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Décisions

Cass. com., 16 mai 2018, n° 16-20.040

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Coty France - division prestige (SAS)

Défendeur :

Brandalley France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Rousseau, Tapie, SCP Gadiou, Chevallier

T. com. Paris, du 18 déc. 2013

18 décembre 2013

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Coty France division prestige que sur le pourvoi incident relevé par la société Brandalley France ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Coty France division prestige (la société Coty) exploite en France un réseau de distribution de produits cosmétiques et de parfumerie de luxe de différentes marques dont sa société-mère est le licencié exclusif dans le monde ; que la société Brandalley France (la société Brandalley) vend des produits de marques exclusivement par son site internet ; que cette dernière ayant organisé, en 2009, 2010 et 2011, des " ventes flash " de produits qu'elle distribue, la société Coty l'a assignée en réparation de son préjudice résultant d'actes de concurrence déloyale et en cessation de ses agissements ; que la société Brandalley lui a opposé une fin de non-recevoir tirée de son défaut d'intérêt et de qualité à agir, puis a contesté l'existence et la licéité de son réseau ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable : - Attendu que la société Brandalley fait grief à l'arrêt de dire la société Coty recevable en son action alors, selon le moyen : 1°) que la société Brandalley faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la société Coty était irrecevable à agir dès lors qu'elle ne justifiait d'aucun droit exclusif sur les marques qu'elle soutenait commercialiser via son prétendu réseau de distribution sélective, de sorte qu'elle ne démontrait pas avoir été en droit d'établir un tel réseau ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que la société Brandalley avait expressément fait valoir que le contrat-type versé aux débats par la société Coty France ne concernait que certaines marques, à savoir Calvin Klein, Cerrutti, Chloé, Marc Jacobs, Balenciaga, Davidoff, Karl Lagerfeld et Lancaster et non pas l'ensemble des marques revendiquées par le promoteur du réseau (Bottega Veneta, Chopard, Guess, Jennifer Lopez, Jil Sander, Sarah Jessica Parker, etc...) comme étant intégrées à son réseau ; qu'elle avait ajouté que les seules marques concernées par les ventes litigieuses (du 20 mars 2009 au 6 novembre 2011) étaient Calvin Klein, Cerrutti, Davidoff, Chloé et Lancaster ; que pour décider que la société Coty France " peut prétendre justifier de l'existence d'un réseau de distribution sélective " pour les produits vendus par Brandalley (Calvin Klein Jennifer Lopez, Sarah Jessica Parker, Cerrutti, Davidoff) par la production des contrats Burdin, Le Bon Marché et Edith Harley, la cour d'appel a retenu que la présentation des première et dernière pages de ceux-ci était identique à celle du contrat-type, transmis en intégralité ; qu'en statuant de la sorte, sans répondre aux conclusions de la société Brandalley soutenant que le contrat-type ne faisait pas état de l'ensemble des marques incriminées dans les ventes litigieuses, notamment Jennifer Lopez et Sarah Jessica Parker, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'action en concurrence déloyale engagée par la société Coty avait pour objet de faire respecter le réseau de distribution sélective qu'elle avait mis en place, la cour d'appel, qui a retenu que le litige ne portait pas sur la titularité des droits sur les produits et leur utilisation, a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument omises ;

Et attendu, d'autre part, que le moyen qui, en sa seconde branche, critique un motif qui n'est pas le soutien du chef de dispositif visé par le moyen, est irrecevable ; d'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu les articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter les demandes de la société Coty, l'arrêt retient que trois clauses contractuelles constituent des restrictions caractérisées au sens du règlement (CE) n° 2790/99 du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3 du Traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées et en déduit que l'existence de ces clauses " noires " dans le contrat de distribution sélective exclut tout caractère licite du réseau ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la circonstance, à la supposer établie, que l'accord ne bénéficie pas d'une exemption par catégorie n'implique pas nécessairement que le réseau de distribution sélective contrevient aux dispositions de l'article 101, paragraphe 1 TFUE, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : rejette le pourvoi incident ; et sur le pourvoi principal : casse et annule, sauf en ce qu'il dit la société Coty France division prestige recevable en son action, l'arrêt rendu le 29 juin 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.