Livv
Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 3 mai 2018, n° 17-05505

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etoile Occitane (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauclair

Conseillers :

Mmes Mazarin Georgin, Blanque Jean

Avocats :

Mes Alengrin, de Lamy, de Gerando

TGI Toulouse, du 23 oct. 2017

23 octobre 2017

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu l'appel interjeté le 16 novembre 2017 par la SAS Etoile Occitane à l'encontre d'un jugement du Tribunal de grande instance de Toulouse en date du 23 octobre 2017.

Vu les conclusions de la SAS Etoile Occitane en date du 14 décembre 2017.

Vu les conclusions de Madame X en date du 10 janvier 2018

Vu l'ordonnance de clôture du 5 mars 2018 pour l'audience de plaidoiries fixée au 19 mars 2018.

Vu l'accord des parties au rabat de l'ordonnance de clôture à la date de l'audience, auquel il a été procédé par mention au dossier avant l'ouverture des débats.

Madame X a acquis auprès de la société Etoile Occitane, distributeur agréé de la marque Mercedes un véhicule d'occasion Mercedes Classe G. I (X156) Ph 1 220 CDI 4matic " Fascination " pour le prix de 39 500 euros TTC selon facture n° 5065 en date du 10 avril 2015.

Sont apparus des bruits importants et des claquements anormaux pendant les manœuvres. Après plusieurs tentatives de réparation, la société Etoile Occitane a informé l'acquéreur le 5 novembre 2015 qu'elle n'avait trouvé de solution au problème, hormis le développement prochain de nouveaux cardans susceptibles de résoudre ce désagrément, et précisait qu'elle ne pouvait prévoir de délai de réparation.

Par ordonnance de référé en date du 26 février 2016, Monsieur Y a été désigné en qualité d'expert judiciaire. Il conclut ainsi son rapport, déposé le 20 février 2017 : "Nous sommes en présence d'un véhicule Mercedes G. 220 DCI 4 Matic équipé notamment des options Pack conduite dynamique (code 483) et Train de roulement sport AMG (code 486). Le véhicule a été acquis d'occasion par Madame X à 16 600 kilomètres. Une bruyance s'est fait entendre quinze jours après l'acquisition et la première intervention du garage Etoile Occitane s'est faite quatre mille cinq cents kilomètres après l'achat. Lors des opérations d'expertise, nous avons constaté que ces bruyances se faisaient entendre dans des conditions particulières de braquage, lorsque le volant est en butée (braquage maximal). Les éléments mis en contrainte dans ces conditions sont les transmissions et la crémaillère. Mercedes Benz France nous a confirmé que ces éléments ont été modifiés pour certaines options du véhicule en un premier temps (pour l'option off road, code 482), puis diffusés à d'autres types de véhicules de cette gamme. Afin d'identifier l'organe en cause, nous avons fait précéder au remplacement des transmissions en un premier temps. Cette opération n'a réglé que partiellement le problème en générant une nouvelle bruyance. Nous avons alors en un deuxième temps fait procéder au remplacement de la crémaillère de direction. Cette opération n'a pas atteint le résultat. Il apparaît en conséquence que le véhicule présente un défaut d'origine inhérent et intrinsèque au véhicule auquel, à ce jour, le constructeur ne parvient pas à remédier. Le véhicule a parcouru 25 500 kilomètres depuis son acquisition par Madame X le 10 avril 2015, soit une moyenne d'environ 15 300 kilomètres annuels, ce qui est en deçà des standards qui sont de l'ordre de 30 000 kilomètres annuels pour cet âge et gamme de véhicule, soit une utilisation de moitié inférieure à l'utilisation standard. Lors de ces opérations expertales, nous avons vérifié l'existence des défauts invoquée par le demandeur dans l'assignation, et en avons décrit les principales manifestations dans le chapitre Analyse et Synthèse. Le véhicule est en état de circuler dans le respect de la réglementation en vigueur. Cependant, le défaut touchant les organes de trains roulants nous en déconseillons l'utilisation prolongée. La cause et l'origine de ces défauts ont été explicitées dans le paragraphe Analyse et Synthèse. Il ne s'agit en aucun cas d'une usure normale, d'un défaut d'entretien ou de mauvaises interventions de la part de Madame X mais d'un défaut inhérent au véhicule. La remédiation au problème n'étant pas à ce jour établie, nous ne pouvons chiffrer la remise en état de fonctionnement normal du véhicule".

