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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 30 avril 2018, n° 15-02856

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alliance Diffusion (SARL)

Défendeur :

Viet Nam Nem (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, M. Pettoello

T. com. Bordeaux, 6e ch., du 9 avr. 2015

9 avril 2015

EXPOSE DU LITIGE :

La société Viet Nam Nem SARL (la société VNN) commercialise des produits alimentaires auprès d'une clientèle de professionnels et la grande distribution. Son seul fournisseur est la société Marcus.

La société VNN a conclu le 2 février 2009 avec la société MDA un contrat d'agent commercial qui a été transféré à la société Alliance Diffusion SARL (la société Alliance) par avenant du 23 décembre 2011.

La société Marcus a acquis les titres de la société VNN par acte du 13 juin 2013. Elle les a cédés le 31 mars 2015.

Se plaignant de ne plus percevoir de commissions depuis fin 2013, la société Alliance a fait assigner la société VNN devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Bordeaux qui, par ordonnance du 29 juillet 2014, a condamné la société VNN à lui verser une indemnité provisionnelle de 15 000 euros.

Par exploit d'huissier en date du 14 octobre 2014, la société Alliance a assigné une nouvelle fois la société VNN devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Bordeaux qui s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire au fond.

Par jugement contradictoire du 9 avril 2015, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

- condamné la société VNN à communiquer sous astreinte à la société Alliance les pièces comptables nécessaires à la vérification du calcul des commissions du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ;

- condamné la société VNN à payer à la société Alliance la somme de 43 412,83 euros TTC au titre du solde des commissions du 1er décembre 2013 au 30 novembre 2014 ;

- condamné la société Alliance à payer à la société VNN la somme de 20 489,66 euros à titre de dommages et intérêts ;

- ordonné la compensation des sommes dues par les parties ;

- débouté la société VNN de sa demande de résiliation du contrat pour faute grave de la société Alliance ;

- débouté la société Alliance de sa demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société VNN ;

- constaté la résiliation, à l'initiative de la société Alliance mais du fait de circonstances imputables à la société VNN, du contrat d'agent commercial du 23 décembre 2011 avec effet au 20 janvier 2015 ;

- condamné la société VNN à verser à la société Alliance une indemnité de rupture de 70 000 euros au titre de la cessation du contrat d'agent commercial ;

- débouté la société Alliance de sa demande de condamnation de la société VNN à lui verser 20 000 euros de dommages et intérêts ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société VNN à payer à la société Alliance la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société VNN aux dépens.

La société Alliance a relevé appel du jugement par déclaration en date du 6 mai 2015.

La société VNN a saisi le premier président de la Cour d'appel de Bordeaux d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire qui a été rejetée par ordonnance en date du 10 juillet 2015.

Par acte du 28 août 2015, la société Alliance a assigné en intervention forcée la société Marcus prise en la personne de son mandataire judiciaire, la SCP A, désignée par jugement du Tribunal de commerce d'Angoulême en date du 9 juillet 2015 prononçant le redressement judiciaire de la société, mesure convertie en liquidation judiciaire le 8 décembre 2016.

La société VNN a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 21 décembre 2016, la Selarl B étant désignée en qualité de liquidateur.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 25 septembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Alliance demande à la cour de :

- rejeter toutes conclusions contraires comme irrecevables et mal fondées et rejeter toutes les demandes adverses ;

- condamner la société VNN à communiquer, sous telle astreinte que la cour fixera, les éléments comptables lui permettant de vérifier le calcul de ses commissions depuis le 1er décembre 2014 au 9 juin 2015 ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société VNN à lui payer la somme de 43 412,83 euros à titre d'arriéré de commissions, en date du 31 décembre 2014, sauf à réactualiser cette somme à hauteur de 48 269,38 euros, en date du 26 janvier 2016 selon les éléments connus d'elle ;

- compte tenu de la liquidation judiciaire de la société VNN, admettre sa créance pour la somme à hauteur de 48 269,38 euros ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société VNN la somme de 20 489,66 euros à titre de dommages et intérêts et rejeter cette demande ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial ;

- réformer le jugement en ce qu'il a fixé la date de résiliation au 20 janvier 2015, et dire que cette rupture est intervenue du fait et aux torts exclusifs de la société VNN avec effet à la date du jugement soit le 9 avril 2015 ;

- admettre sa créance à la liquidation judiciaire de la société VNN pour les commissions qui lui sont dues jusqu'au 9 juin 2015, et dont le montant pourra être fixé après communication des pièces comptables ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société VNN à lui payer une indemnité de rupture sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce sauf à préciser qu'il convient d'admettre sa créance à la liquidation judiciaire de la société VNN à ce titre ;

- réformer le jugement concernant le quantum de cette indemnité et admettre en conséquence sa créance à la liquidation judiciaire de la société VNN pour la somme de 109 244,73 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, outre une indemnité de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- rejeter tout appel incident des parties adverses et toute demande des parties adverses ;

- admettre sa créance à la liquidation judiciaire de la société Marcus pour l'intégralité des sommes dues par la société VNN ;

- condamner la Selarl B en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société VNN au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront mis en frais privilégiés de procédure collective.

