Livv
Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 3 mai 2018, n° 16-06747

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Casapizza France (SAS), Dauverchain (ès qual.), Selarl FHB (ès qual.)

Défendeur :

Ambre Marine (SARL), Souchon (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Gonzalez, M. Jouve

T. com. Montpellier, du 20 févr. 2013

20 février 2013

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL Ambre Marine, dont la gérante était Madame X, a conclu le 14 novembre 2007 un contrat de franchise avec la SAS Casapizza France. Ce contrat de franchise portait sur un fonds de commerce appartenant à la SARL Ambre Marine situé <adresse>.

La SARL Ambre Marine a accepté un devis daté du 31 mars 2008 établi par la SAS Casapizza France pour les aménagements du restaurant pour un montant de 522 000 € hors taxes correspondant aux travaux et agencement pour 362 000 € et à l'équipement complet gros matériel et mobilier pour 150 000 €.

La SAS Casapizza France a confié l'exécution de ces travaux à la société Dasa exerçant à l'enseigne Korus pour un montant de 237 000 € hors taxes, correspondant aux travaux et agencements chiffrés à 372 000 € dans le devis proposé à la SARL Ambre Marine.

Le 8 juillet 2008, la SAS Casapizza France et la société Dasa Korus ont signé un procès-verbal de réception des travaux avec réserve. Or il s'est avéré que le restaurant qui a ouvert ses portes le 9 juillet 2008 a présenté de nombreuses malfaçons entravant la bonne exploitation du restaurant.

La SARL Ambre Marine a été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce d'Évry du 18 mai 2009, procédure convertie en liquidation judiciaire le 16 novembre 2009. Me Alain Souchon a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, par exploits des 30 septembre et 2 octobre 2008, la SARL Ambre Marine a assigné la SAS Casapizza France et la SA Dasa Korus, ainsi que plusieurs autres entreprises étant intervenues sur le chantier, devant le Tribunal de commerce d'Évry.

Par ordonnance de référé du 22 octobre 2008, le président du Tribunal de commerce d'Évry a désigné un expert sur les désordres allégués et la non-conformité des travaux.

Parallèlement la société Dasa Korus a assigné devant le Tribunal de commerce d'Évry d'une part, la société Casapizza France afin de faire constater l'existence d'un contrat de sous-traitance entre les deux sociétés et d'en demander la nullité ainsi que réparation de son préjudice, et d'autre part, ses sous-traitants.

La société Tou'Caf, sous-traitant de la société Dasa Korus, a elle-même donné assignation, toujours devant le Tribunal de commerce d'Évry, à son propre sous-traitant la société Air Froid et à son assureur la compagnie GAN Assurances.

Toutes ces instances ont été jointes devant le Tribunal de commerce d'Évry.

Par ailleurs, la SARL Ambre Marine a assigné le 12 février 2009 devant le Tribunal de commerce de Montpellier la société Casapizza France et la société Dasa Korus en vue d'obtenir d'une part l'annulation du contrat de franchise, et d'autre part la réparation des préjudices subis. Me Souchon interviendra à cette procédure le 31 mai 2010.

L'expert désigné par le Tribunal de commerce d'Évry a déposé son rapport le 28 juillet 2009.

Le Tribunal de commerce de Montpellier par jugement du 11 janvier 2010 a ordonné le sursis à statuer dans l'attente des décisions à intervenir devant le Tribunal de commerce d'Évry sur la nature des relations contractuelles entre la société Casapizza France et la société Dasa Korus.

La SARL Ambre Marine a demandé à pouvoir relever appel de cette décision de sursis à statuer, demande dont elle a été déboutée par ordonnance de référé du 4 août 2010.

Par jugement du 14 décembre 2011, le Tribunal de commerce d'Évry s'est dessaisi de l'ensemble des instances portées devant sa juridiction au profit du Tribunal de commerce de Montpellier.

