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Décisions

CA Bourges, ch. civ., 17 mai 2018, n° 16-01658

BOURGES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Theret (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulquier

Conseillers :

M. Perinetti, Mme Merlet

Avocats :

Mes Gerigny, Decressat

T. com. Bourges, du 15 nov. 2016

15 novembre 2016

Monsieur Frédéric M., garagiste à Lignières, a commandé à la SAS Theret la fourniture, installation et mise en service d'un pont élévateur de marque A. (A. Heinl), modèle 2.3 2H3 3T3, moyennant un prix de 2 400 euros HT qu'il a intégralement réglé. A cette fin, il a réalisé le support nécessaire en l'occurrence une dalle et des colonnes en béton.

Se révélant défectueux ou en tout cas ne donnant pas satisfaction, le matériel livré le 05 décembre 2012 n'a pu être mis en service. Monsieur Frédéric M. a accepté qu'il soit remplacé sans frais supplémentaires par un autre modèle de marque Actia Muller, en l'occurrence un modèle 724 HB 2, n' de série 20C 1400325 type GA2-0340.

Ce pont élévateur électro hydraulique présenté comme plus performant a été livré, installé et mis en service le 07 janvier 2013 mais le garagiste a déploré des dysfonctionnements qui se sont répétés nonobstant plusieurs interventions.

Le 28 octobre 2013, il a fait constater par huissier une nouvelle panne. Après mise en œuvre, le 09 janvier 2014, d'une expertise officieuse, aucune solution amiable n'a été trouvée.

Par acte extra judiciaire délivré le 15 juillet 2014, Monsieur Frédéric M. a assigné la SAS Theret en référé expertise devant le Président du Tribunal de grande instance de Bourges qui le 04 novembre 2014 s'est déclaré incompétent au profit du Président du Tribunal de commerce de cette ville lequel a fait droit à la demande le 04 novembre 2014.

L'expert désigné a déposé ou établi son rapport le 09 juillet 2015 dont il résulte que :

" les installations réalisées par la société Theret comportent des non conformités techniques " qu'il détaille :

" . la surpression oléo hydraulique au refoulement de la pompe provoquée par un tarage excessif du limitateur de pression a provoqué une consommation de puissance à la fois hydraulique, mécanique et électrique,

. le fort couple engendré par l'arbre d'entraînement de pompe a eu une incidence sur la consommation d'intensité du moteur électrique entraînant une surchauffe et sa détérioration partielle "

et que " Monsieur M. a été privé d'un moyen de levage pour exercer sa profession qui l'a contraint à installer un autre pont élévateur' et estime les préjudices justifiées à la somme de 37 271,86 euros et les autres préjudices sans justificatifs à 2 353,14 euros ".

Par acte extra judiciaire délivré le18 février 2016, Monsieur Frédéric M. a assigné la SAS Theret devant le Tribunal de commerce de Bourges " en résolution de la vente ayant fait l'objet de la facture initiale et par suite de novation celle relative au pont élévateur de marque Actia Muller " et afin de la voir condamner à lui rembourser le prix de l'équipement 2 800 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre diverses sommes réparant les différents préjudices subis :

. 6 042 euros correspondant au coût de remplacement provisoire de l'équipement,

. 48 750 euros TTC correspondant au préjudice financier, ainsi que 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens le tout avec exécution provisoire.

Par jugement contradictoire du 15 novembre 2016, le Tribunal de commerce de Bourges a :

. condamné la SAS Theret à payer à Monsieur Frédéric M. la somme en principal de 2800 euros HT en restitution du prix de vente augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

. dit que le pont de marque Actia Muller serait mis à disposition de la SAS Theret à charge pour elle de le récupérer à ses frais exclusifs avec remise en l'état des lieux,

. débouté Monsieur Frédéric M. de sa demande de condamnation de la SAS Theret au paiement de la somme de 6042 euros correspondant au coût du pont élévateur acquis le 27 décembre 2013,

. débouté Monsieur Frédéric M. de sa demande d'octroi d'une somme de 48 750 euros en dommages intérêts au titre du préjudice financier subi,

. débouté Monsieur Frédéric M. de sa demande de versement d'une indemnité de procédure de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

. condamné la SAS Theret à verser à Monsieur Frédéric M. une indemnité de 1 000 euros du chef des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

. dit que les dépens seraient à la charge de la SAS Theret, outre le coût de la procédure de référé, de la procédure d'expertise et du procès-verbal dressé par Maître Chevalier, huissier de justice le 28 octobre 2013,

. dit n'y avoir lieu n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration transmise le 12 décembre 2016, Monsieur Frédéric M. a interjeté appel de cette décision.

