CA Rennes, 2e ch., 18 mai 2018, n° 15-02848
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Renault (SAS), 56 Courtage Auto (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christien
Conseillers :
Mme Dotte Charvy, M. Pothier
Avocats :
Mes Berthault, Grenard, Martel, Hallouet
Exposé du litige
Le 18 mars 2010, la société 56 Courtage Auto a, moyennant le prix de 6 500 euros TTC, vendu à M. X un véhicule Renault Clio d'occasion mis en circulation en 2006.
Invoquant une panne ayant provoqué l'immobilisation définitive du véhicule en novembre 2011, M. X a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 9 octobre 2012, organisa une mesure d'expertise judiciaire.
Puis, après le dépôt du rapport de M. Y intervenu le 23 août 2013, M. X a, par acte du 21 mars 2014, fait assigner les sociétés 56 Courtage Auto et Renault devant le Tribunal de grande instance de Lorient sur le fondement de la garantie des vices cachés, à l'effet d'obtenir la restitution du prix et le paiement de dommages intérêts.
Par jugement du 4 mars 2015, les premiers juges ont :
prononcé la résolution de la vente, condamné in solidum les sociétés Renault et 56 Courtage Auto au paiement de la somme de 6 755,50 euros au titre de la restitution du prix et des frais liés à la vente, condamné la société 56 Courtage Auto à reprendre le véhicule dans le mois suivant le jour où le jugement est devenu définitif, le remorquage étant aux frais des sociétés Renault et 56 Courtage Auto,
rejeté les autres demandes d'indemnisation, condamné in solidum les sociétés 56 Courtage Auto et Renault au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris ceux du référé et de l'expertise judiciaire.
Insatisfait des dédommagements alloués, M. X a relevé appel de cette décision, en demandant à la cour de :
condamner solidairement les sociétés Renault et 56 Courtage Auto au paiement des sommes de :
150,50 euros au titre des frais de carte grise, 907,20 euros au titre des frais financiers, 169,02 euros au titre des frais d'assurance, 1 000 euros au titre du préjudice d'immobilisation, 3 811,20 euros au titre des frais de stationnement et de gardiennage, condamner solidairement les sociétés Renault et 56 Courtage Auto au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société 56 Courtage Auto a quant à elle formé appel incident, en demandant à la cour de :
confirmer le jugement attaqué en ce qui concerne les condamnations prononcées contre la société Renault,
débouter M. X de ses demandes dirigées contre la société 56 Courtage Auto, subsidiairement, condamner la société Renault à garantir la société 56 Courtage Auto des condamnation prononcées à son encontre,
en tout état de cause, condamner la société Renault au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Renault a également formé appel incident, en demandant à la cour de :
infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente pour vice caché, et débouter M. X de cette demande,
confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de M. X,
condamner M. X au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. X le 1er décembre 2015, pour la société 56 Courtage Auto le 2 novembre 2017, et pour la société Renault le 26 octobre 2015.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Par d'exacts motifs que la cour adopte, les premiers juges ont pertinemment relevé l'existence d'un vice affectant la pompe à injection, antérieur à la vente et caché pour l'acquéreur, qui a rendu le véhicule impropre à sa destination en provoquant son immobilisation et nécessitant la réalisation de réparations estimées à plus de 4 700 euros, disproportionnées au regard de la valeur de ce véhicule acquis moyennant le prix de 6 500 euros 18 mois plus tôt.
La société Renault conteste toujours devant la cour que la panne de novembre 2011 résultait d'un vice de fabrication, mais l'expert a, au terme d'investigations techniquement étayées, cependant relevé que le véhicule avait été correctement entretenu, que l'hypothèse d'une pollution du carburant était improbable et que le type de pompe équipant le véhicule était connu pour présenter, en raison de sa conception, une faiblesse critique récurrente expliquant son état d'usure anormal.
La société 56 Courtage Auto ne saurait davantage invoquer, pour obtenir sa mise hors de cause, le caractère indécelable du vice, alors qu'en sa qualité de vendeur intermédiaire, elle doit garantir les vices cachés affectant la chose vendue ayant rendu celle-ci impropre à sa destination.
Il en résulte que M. X est en droit d'obtenir la résolution de la vente conclue le 18 mars 2010 avec la société 56 Courtage Auto, ce qui a pour conséquence de provoquer les restitutions de part et d'autre.
D'autre part, s'il est aussi fondé à exercer l'action en garantie des vices cachés directement contre le vendeur originaire, il est de principe que la restitution du prix ne peut être réclamée qu'à celui auquel la chose vendue est restituée.
Par conséquent, dès lors que le véhicule doit être restitué à la société 56 Courtage Auto, il convient de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Renault à la restitution du prix de 6 500 euros in solidum avec le vendeur intermédiaire.
