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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 29 mai 2018, n° 16-00715

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Celosias de Levante (Sté)

Défendeur :

Décoceram Dépôt Service Carrelages (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Combes

Conseillers :

Mmes Jacob, Blatry

TGI Vienne, du 21 mai 2015

21 mai 2015

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Courant 2002, dans le cadre de travaux d'aménagement du pourtour de leur piscine, les époux X ont acquis, auprès de la société Dépôt Services Carrelages (DSC) du dallage fabriqué par la société Celosias de Levante (Celosias) pour un montant de 3 921,36 €

Alléguant un vice caché affectant ces carreaux, les époux X ont obtenu, par ordonnance de référé du 24 mars 2011, l'instauration d'une mesure d'expertise, avec la désignation en qualité d'expert de Monsieur Y.

Celui-ci, ses opérations accomplies, a déposé son rapport d'expertise le 29 février 2012.

Suivant exploit d'huissier du 5 avril 2012, Monsieur et Madame X ont fait citer, devant le Tribunal de grande instance de Vienne, DSC en condamnation à lui payer diverses sommes.

Par assignation du 20 septembre 2012, DSC a appelé en garantie Célosias.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement du 21 mai 2015 assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Vienne a :

- condamné in solidum DSC et Célosias à payer aux époux X les sommes de :

- 15 981,95 € en réparation de leur préjudice matériel,

- 5 000 € en réparation de leur préjudice de jouissance,

- débouté les époux X du surplus de leurs demandes,

- condamné DSC à payer aux époux X la somme de 2 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Célosias à relever et garantir DSC de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre,

- dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure au profit de Célosias,

- condamné Célosias aux dépens de l'instance.

Suivant déclaration en date du 15 février 2016, Célosias a relevé appel de cette décision.

Au dernier état de ses écritures en date du 24 août 2016, Célosias demande de :

1) à titre principal :

- constater l'absence de vice de fabrication des dallages et son absence de faute,

- rejeter l'intégralité des prétentions adverses,

2) subsidiairement :

- ramener l'indemnisation du préjudice matériel des époux X à la somme de 14 708,65 €,

- débouter les époux X de leur demande au titre d'un préjudice de jouissance,

3) très subsidiairement, ramener cette indemnisation à de plus justes proportions,

4) en tout état de cause, condamner les époux X ou qui mieux le devra à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 €.

Elle fait valoir que :

- il n'est démontré l'existence d'aucun vice caché du dallage litigieux,

- l'expert n'a fait procéder à aucune analyse par un laboratoire de contrôle sur un carreau neuf, non posé et restant du chantier ou même un carreau posé,

- seule une telle analyse aurait pu démontrer l'existence éventuelle d'un vice caché,

- aucune investigation n'a été mise en œuvre sur la pose du carrelage alors qu'une pose non conforme peut conduire aux dits désordres,

- l'expert judiciaire n'a pas même envisagé une responsabilité de l'entreprise de pose alors que son propre expert a pu relever la mise en œuvre d'un mortier maigre, impropre à la réalisation d'une dalle béton,

- ses adversaires, ayant fait le choix de ne pas mettre en cause l'entreprise de pose Juarez, doivent en assurer les conséquences,

- aucune investigation n'a été menée sur l'entretien du dallage litigieux,

- il ne peut leur être imputé les manques de la mesure d'expertise,

- il n'est pas davantage démontré l'existence d'une non-conformité du dallage,

- en sa qualité de société de droit espagnol et compte tenu de la rapidité du déroulement des opérations d'expertise, elle n'a eu d'autre solution que de recourir à un avis technique émanant d'une personne qualifiée.

Par conclusions récapitulatives du 29 août 2016, Monsieur et Madame X sollicitent la confirmation du jugement déféré, sauf à majorer le montant de l'indemnisation de leurs préjudices à 33 881,80 € ou, à défaut, 28 173,90 € au titre de leur préjudice matériel, de 20 000 € au titre de leur préjudice de jouissance, majorer leur indemnité de procédure de première instance à 5 000 € et condamner Célosias à leur payer la même somme en cause d'appel.

Ils exposent que :

- l'expertise n'est pas critiquable alors que l'expert s'est penché sur la question de la pose du carrelage et qu'une analyse par un laboratoire que Celosias n'a pas demandée, aurait été inutile en ce qu'elle ne pouvait reproduire la mise en situation extérieure du dallage,

- le délitement des carreaux expose les utilisateurs dont leurs enfants et petits-enfants à des blessures,

- le carrelage litigieux est non conforme alors que la notice technique expose qu'il est non gélif,

- l'acception sans réserve n'est pas en mesure d'exclure la garantie des vices cachés,

- leurs préjudices ont été insuffisamment réparés.

Par dernières écritures du 8 août 2016, la société Decoceram venant aux droits de DSC conclut à :

1) à titre principal,

- la réformation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée in solidum avec Celosias à indemniser les époux X,

- débouter les époux X de l'ensemble de leurs prétentions,

- les condamner à lui rembourser la somme de 23 481,95 € acquittée au titre de l'exécution provisoire et à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 €,

2) subsidiairement,

- dire qu'elle ne saurait être condamnée à prendre en charge la totalité d'une somme correspondant à la réfection totale des travaux,

- rejeter la demande d'indexation sur l'indice BT01,

- débouter les époux X de leur demande au titre d'un préjudice de jouissance,

- confirmer le jugement déféré sur la garantie qui lui est due par Celosias,

- condamner Celosias à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 €.

