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Décisions

Cass. com., 3 mai 2018, n° 16-27.926

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Le Merre Distri (SARL)

Défendeur :

Carrefour Proximité France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Thouin-Palat, Boucard, SCP Odent, Poulet

T. com. Paris, du 26 oct. 2010

26 octobre 2010

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2016), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 4 novembre 2014, pourvoi n° 12-25.419), que, par contrat du 18 mai 1998, renouvelé le 22 octobre 2004, la société Le Merre distri (la société Le Merre) a conclu avec la société Comptoirs modernes union commerciale, aux droits de laquelle est venue la société Prodim, devenue la société Carrefour proximité France (la société Carrefour), un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin d'alimentation ; qu'il était stipulé un droit de première offre et de préférence au profit du franchiseur, à égalité de prix et de conditions, en cas, notamment, de cession ou transfert des droits de propriété ou de jouissance sur le local, ou de cession ou transfert des droits de propriété ou de jouissance, ou mise en location-gérance, du fonds de commerce ; qu'après avoir notifié à la société Carrefour la résiliation du contrat de franchise pour le 18 mai 2010, la société Le Merre l'a informée, le 14 mai 2010, du prix et des conditions de la cession de son fonds de commerce qu'elle avait consentie à la société Distribution Casino France (la société Casino), sous la condition suspensive, notamment, de la conclusion d'un contrat de gérance-mandataire au profit de M. Le Merre ; que la société Carrefour a assigné la société Le Merre afin qu'il lui soit interdit de vendre son fonds de commerce à la société Casino et ordonné de régulariser la vente à son profit et, dans l'hypothèse où la vente serait néanmoins intervenue au profit de la société Casino, que soit ordonnée sa substitution de plein droit à cette société ; que la société Le Merre, a, en cours d'instance, régularisé la cession du fonds de commerce au profit de la société Casino ; qu'elle a opposé la nullité du droit de préférence ;

Attendu que la société Le Merre fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande alors, selon le moyen : 1°) qu'est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; que les effets d'une clause de préférence sur le jeu de la concurrence doivent être appréciés in concreto, en considération de l'ensemble des clauses contractuelles insérées au contrat litigieux, notamment des clauses de non-concurrence et non-réaffiliation ; qu'en considérant que la question de la compatibilité du droit de préférence litigieux avec les règles de droit de la concurrence et à l'existence d'une possible barrière à l'entrée sur le marché de détail de la distribution à dominante alimentaire de concurrents devait recevoir une réponse négative, sans rechercher comme elle y était invitée si la clause de préférence litigieuse, combinée aux autres clauses du contrat, notamment les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence, ne restreignait pas artificiellement le jeu de la concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 et L. 420-3 du Code de commerce ; 2°) que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en considérant que la cassation partielle intervenue le 4 novembre 2014 n'avait pas remis en cause les dispositions de l'arrêt confirmant le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il aurait dit que la clause de " gérant mandataire " incluse par la société Casino dans l'acte de cession ne serait pas entrée dans le périmètre du pacte de préférence, quand aucun chef de dispositif du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 28 octobre 2010 ne tranche la question de l'inclusion dans le périmètre du pacte de préférence de la clause de " gérant mandataire ", la cour d'appel a violé les articles 480 du Code de procédure civile et 1351, devenu 1355, du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu, par des motifs non critiqués, d'un côté, que M. Le Merre avait pu bénéficier d'un partenariat commercial solide, justifiant que, par la clause, le franchiseur puisse sécuriser ses investissements pendant plusieurs années, en empêchant l'appropriation des effets commerciaux favorables de ce partenariat par un concurrent et, de l'autre, que la société Le Merre n'apportait aucun élément de nature à mesurer in concreto, à partir d'une analyse de marché et de données économiques, si la clause de préférence avait pour effet de restreindre artificiellement la concurrence, ce dont elle a déduit que le droit de préférence était compatible avec les règles de droit de la concurrence, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, que, la cour d'appel ayant elle-même, par motifs propres et adoptés, retenu que la clause de " gérant mandataire ", incluse dans le contrat de cession du fonds de commerce, n'entrait pas dans le périmètre visé par le pacte de préférence, ce dont elle a déduit que cette clause ne pouvait empêcher la société Le Merre de contracter à des conditions équivalentes avec la société Carrefour, le moyen, en sa seconde branche, critique un motif surabondant ; d'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.