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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 3 mai 2018, n° 16-18405

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fire (SARL)

Défendeur :

Autajon SP (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Lallement

T. com. Romans-sur-Isère, du 7 mai 2014

7 mai 2014

FAITS ET PROCÉDURE

La société Fire a pour objet social l'activité d'intermédiaire de commerce.

La société Autajon SP (Autajon), spécialisée dans le packaging pharmaceutique, a noué des relations avec le laboratoire pharmaceutique Sophartex.

A partir de 2002, des relations commerciales se sont tissées entre la société Autajon et la société Fire, intermédiaire auprès du client, la société Sophartex, moyennant rémunération sous la forme de commissions.

Début 2012, le client, la société Sophartex, devenue Synerlab, envisageant de mettre fin aux relations contractuelles qu'elle entretenait avec la société Autajon, celle-ci s'est abstenue de payer les factures émises par la société Fire au titre des commissions réalisées sur les ventes de janvier et février 2012.

Par acte en date du la société Fire a assigné la société Autajon devant le Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère aux fins de la voir condamner au paiement de ses commissions d'agent commercial de janvier et février 2012, d'une indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ou, en toutes hypothèses, de rupture brutale de la relation contractuelle, et de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement rendu le 7 mai 2014, le Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a :

- dit que la société Fire ne peut pas se prévaloir du statut d'agent commercial à l'égard de la société Autajon et prétendre à une indemnité de rupture à ce titre ;

- débouté la société Fire de sa demande d'indemnité pour rupture des relations contractuelles ;

- condamné la société Autajon à payer à la société Fire la somme de 19 867,73 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2013 ;

- débouté la société Fire de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- rejeté la demande d'exécution provisoire ;

- dit n'y avoir pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société Autajon aux dépens.

Vu l'appel interjeté par la société Fire en date du 8 septembre 2016 ;

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Fire, par conclusions transmises par le RPVA le 6 février 2018, demande à la cour, au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, 1134 et 1147 anciens du Code civil, 1249 et suivants du même Code et L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Autajon à payer à la société Fire la somme de 19 867,73 euros, avec intérêts de droits à compter du 15 janvier 2012 ;

- réformer le jugement déféré sur le surplus ;

- débouter la société Autajon de son appel incident et de sa demande reconventionnelle ;

A titre principal,

- débouter la société Autajon de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens ;

- dire que la société Autajon et la société Fire sont liées par un contrat d'agent commercial ;

A titre subsidiaire,

- dire que la société Autajon et la société Fire ont conclu un contrat par lequel Fire, moyennant le versement de commissions par Autajon, servait d'intermédiaire avec différentes sociétés dont Sophartex ;

En conséquence,

- condamner la société Autajon à payer à société Fire les sommes de

* 19 867,73 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2012 (date d'échéance des dernières factures) au titre des commissions de janvier et février 2012 impayées ;

* 143 985,53 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial ou, en toutes hypothèses, de rupture brutale de relations contractuelles continues ;

* 15 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner la société Autajon à payer à société Fire la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Lexavoué.

A titre principal, sur la qualification du contrat d'agent commercial, elle prétend avoir la qualité d'intermédiaire et que c'est la société Autajon qui lui a demandé ses services en qualité d'agent commercial, pour récupérer son portefeuille client ; le fait que la société Fire soit en possession de grilles de prix et de tableaux de commission de la société Autajon, atteste de sa qualité d'intermédiaire pour celle-ci. Elle estime qu'une indemnité de rupture, outre des dommages-intérêts pour rupture abusive, lui est due en raison de la cessation de la relation et de l'absence de faute grave de sa part ; elle considère que la rupture soudaine était imputable au mandant.

A titre subsidiaire, si la qualification de contrat d'agent commercial n'était pas retenue, elle demande à la cour de requalifier la relation contractuelle, l'existence d'une relation commerciale établie résultant du fait que la société Autajon a mandaté la société Fire et lui a versé des commissions sur les offres de prix transmises et converties en commandes fermes. Elle soutient que cette relation a été rompue brutalement.