La société Alliance fait notamment valoir que depuis le mois de novembre 2013, la société VNN ne lui a quasiment versé aucune commission ; qu'à ce jour, l'arriéré s'élève à 48 269,38 euros ; que contrairement aux allégations de l'intimée, elle n'a pas manqué quant à elle à ses obligations légales et contractuelles, de sorte qu'elle n'est redevable d'aucuns dommages et intérêts ; qu'elle disposait en sa qualité d'agent commercial d'un pouvoir de négociation des commandes ; que la mandante a d'ailleurs honoré toutes les commandes ainsi négociées ; qu'il lui appartenait, en cas de désaccord, de le lui signifier voire de rompre le contrat pour comportement fautif, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'elle était en réalité parfaitement informée de l'existence de ces négociations ; qu'en outre, le contrat prévoit que le mandant ne peut faire aucun grief à l'agent quant à l'exécution du contrat pendant les périodes où le mandant aurait laissé impayées les commissions ; qu'en application de l'article 1184 du Code civil, la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial doit être prononcée aux torts exclusifs de la société VNN avec effet à la date du jugement soit le 9 avril 2015 ; que des commissions lui sont donc dues jusqu'au 9 juin 2015, dont le montant pourra être fixé après communication des pièces comptables ; qu'elle est fondée en outre à réclamer une indemnité de rupture que le tribunal a fixée, sans justification, à la somme de 70 000 euros alors qu'elle doit, conformément aux usages, être calculée sur une base de 24 mois de commission, soit la somme de 109 244,73 euros ; que la rupture du contrat lui a par ailleurs causé un grave préjudice qui justifie l'allocation d'une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle sollicite la garantie intégrale et solidaire de la société Marcus qui a repris en 2013 la société VNN et en était l'associée unique, qui avait le même gérant et s'est parfois elle-même comportée en qualité de mandant à son égard.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 24 septembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société VNN demande à la cour de :

- déclarer la société Alliance mal-fondée en son appel et en conséquence la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- la déclarer recevable et bien-fondé en son appel incident ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant des commissions dues à la société Alliance à la somme de 43 412,83 euros TTC ;

- y ajouter, dire et juger qu'à ce jour, eu égard aux règlements effectués, ne reste due que la somme de 18 230,27 euros TTC ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Alliance à lui payer la somme de 20 489,66 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- ordonné la compensation entre les sommes dues par les parties ;

- débouté la société Alliance de sa demande de dommages et intérêts ;

compte tenu des compensations réalisées,

- condamner la société Alliance à lui payer la somme de 2 259,39 euros ;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a :

- déboutée de sa demande de résiliation du contrat pour faute grave de la société Alliance ;

- condamnée à verser à la société Alliance une indemnité de rupture de 70 000 euros au titre de la cessation du contrat d'agent commercial ;

- par conséquent,

- à titre principal,

- prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial pour faute grave de la société Alliance au 20 octobre 2014, date de la dénonciation par elle du contrat (assignation en référé), le contrat étant arrivé à terme après préavis de 3 mois soit le 20 janvier 2015 ;

- débouter la société Alliance de sa demande de paiement d'une indemnité de rupture ;

- à titre subsidiaire, réduire considérablement le montant de l'indemnité compensatrice eu égard à l'absence de préjudice justifié ;

- en tout état de cause,

- condamner la société Alliance au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Alliance aux dépens et ce conformément aux dispositions des articles 695 et 696 du Code de procédure civile.