Par acte d'huissier délivré le 28 avril 2017, Madame X a assigné la société Etoile Occitane pour voir, avec exécution provisoire :

- prononcer la résolution judiciaire de la vente intervenue entre elle et la société Etoile Occitane d'un véhicule Mercedes Classe G. (X156) Ph I 220 CDI 4matic " Fascination " pour le prix de 39 500 euros TTC selon facture n° 5065 en date du 10 avril 2015 ;

- dire que la société Etoile Occitane lui restituera le prix du véhicule, soit la somme de 39 500 euros, elle-même s'engageant à restituer le véhicule ;

- condamner à ce titre la société Etoile Occitane au paiement de la somme de 39 500 euros ;

- condamner en outre la société Etoile Occitane au paiement de dommages et intérêts comme suit :

* 24 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

* 10 912,50 euros au titre des préjudices matériels, non compris les frais d'expertise et les frais d'huissier du référé expertise ;

* 400 euros au titre du préjudice moral.

- condamner la société Etoile Occitane au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Etoile Occitane n'a pas comparu devant le premier juge.

Par jugement réputé contradictoire en date du 13 octobre 2017, le Tribunal de grande instance de Toulouse a :

- prononcé la résolution judiciaire de la vente intervenue entre Madame X et la société Etoile Occitane d'un véhicule Mercedes Classe G. I (X156) Ph I 220 CDI 4matic " Fascination " pour le prix de 39 500 euros TTC selon facture n° 5065 en date du 10 avril 2015 ;

- dit que la société Etoile Occitane doit restituer le prix du véhicule, soit la somme de 39 500 euros, à Madame X et, par conséquent,

- condamné à ce titre la société Etoile Occitane à verser à Madame X la somme de 39 500 euros ;

- dit que Madame X doit restituer le véhicule à la société Etoile Occitane et au besoin l'y a condamnée ;

- condamné la société Etoile Occitane à payer à Madame X les sommes de :

* 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des préjudices matériels ;

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral

* 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Etoile Occitane aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux de l'instance de référé, dont le coût de l'expertise.

Les chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel sont les suivants :

La société Etoile Occitane entend relever appel du jugement en ce qu'il a :

- prononcé la résolution judiciaire de la vente intervenue entre Sylvie B. et la société Etoile Occitane d'un véhicule Mercedes Classe G. I (X156) Ph I 220 CDI 4matic " fascination " pour le prix de 39 500 € TTC selon facture n° 5065 en date du 10 avril 2015 ;

- dit que la société Etoile Occitane doit restituer le prix du véhicule, soit la somme de 39 500 euros, à Sylvie B. et, par conséquent, condamné à ce titre la société Etoile Occitane à verser à Madame X Sylvie la somme de 39 500 euros ;

- dit que Madame X Sylvie doit restituer le véhicule à la société Etoile Occitane et au besoin l'y condamne ;

- condamné la société Etoile Occitane à payer à Madame X Sylvie les sommes de :

* 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des préjudices matériels,

* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

* 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamné la société Etoile Occitane aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de l'instance de référé, dont le coût de l'expertise.

La SAS Etoile Occitane demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- constater l'absence de preuve d'un vice caché antérieur à la vente présentant un caractère de gravité suffisant pour justifier la résolution de la vente,

- constater l'absence de preuve des préjudices invoqués par Madame X, dans leur principe et leur montant,

- débouter en conséquence Madame X de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Madame X aux entiers dépens, outre la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- le fait que plusieurs éléments d'origine ont été remplacés ou modifiés, ou que le véhicule a été accidenté au cours de l'expertise, événements postérieurs à la vente, ne permet pas de résoudre cette dernière.

- le bruit lorsque le volant est en butée ne présente pas une gravité rendant le véhicule impropre à sa destination : il a été effectivement utilisé et a parcouru plus de 18 000 kilomètres en un an ; Madame X a accepté la réparation du véhicule par changement des transmissions et de la crémaillère, réparations efficaces qui ont fait disparaître le bruit, l'enregistrement audio versé par Madame X, inexploitable et non contradictoire, n'est pas probant.

- les préjudices invoqués ne sont fondés ni dans leur principe ni dans leur montant

Madame X demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire de la vente intervenue entre elle et la société Etoile Occitane d'un véhicule Mercedes Classe G. I (X156) Ph 1 220 CDI 4matic " Fascination " pour le prix de 39 500 euros TTC selon facture n° 5065 en date du 10 avril 2015 ;

- dire que la société Etoile Occitane lui restituera le prix du véhicule, soit la somme de 39 500 euros, et qu'elle même s'engage à restituer le véhicule ;

- condamner à ce titre la société Etoile Occitane à lui payer la somme de 39 500 euros ;

- réformer le jugement dont appel quant aux sommes qui lui sont allouées au titre des préjudices subis et condamner la société Etoile Occitane au paiement de justes dommages et intérêts comme suit :

* au titre du préjudice de jouissance : 34 000 euros.

* au titre des préjudices matériels : 10 972,50 euros (non compris les frais d'expertise et les frais d'huissier du référé expertise)

* au titre du préjudice moral : 4 000 euros.

