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Décisions

Cass. 1re civ., 15 mai 2018, n° 17-12.044

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Les Arbres Eric Dumont (EARL)

Défendeur :

Lodder Unterlagen GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Acquaviva

Avocat général :

Mme Mathorez-Marilly

Avocats :

SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, Me Rémy-Corlay

Reims, ch. civ. sect. 1, du 22 nov. 2016

22 novembre 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 22 novembre 2016), que la société française Les Arbres Eric Dumont (l'acheteur), pépiniériste d'arbres fruitiers, a commandé à un producteur allemand, la société Lodder Unterlagen GmbH (le vendeur) des porte-greffes de type " prunus " ; qu'imputant aux plants qui lui avaient été fournis, la présence d'un virus qui devait détruire une partie de son exploitation, l'acheteur a assigné le vendeur devant une juridiction française, en indemnisation de son préjudice, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, à titre principal, et de la garantie des vices cachés, à titre subsidiaire ; que le vendeur a décliné la compétence du juge français, en application d'une clause attributive de compétence aux juridictions allemandes, figurant dans ses conditions générales de vente ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches : - Attendu que l'acheteur fait grief à l'arrêt d'écarter la compétence de la juridiction française, alors, selon le moyen : 1°) que pour être valable et opposable la clause attributive de juridiction doit avoir été connue et acceptée par la partie à qui elle est opposée ; qu'ainsi, lorsqu'une clause attributive de juridiction est stipulée dans les conditions générales d'une partie, elle n'est valable et opposable à l'autre partie que si dans le texte même du contrat signé par les deux parties, un renvoi explicite est fait à ces conditions générales, que ce renvoi est susceptible d'être contrôlé par une partie faisant preuve d'une diligence normale et s'il est établi que lesdites conditions générales ont été effectivement communiquées à l'autre partie contractante ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir que la mention en français " regardez nos conditions de vente et de livraison ! ", figurant tout en bas en petits caractères au recto de la confirmation de commande, du bon de livraison et de la facture, rendait valable et opposable à l'acheteur - dont il n'était pas contesté qu'elle ne comprenait pas l'allemand - la clause attributive de juridiction rédigée en allemand figurant à l'article 11 des conditions générales de vente du vendeur imprimées au " verso " de ces documents, quand cette mention figurait dans des documents non signés par l'acheteur, ne constituait pas un renvoi explicite aux conditions générales au " verso " comportant la clause litigieuse et n'était pas susceptible d'être contrôlée par l'acheteur en appliquant une diligence normale ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 23 du règlement communautaire n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dit " Bruxelles I " ; 2°) qu'en principe, le silence ne vaut pas acceptation ; que si par exception le silence gardé par une partie sur les conditions générales de l'autre partie peut, dans certaines circonstances, être considéré comme une acceptation tacite de ces conditions générales et de la clause attributive de juridiction qu'elles contiennent, ce n'est que dans le cas où il existe un courant d'affaires habituel entre les parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait considérer que " dans la mesure où la clause [attributive de juridiction litigieuse] figure à la fois sur les trois documents servant de base à la relation contractuelle - bon de commande, bon de livraison et facture -, ce qui manifeste le fait qu'elle ait été portée plusieurs fois à la connaissance de [la société Dumont], celle-ci est censée en avoir accepté tacitement l'application, peu important dès lors que les conditions générales de vente dans lesquelles elle est insérée soient rédigées en langue allemande ", après avoir elle-même constaté qu'il n'existait aucun courant d'affaires habituel entre les parties puisqu'il s'agissait d'une première commande ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a derechef violé l'article 23 du règlement " Bruxelles I " ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les trois documents établissant la relation contractuelle, soit la confirmation de commande, le bon de livraison et la facture, comportaient, au recto, une invitation en français à consulter les conditions de vente et de livraison et, au verso, la reproduction de l'intégralité des conditions générales de vente rédigées en langue allemande, dont l'article 11.2 stipulait une clause de compétence au profit des juridictions du siège social du vendeur, si le client était commerçant, la cour d'appel a pu en déduire que, nonobstant sa rédaction en langue étrangère, cette clause sur laquelle l'attention de l'acheteur avait été spécialement attirée, et qui n'avait pas été contestée, avait fait l'objet d'une acceptation tacite et lui était opposable, ce qui excluait la compétence de la juridiction française ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur les troisième, quatrième et cinquième branches du moyen, ci-après annexé : - Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.