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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 mai 2018, n° 16-00025

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Malaval (SAS)

Défendeur :

JLV Corporation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

T. com. Montpellier, du 14 janv. 2015

14 janvier 2015

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Établissements Malaval (ci-après " la société Malaval ") et la société JLV Corporation (ci-après " la société JLV "), débitant de boissons exerçant sous le nom commercial " Le phare ", ont signé le 31 mai 2010 une convention d'approvisionnement exclusif de boissons pour une période de sept années, en fixant à 100 000 euros la valeur des achats annuels.

En l'absence de commande en janvier 2013, la société Malaval a adressé une mise en demeure à la société JLV le 8 février 2013 lui rappelant ses obligations d'approvisionnement, puis une seconde mise en demeure en date du 1er mars 2013, qui a été suivie d'une commande à hauteur de 4 311,68 euros. En l'absence de nouvelle commande, une troisième mise en demeure a été envoyée le 26 juillet 2013.

La société Malaval a assigné la société JLV le 30 octobre 2013 aux fins d'obtenir le paiement d'une indemnité de rupture et la réparation de son préjudice.

Par jugement du 14 janvier 2015, le Tribunal de commerce de Montpellier s'est déclaré compétent et a :

- prononcé la nullité de la convention d'approvisionnement exclusif du 31 mai 2010, pour défaut de cause,

- dit que les demandes de remboursement de matériels sont mal-fondées,

- débouté, en conséquence, les Établissements Malaval de l'intégralité de leurs demandes,

- condamné les Établissements Malaval à verser à la société JLV Corporation la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Vu l'appel interjeté le 14 décembre 2015 par la société Établissements Malaval,

Vu les dernières conclusions signifiées le 28 juin 2016 par la société Établissements Malaval par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 1134, 1152 et 1153 du Code civil,

Vu l'article L. 330-1 du Code de commerce,

Vu la convention d'approvisionnement en bières conclue pour une durée fixe de sept années moyennant une somme de 700 000 euros,

Vu l'article 5 de ladite convention,

Vu la jurisprudence,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Montpellier le 14 janvier 2015,

- constater que le contrat d'approvisionnement exclusif n'est pas de nature à affecter sensiblement le commerce entre pays de l'Union européenne,

- dire et juger en conséquence non applicable les dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

- rejeter la demande de nullité dudit contrat sur le fondement des dispositions dudit traité,

- constater la souscription par la société Établissements Malaval d'un engagement de caution au profit de la société JLV Corporation,

- constater la signature par la société Établissements Malaval d'une garantie à première demande au profit de la société X en garantie de la société JLV Corporation,

- constater que la durée du contrat d'achat excessif (sic) était de 7 ans, durée inférieure à celle établie par les dispositions de l'article L. 330-1 du Code de commerce,

- dire et juger causé le contrat d'approvisionnement exclusif signé entre les parties le 31 mai 2010,

- dire et juger que la clause pénale contenue dans le contrat d'approvisionnement exclusif n'est pas manifestement excessive,

- fixer la créance de la société Établissements Malaval au passif de la société JLV Corporation aux sommes suivantes :

* 96 858,36 euros au titre de l'indemnité de rupture unilatérale de la convention,

* 2 800 euros au titre de remboursement du matériel mis à disposition.

- condamner en outre la société JLV, représentée par la Selarl FHB, agissant par Maître Y, ès qualités d'administrateur judiciaire et par Maître Z, ès qualités de mandataire judiciaire à verser à la société Établissements Malaval la somme de 5 000 euros HT au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et en tous les dépens d'instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP A.

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 mai 2016 par la société JLV Corporation par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles R. 420-3 et L. 420-7 du Code de commerce,

Vu l'article 101 § 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999, devenu le règlement n° 330/2010 de la Commission européenne du 20 avril 2010,

Vu l'article 1131 du Code civil,

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par la société Établissements Malaval,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Montpellier en toutes ses dispositions autres que celles relatives à la compétence,

En conséquence et y ajoutant,

- prononcer la nullité de la convention d'approvisionnement exclusif au regard de l'article 101 § 3 du TFUE et de l'article 5 du règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 devenu règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010,

- prononcer la nullité de la convention d'approvisionnement exclusif pour défaut de cause,

- dire et juger que les demandes formées au titre des matériels prêtés sont mal fondées,

- débouter en conséquence la société Établissements Malaval de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Très subsidiairement,

- fixer à un euro symbolique le montant pouvant être réclamé à titre de clause pénale par la société Établissements Malaval,

En toutes hypothèses,

- condamner la société Établissements Malaval à verser à la société JLV Corporation une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître B.

La société Malaval fait valoir que le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101 du TFUE à certaines catégories d'accords verticaux ne s'applique pas au contrat conclu entre les parties, faute d'impact sur le commerce entre Etats membres, de sorte que toute nullité du contrat d'approvisionnement exclusif sur ce fondement devra être rejetée. Elle ajoute que la durée de sept années prévue au contrat est conforme à l'article L. 330-1 du Code de commerce, seul texte applicable à l'espèce.