Il demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :

. prononcé la résolution de la vente intervenue après novation du pont Actia Muller sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil et par voie de conséquence a condamné la SAS Theret à lui restituer le prix de vente soit 2 880 euros TTC

. dit que la SAS Theret devrait récupérer à ses frais exclusifs le pont au garage M. en remettant les lieux en l'état

. condamné la SAS Theret aux entiers dépens de première instance comprenant les frais de greffe ceux de procédure de référé les frais et honoraires de l'expert judiciaire et les dépens de procédure au fond de première instance et également en ce qu'il a condamné la SAS Theret à payer le coût du procès-verbal de constat dressé par Maître Chevalier, huissier de justice le 28 octobre 2013,

- le réformer sur le surplus et condamner la SAS Theret à lui payer outre les dépens d'appel, une somme de :

. 6 042 euros TTC correspondant au coût du pont élévateur provisoire qui deviendra sans utilité lorsqu'après indemnisation il pourra remplacer le pont défectueux,

. 48 750 euros TTC pour " indemnisation des heures supplémentaires qu'il a été contraint d'effectuer du fait de la privation du pont élévateur et pour son préjudice financier consécutif ",

. 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance prenant en compte les procédures de référé, les deux réunions d'expertise et la procédure au fond devant le tribunal de commerce

. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel

Il rappelle qu'il avait commandé à la SAS Theret un pont élévateur de marque A. qui s'est révélé défectueux, qu'ils ont alors convenu non pas d'échanger ce matériel mais de résilier amiablement cette vente et d'en conclure une seconde à prix identique, qu'en exécution de cet accord, la SAS Theret a repris le premier appareil, livré et installé le nouveau pont élévateur et ré affecté le prix au lieu de le restituer.

A titre subsidiaire, il estime que comme les faits de la cause le révèlent et l'a retenu le tribunal, il a bien eu novation et non échange. En tout état de cause, il soutient que le Tribunal de commerce a prononcé à bon droit la résolution de la vente portant sur le pont élévateur de marque Actia Muller sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Il rappelle qu'au cours des opérations d'expertise, il a été constaté que la pompe oléo hydraulique du pont de marque Actia Muller se trouvait à l'origine de son dysfonctionnement, qu'elle avait été détériorée par un tarage excessif du limitateur de pression et était impropre à son usage, que si l'expert n'a pas précisé la date de ce mauvais réglage, l'analyse des différentes pièces techniques démontre qu'il est imputable au vendeur chargé de l'installation de ce matériel industriel sophistiqué.

Il rappelle que la SAS Theret en sa qualité de vendeur professionnel est présumée avoir connu les vices affectant le matériel vendu et qu'elle doit donc l'indemniser intégralement du préjudice subi que les premiers juges n'ont pas correctement apprécié en le limitant à la gêne causée dans l'exercice de son activité estimée à 5000 euros, condamnation qu'ils ont au surplus omis de mentionner dans le dispositif du jugement.