- condamner enfin la société Etoile Occitane sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au paiement de la somme 5 000 euros pour les frais irrépétibles de première instance en réformant le jugement dont appel à ce titre et de 7 000 euros pour les frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'instances, y compris de l'instance en référé (46 euros) et aux frais d'expertise (3 000 euros).

Elle fait valoir que :

- suite la saisine du premier président sur le fondement de l'article 526 du Code de procédure civile, l'appelante a exécuté le jugement assorti de l'exécution provisoire.

- le véhicule présente un défaut d'origine auquel le constructeur ne trouve pas de remède. Ce défaut touche les organes roulants, et l'expert déconseille l'emploi prolongé du véhicule, il est connu du constructeur, il n'a pas été décelé avant la vente. Il constitue un vice caché.

- le bruit persiste malgré les travaux de reprise effectués par le vendeur.

- l'expert déconseille l'usage prolongé du véhicule

- elle justifie du montant des dommages intérêts qu'elle réclame.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Aux termes de l'article 1643 du Code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Aux termes de l'article 1644 du Code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Aux termes de l'article 1645 du Code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

1- Sur l'existence d'un vice caché.

En l'espèce il ressort du rapport d'expertise et des pièces produites par les parties que :

- le vice allégué est connu du constructeur, le bruit litigieux affectant ce type de véhicule fait l'objet d'un enregistrement de la part du constructeur qui l'a transmis au vendeur. L'opérateur qui est intervenu sur le véhicule a confirmé que le bruit affectant le véhicule est bien celui perçu à l'écoute de l'enregistrement transmis par le constructeur.

- ce bruit affectant ce modèle de véhicule est nécessairement antérieur à la vente.

- ce bruit ne se manifeste que lorsque le conducteur procède à une manœuvre conduisant à positionner le volant en butée de sa course. Cette manœuvre ne fait pas partie des manœuvres les plus courantes, de sorte que le bruit n'était pas identifiable lors des essais préalables à la vente, il ne constitue donc pas un vice apparent.

Demeure en litige le dernier critère du vice caché : ce vice rend il le véhicule impropre à sa destination ou en diminue tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis.

Le constructeur consulté indique clairement que le véhicule peut rouler qu'il n'est pas dangereux.

L'expert déclare que le véhicule est en état de circuler dans le respect de la réglementation en vigueur, cependant, le défaut touchant les organes de trains roulants nous en déconseillons l'utilisation prolongée.

Or, le véhicule litigieux est une voiture Mercedes Classe G. I (X156) Ph 1 220 CDI 4matic " Fascination ". Il s'agit d'un véhicule haut de gamme, conçu pour l'usage intensif qui fait la caractéristique des produits de la marque Daimler Benz.

En l'espèce ce véhicule est affecté d'un vice de conception auquel le constructeur ne sait remédier, il a été acquis par un chef d'entreprise pour un usage intensif dans le cadre de son activité professionnelle. Si Madame X avait connu le vice lui imposant un usage limité du véhicule, elle ne l'aurait pas acquis.

Le véhicule est donc affecté d'un vice caché qui diminue tellement l'usage auquel on le destine que l'acheteur ne l'aurait pas acquis, c'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé la résolution de la vente, ordonné la remise des parties dans l'état dans lequel elles étaient avant la vente, c'est-à-dire ordonné la restitution du véhicule et la restitution du prix de vente.

2- Sur la demande en dommages intérêts.

Madame X réclame des dommages intérêts au titre d'un préjudice de jouissance, de préjudices matériels et d'un préjudice moral.

Le premier juge a justement relevé que le véhicule était utilisable dans une certaine limite et Madame X a effectivement parcouru à son bord environ 4 000 kilomètres par mois depuis son acquisition. C'est donc à bon droit que le premier juge a limité l'indemnisation du préjudice de jouissance à la somme de 4 000 euros.

Sur le préjudice matériel, c'est à bon droit que le premier juge a limité l'indemnisation de poste à la somme de 2 000 euros étant relevé que Madame X ne peut réclamer pour son entreprise absente de la procédure, réparation du temps qu'elle a consacré à cette affaire au détriment de ladite entreprise et des frais d'huissier et d'expertise qui relèvent des dépens ou sont compris dans le champ de l'article 700 du Code de procédure civile, et réclamés de ce chef.

Les désagréments causés à Madame X par le présent litige ont été justement réparés par l'octroi d'une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral.

Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.

3- Sur les mesures accessoires.

La SAS Etoile Occitane succombe, elle supporte les dépens, outre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant, Condamne la SAS Etoile Occitane à payer à Madame X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SAS Etoile Occitane aux entiers dépens d'appel.