Par jugement du 20 février 2013, le Tribunal de commerce de Montpellier a :

- débouté l'EURL Tou'Caf de toutes ses demandes,

- dit qu'en conséquence il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de la compagnie GAN Assurances,

- qualifié la relation entre la SAS Casapizza France et la société Dasa Korus comme relevant d'un contrat de sous-traitance, et constaté la nullité de ce contrat,

- qualifié de maître d'ouvrage la SARL Ambre Marine,

- qualifié de contractant général la SAS Casapizza France,

- débouté la société Dasa Korus de ses demandes envers la SAS Casapizza France,

- débouté la SARL Ambre Marine prise en la personne de Me Souchon, et Madame X de leurs demandes envers la société Dasa Korus,

- prononcé la nullité du contrat de franchise conclu entre la SARL Ambre Marine et la SAS Casapizza France,

- débouté la SAS Casapizza France de toutes ses demandes à l'encontre de la SARL Ambre Marine prise en la personne de Me Souchon, ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, et à l'encontre de Madame X,

- condamné la SAS Casapizza France à payer à la SARL Ambre Marine prise en la personne de Me Souchon ès qualités de liquidateur judiciaire, la somme de 35 880 € qui porterait intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2007,

- condamné la SAS Casapizza France à payer à SARL Ambre Marine prise en la personne de Me Souchon ès qualités de liquidateur judiciaire, les pertes comptables au 30 octobre 2008, telles que Me Souchon les établira,

- débouté la SARL Ambre Marine de ses autres demandes,

- condamné la SAS Casapizza France à payer à Madame X la somme de 10 000 € au titre de préjudice moral,

- condamné la SAS Casapizza France à garantir à Madame X et à relever de toute demande de paiement formulée par la banque à son encontre en sa qualité de caution de la banque LCL pour le prêt de 820 000 € consenti par la banque LCL,

- condamné la SAS Casapizza France au paiement du solde du compte courant de Madame X et au remboursement de son capital investi dans la SARL Ambre Marine tels que le liquidateur judiciaire, Me Souchon l'établira,

- débouté Madame X de ses autres demandes

- dit que dans l'action entre la compagnie GAN Assurances et l'EURL Tou'Caf, il n'y avait pas lieu de faire application de l'article 700 du CPC et que chaque partie supporterait ses dépens,

- condamné la SAS Casapizza France à payer à la société Dasa Korus la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- condamné la SAS Casapizza France à payer à la SARL Ambre Marine prise en la personne de Me Souchon, ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- condamné la SAS Casapizza France à payer à Madame X la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- condamné la SAS Casapizza France à supporter tous les autres dépens en ce compris l'intégralité des frais d'expertise,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La SAS Casapizza France a relevé appel de cette décision à l'encontre de Madame X, de Me Alain Souchon ès qualités de liquidateur de la SARL Ambre Marine, et de la SAS Dasa Korus.

Par jugement du 7 avril 2014, le Tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS Casapizza France, Me Christine Dauverchain étant désignée en qualité de mandataire judiciaire, et la Selarl FHB en qualité d'administrateur judiciaire. Cette procédure sera clôturée par un plan de sauvegarde sur 10 ans par jugement du 10 juillet 2015, la Selarl FHB étant désignée en qualité de commissaire l'exécution du plan.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mai 2014, Me Olivier T., conseil de Me Souchon ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Ambre Marine et de Madame X, a déclaré en sa qualité de représentant de Me Souchon ès qualités, une créance de 8 932 463,62 euros au passif de la SAS Casapizza dont 224 335 € au 30 octobre 2008 au titre des pertes comptables et 30 000 € au titre de l'article 700 du CPC, et en sa qualité de représentant de Madame X, une créance au passif de la SAS Casapizza de 807 422 €, dont 30 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Me Christine Dauverchain ès qualités et la SARL FHB ès qualités sont intervenues à la procédure.