La société Malaval soutient que le contrat est causé par l'engagement qu'elle a pris de se porter caution du prêt de 300 000 euros consenti par X à la société JLV et par la signature d'une garantie à première demande au profit de la société X en garantie de la société JLV, ce qui constitue une contrepartie suffisante à l'obligation d'exclusivité souscrite pour sept ans.

La société Malaval fait enfin valoir que la société JLV n'a pas respecté son obligation contractuelle d'achat de 100 000 euros par an, justifiant la mise en œuvre de la clause pénale à hauteur de 98 858,36 euros outre la restitution du matériel.

En réponse,

La société JLV soutient que le contrat la liant à la société Malaval est nul en application de l'article 101 § 2 du TFUE, pour violation du règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010, au motif que l'obligation de non-concurrence prévue au contrat dépasse la durée maximale de cinq ans prévue par ledit règlement, qu'à supposer même que ledit règlement ne soit pas applicable au contrat, il servirait de grille d'analyse pour appliquer le droit national et constater que la convention qui prévoit une clause d'approvisionnement exclusif pendant sept ans est nulle de plein droit.

La société JLV Corporation fait ensuite valoir que le contrat la liant à la société Établissements Malaval est nul pour défaut de cause puisque l'avantage économique correspondant à la prétendue souscription d'une caution du prêt consenti par X au profit de JLV est inexistant, de sorte que la société Malaval n'a fourni aucune contrepartie à l'engagement d'approvisionnement exclusif de la société JLV.

Subsidiairement, la société JLV conteste le montant de la clause pénale, évaluée à 100 000 euros par an, qu'elle estime excessive ainsi que la demande au titre du remboursement des matériels qui ne repose, selon elle, sur aucun fondement.

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article 101 § 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur ;

Qu'aux termes des lignes directrices 2004/C 101/07 relatives à la notion d'affectation du commerce, le critère de l'affectation du commerce intègre un élément quantitatif qui limite l'applicabilité du droit communautaire aux accords et pratiques qui sont susceptibles d'avoir des effets d'une certaine ampleur ;

Que les accords ne peuvent affecter sensiblement le commerce entre Etats membres lorsque la part du marché totale des parties sur un marché communautaire en cause affecté par l'accord n'excède pas 5 % et dans le cas des accords verticaux, lorsque le chiffre d'affaires annuel total réalisé dans la communauté par le fournisseur avec les produits concernés par l'accord n'excède pas 40 millions d'euros ;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort des termes du contrat que la société JLV s'est engagée à acheter exclusivement les produits commercialisés par la société Malaval pour un montant de 100 000 euros annuels hors taxes et hors droits pendant une durée de sept années, portant le chiffre annuel total réalisé à 700 000 euros ;

Qu'il résulte de ces chiffres, de la nature du contrat et du caractère de PME des sociétés en cause que les conditions d'affectation du marché communautaire ne sont pas établies et qu'il est difficile de concevoir que la convention litigieuse puisse affecter le marché intérieur ;

Que même si le règlement n° 330/2010 peut constituer une grille d'analyse des dispositions du droit national applicables à ce type d'accords, ledit accord ne pourrait être annulé sur ces bases, les premiers juges ayant justement considéré que nonobstant la durée de la clause d'exclusivité, aucune des autres conditions établissant une distorsion de concurrence n'étaient réunies, tant au regard des parts de marché, que du chiffre d'affaires réalisé ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article 1131 du Code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ;

Qu'en l'espèce, le contrat conclu entre les sociétés JLV et Malaval le 31 mai 2010 stipulait qu'en contrepartie du caractère exclusif des obligations de la société JLV, la société Malaval devait se porter caution du prêt consenti à la société JLV Corporation par la société X, ce qui constituait la cause de l'exclusivité consentie ;

Que néanmoins le prêt de 300 000 euros consenti le 3 septembre 2009 par la société X a été cautionné uniquement par Messieurs D, gérants de la société JLV, et non par la société Malaval, cette dernière ne respectant pas son engagement ;

Que la signature par la société Malaval le 7 décembre 2010 d'une garantie à première demande à hauteur de 150 000 euros pour le compte de la société JLV, garantie non prévue par le contrat d'approvisionnement exclusif, et ne conditionnant pas la validité dudit contrat, ne supplée pas la carence de la société Malaval à respecter son engagement de se porter caution ;

Qu'en conséquence, en l'absence de ladite caution, le contrat d'approvisionnement exclusif du 31 mai 2010 est dépourvu de cause et est donc nul ;

Qu'il y a lieu de rejeter les demandes d'indemnisation formulées en exécution de ce contrat ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Qu'en ce qui concerne la réclamation en restitution du matériel, que ce soit au titre du " premix tirage pour eau " ou au titre de " l'installation bière ", il appartient à la société Malaval de démontrer le bien-fondé de sa demande de remboursement de son matériel ;

Qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges par des motifs que la cour adopte, elle ne fournit aucun élément au soutien de sa demande ;

Que le jugement sera par conséquent également confirmé sur ce point ;

Que l'équité commande d'allouer à la société Malaval la somme complémentaire de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Déboute la société Établissements Malaval de toutes ses demandes, Condamne la société Établissements Malaval à verser à la société JLV Corporation la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Établissements Malaval aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître B.