Stigmatisant la mauvaise foi de son colitigant, il explique que s'agissant de la réparation du préjudice économique, il réclame la même somme qu'en première instance. Il rappelle qu'elle recouvre d'une part, la perte financière chiffrée à 8 375 euros correspondant à des prestations qu'il a dû décliner et d'autre part, le coût des 705 heures supplémentaires qu'en raison de la défaillance du pont élévateur, il a été contraint d'effectuer de 2012 à 2015 soit 32 250 euros HT obtenue sur la base d'une heure par jour ouvré à 50 euros HT, que cette demande n'est donc nullement nouvelle. Il explique la méthode de calcul de ces deux postes de préjudice que l'expert a validée ainsi que le démontre la dernière mouture du rapport d'expertise et un courrier de l'intéressé lequel avait corrigé une erreur d'appréciation après réception d'un dire connu du conseil de la SAS Theret. Il rappelle que la somme de 32 250 euros est obtenue sur la base d'une heure par jour ouvré à 50 euros HT. Quant à la perte de contrats, il explique que faute de disposer d'un matériel suffisamment performant, il n'a pas été en mesure d'effectuer certains travaux ce qui a entraîné une perte de 8375 HT attestée par son expert-comptable.

Il demande également le remboursement du matériel temporaire qu'au bout d'un an, il a dû se résigner à acquérir car ce pont élévateur est moins performant et qu'il devra le remplacer.

Quant aux frais irrépétibles de première instance, il fait essentiellement valoir que le tribunal de commerce les a sous-estimés.

Sur appel incident, la SAS Theret qui vise les articles 1273, 1341 et suivants, 1641 et suivants et 1702 et suivants du Code civil, demande à la Cour d' :

- infirmer le jugement (...) en toutes ses dispositions hormis celles par lesquelles les demandes présentées par Monsieur M. tendant à la condamnation au paiement du prix du pont élévateur acquis le 27 décembre 2013 et à l'indemnisation d'un prétendu préjudice financier ont été rejetées,

statuant à nouveau, de :

- déclarer irrecevable la demande nouvelle en paiement de la somme de 32 250 euros HT,

- dire et juger que le contrat régularisé entre les parties le 15 janvier 2013 est un contrat d'échange caractérisé par la remise par la SAS Theret d'un pont élévateur Actia Muller 4 T neuf en contrepartie par Monsieur Frédéric M. d'un pont élévateur A. 3,2 T,

- constater que les conditions de l'article 1641 du Code civil ne sont pas réunies en l'absence d'un vice antérieur à l'échange, voire à la vente,

- débouter en conséquence Monsieur Frédéric M. de ses demandes en résolution et en restitution du prix d'un pont élévateur A. 3,2 T acquis par lui le 11 décembre 2012,

- débouter en conséquence Monsieur Frédéric M. de l ' intégralité de ses demandes de dommages intérêts et portant sur le troisième pont élévateur ainsi que de celles formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Monsieur Frédéric M. à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance y compris les frais du référé et les frais d'expertise judiciaire avec distraction au profit de la SELARL AVELIA par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle soutient en substance que les parties ont convenu d'échanger le pont commandé par le garagiste dont il se plaignait contre un autre plus performant, que la reprise et l'installation de ces équipements a eu lieu le 15 janvier 2013, que ce contrat porte bien sur deux choses et qu'il s'agit " incontestablement " d'un échange, que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il n'a pas été convenu de nover la vente et qu'aucun élément ne caractérise une telle volonté qui doit être non équivoque, que la novation invoquée désormais à titre subsidiaire n'est établie ni par les faits ni par un acte, qu'au demeurant, l'appelant ne reprend pas le raisonnement des premiers juges et soutient que la première vente a été résilié amiablement et qu'une seconde a été conclue alors que la résiliation d'un contrat portant sur une somme de 2 800 euros ne se présume pas et doit être prouvée par écrit.

Il rappelle que la résolution de l'échange sur le fondement de la garantie des vices cachés suppose la démonstration par Monsieur M. de l'existence d'un vice antérieur à l'échange et qu'elle a pour effet de remettre les parties dans l'état antérieur ce qui en l'espèce se solderait par la restitution réciproque des choses.

S'agissant du vice, elle relève que l'expertise n'établit pas son antériorité à l'échange puisque le matériel était neuf, que son dysfonctionnement est attribué à un tarage excessif qui n'a pu avoir lieu que dans les locaux du garagiste, qu'il n'est nullement établi qu'il soit imputable à ses techniciens et que de toute évidence, le pont a été mal utilisé, que l'expert n'a au demeurant pas chiffré le montant des réparations nécessaires à la remise en état du matériel si bien qu'il est impossible de calculer la réduction du prix.