En revanche, tenue de rembourser les frais occasionnés par la vente en application de l'article 1646 du Code civil, la société Renault demeurera condamnée, in solidum avec la société 56 Courtage Auto, au paiement de la somme de 255,50 euros correspondant aux frais de mise en route (105 euros) et d'immatriculation (150,50 euros).
Par ailleurs, il est de principe que le vendeur professionnel, comme le fabricant, sont tenus de connaître les vices affectant la chose vendue, de sorte que la société 56 Courtage Auto, professionnel du négoce de véhicules automobiles d'occasion, et la société Renault, ayant conçu et produit le véhicule Clio acquis par M. X, doivent réparer l'intégralité du préjudice subi par ce dernier en application de l'article 1645 du Code civil.
À cet égard, M. X justifie avoir, selon offre préalable de crédit affecté acceptée le 9 mars 2010, emprunté les fonds nécessaires au règlement de la totalité du prix de vente du véhicule.
La résolution de la vente lui a en conséquence fait subir une perte correspondant au coût du crédit, lequel s'élève à la somme de 907,20 euros, ce préjudice étant en lien causal direct et certain avec le vice et, pour le fabricant et le vendeur professionnel, prévisible dès lors qu'il est usuel pour un particulier de financer l'achat de véhicules à crédit.
M. X justifie d'autre part avoir exposé en pure perte, postérieurement à l'immobilisation définitive du véhicule en date du 10 novembre 2011, des frais d'assurance d'un montant de 169,02 euros que les sociétés Renault et 56 Courtage Auto doivent indemniser.
M. X réclame enfin le paiement des sommes de 1 000 euros au titre du préjudice d'immobilisation et de 3 811,20 euros au titre de frais de stationnement et de gardiennage chez le garagiste où le véhicule a été déposé après la panne.
Contrairement à ce que les sociétés 56 Courtage Auto et Renault soutiennent, ce préjudice est distinct des frais de reprise du véhicule, par ailleurs mis à la charge du vendeur au titre des restitutions de part et d'autre, lesquels ne concernent que l'enlèvement et le remorquage jusqu'aux locaux de la société 56 Courtage Auto aux frais de ces dernières.
La nécessité du gardiennage du véhicule n'est pas établie, et l'existence comme l'importance de ce poste de préjudice ne sont justifiées que par un devis.
Il ressort par ailleurs des explications de M. X que celui-ci a limité l'ampleur de son préjudice de jouissance en se faisant prêter un véhicule par un membre de sa famille.
Au regard de ces observations, le préjudice d'immobilisation et de stationnement seront intégralement et exactement réparés par l'allocation d'une somme de 1 500 euros.
Il en résulte que les sociétés 56 Courtage Auto et Renault, vendeur originaire contre lequel l'acquéreur est fondé à exercer une action directe indemnitaire, seront condamnées in solidum au paiement de dommages intérêts d'un montant total de 2 576,40 euros (907,20 + 169,02 + 1 500).
Étant rappelé que le défaut à l'origine de la panne subie par le véhicule était un vice de conception, la société 56 Courtage Auto sollicite à juste titre d'être entièrement garantie des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages intérêts, des frais occasionnés par la vente, des frais de reprise du véhicule à restituer, des frais irrépétibles du procès et des dépens.
En revanche, le vendeur intermédiaire ne saurait obtenir la garantie du vendeur originaire au titre de la restitution du prix de vente, dès lors que celle-ci est la contrepartie de la restitution du véhicule qui doit s'opérer à son profit et qu'il est donc le seul débiteur de l'obligation de restitution de la somme de 6 500 euros.
Enfin, il n'y a, en cause d'appel, pas matière à application de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de quiconque.
Par ces motifs, LA COUR : Infirme le jugement rendu le 4 mars 2015 par le Tribunal de grande instance de Lorient en ce qu'il a condamné la société Renault, in solidum avec la société 56 Courtage Auto, à la restitution de la somme de 6 755,50 euros et rejeté les demandes indemnitaires de M. X ; Condamne la société Renault, in solidum avec la société 56 Courtage Auto, à payer à M. X la somme de 255,50 euros au titre du remboursement des frais occasionnés par la vente ; Condamne in solidum les sociétés 56 Courtage Auto et Renault à payer à M. X une somme de 1 500 euros à titre de dommages intérêts ; Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ; Y additant, condamne la société Renault à garantir la société 56 Courtage Auto des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages intérêts, des frais occasionnés par la vente, des frais de reprise du véhicule à restituer, des frais irrépétibles de première instance et des dépens de première instance et d'appel ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ; Condamne in solidum les sociétés 56 Courtage Auto et Renault aux dépens d'appel.