Par arrêt du 21 octobre 2014, la cour d'appel de céans a :

- infirmé le jugement en ce qu'il a :

* qualifié la relation entre la société Casapizza France et la société Korus comme relevant d'un contrat de sous-traitance et constaté la nullité de ce contrat,

* qualifié de maître de l'ouvrage la société Ambre Marine et de contractant général la société Casapizza France,

* condamné la société Casapizza à payer à la société Ambre Marine, et pour elle M. Souchon, ès qualités, la somme de 35 880 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2007,

* condamné la société Casapizza à payer à la société Ambre Marine, et pour elle M. Souchon, ès qualités, les pertes comptables au 30 octobre 2008, telles que celui-ci les établira,

* condamné la société Casapizza à payer à Mme X le solde du compte courant d'associé et à rembourser le capital investi, tel que le liquidateur les établira,

* condamné la société Casapizza à payer à Mme X la somme de 10 000 euros, au titre du préjudice moral,

* condamné la société Casapizza à garantir Mme X et à la relever de toute demande en paiement formulée par la banque à son encontre en sa qualité de caution de la banque LCL, au titre du prêt de 820 000 euros,

* condamné la société Casapizza à payer à M. Souchon, ès qualités, la somme de 20 000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Et statuant à nouveau de ces chefs ;

- dit que la société Casapizza et la société Korus ne sont pas liées par un contrat de sous-traitance,

- débouté la société Korus de sa demande de nullité du contrat en date du 4 avril 2008,

- fixé la créance de M. Souchon, en sa qualité de liquidateur de la société Ambre Marine, au passif de la procédure collective de la société Casapizza France, à titre chirographaire, ainsi qu'il suit :

* 30 000 euros HT, montant du droit d'entrée,

* 12 141 euros HT, montant des redevances ou royalties versées,

* 120 000 euros, à titre de dommages et intérêts,

* 79 617,42 euros, au titre du reliquat dégagé après compensation entre le solde de travaux restant dû à la société Casapizza, d'une part, et le montant de la surfacturation et des préjudices résultant des désordres, malfaçons et inexécutions, d'autre part,

- fixé la créance de la société Casapizza France au passif de la procédure collective de la société Ambre Marine, à titre chirographaire, à la somme de 4 000 euros HT, à titre d'indemnité, en contrepartie des prestations non restituables, dont la société Ambre Marine a bénéficié,

- fixé la créance de Mme X au passif de la procédure collective de la société Casapizza France, à titre chirographaire, à la somme de 37 000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de ses préjudices,

- dit que Mme X est irrecevable en ses demandes relatives au remboursement de son apport en capital et de son compte courant d'associé,

- débouté Mme X de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société Casapizza France au titre de ses engagements de caution,

- fixé la créance de M. Souchon, ès qualités, et de Mme X au passif de la procédure collective de la société Casapizza France, au titre de l'indemnité de procédure de première instance à 6 000 euros,

- dit que les créances fixées respectivement au passif des sociétés Ambre Marine et Casapizza France produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- rejeté toutes autres demandes,

- confirmé le jugement pour le surplus sauf à fixer les dépens de première instance comprenant les frais d'expertise au passif de la procédure collective de la société Casapizza,

- fixé la créance de M. Souchon, ès qualités, et de Mme X au passif de la procédure collective de la société Casapizza France, au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens en cause d'appel, à la somme de 6 000 euros,

- débouté la société Casapizza France et la société Korus de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,

- mis les dépens d'appel à la charge de la société Casapizza France, qui seront fixés au passif de la procédure collective.

Madame X et Me Alain Souchon ès qualités ont formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 21 juin 2016, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il se prononce sur le montant de la réparation du fait du manquement de la société Casa Pizza France à son obligation d'information précontractuelle, en ce qu'il fixe la créance de la société Casa Pizza France en contrepartie de prestations non restituables et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 octobre 2014 entre les parties par la Cour d'appel de Montpellier, et a renvoyé sur ces points, la cause et les parties devant la Cour d'appel de Montpellier autrement composée,

- mis hors de cause la société Dasa dont la présence devant la cour de renvoi n'était plus nécessaire à la solution du litige.