Pour contester les différents chefs de préjudice invoqués par Monsieur M., elle relève que l'absence de performance du nouveau matériel qu'il s'est procuré, n'est pas démontrée et que vu son prix supérieur à celui du pont qu'il lui avait commandé, l'usage temporaire allégué n'est pas plausible, que les factures relatives à cet achat n'ont pas été vérifiées par l'expert et qu'en tout état de cause, elle n'a pas à rembourser ce matériel.

S'agissant du préjudice financier, elle soutient qu'il n'est nullement établi car l'expert s'est borné à reprendre les demandes du garagiste sans étude critique alors qu'il n'est justifié ni dans sa durée, ni dans son quantum, que le tribunal en allouant dans ses motifs une somme de 5 000 euros en réparation des troubles causés à l'activité a statué ultra petita et que les demandes de réparation portées à 32 250 euros HT sont irrecevables car nouvelles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2017.

SUR QUOI

Sur la nature du contrat emportant acquisition du pont élévateur de marque Actia Muller :

Attendu qu'il résulte d'une facture datée du 14 décembre 2012 - le bon de commande du 05 décembre 2012 n'ayant jamais été communiqué et n'est pas discuté que les parties ont conclu une vente portant sur un pont élévateur de marque ATH Heinl (A.), modèle 2.3 2H3 3T3, moyennant un prix de 2 400 euros HT réglable par lettre de change relevé (LCR) ; que comme la SAS Theret le confirme dans un courrier daté du 14 octobre 2013, ce matériel n'a pas pu être mis en service et que dans ce contexte, elle a fourni un pont de marque Actia Muller;

Que dans ce courrier du 14 octobre 2013, elle rappelle que ce pont d'une capacité de 4 tonnes a été livré et installé gracieusement à titre commercial " compte tenu des problèmes techniques rencontrés sur le pont de marque A. référence SOLUATH2.32H3 d'une capacité de 3,2 tonnes qui avait été livré et installé selon bon de livraison numéro 465279 du 05 décembre 2012 conformément à la commande " en soulignant qu' " à ce niveau vous constaterez que nous avons de notre propre chef et sans délai échangé purement et simplement un pont de capacité standard par un pont de capacité nettement supérieure avec des caractéristiques techniques incomparables au premier et sans coût supplémentaire " ; qu'elle a produit deux pièces se rapportant à cette seconde opération : le duplicata d'une facture et d'un avoir, tous deux datés du 19 janvier 2013 et qui comportent la mention suivante : " notre reprise n' 470676 du 14/ 01 /13 (0-29/M-02/r-5070-17p-) reprise sur le bon n' : 465279 du 05 12 2012 " suivie des références du matériel qui faisait l'objet du bon de commande du 05 décembre 2012 ;

Attendu que si devant le tribunal, les parties avaient débattus d'une éventuelle novation, devant la Cour, elles s'accordent désormais à considérer qu'elles ont bien conclu deux opérations successives mais distinctes portant toutes deux sur un engin professionnel de levage de véhicules et discutent la résolution de la première vente ainsi que la nature juridique de la seconde opération : vente mobilière selon Monsieur M., échange pour la SAS Theret ; que s'agissant du mode de preuve, en l'espèce, tout comme pour les faits juridiques, celle des actes juridiques est libre puisque les parties ont toutes deux la qualité de commerçant ce que rappelait l'ordonnance d'incompétence ratione materiae du 11 septembre 2014 ;

Attendu que l'article 1702 du Code civil définit l'échange comme le contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour l'autre alors que selon l'article 1582 du Code civil la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer ;

Que contrairement à la vente, l'échange ne comporte pas de prix et qu'en l'espèce, les pièces produites par la SAS Theret contredisent cette qualification ; que la facture relative au pont de marque Actia Muller mentionne un prix et un mode de règlement ; que l'avoir a été établi de façon à opérer une compensation ;

Que d'autre part, l'échange est un contrat commutatif ce qu'élude la SAS Theret lorsqu'elle propose de restituer le matériel initial alors même que celui-ci n'a pas donné satisfaction ;