La société VNN fait notamment valoir que compte tenu des règlements effectués par elle au titre des arriérés de commissions 2013 et 2014, le solde des sommes dues doit être rapporté à 15 191,89 euros HT ; qu'elle verse aux débats les éléments sollicités par l'appelante pour le calcul de ses commissions jusqu'au 20 janvier 2015, date de fin du contrat ; que la société Alliance, qui s'est permis, sans son accord, de consentir des remises considérables à des clients, auxquelles elle n'avait pas consenti quant à elle mais qu'elle a dû honorer, a commis une faute qui lui a causé un préjudice à hauteur de 20 489,66 euros ; que la violation des articles 5-1, 1-3 et 4-2 du contrat constitue une faute grave justifiant le prononcé de la résiliation aux torts exclusifs de la société Alliance ; que la faute grave n'oblige pas le mandant à rompre immédiatement le contrat si l'agent reconnaît sa faute et indemnise le mandant ; qu'en outre, le non-paiement par elle de commissions n'est pas constitutif d'une faute de sa part dans la mesure où elle a retenu ces paiements pour qu'une compensation puisse s'opérer avec les sommes dues par l'appelante en réparation du préjudice causé par ses remises abusives ; qu'en application de l'article L. 134-13 du Code de commerce, la faute commise par la société Alliance la prive de tout droit à indemnité de rupture ; que la date d'effet de la rupture du contrat a été justement fixée par le tribunal au 20 janvier 2015, trois mois après la première demande de résiliation formulée par la société Alliance qui vaut dénonciation du contrat. A titre subsidiaire, elle soutient que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation quant au montant de l'indemnité de rupture ; que compte tenu du désintérêt manifesté depuis 2012 par l'appelante vis-à-vis de sa carte, et des fautes commises par elle, le tribunal en a justement limité le montant. Elle s'oppose enfin à la demande de dommages et intérêts de l'appelante au motif que celle-ci n'en justifie pas.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 27 novembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments, la société Marcus et la SCP A, en qualité de mandataire judiciaire de la société Marcus, demandent à la cour de :

- constater qu'aucun élément nouveau au sens de l'article 555 du Code de procédure civile ne justifie sa mise en cause ;

- déclarer en conséquence la société Alliance irrecevable en cette mise en cause ;

- au surplus,

- déclarer la société Alliance mal-fondée en son appel à son encontre et par conséquent la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- en tout état de cause,

- condamner la société Alliance à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Alliance aux dépens et ce conformément aux dispositions des articles 695 et 696 du Code de procédure civile.

La société Marcus soutient à la fois l'irrecevabilité de son assignation en intervention forcée et l'irrecevabilité des demandes de la société Alliance à son encontre. Elle fait notamment valoir qu'en application de l'article 555 du Code de procédure civile, l'appel en cause n'est recevable que si l'évolution du litige implique la mise en cause du tiers ; qu'en l'espèce, elle n'était pas partie en première instance ; qu'aucun élément nouveau ne permet sa mise en cause ; que les arguments invoqués par l'appelante (arguments soulevés par la société VNN à l'audience de référé du 8 juillet 2015, détention des parts de la société VNN, comportement de mandant) préexistaient à la date du jugement et ne constituent pas des circonstances de fait et de droit nées du jugement ou postérieure à celui-ci ; que la cession par elle des titres de la société VNN, à une date quasi concomitante à la date du jugement, ne modifie en rien la situation juridique entre elle et la société VNN ; qu'elle n'avait aucun lien avec la société Alliance ; qu'elle n'est pas à l'origine de la signature du contrat litigieux, conclu avant qu'elle n'acquière les parts de la société VNN ; qu'elle ne s'est jamais substituée à elle dans le cadre de l'exécution du mandat ; qu'elles sont des entités distinctes et n'exploitent pas la même activité ; que le simple fait qu'une société détienne le contrôle d'une autre ne peut entraîner sa condamnation solidaire à exécuter les engagements de sa filiale, sauf à démontrer qu'il existe des faits suffisamment graves conférant aux structures d'un même groupe l'apparence d'une entité unique doublée d'une confusion d'intérêts, ce qui n'est pas démontré et qu'elle conteste.

La Selarl B, en qualité de liquidateur de la société VNN, et la SCP A, en qualité de liquidateur de la société Marcus, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été régulièrement signifiées, ont fait savoir à la cour, par courriers en date des 10 et 18 octobre 2017, qu'en l'absence de fonds, ils ne constitueraient pas avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 février 2018.

MOTIFS :

Sur la demande principale :

Devant la cour comme devant le tribunal, le litige porte :

- sur les circonstances de la résiliation du contrat d'agent commercial, et les conséquences sur le droit de la société Alliance à percevoir une indemnité de rupture ;

- sur sa demande de dommages et intérêts ;

- sur le montant des commissions restant dues à la société Alliance ;

- sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société VNN.

Se pose par ailleurs devant la cour la question de la recevabilité et du bien-fondé des demandes de la société Alliance à l'encontre de la société Marcus.