Elle explique que :

- elle a parfaitement rempli son obligation de conseil,

- la fiche technique du produit le présentait comme non gélif et conforme aux attentes des époux X,

- il ne peut être allégué les rigueurs du climat alors que les margelles de la piscine n'ont subi aucun désordre,

- l'expertise ne permet pas de déterminer la cause des désordres,

- il s'est borné à alléguer l'exposition aux intempéries,

- l'expert, n'a pas vérifié si la pose des dalles était conforme aux préconisations du fabricant,

- on peut déplorer l'absence de couche drainante,

- il n'est pas démontré l'existence d'un défaut répondant aux conditions de la garantie des vices cachés,

- à défaut, il conviendra de revoir à la baisse le quantum des indemnisations et prononcer à son bénéfice la garantie du fabricant.

La clôture de la procédure est intervenue le 20 mars 2018.

SUR CE

1/ Sur le vice caché

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminuent tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Il ressort du rapport d'expertise que :

- 19 dalles se délitent, ce qui se traduit par la désolidarisation d'éclats du revêtement,

- le traitement de surface a disparu sur un très grand nombre de dalles,

- il existe une différence frappante, en termes d'état de surface des dalles, selon qu'elles ont exposées aux intempéries ou protégées par la toiture de la maison,

- les margelles de la piscine, posées en même temps que les dalles litigieuses, sont dans un état convenable, alors qu'il s'agit de l'élément le plus sollicité par l'eau du bassin,

- ce délitement nuit à la circulation pieds nus.

L'expert relève que les dalles, pourtant garanties non gélives, se sont dégradées du fait de leur exposition aux intempéries et ne sont pas conformes à la norme ISO.

En réponse aux dires des parties, il met hors de cause la pose des dallages.

En tout état de cause, les dalles protégées sous la dépassée de toiture et mise en œuvre selon les mêmes modalités que le surplus du dallage ne sont pas dégradées, ce qui démontre bien que la pose n'est pas en cause.

L'expertise est sévèrement critiquée par Celosias, laquelle pourtant bien que représentée aux opérations d'expertise, s'est abstenue de solliciter quelques investigations techniques que ce soit et n'a présenté aucun dire.

Dès lors, c'est de façon pertinente que le tribunal a estimé que les conclusions du rapport d'expertise amiable que Celosias a fait exécuter après les opérations d'expertise sans, dès lors, le soumettre à la contradiction et permettre à l'expert d'y répondre, sont inopérantes.

Par voie de conséquence, les époux X établissent que le dallage vendu comme non gélif était défaillant sur ce point en ne résistant pas aux intempéries, ce qui constitue un défaut caché, antérieur à la vente et rendant le pourtour de la piscine sur lequel les dalles litigieuses sont posées, impropre à sa destination suite aux risques d'accident en cas de circulation pieds nus.

Célosias, en alléguant une réception sans réserve des dallages, opère une confusion entre la garantie des vices cachés et la responsabilité au titre de la délivrance non conforme.

Concernant la garantie des vices cachés, il ne peut être tiré aucune conséquence d'une réception sans réserve.

Dès lors, les époux X sont bien fondés à poursuivre, tant leur vendeur, professionnel censé connaître le vice, que le fabricant, vendeur initial, au titre de l'action indemnitaire des articles 1641 et suivants.

Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a condamné in solidum Decoceram et Celosias à réparer l'entier préjudice des époux X

2/ Sur l'indemnisation de Monsieur et Madame X

Sur la réparation du préjudice matériel

Le seul remplacement des dalles impactées par les désordres est impropre à réparer ce préjudice, ce qui impose une réfection intégrale des dalles.

L'expert a retenu ce poste comprenant la dépose des dalles, sa fourniture et sa pose pour la somme de 15 981,95 € TTC.

Contrairement à ce que prétend Célosias, la somme de 1 273,30 €, dont elle demande la déduction concernant l'étanchéité de surface, n'est pas comprise dans la somme à laquelle le tribunal l'a condamnée.

Dès lors, il n'y a pas lieu à soustraction de ce montant.

Nonobstant les réclamations infondées des époux X, il n'y a pas lieu de majorer cette indemnisation, la découpe des dalles étant comprise dans la pose ni de prévoir l'étanchéité qui constitue une amélioration comme justement retenu par le tribunal.

Il n'y a pas davantage lieu de se fonder sur d'autres éléments que ceux de l'expertise, revalorisant ces montants, alors que de surcroît la décision de 2015, proche du dépôt du rapport d'expertise, a été assortie de l'exécution provisoire permettant la mise en œuvre des travaux de réparation.

La décision déférée sera donc confirmée sur ce chef de demande.

Sur la réparation du trouble de jouissance

Ce poste comprend le préjudice moral et le préjudice de jouissance lié aux risques de blessures du fait du caractère désafleurant du carrelage.

Il ne saurait prendre en compte un éventuel retard dans le projet de construction d'une véranda dont il n'est pas démontré qu'il soit en lien avec le problème de dallage.

Ce poste a été justement indemnisé par l'allocation de la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts.

3/ Sur la demande en garantie de Decoceram

Celosias, vendeur/fabricant de produits affectés de vices cachés doit sa garantie à ce titre à son acheteur Decoceram.

Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a condamné Celosias à relever et garantir Decoceram de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des époux X, y compris l'indemnité de procédure.

Par voie de conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

4/ Sur les mesures accessoires

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au seul bénéfice des époux X et de Decoceram.

Celosias, qui succombe, supportera les dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne la société Celosias de Levante à payer à Monsieur et Madame X, d'une part, et à la société Decoceram, d'autre part, la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Celosias de Levante aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.