CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 7 mai 2018, n° 16-01307
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Banque Solfea (SA), BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Forcade
Conseillers :
MM. Rouger, Muller
Exposé du litige
Le 22 novembre 2013, Monsieur Stéphane C. et Madame Nathalie D. épouse C., étaient démarchés à domicile par un représentant de la Sas Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France exerçant sous l'enseigne commerciale Groupe Solaire de France qui leur proposait l'installation de panneaux photovoltaïques aux fins de revente à EDF sur leur immeuble d'habitation.
M. C. signait un bon de commande.
Le même jour, les deux époux signaient une offre préalable de prêt destinée au financement de cette installation auprès de la Sa Banque Solféa pour un montant de 17 900 euros remboursables en 143 mensualités.
Par acte en date du 2 juillet 2015, Monsieur Stéphane C. et Madame Nathalie D. épouse C. ont fait assigner la Sa Banque Solféa, Maître Pascal B. ès qualités de mandataire judiciaire et Maître Philippe B. pris en sa qualité d'administrateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la Sas Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France afin d'obtenir le prononcé de la nullité du contrat principal et en conséquence celle du crédit affecté et qu'il soit dit qu'ils ne sont redevables d'aucune somme vis-à-vis de la Sa Banque Solféa. Ils réclamaient la condamnation de cette dernière à leur rembourser les mensualités prélevées depuis décembre 2013 jusqu'au jour du jugement outre 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire du 9 février 2016, le tribunal d'instance de Toulouse a :
- débouté Monsieur Stéphane C. et Madame Nathalie D. C. de leur demande
- condamné Monsieur Stéphane C. et Madame Nathalie D. C. à verser à la Sa Solféa 800 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné Monsieur Stéphane C. et Madame Nathalie D. C. aux dépens.
Par déclaration du 11 mars 2016, les époux C. ont interjeté appel général de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 mai 2016, les époux C., appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1116, 1134 et 1147 du Code civil, des articles L. 121.23 et suivants et L. 311.20 du Code de la consommation, réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
- déclarer nul et de nul effet le contrat signé par eux le 22 novembre 2013 avec la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies en France
- prononcer l'annulation consécutive du contrat de crédit affecté souscrit le même jour auprès de la Banque Solféa
- leur donner acte de ce qu'ils tiennent à la disposition de Maîtres B. et B. les éléments de l'installation mis en œuvre par la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies en France et qui devront être retirés à leurs frais avancés
- condamner la Banque Solféa à leur rembourser les mensualités par elle indûment prélevées depuis le mois de décembre 2013 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir et dire qu'ils ne sont redevables d'aucune somme postérieurement à l'égard de cet établissement
- condamner la Banque Solféa au paiement de la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraction en étant prononcée au profit de Me J., avocat associé, sur son affirmation de droit.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 novembre 2017 la BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Banque Solféa demande à la cour, de :
- lui donner acte de ce qu'elle vient aux droits de la Banque Solféa en vertu d'une cession de créance intervenue le 28 février 2017
- constater que ses écritures valent notification de la cession de créance intervenue en application des dispositions de l'article 1324 du Code civil
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
1°) Sur le contrat de prestation de services :
- juger que la violation des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation est sanctionnée par une nullité relative
- juger que les causes éventuelles de la nullité ont été couvertes par des actes postérieurs
- débouter les époux C. de leur demande de nullité du contrat
- juger que la preuve n'est pas rapportée d'un motif de résolution du contrat
- juger que la résolution judiciaire n'est pas une sanction proportionnée
- débouter les époux C. de leur demande de résolution du contrat
2°) Sur le contrat de crédit :
A titre principal, juger le contrat de prêt valable
A titre subsidiaire, pour le cas où le contrat de crédit serait annulé ou résolu,
- condamner les époux C. à rembourser l'intégralité du capital restant dû à la date du jugement, soit la somme de 17 900,00 , sous déduction des échéances déjà payées, mais avec intérêts au taux légal à compter de la remise des fonds
- dire que Solféa n'a commis aucune faute
- juger que les époux C. ne rapportent pas la preuve d'un préjudice en lien avec la faute de Banque Solféa
En toute hypothèse,
- condamner les époux C. à payer la somme de 3.000,00 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
- les condamner aux dépens et admettre Lexavoué Toulouse, avocats, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
1°/ Sur l'intervention de Bnp Paribas Personal Finance
Il ressort de l'acte de cession de créances du 28 février 2017 que la Banque Solféa, organisme prêteur ayant financé l'installation photovoltaïque des époux C., a cédé à Bnp Paribas Personal Finance l'ensemble de ses créances de crédits affectés, prêts personnels, prêts aux copropriétés, conventions libres auprès de personnes morales et de regroupement de crédits consentis par elle ainsi que l'ensemble des sûretés qui y sont attachées à compter du 28 février 2017 à 23h59.