Les 2 points cassés sont ainsi motivés :

1. " Vu l'article 1382 du Code civil,

Attendu que pour limiter le montant de la réparation du fait du manquement de la société Casa Pizza à son obligation d'information précontractuelle, l'arrêt, après avoir relevé que la société Ambre n'avait pas commis d'erreur de gestion, retient qu'elle avait une part d'autonomie et d'initiative dans la gestion,

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater le caractère fautif de cette gestion, la cour d'appel a violé le texte susvisé. "

2. " Vu les articles 4, 5 et 16 du Code de procédure civile,

Attendu que l'arrêt fixe la créance de la société Casa Pizza au passif de la procédure collective de la société Ambre, à titre chirographaire, à la somme de 4 000 € hors taxes, à titre d'indemnité, en contrepartie des prestations non restituables, dont celle-ci a bénéficié,

Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur l'octroi d'une telle indemnité alors que la société Casa Pizza n'avait présenté aucune demande de ce chef, la cour d'appel a violé les textes susvisés. "

Par conclusions n° 2 du 13 novembre 2017, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SAS Casapizza France, qui se dénomme aujourd'hui Groupe La Casa (Bodacc du 9 juin 2017), Me Christine Dauverchain ès qualités de mandataire judiciaire, et la Selarl FHB ès qualités demandent à la cour de :

" Vu les articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241 du Code civil,

Vu les articles 12, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 20 février 2013,

Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Montpellier le 21 octobre 2014,

Vu l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 21 juin 2016,

Recevoir l'appel interjeté par la société Casapizza, le déclarer fondé.

Infirmer le jugement de première instance du 20 février 2013 en ce qu'il a condamné la société Casapizza à réparation intégrale des pertes d'exploitation d'Ambre Marine.

Et statuant à nouveau :

Constater que la société Ambre Marine a contribué à la réalisation de ses pertes d'exploitation par son autonomie de gestion.

Constater que les pertes d'exploitation de la société Ambre Marine ont également pour cause son environnement concurrentiel.

Constater que le manquement imputé à la société Casapizza n'est donc pas la cause directe exclusive de l'intégralité des pertes d'exploitation de la société Ambre Marine.

Constater en outre que la société Ambre Marine a commis des manquements fautifs ayant participé à la réalisation de ses pertes d'exploitation exonérant en partie Casapizza de sa responsabilité.

En conséquence :

Limiter l'obligation de réparation des pertes d'exploitation de la société Ambre Marine à supporter par la société Casapizza à la seule fraction desdites pertes dont son manquement constaté est la cause directe exclusive.

Débouter la société Ambre Marine de l'intégralité de ses demandes et prétentions.

Condamner la société Ambre Marine prise en la personne de Me Souchon ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, à verser à la société Casapizza la somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la société Ambre Marine prise en la personne de Me Souchon ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, et Madame X aux entiers dépens.

Les appelants font valoir notamment :

- que la responsabilité de Casapizza est limitée,

- que le franchiseur ayant manqué à son obligation d'information précontractuelle n'est tenu à réparation des pertes d'exploitation subies par son franchisé que si son manquement en est la cause directe et exclusive,

- que le manquement de Casapizza n'est pas la seule cause directe du préjudice d'Ambre Marine,

- qu'Ambre Marine, commerçant indépendant, avait sa part d'autonomie et d'initiative dans la gestion du fonds de commerce,

- que si les pertes d'exploitation enregistrées par Ambre Marine peuvent être le fruit d'un investissement surdimensionné en raison des résultats prévisionnels établis par Casapizza, elles sont également étroitement liées à la gestion et l'exploitation par Ambre Marine de son fonds de commerce,

- que si le manquement de Casapizza à son obligation d'information précontractuelle a pu conduire à des investissements trop importants, ce seul facteur structurel ne peut éliminer totalement le facteur conjoncturel tel que les décisions de gestion prise par Ambre Marine a l'occasion de l'exploitation de son restaurant,

- que là où au sein du réseau les autres unités servent en moyenne 161 couverts par jour, Ambre Marine en faisait en moyenne 85,5,