Sur la résiliation du contrat :

Le tribunal a considéré que les deux parties avaient manqué à leurs obligations contractuelles, de sorte que la résiliation du contrat, qu'il a fixée au 20 janvier 2015, était intervenue à l'initiative de la société Alliance mais du fait de circonstances imputables à la société VNN, ce qui l'a conduit à allouer à la société Alliance, au visa de l'article L. 134-13 du Code de commerce, une indemnité de rupture qu'il a chiffrée à 70 000 euros.

L'appelante comme l'intimée contestent cette décision, chacune imputant à l'autre la responsabilité exclusive de la résiliation.

Il ressort des débats que le litige a pris naissance lors de l'opération Nouvel An Chinois 2014 (NAC 2014) à l'occasion duquel la société Alliance a consenti aux clients des remises s'ajoutant aux avantages particuliers de la promotion sans l'accord de sa mandante. Celle-ci lui a adressé le 15 avril 2014 un courriel dans lequel elle lui demandait quelles étaient ses propositions pour rattraper le manque à gagner dû à ses initiatives malheureuses sur le NAC 2014. Elle a par ailleurs cessé de lui payer ses commissions, ce qui a conduit la société Alliance à lui délivrer assignation en paiement le 20 octobre 2014.

L'appelante, pour contester sa faute, fait valoir qu'elle disposait, en qualité d'agent commercial, en application de l'article L. 134-1 du Code de commerce, d'un pouvoir de négociation dont l'exercice ne saurait lui être reproché dès lors que sa mandante ne lui avait pas expressément interdit de le faire.

Cependant, ce pouvoir de négociation ne peut trouver à s'exercer que dans le cadre et les limites posés par le mandant qui est seul maître de la politique commerciale ainsi que cela est d'ailleurs rappelé à l'article 5-1 du contrat (" Le choix de sa politique commerciale relève de la seule volonté du mandant. L'agent s'engage donc à traiter avec les clients selon les directives et conditions générales de vente indiquées par le mandant "). C'est donc à bon droit que le tribunal, constatant que les avantages consentis ne figuraient pas dans les descriptifs de l'offre promotionnelle, et que la société Alliance ne prouvait pas avoir reçu de son mandant l'autorisation de consentir ces avantages supplémentaires, avait commis une faute contractuelle.

Le tribunal a néanmoins relevé justement que la société VNN n'avait pas tiré les conséquences de cette faute en rompant le contrat. Il ressort des termes des courriels qu'elle a adressés par la suite à sa mandataire, notamment celui du 15 avril 2014 dans lequel elle l'interroge sur ses propositions d'indemnisation, qu'à aucun moment elle n'a exprimé son intention de remettre en cause la poursuite des relations contractuelles. En outre, le non-paiement de la totalité des commissions dues à sa mandataire dès la fin de l'année 2013 et pendant plusieurs mois constitue une faute de sa part dans la mesure où cette retenue est antérieure à sa demande d'explications et s'est prolongée sur une période excessivement longue qui doit conduire à la qualifier d'abusive.

Le jugement sera donc confirmé qui a considéré que la faute commise par la société Alliance ne constituait pas une faute grave justifiant le prononcé de la résiliation à ses torts exclusifs, et que la résiliation du contrat était intervenue à l'initiative de la société Alliance mais du fait de circonstances imputables à la société VNN.

En application des dispositions des articles L. 134-11, L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, sauf faute grave de l'une des parties ou cas de force majeure, en cas de cessation des relations, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Le tribunal a alloué à la société Alliance une indemnité compensatrice de 70 000 euros dont l'appelante demande l'augmentation et l'intimée la réduction sinon la suppression.

La faute de la société Alliance n'est pas d'une gravité suffisante pour la priver de tout droit à indemnité. En revanche, s'il est d'usage que l'indemnité de rupture soit égale à deux ans de commissions, c'est à bon droit que le tribunal, au regard des circonstances de l'espèce et notamment de la faute commise par la société Alliance et du préjudice effectivement subi par elle, a chiffré à une somme forfaitaire de 70 000 euros le montant de cette indemnité, qui se fonde par ailleurs sur les commissions perçues. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société VNN au paiement de cette indemnité de rupture sauf à préciser que cette créance sera admise au passif de la liquidation judiciaire de la société VNN.