Que conformément à l'article 1603 du Code civil, le vendeur a deux obligations principales : délivrer et garantir la chose qu'il vend ; qu'en l'espèce, le pont choisi par le garagiste a bien été livré mais il n'a pas pu être mis en service comme la SAS Theret l'admet, notamment, dans son courrier daté du 14 octobre 2013 de telle sorte qu'elle devait sa garantie puisque la chose que son fabricant acceptait d'ailleurs de reprendre, n'était pas conforme à sa destination normale ;

Que dans ce contexte, comme le démontrent l'avoir et la facture émis le 19 janvier 2013, la SAS Theret a récupéré le matériel et établi un avoir ce dont il résulte nécessairement qu'elle acceptait la résolution de la vente et se reconnaissait débitrice de la somme correspondante ;

Qu'en accord avec Monsieur Frédéric M., elle a ensuite vendu le second pont dont la valeur vénale est censée plus importante que le précédent au même prix en affectant l'avoir en règlement ; que l'accord de volonté s'analyse ainsi bien à une vente conclue après résolution de la précédente ;

- Sur l'application des articles 1641 et suivants du Code civil :

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 1641 et 1643 du Code civil que le vendeur d'une chose viciée est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acquéreur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus et qu'il est tenu des vices cachés quand même, il ne les aurait pas connus à moins que dans ce cas il n'ait stipulé qu'il ne serait obligé à aucune garantie ;

Attendu que la mise en œuvre de la garantie est subordonnée à la démonstration par l'acquéreur qu'au moment de la vente, la chose était déjà affectée d'un défaut caché compromettant son usage et dont il n'avait pas connaissance ;

- Sur l'existence d'un vice caché :

Attendu que tout comme l'huissier de justice l'avait fait le 28 octobre 2013, l'expert et son sapiteur ont constaté au cours de leurs vérifications que le pont élévateur dysfonctionnait puisque sa mise en service provoquait une coupure générale d'électricité ; qu'après démontage de la pompe, l'expert a constaté son usure prématurée ;

Attendu que comme expliqué dans le rapport d'expertise, le pont fonctionne grâce à un groupe hydraulique composé d'un moteur électrique qui entraîne une pompe oléo hydraulique équipée d'un limiteur de pression ;

Que l'expert a constaté que ce manomètre était hors d'usage car son aiguille était décalée ce qui démontrait qu'il avait enregistré une valeur supérieure à ses caractéristiques ; que l'expert a établi que " le limiteur de pression était taré à 250 bars " alors que " la pression de tarage maximum de service est fixée à 170 bars + ou - 10 % " ;

Qu'après démontage de la pompe oléo hydraulique de l'appareil, l'expert a découvert que des éléments mécaniques métalliques (engrenage et corps) étaient endommagés ce qu'a confirmé l'analyse de l'huile saturée d'aluminium et de fer (" ces résultats confirment la détérioration de la pompe avec une évolution importante d'usure des engrenage (fer) et du corps de pompe (aluminium ")( page 12) ; qu'il a observé que " cette usure mécanique provient d'une surpression visible sur les paliers d'équilibrage hydrostatiques " (page 11) ;

Que s'agissant de la cause de ces anomalies, le sapiteur explique sans être contredit que " lors de la mise en service excessive du pont, la pompe hydraulique impose un couple important au moteur électrique " qui " fortement sollicité voit ses enroulements chauffés ", que " le vernis de protection des enroulements perdent de leur efficacité et provoque la fuite du courant par la carcasse métallique du moteur " ;

Que d'autre part, " lorsque l'on active la commande pour monter le pont, celle-ci permet la création de la fuite de courant et/ou surintensité détecté par le disjoncteur magnétothermique différentiel " ;

Que selon l'expert et le sapiteur, le dysfonctionnement de l'appareil est dû à un mauvais tarage c'est à dire un réglage inadéquat qui a eu pour conséquence de l'endommager ; que toutefois, l'expertise a été réalisée deux ans après la livraison du pont qui comme l'établit le constat d'huissier ne pouvait plus être utilisé depuis le mois d'octobre 2013 ;