- que le manquement de Casapizza à son obligation d'information précontractuelle n'est donc pas la seule cause directe des pertes d'exploitation subies par Ambre Marine,

- que doit être pris en compte le durcissement de l'environnement concurrentiel d'Ambre Marine, qui a été une des causes déterminantes de la non réalisation du chiffre d'affaires prévisionnelles,

- qu'en outre il peut être reproché un comportement fautif à Ambre Marine, tel que le défaut de vérification de la rentabilité de son projet, puis la gestion de son restaurant,

- que la société Ambre Marine avait l'obligation de se renseigner

- que la négligence est d'autant plus fautive que cette société a disposé d'un délai de 14 mois pour réfléchir, que sa gérante disposait des connaissances pour ce faire, et que les informations retenues par le cabinet MC n'étaient pas corroborées par les comptes prévisionnels fournis par Casapizza,

- que dans le contexte concurrentiel intense, la gestion d'Ambre Marine n'a pas été aussi rigoureuse que ce qu'elle nécessitait,

- que le chiffre d'affaires mensuel déclaré apparaît peu vraisemblable,

- que les charges de personnel étaient très lourdes et dépassaient les prévisions, qu'il y avait sureffectif,

- que c'est bien sa mauvaise gestion qui a inexorablement conduit Ambre Marine à de graves difficultés,

-que les fautes commises par la gérance ont été pointées par la banque ainsi que par le propriétaire des murs,

- que ces fautes de gestion doivent conduire à limiter les demandes d'Ambre Marine.

Par conclusions du 23 mars 2017, qui sont tenues pour entièrement reprises, Me Alain Souchon ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Ambre Marine et Madame X demandent à la cour de :

" Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 21 octobre 2014,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 2016,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Infirmer le jugement dans ses dispositions contraires au présent dispositif et notamment en ce qu'il a mal apprécié le préjudice des concluants.

Dire et juger que l'autonomie de gestion des concluants n'est pas de nature à les priver de l'indentation (sic) de leur préjudice.

Dire et juger que la société Ambre Marine ne peut se voir reprocher d'avoir fait confiance à la société Casapizza et à la société MC2 qui se dit spécialisée dans le secteur de la restauration, pour l'établissement de son compte d'exploitation prévisionnelle.

Dire et juger que l'arrêt du 21 octobre 2014 a définitivement écarté l'existence d'une quelconque faute de gestion de la part de la société Ambre Marine.

Subsidiairement, dire et juger que la société Casapizza n'apporte pas la preuve de l'existence d'une faute de gestion directement liée au préjudice subi par la société Ambre Marine.

Dire et juger que Me Souchon ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ambre Marine, a droit à réparation de l'intégralité résultant des pertes subies.

Condamner la société Casapizza à payer à Me Souchon ès qualités de mandataire liquidateur de la société Ambre Marine la somme de :

224 335 € auxquels s'ajoutent 1 200 000 € d'insuffisance d'actif.

Condamner la société Casapizza au paiement de la somme de 25 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC au profit des demandeurs.

Les (sic) condamner aux entiers dépens en ce compris l'intégralité des frais d'expertise, avec application de l'article 699 du CPC au bénéfice de l'avocat soussigné.

Dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal avec application de l'article 1154 du Code civil. "

Me Alain Souchon ès qualités et Madame X exposent pour l'essentiel :

- que certains points ont été définitivement tranchés,

- qu'ainsi la cour a définitivement tranché en ce qui concerne le nombre d'employés qui avaient été évalués par Casapizza au regard du chiffre d'affaires prévisionnel considéré,

- que le retard dans l'ouverture du restaurant est uniquement imputable à Casapizza,

- qu'il est aussi définitivement jugé que la société Casapizza était responsable des désordres liés à l'absence de maîtrise du chantier et aux malfaçons subies par la société Ambre Marine,

- que la concurrence du restaurant Le Goff était connue puisqu'il a ouvert en 2007, mais n'avait pas été mentionné dans l'étude de site,

