faire la preuve, par comparaison, d'un état de dépendance économique de l'appelante envers l'intimée.

Il appartient en revanche à l'appelante de faire la preuve de " l'absence d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise ".

La nécessité pour OC de protéger ses fichiers et données confidentiels ne constitue pas une pratique en elle-même fautive ou caractérisant un état de dépendance économique.

En outre l'annexe 3-2 visée par l'intimée pour démontrer que l'intimée a placé son contractant dans un tel état, intitulé " Licence Progiciel " spécifiant qu'Orange Caraïbe : " est expressément autorisée à accorder aux associés Apparentée une sous-licence pour le Progiciel objet de la présente licence ", dont l'appelante déduit une exclusivité de services, est contestée par l'intimée qui justifie qu'il s'agit d'un document vierge, dès lors non-contractuel, d'une " trame de la licence progiciel [à adapter] ".

L'appelante n'établit pas que le personnel était exclusivement dédié à l'activité avec OC, que par la faute de la société OC, elle n'a pu diversifier sa clientèle et qu'elle n'a plus d'activité.

Il résulte des pièces versées par l'appelante qu'au 31 décembre 2012, son chiffre d'affaires total s'élevait à 1 078 074 euros ; qu'au 31 décembre 2013, ce même chiffre d'affaires était d'un montant de 1 020 850 euros ; qu'au 31 décembre 2014, après l'arrêt total des prestations litigieuses, il s'élevait à 870 237 euros ; enfin qu'au 31 décembre 2015, plus d'un an après la fin de ces relations, la société appelante déclarait un chiffre d'affaires de 194 392 euros ; qu'au 31 mai 2015, la société avait réalisé un chiffre d'affaires de 91 453 euros.

Il est ainsi amplement établi que la société appelante poursuit son activité lui procurant un chiffre d'affaires non-négligeable avec d'autres partenaires et qu'ainsi elle a pu développer, pendant la durée des relations avec l'intimée et dans le délai contractuel du préavis une clientèle et poursuivre son activité.

L'intimée démontre sans être contredite que la société Arapaho s'est effectivement diversifiée, au moyen du parcours du site internet de cette société, en particulier les onglets " emplois " et " références ".

La visite du site que l'appelante a réalisé démontre en effet que celle-ci pour les besoins de son activité a recruté des ressources humaines, " free-lance " ou autres, des spécialistes (webmaster, développeur, administrateur système et réseau), qu'elle a des clients équivalents, sociétés nationales ou bien locales, se prévalant de nombreuses références et prestations réalisées (réalisation de 400 sites web), l'ensemble des éléments confirmant que l'appelante a réalisé des prestations pour d'autres partenaires que l'intimée et poursuit soin activité.

L'appelante n'établissant pas la dépendance économique au sens des dispositions du Code de commerce dans laquelle elle s'est trouvée, ne prétendant pas à un abus d'une telle situation par l'intimée comme celle-ci le relève, ne démontrant pas la position dominante de cette société sur un marché et une situation géographique déterminés ni un abus commis par elle en matière de concurrence, c'est exactement que le premier juge a débouté la société Arapaho de ses demandes.

6. Sur les demandes reconventionnelles de OC :

Le prononcé d'une amende civile relevant du seul pouvoir juridictionnel, la demande formée à ce titre par l'intimée est en voie de rejet.

La société Orange Caraïbe, ne justifiant pas en cause d'appel que l'action de la société Arapaho à son encontre a dégénéré en abus de droit, la demande en dommages et intérêts formée sur ce fondement est rejetée.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare irrecevables les pièces n° 28 à 30 de la société Arapaho ; Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ; Déboute la société Orange Caraïbe de la demande de prononcé d'une amende civile et de la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Arapaho à payer à la société Orange Caraïbe la somme de 8 000 euros ; Rejette toute demande autre ou plus ample ; Condamne la société Arapaho aux entiers dépens.