Attendu que l'appareil fourni nécessitait d'être installé par un professionnel ; qu'en l'espèce le vendeur s'est chargé de cette tâche ; qu'il n'est pas établi que le support réalisé par l'acquéreur n'était pas adapté et qu'en tout état de cause, il incombait à la SAS Theret de le vérifier avant d'installer le pont élévateur ; qu'il n'est pas davantage prouvé que le garagiste n'a pas utilisé correctement le matériel ;

Que comme le démontrent les différents rapports d'intervention rédigés après la livraison et l'installation du matériel, celui-ci bien que neuf n'a jamais fonctionné de façon satisfaisante nonobstant plusieurs réglages ou remplacement de pièces ce qui suffit à établir son caractère intrinsèquement défectueux qu'au demeurant le vendeur installateur ne conteste pas de façon sérieuse ; qu'au surplus, dans son courrier du 14 octobre 2013, la SAS Theret précise qu'elle a obtenu l'accord de son fournisseur pour le remplacement de ce pont ce dont il s'induit que l'appareil présentait bien un vice de fabrication ; que l'acquéreur bien que garagiste n'est pas un professionnel de même spécialité que le vendeur lequel ne prétend pas que son cocontractant disposait de compétences lui permettant de déceler le vice affectant le matériel ;

Que dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal de commerce a déclaré fondée l'action en résolution fondée sur la garantie des vices cachés dont la recevabilité n'était pas discutable pour avoir été engagée dans le délai de deux ans imparti par l'article 1648 du Code civil ;

- Sur les conséquences :

Attendu que comme le permet l'article 1644 du Code civil, l'acquéreur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de la garder et de se faire rendre une partie du prix telle qu'arbitrée par experts ;

Qu'en l'espèce, Monsieur Frédéric M. exerce à bon escient l'action rédhibitoire puisque le bien est totalement impropre à son usage et qu'il est donc indifférent que l'expert n'ait pas chiffré le coût de la remise en état du matériel ce qui, au demeurant n'entrait pas dans sa mission;

Attendu que comme le prévoient les dispositions des articles 1644 et 1645 du Code civil, le vendeur est tenu de rembourser le prix et s'il connaissait les vices de la chose, il est tenu en outre de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ; qu'en sa qualité de professionnel présumé connaître le vice, la SAS Theret doit réparer le préjudice direct et certain causé par le manquement à son obligation de garantie ;

Attendu qu'en l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal a ordonné la restitution de la chose et la répétition du prix ;

Attendu que s'agissant du préjudice économique subi, alors que Monsieur Frédéric M. réclamait une somme globale de 54 792 euros TTC (6 042 et 48 750 euros), le Tribunal lui a alloué en réparation des troubles à l'exercice normal de l'activité subis entre le 15 janvier et le 27 décembre 2013, la somme forfaitaire de cinq mille euros mais omis de reprendre dans son dispositif cette condamnation ;

Que devant la Cour, Monsieur Frédéric M. reprend à l'identique sa demande initiale ; que la somme sollicitée comporte deux postes : le remboursement du matériel acquis en décembre 2013 et les pertes d'exploitation recouvrant à hauteur de 8 375 euros un gain manqué et à hauteur de 32 500 HT les heures supplémentaires qu'il a dû accomplir ; qu'il rappelle que l'expert a validé ce chiffrage ;

Attendu que l'expert retient que " Monsieur M. a été privé d'un moyen de levage pour exercer sa profession qui l'a contraint à installer un autre pont élévateur " et évalue " les préjudices justifiés à la somme de 37 271,86 euros et les autres préjudices sans justificatifs à 2 353,14 euros " ;

Attendu que dans la première version de son rapport diffusée le 06 juillet 2015, il estimait le montant des préjudices justifiés à la somme de 31 250 euros (625 jours) et les autres préjudices sans justificatifs à 8 375 euros ; que cette somme incluait le coût représenté par les frais d'acquisition et d'installation du nouveau pont dont il énonçait à tort que les factures ne lui avaient pas été transmises ;