- qu'il a ainsi été définitivement jugé que la société Ambre Marine n'avait pas commis de faute de gestion en lien avec le préjudice qu'elle a subi,

- que d'ailleurs, la cour avait relevé que la gérante avait procédé à des licenciements économiques pour adapter sa masse salariale au potentiel réel du restaurant, ce qui relève d'une bonne gestion,

- que le simple fait pour le franchisé de gérer son restaurant ne peut être une cause d'exonération de la responsabilité du franchiseur,

- qu'aujourd'hui ne se pose que la question de la détermination du préjudice,

- que l'étude MC 2 qui ne mentionne ni le restaurant Le Goff, ni l'offre de restauration à faible prix pléthorique sur la zone, n'a pas été réalisée avec sérieux,

- que le site, qui en fait n'est pas situé dans le centre commercial Évry 2, mais à proximité de la gare, n'était pas approprié à une restauration traditionnelle assise,

- qu'au regard de l'expertise de Monsieur L., les résultats de la société Ambre Marine sont honorables,

- que le franchiseur à une obligation d'information des franchisés d'ordre public, que l'obligation de s'informer est une construction jurisprudentielle qui ne peut pas venir réduire à néant les dispositions impératives de la loi Doubin,

- que la réticence dolosives rend excusable l'erreur provoquée,

- que le franchiseur ne peut pas transposer sur la tête du franchisé sa propre obligation d'ordre public,

- que sa confiance en la société Casapizza était légitime et ne peut lui être reprochée,

- que la société Casapizza se prévaut de sa propre turpitude en soulignant que la société Ambre Marine aurait dû réagir aux informations qu'elle a fournies qui n'étaient pas corroborées par le prévisionnel,

- qu'en ce qui concerne les fautes de gestion, la société Casapizza procède par affirmations de façon diffamatoire,

- que le réel potentiel du restaurant est inférieur de 50 % à l'hypothèse retenue par la société Casapizza dans son compte d'exploitation provisionnelle,

- que l'importance du personnel à embaucher, soit 13 personnes, a été fixé avec Casapizza,

- qu'il n'y a pas de fautes de gestion de la part de la société Ambre Marine,

- que le franchisé qui a remplacé la société Ambre Marine, a lui aussi été placé en liquidation judiciaire très rapidement,

- que le fait pour le franchiseur de retenir une faute de gestion de son franchisé démontre son manquement à son devoir de conseil dans le cadre de l'exécution du contrat,

- qu'au surplus, le contrat ayant été annulé, Ambre Marine est censée ne pas avoir exploité, dès lors il ne peut lui être reprochée aucune faute de gestion,

- qu'il ne faut pas oublier les fautes nombreuses qui ont été définitivement jugées de la société Casapizza,

- que la perte subie s'élève d'une part à la perte comptable enregistrée au 31 octobre 2008, soit 224 335 €, et à l'insuffisance d'actif qui s'élève à 1 200 000 €.

L'instruction de l'affaire a été close le 27 février 2018.

MOTIFS

Préalablement, d'une part il convient de noter que la SAS Casapizza n° RCS de Montpellier 348 992 686, se dénomme maintenant Groupe La Casa.

D'autre part, les parties n'ont pas conclu sur le deuxième chef de cassation, soit la fixation de la créance de la société Casapizza France au passif de la société Ambre Marine à titre chirographaire à la somme de 4 000 € hors taxes au titre des prestations non restituables dont la société Ambre Marine a bénéficié.

Ce point est donc abandonné par les parties.

Au regard du jugement du 20 février 2013 du Tribunal de commerce de Montpellier, de l'arrêt du 21 octobre 2014 de la cour d'appel de céans, de l'arrêt du 21 juin 2016 de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, il ne revient en discussion que la demande d'indemnisation de la société Ambre Marine au titre des pertes d'exploitation, sur le fondement de l'ancien article 1382, applicable à la présente instance, devenu l'article 1240 du Code civil.