La société Autajon SP, appelante à titre incident, par conclusions signifiées le 2 février 2018, demande à la cour de :

A titre principal, au visa de l'article 1131 ancien du Code civil, de la sommation de communiquer de la société Autajon SP à la société Fire depuis le 3.5.2013, demeurée vaine, du témoignage délivré le 28 janvier 2018 par Madame X, directrice des achats du groupe Synerlab (auquel appartient Sophartex) et de l'adage " fraus omnia corrumpit ",

- constater que c'est la société Sophartex qui a confié à la société Fire le suivi et la gestion des commandes auprès de la société Autajon SP ;

- constater que la société Fire n'a accompli aucune diligence au profit de la société Autajon SP au titre du mandat à elle confié par la société Sophartex ;

En conséquence,

- réformer le jugement déféré du 7 mai 2014 en ce que le Tribunal de commerce de Romans a constaté l'existence de relations contractuelles entre les sociétés Autajon et Fire depuis l'année 2002 et condamné la société Autajon à payer à la société Fire la somme de 19 867,73 euros ;

- dire et juger en toute hypothèse que Fire ne peut se prévaloir d'un contrat qui, à le supposer exister, est manifestement entaché de fraude et pas plus d'une obligation qui, à la supposer exister, est rendue sans effet par l'article 1131 ancien du Code civil, et réformer pareillement le jugement ;

Au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, 1356 du Code civil, de l'aveu judiciaire de la société Fire, du courrier de la société Sophartex en date du 15 avril 2002, du témoignage délivré le 28 janvier 2018 par Madame X, directrice des achats du groupe Synerlab (auquel appartient Sophartex), de l'adage " fraus omnia corrumpit " et de l'article 1131 ancien du Code civil,

- constater qu'il n'est produit aucun contrat d'agent commercial entre les sociétés Autajon SP et Fire ;

- constater que c'est la société Sophartex qui a confié à la société Fire le suivi et la gestion des commandes auprès de la société Autajon SP ;

- constater que la société Fire n'a jamais eu le pouvoir de conclure des contrats au nom et pour le compte de la société Autajon SP et n'a jamais exercé au profit d'Autajon SP aucune prestation caractéristique d'un contrat d'agence ;

- dire en toute hypothèse que Fire ne peut se prévaloir d'un contrat qui, à le supposer même exister, est manifestement entaché de fraude et dont les obligations sont tenues sans effet par l'article 1131 ancien du Code civil ;

En conséquence,

- confirmer le jugement déféré du 7 mai 2014 en ce que le Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a dit que la société Fire ne peut pas se prévaloir du statut d'agent commercial à l'égard de la société Autajon et prétendre à une indemnité de rupture à ce titre ;

Plus subsidiairement,

Vu le témoignage délivré le 28 janvier 2018 par Madame X, directrice des achats du groupe Synerlab (auquel appartient Sophartex), vu l'adage " fraus omnia corrumpit " et l'article 1131 ancien du Code civil,

- observer que la rupture des relations se trouve être la conséquence d'une décision de la société Synerlab qui a remis en cause les tarifs pratiqués par la société Autajon et a décidé de ne plus travailler avec la société Fire ;

- constater que la cessation est donc imputable à Sophartex et renvoyer Fire à mieux se pourvoir contre celle-ci ;

- confirmer le jugement déféré du 7 mai 2014 en ce qu'il a jugé que " ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser une rupture des relations commerciales imputable à la société Autajon " et débouté la société Fire de sa demande de réparation de son prétendu préjudice du fait de la perte du client Synerlab ;

- dire, en toute hypothèse, que Fire ne peut se prévaloir d'une relation commerciale régulièrement établie qui, à la supposer même exister, est manifestement entaché de fraude et dont les obligations sont inexistantes, fausses et illicites, et la débouter de toute demande indemnitaire au titre de sa cessation ;

Vu l'article 1382 ancien du Code civil,

- constater que la société Fire ne rapporte pas la triple preuve de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux ;

- constater que la société Fire n'établit pas, non plus, la preuve du quantum réclamé de son préjudice ;