L'appelante sollicite au surplus une indemnisation de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts que le tribunal a rejetée faute de justificatifs. L'appelante produit devant la cour, pour en justifier, diverses pièces attestant d'une situation difficile mais qui, du fait de leur date, ne suffisent pas à établir un lien de causalité avec le litige (mise au chômage partiel de deux salariés en 2015, rachat d'assurances en 2015, crédit souscrit antérieurement, en 2012). Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a rejeté cette demande.

Sur la date de résiliation et les commissions dues à la société Alliance :

Aux termes des dispositions de l'article L. 134-11 du Code de commerce, la résiliation d'un contrat d'agent commercial à durée indéterminée prend effet à l'issue d'un délai de préavis de trois mois à partir de la 3e année commencée.

Le tribunal a fixé la date d'effet de la rupture du contrat au 20 janvier 2015, trois mois après l'assignation en référé délivrée le 20 octobre 2014 par la société Alliance.

L'appelante conteste cette date en soutenant que ce n'est pas la date de la demande en justice mais celle de la décision constatant la résiliation qui doit être prise en compte, de sorte qu'elle est fondée à demander le paiement des commissions dues jusqu'au 9 juin 2015 en application de l'article 7-6 du contrat.

C'est néanmoins à bon droit que le tribunal a considéré que l'assignation du 20 octobre 2014, tendant à voir constater la résiliation du contrat, valait dénonciation du contrat par la société Alliance dont elle manifestait clairement et sans équivoque l'intention de ne pas poursuivre les relations commerciales, et a eu pour effet d'ouvrir le délai de préavis de trois mois. Le jugement sera donc confirmé qui a fixé la date d'effet de la rupture du contrat au 20 janvier 2015 et chiffré en conséquence le montant des commissions dues à la société Alliance à la somme de 43 412,83 euros TT, dont à déduire les règlements effectués depuis lors par la société VNN.

La demande de condamnation sous astreinte de la société VNN à communiquer les éléments comptables portant sur les commissions depuis le 1er décembre 2014 au 9 juin 2015 sera donc rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société VNN :

Dès lors que la faute de la société Alliance est retenue, consistant en l'octroi inconsidéré de remises, c'est à bon droit que le tribunal a condamné l'appelante à indemniser la société VNN du préjudice en résultant, à hauteur de la somme de 20 489,66 euros ainsi qu'il ressort des échanges et pièces versées par l'intimée. Le jugement sera, sur ce point encore, confirmé.

Sur la recevabilité des demandes contre la société Marcus :

Pour la première fois devant la cour, la société Alliance demande la condamnation de la société Marcus à prendre en charge l'intégralité des sommes dues par la société VNN.

Aux termes des dispositions de l'article 555 du Code de procédure civile, l'appel en cause n'est recevable que si l'évolution du litige implique la mise en cause du tiers.

L'intimée oppose à bon droit qu'elle n'était pas partie en première instance et qu'aucun élément nouveau ne permet sa mise en cause. Il apparaît en effet que les arguments invoqués par l'appelante (arguments soulevés par la société Viet Nam Nem à l'audience de référé du 8 juillet 2015, détention des parts de la société Viet Nam Nem, comportement de mandant) préexistaient à la date du jugement et ne constituent pas des circonstances de fait et de droit nées du jugement ou postérieures à celui-ci. L'argument tenant à la situation financière difficile de la société VNN est lui aussi inopérant, et ne saurait justifier que la société Marcus, qui est une entité distincte, soit appelée à exécuter les engagements de sa filiale, sauf à démontrer qu'il existe des faits suffisamment graves conférant aux deux structures l'apparence d'une entité unique doublée d'une confusion d'intérêts, ce que l'intimée conteste et qui n'est pas démontré.

Les demandes de la société Alliance à l'encontre de la société Marcus et de sa liquidation judiciaire seront donc déclarées irrecevables.

Sur les demandes accessoires :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société VNN les sommes exposées par elle en appel et non comprises dans les dépens. Sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile sera rejetée.

Il apparaît inéquitable en revanche de laisser à la charge de la société Marcus les sommes exposées par elle en appel et non comprises dans les dépens. La société Alliance sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Alliance sera condamnée en outre aux entiers dépens de l'appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 9 avril 2015 sauf à dire que les sommes mises à la charge de la société Viet Nam Nem seront admises au passif de sa liquidation judiciaire, Déclare irrecevables les demandes formées par la société Alliance à l'encontre de la société Marcus et de sa liquidation judiciaire, Condamne la société Alliance à payer à la société Marcus prise en la personne de son mandataire liquidateur la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel, Déboute la société Viet Nam Nem de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel, Condamne la société Alliance aux entiers dépens de la procédure d'appel.