L'arrêt du 21 juin 2016 a été confirmé en ce qu'il a annulé pour vice du consentement par erreur, le contrat de franchise conclu le 14 novembre 2007.

Le consentement du franchisé a été retenu vicié par le franchiseur pour fourniture d'une étude de site du marché local qui n'était ni sérieuse ni réaliste au regard de l'implantation du fonds de commerce avec une étude de la concurrence globale et inadaptée, incomplète pour ne pas avoir pris en compte l'ouverture courant 2007 d'un autre restaurant à proximité immédiate, ni de l'impact réel de la multiplicité des établissements de restauration rapide, avec des prévisions optimistes et irréalistes au niveau du nombre de couverts journaliers et au chiffre d'affaires, et sur la base du chiffre d'affaires prévisionnel erroné, pour avoir invité son franchisé à embaucher 13 salariés.

L'arrêt du 21 juin 2016 souligne d'ailleurs que la société Ambre Marine avait été contrainte par la suite de procéder à des licenciements économiques.

L'arrêt du 21 juin 2016 a aussi retenu que le franchiseur avait manqué à son obligation d'assistance en étant responsable du retard dans l'ouverture du restaurant et des nombreux désordres ayant entravé les premiers mois d'exploitation.

La faute de la SAS Casapizza est définitivement jugée et n'est d'ailleurs pas discutée par les parties.

La SAS Casapizza ne conteste pas non plus dans ses écritures le lien de causalité qui existe entre la faute commise et le préjudice de la société Ambre Marine constitué par la perte d'exploitation. Elle sollicite uniquement une exonération partielle de son obligation d'indemnisation du préjudice subi par le franchisé en invoquant plusieurs éléments tenant à l'environnement et à des fautes de gestion de la SARL Ambre Marine.

Mais seules les fautes de gestion imputables au franchisé sont de nature à réduire son droit à indemnisation du préjudice subi du fait des manquements du franchiseur. Il n'y a donc lieu d'invoquer l'environnement concurrentiel dans lequel était situé le fonds de commerce de la société Ambre Marine, qui est sans emport.

Le franchiseur invoque en premier lieu que le franchisé avait l'obligation de vérifier les prévisionnels qui lui étaient donnés, que d'ailleurs les distorsions qui existaient auraient dû attirer son attention, et qu'elle aurait commis une faute de gestion en ne procédant pas à ces vérifications.

Toutefois, le franchiseur avait à l'égard du franchisé une obligation de loyauté dans la sincérité des documents qu'il lui fournissait. La violation de cette obligation par la SAS Casapizza devenu Groupe La Casa, a déjà été sanctionnée, comme il a été rappelé ci-dessus, par la nullité du contrat de franchise. Il ne peut donc être qualifié de faute de gestion du franchisé son absence de vérification des documents mensongers fournis par le franchiseur dans la mesure où ce dernier a provoqué la faute.

En second lieu, la SAS Casapizza souligne comme faute de gestion l'embauche inconsidérée de 13 salariés.

Cependant, les pièces produites, et en particulier l'attestation de Monsieur Julien O., démontrent que c'est sur le conseil de la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa, et au vu du prévisionnel erroné que le franchiseur avait fourni, qu'il a été procédé au recrutement de 13 salariés. Dès que la société Ambre Marine s'est rendue compte de ce sureffectif, et surtout de la charge salariale qu'elle induisait au regard de son chiffre d'affaires, elle a procédé aux licenciements économiques qui s'imposaient.

La SAS Casapizza devenue Groupe La Casa étant à l'origine des effectifs en surnombre, il n'y a pas faute de gestion de la société Ambre Marine.

En troisième lieu, la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa met en doute la fiabilité des déclarations comptables de la société Ambre Marine. Elle soutient qu'au regard des chiffres habituellement pratiqués dans son réseau, le chiffre d'affaires de la société Ambre Marine serait erroné.