Qu'après réception d'un dire, par courrier en date du 22 juillet 2015 transmis tant aux parties qu'au tribunal, il a admis son erreur et corrigé son rapport dont il a réécrit la treizième page ; qu'il peut cependant être observé une modification incongrue du montant du préjudice dit sans justificatif qui correspond au préjudice financier attesté par l'expert-comptable dont il a été soustrait le prix et les frais d'installation du nouveau pont ;

Qu'en tout état de cause, pour avoir été communiqués, les éléments retenus en définitive par l'expert dont l'avis ne lie pas le juge, sont contradictoires et ont été valablement débattus ;

Attendu que Monsieur Frédéric M. réclame le remboursement du troisième pont élévateur qu'il a acquis pour les besoins de son activité professionnelle ;

Que par les factures correspondantes, il justifie que le coût global de cet appareil et de son installation s'élève à 5 035 euros HT ou 6 022,04 euros TTC (dalle béton 350 kg : 1 245 euros HT ou 1 489,20 euros TTC, pont 2 colonnes 4 T 2 moteurs AC bras allonges envergure 4.1 m 3790 euros HT ou 4 532,84 TTC, commande passée le 03 décembre) ;

Que même si le coût de ce matériel qu'il a choisi, est supérieur à celui dont le prix doit lui être restitué, il ne peut en obtenir le remboursement sauf à s'enrichir, d'autant qu'il se borne à alléguer qu'il n'est pas suffisamment performant et qu'il cessera de l'utiliser ;

Que le premier juge a donc retenu à bon droit que cette dépense ne constituait pas un poste de préjudice ;

Attendu que comme devant le tribunal, Monsieur Frédéric M. chiffre le préjudice financier résultant du travail supplémentaire occasionné par le dysfonctionnement du pont à la somme de 32 250 euros HT si bien que cette demande ne présente aucun caractère nouveau et est donc recevable ; que cette somme a été calculée sur la base d'une heure supplémentaire de travail par jour ouvré à 50 euros HT pendant une période courant de 2012 à 2015 soit 725 jours ;

Attendu que ce calcul ne peut être retenu en ce qu'il inclut une période au cours de laquelle le garagiste a disposé d'un équipement lui permettant de réaliser sans danger des travaux nécessitant de lever un véhicule ;

Qu'il faut donc retrancher toute la période postérieure au 27 décembre 2013, date de livraison du troisième pont élévateur ;

Que du 07 janvier 2013 à cette date, le pont élévateur de marque Actia Muller n'a été hors service qu'à compter du mois d'octobre puisque sa mise en marche provoquait systématiquement une coupure générale d'électricité ;

Que de janvier 2013 à septembre 2013, le pont a été utilisé comme le démontre l'usure de la pompe, l'évolution de la nature des pannes, les différents rapports, les propres déclarations du garagiste ;

Que toutefois, en raison de ses dysfonctionnements répétés, ce matériel ne présentait pas la fiabilité requise ce qui retentissait nécessairement sur l'activité ou ses conditions d'exercice et a bien causé un préjudice ;

Que la base proposée d'une perte d'une heure par jour ouvré n'est aucunement étayée par des éléments concrets notamment la comptabilité des exercices concernés ; que de même, la perte d'activité chiffrée à 8 375 euros n'est pas suffisamment démontrée par l'attestation laconique de l'expert-comptable de Monsieur M. ;

Qu'il s'en suit que c'est à juste titre que le tribunal a refusé d'allouer la somme de 48 750 euros demandée à ce titre ; qu'en raison de la nature des désagréments supportés, le préjudice résultant sera équitablement réparé par une somme forfaitaire de 8 000 euros ;

- Sur les demandes relatives aux frais irrépétibles de première instance :

Attendu que s'agissant des frais irrépétibles exposés en première instance dont il n'a été communiqué aucun justificatif, la somme allouée indemnise suffisamment Monsieur Frédéric M. ;

- Sur les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens d'appel :

Attendu qu'en cause d'appel, la SAS Theret qui succombe à titre principal, doit conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile supporter les dépens et qu'en équité, il sera alloué à Monsieur Frédéric M. la somme de deux mille (2 000) euros au titre de ses frais irrépétibles ;