L'intervention de la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits et actions de la Banque Solféa, par voie de conclusions notifiées le 16 novembre 2017 valant notification de la cession de créance en application des dispositions de l'article 1324 du Code civil, est donc recevable.
2°/ Sur la nullité du contrat de vente pour dol et sur le fondement de l'article L. 121-1 du Code de la consommation
Les époux C. invoquent au principal une tromperie sur les qualités substantielles des produits livrés en ce que, selon eux :
- l'autofinancement par le crédit d'impôt avancé par le vendeur était un élément essentiel les ayant déterminés dans leur choix
- les chiffres de production avancés par le vendeur dans le seul but de les convaincre de se lancer dans l'opération se sont révélés irréalistes et erronés
- les produits livrés ont été non conformes avec ceux commandés
- l'engagement pris par le vendeur d'assumer le raccordement ERDF n'a pas été tenu.
Le bon de commande produit en copie de très mauvaise qualité par les époux C., illisible en grande partie, notamment dans sa partie "observations", ne permet nullement d'identifier un engagement du vendeur en terme d'autofinancement par crédit d'impôt ou quant aux chiffres de production ou de rentabilité attendus. On y distingue néanmoins une mention "SYSTEME AUTOCONSOMMATION + REVENTE du SURPLUS".
Il s'avère que les époux C. ont souscrit personnellement le 23 juin 2014 un contrat de raccordement électrique avec ERDF au réseau public de distribution basse tension prévoyant l'injection sur le réseau public de distribution de l'intégralité de la production, le générateur étant destiné à être couplé au réseau public de distribution basse tension par l'intermédiaire d'un point de livraison en injection distinct du point de livraison utilisé pour les besoins en soutirage du producteur, ce point de production en injection permettant en outre d'alimenter l'installation de production pour sa consommation de veille en dehors des périodes de production.
Aucun élément du dossier ne vient établir que ce mode de répartition ait été imposé par ERDF alors que la proposition de raccordement prévoit la possibilité de solliciter des modifications des caractéristiques de l'installation ou de celles du raccordement et que la proposition de raccordement précise que ERDF a proposé la solution de raccordement nécessaire et suffisante pour satisfaire les besoins en injection d'énergie électrique de l'installation de production conformément à la demande des époux C..
Dès lors aucune tromperie ne peut être imputée à la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France lors de la commande de l'installation photovoltaïque quant au choix de la solution de raccordement, celle-ci résultant des souhaits exprimés par les époux C. eux-mêmes auprès de ERDF.
Par ailleurs, le rapport de constatations réalisé en mars 2015, de manière non contradictoire à l'égard de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France et à la seule demande des époux C. par "Energie Conseil Lauragais", dont le premier juge a justement relevé que la qualité de ce prestataire n'était pas précisée (bureau d'études indépendant ou société concurrente de la Sas), établit que si les modules posés en toiture ne correspondent pas à ceux du bon de commande, ils ont malgré tout un rendement supérieur à ceux initialement prévus au bon de commande (14,5 % au lieu de 12,9 %). Il ne fait état que d'une potentielle perte sur le tarif d'achat du kwh par ERDF au regard de celui en vigueur sur le dernier trimestre 2013 si l'installation avait pu être raccordée à cette époque et de celui obtenu en 2014 époque du contrat souscrit par les époux C. auprès de ERDF, et d'une perte de bonification par rapport aux modules européens qui n'auraient pas été proposés par la société venderesse. Ces pertes et manquement à l'obligation d'information et de conseil auraient pu être sources éventuelles de recherche de responsabilité du vendeur mais ne sont pas de nature à établir une tromperie lors de la commande de l'installation photovoltaïque.