Toutefois, il a été démontré et déjà jugé que les études et prévisionnels fournis par le franchiseur étaient ni sérieux, ni réalistes, et incomplets. Dès lors, il a été mis en évidence que sa grille de lecture était incorrecte et surtout inapplicable à ce fonds de commerce.

Au demeurant, le franchiseur qui était régulièrement destinataire des résultats du franchisé a donc manqué aussi à son obligation d'assistance en ne l'avertissant pas de ces incohérences, à les supposer établies.

La SAS Casapizza devenue Groupe La Casa échoue donc à démontrer que la SARL Ambre Marine a commis une faute de gestion. Dès lors celle-ci doit être indemnisée de son préjudice subi du fait des manquements de la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa.

En ce qui concerne le quantum du préjudice, la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa ne le discute pas, mais toutefois, n'évoque dans ses conclusions que la perte d'exploitation. Elle est muette sur la demande présentée au titre de l'insuffisance d'actif.

Me Alain Souchon ès qualités de liquidateur de la SARL Ambre Marine sollicite la somme de 224 335 € au titre de la perte d'exploitation, qu'il a arrêtée à la date du 31 octobre 2008, somme qu'il avait déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société Casapizza par courrier avec AR du 5 mai 2014.

En l'absence de discussion sur ce point par la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa, la créance de la SARL Ambre Marine au passif de la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa sera fixée à la somme de 224 335 € au titre des pertes d'exploitation.

Cette condamnation sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2015, date du jugement ayant adopté le plan de sauvegarde de la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa, par application de l'ancien article 1153-1 devenu l'article 1231-7 du Code civil, et avec anatocisme.

En ce qui concerne la demande d'indemnisation de Me Souchon ès qualités de 1 200 000 € au titre de l'insuffisance d'actif, celle-ci n'est ni explicitée ni justifiée.

En effet Me Souchon ès qualités ne fait aucun commentaire sur cette demande qui n'avait jamais été présentée jusqu'à présent et il ne produit dans ces pièces, pourtant nombreuses, que l'état du passif de la liquidation judiciaire de la société Ambre Marine arrêté au 9 mars 2010. Ce document révèle un passif total de 1 319 136,25 euros, dont 48 914,24 euros à titre super privilégié, 803 638,31 euros à titre privilégié, 240 004,97 € à titre chirographaire et dont 226 578,73 euros sont contestés. Me Souchon ès qualités produit donc un état du passif qui n'est pas définitif et il n'a pas estimé utile de l'actualiser nonobstant l'ancienneté de l'affaire. Il n'est communiqué aucun élément en ce qui concerne la réalisation de l'actif. L'insuffisance d'actif, si elle est justifiée en son principe, ne l'est pas en son quantum.

Il n'y a lieu d'envisager le bien-fondé de cette demande qui à défaut d'éléments suffisants, ne peut pas prospérer.

L'arrêt du 21 octobre 2014 de la cour d'appel de céans a aussi été cassé en ce qui concerne les dépens et l'allocation d'une indemnisation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Casapizza devenue Groupe La Casa, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens, de première instance et d'appel, y compris les dépens de l'arrêt cassé, les dépens comprenant les frais d'expertise.

L'équité commande de faire bénéficier Me Souchon ès qualités et Madame X des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Cette indemnisation sera fixée au passif de la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Vu le jugement du 20 février 2013 du Tribunal de commerce de Montpellier, Vu l'arrêt du 21 octobre 2014 de la cour d'appel de céans, Vu l'arrêt du 21 juin 2016 de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, Fixe la créance de Me Alain Souchon ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Ambre Marine au passif de la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa, à la somme de 224 335 à titre de dommages et intérêts pour les pertes d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2015, et anatocisme selon les dispositions de l'ancien article 1154 devenu l'article 1343-2 du Code civil, Fixe la créance de Me Alain Souchon ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Ambre Marine et de Madame X au passif de la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa, à la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Casapizza devenue Groupe La Casa aux entiers dépens, qui comprendront les frais d'expertise et les dépens de l'arrêt cassé, lesquels seront frais privilégiés de la procédure collective.