- confirmer le jugement déféré du 7 mai 2014 en ce qu'il a débouté la société Fire de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Plus subsidiairement encore,

- dire, en toute hypothèse, que la réparation de la rupture d'une relation commerciale ne peut correspondre qu'à une perte de marge brute et en aucun cas à un montant de chiffre d'affaires, et, qu'en toute hypothèse, la société Fire ne fournit aucun élément pour justifier le quantum de cette demande ; ramener, en conséquence, l'indemnité éventuellement allouée à l'équivalent de trois mois de commissions H.T. maximum ;

En tout état de cause,

- condamner la société Fire à verser à la société Autajon SP la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la débouter de toute autre demande ;

- condamner la société Fire aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl BDL Avocat constitué, sur son affirmation de droit.

Elle conteste l'existence de relations contractuelles entre les sociétés Autajon et Fire et fait valoir que Fire est mandataire de la société Sophartex. Elle invoque l'inexistence d'un contrat d'agent commercial entre les sociétés Fire et Autajon, dès lors qu'aucun contrat en ce sens n'a été conclu entre les sociétés Autajon et Fire et que Fire n'a jamais accompli de négociation ou de conclusion de contrat au nom et pour le compte d'Autajon.

Sur la prétendue rupture brutale de la relation commerciale établie, elle prétend que c'est la société Sophartex qui a fait naître puis mis un terme à la relation contractuelle qu'elle entretenait avec la société Fire, subsidiairement, que la société Fire n'établit pas la réalité et le quantum du préjudice, qu'à tout le moins le montant de ce préjudice ne saurait excéder trois mois de marge brute.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS

Sur la demande principale de la société Fire

Considérant qu'à titre principal, la société Fire, qui revendique le bénéfice du statut d'agent commercial mandaté par la société Autajon, sollicite l'octroi de commissions en application de des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce ;

Considérant que l'article L. 134-1 du Code de commerce dispose que : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. (...) " ;

Considérant que l'application du statut d'agent commercial dépend des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ;

Considérant qu'il est constant que, par lettre en date du 15 avril 2002, la société Sophartex a indiqué à la société Autajon qu'elle avait confié à la société Fire le suivi et la gestion des échanges commerciaux entre leurs sociétés ; qu'il s'en déduit que c'est Sophartex qui a décidé en 2002 de confier une mission à la société Fire ; que cette dernière ne rapporte la preuve ni que Autajon lui aurait donné un quelconque mandat, ni que lui aurait été confiée une mission de négocier des contrats de façon permanente au nom de la société Autajon ; que, si la société Autajon admet le versement de " commissions " à Fire (page 3 de ses conclusions), ce seul élément est insuffisant à établir l'existence d'un mandat d'agent commercial qui lui aurait été donné par Autajon ; que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont retenu que la société Fire n'établissait pas avoir exercé l'activité d'agent commercial de la société Autajon et l'ont déboutée de sa demande de commissions ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande subsidiaire de la société Fire

Considérant que la société Fire fonde sa demande subsidiaire sur la rupture brutale de la relation commerciale établie, aux termes de laquelle elle intervenait en qualité d'intermédiaire, et demande le paiement des commissions de janvier et février 2012 impayées et une indemnité en réparation de la " rupture brutale de relations contractuelles continues " ;

Considérant que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose qu'" engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure. " ;

Considérant que le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle interdit à celui qui se prétend créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle ; que la société Fire ne saurait réclamer tout à la fois :

- sur un fondement délictuel, l'allocation de dommages et intérêts à titre de réparation de la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie ;

- sur un fondement contractuel, l'exécution du contrat liant les parties au titre de commissions impayées ;

Que les demandes de la société Fire doivent en conséquence être déclarées irrecevables en application de la règle du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle ;

Considérant que l'équité commande de condamner Fire à payer à Autajon la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris ; Dit la SARL Fire irrecevable en ses demandes subsidiaires ; Condamne la SARL Fire à payer à la SASU Autajon SP la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne la SARL Fire aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.