En outre, les non conformités de l'installation alléguées ne peuvent fonder une action en nullité de la commande. En application des dispositions de l'article L. 211-9 du Code de la consommation, devenu L. 217-9, le défaut de conformité peut donner lieu soit à la réparation soit au remplacement du bien, voire en cas d'impossibilité de réparation ou de remplacement, à la résolution du contrat, sanction qui se distingue de la nullité de la convention.
Enfin, l'absence de réalisation du raccordement ERDF par la société venderesse et installatrice malgré son engagement contractuel à l'égard des époux C., de même que les déficiences de réalisation invoquées (distances de pose de l'onduleur, défaut d'alignement d'un module, manque de soin dans la protection et la fixation des câbles électriques, défaut de pose de l'écran sous-toiture susceptible de générer des infiltrations) concernent quant à elles une non exécution d'un engagement ou une mauvaise exécution des prestations, mais ne caractérisent ni manœuvres frauduleuses ni tromperie sur les qualités essentielles de la chose vendue de nature à avoir vicié le consentement de M. C. et de son épouse lors de la souscription du contrat.
Le dol ou la tromperie au sens des articles 1116 du Code civil et L. 121-1 du Code de la consommation ne sont donc pas caractérisés et l'action en nullité de la vente sur ces fondements ne peut aboutir.
3°/ Sur le non respect des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation
Il est constant que le bon de commande signé par M. Stéphane C. dans le cadre d'un démarchage à domicile ne satisfait pas aux prescriptions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation édictées à peine de nullité :
- absence du nom du démarcheur
- absence d'adresse du fournisseur
- lieu de livraison non identifié et date de livraison non indiquée
- absence d'indication du montant de la mensualité avec assurance et du montant de la TVA.
La nullité sanctionnant l'omission d'une mention obligatoire est néanmoins une nullité relative, les dispositions d'ordre public de protection édictées par l'article L. 121-23 interdisant, par principe, la renonciation par le consommateur à leur bénéfice, sauf acceptation non équivoque de sa part.
En l'espèce, il ressort des pièces produites au débat que l'installation photovoltaïque a été livrée sans raccordement mais que les époux C. ont sollicité eux-mêmes le raccordement de leur installation de production au réseau public de distribution et ont contracté avec ERDF pour obtenir l'effectivité de ce raccordement, de même qu'ils ont convenu avec ERDF de la revente de la production produite par l'installation en juin 2014, revente effective ainsi qu'il résulte du bordereau d'autofacturation émis par ERDF le 18 janvier 2016 pour la période du 16 octobre 2014 au 16 octobre 2015 établissant un rachat aux époux C. de 3916 kwh pour 1 116,45 .
Nonobstant les nullités formelles affectant le contrat d'installation souscrit auprès de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France, tant par leur démarches ultérieures pour obtenir un raccordement effectif au réseau public de distribution et signer un contrat de revente avec ERDF, que par la revente effective de l'électricité produite par leur installation postérieurement à la saisine du tribunal d'instance en nullité du contrat de vente et de prestation de service du 22 novembre 2013 par assignation du 2 juillet 2015, les époux C. ont manifesté de manière réitérée et non équivoque leur acceptation de l'installation malgré les vices affectant le bon de commande, la ratification du contrat en connaissance des vices l'affectant et leur renonciation à l'action en nullité du contrat de vente et de prestation de service pour non-respect des dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur action en nullité du contrat principal, et, consécutivement, de leurs demandes en nullité du crédit affecté souscrit auprès de Solféa et en remboursement des mensualités prélevées depuis décembre 2013.
Aucune demande subsidiaire en résolution du contrat de vente pour inexécution de ses obligations contractuelles par la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France n'est formulée par les appelants dans le dispositif de leurs dernières écritures auquel seul la Cour est tenue de répondre en application de l'article 954 du Code de procédure civile.
4°/ Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions principales, il sera aussi confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Succombant en appel les époux C. supporteront les dépens d'appel.
L'équité ne commande pas que soit mise à leur charge une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la Bnp Paribas Personal Finance.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare la société Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits et actions de la société Solféa, recevable en son intervention à l'instance d'appel, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits et actions de la société Solféa, au titre de la procédure d'appel, Condamne solidairement Monsieur Stéphane C. et Madame Nathalie D. épouse C. aux dépens d'appel avec autorisation de recouvrement direct au profit de la Selarl d'avocats Lexavoué Pau-Toulouse en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.