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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 31 mai 2018, n° 16-07247

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Sanofi SA, Sanofi Winthrop Industrie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Poinseaux

Conseillers :

Mmes Hecq-Cauquil, Chesnot

TGI Paris, du 1er juin 2015

1 juin 2015

M. Mahmoud K.-H., souffrant d'un diabète de type II et d'un surpoids avec un IMC supérieur à 28, s'est vu prescrire le 1er janvier 2008 par son médecin traitant une cure d'Acomplia, médicament fabriqué par le laboratoire Sanofi et dont le principe actif est le Rimonabant.

M. K.-H. a ainsi débuté le traitement à la mi-janvier 2008 et l'a suivi pendant 28 jours. A l'issue de cette période, ne constatant aucune amélioration, il a cessé de prendre ce médicament.

Subissant à partir de la mi-mars 2009 diverses sensations dans les jambes et constatant, le 14 mars, un commencement de paresthésie des membres inférieurs, il a été hospitalisé du 16 au 29 mars à l'hôpital Firouzgas à Téhéran.

Frappé le 2 avril 2008 d'une paralysie des quatre membres et d'une aggravation de ses troubles sphinctériens, il a été à nouveau hospitalisé à Téhéran du 5 au 19 avril à l'hôpital Kasra puis du 22 au 30 avril à l'hôpital Arad.

Sans explication connue, à partir du mois de septembre 2008, M. K.-H. a progressivement récupéré l'usage de ses membres. Il a cependant conservé des séquelles neurologiques et sensitives.

Imputant ses troubles à la prise du médicament Acomplia, M. K.-H. a saisi le juge des référés aux fins d'expertise au contradictoire des sociétés anonymes Sanofi Aventis et Sanofi Winthrop. Par ordonnance du 9 décembre 2010, une mesure d'expertise a été confiée à trois experts : le docteur Gérard G., endocrinologue et diabétologue, le docteur Philippe A., neurologue et le professeur Guy J., pharmacologue.

Les experts ont déposé leur rapport le 30 mai 2012.

M. K.-H., Mme Shahnaz K. son épouse ainsi que M. Shahin K.-H. et Mme Shayan K.-H. ses enfants (ci-après les consorts K.-H.) ont alors fait citer devant le Tribunal de grande instance de Paris la SA Sanofi et la SA Sanofi Winthrop Industrie aux fins de déclaration de responsabilité sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil et réparation de leurs préjudices.

Par jugement rendu le 1er juin 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a :

-Dit que le lien de causalité n'est pas établi entre, d'une part, la prise par M. K.-H. du médicament Acomplia, et d'autre part, la pathologie qu'il a développée à compter du 12 mars 2008 ;

-débouté en conséquence les consorts K.-H. de l'intégralité de leurs demandes ;

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-laissé les dépens à la charge des demandeurs.

M. K.-H., Mme Shahnaz K., M. Shahin K.-H. et Mme Shayan K.-H. ont fait appel de ce jugement par déclaration du 24 mars 2016.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2017, les consorts K.-H. demandent à la cour, au visa des articles 1386-1 et suivants ainsi que 1353 du Code civil, outre divers 'constatant' ou 'disant' qui sont la reprise de leurs moyens, de :

- Les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause formée par la société Sanofi Aventis, admis comme établi que M. K.-H. a " effectivement été exposé " au médicament Acomplia et dit que le dommage dont celui-ci se plaint, à savoir une neuropathie périphérique sensitive, était " parfaitement établi " ;

- l'infirmer pour le surplus ;

- dire et juger que le médicament Acomplia est un produit défectueux au sens de l'article 1386-4 du Code civil ;

- dire et juger que les sociétés Sanofi ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article 1386-11 du Code civil ;

- condamner in solidum la SA Sanofi et la SA Sanofi Winthrop Industries à les indemniser de l'ensemble de leurs préjudices subis du fait du caractère défectueux du médicament Acomplia en versant les sommes suivantes :

- à M. K.-H. :

* Dépenses de santé actuelles : 79 904,00 euros (A parfaire)

* Frais divers : 44 289,30 euros

* Pertes de Gains Professionnels Actuels : 257 709,50 euros

* Dépenses de Santé Futures : A parfaire

* Frais de logement et de véhicule adaptés : A parfaire

* Tierce personne future : 165.465 euros

* Pertes de Gains Professionnels Futurs : 1 237.746 euros

* Incidence professionnelle : 50 000 euros

* Déficit Fonctionnel Temporaire : 2 805 euros

* Pretium Doloris (4/7) : 25 000 euros

* Préjudice esthétique temporaire (4/7) : 15 000 euros

* Déficit Fonctionnel Permanent (20 %) : 60.000 euros

* Préjudice esthétique permanent (0,5/7) : 10 000 euros

* Préjudice d'agrément : 10 000 euros

* Préjudice sexuel : 7 500 euros

- à Mme K.-H. :

* Préjudice d'affection : 10 000 euros

* Préjudice sexuel : 7 500 euros

* Frais de déplacement lors des expertises : 1 195 euros

- à M. Shahin K.-H., les sommes de :

* Préjudice d'affection : 5 000 euros

* Frais de déplacement Angleterre / Iran : 317,25 euros

- A Mme Shayan K.-H., la somme de :

* Préjudice d'affection : 5 000 euros

- dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 20 décembre 2012 ;

- dire que ces intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise pour un montant total de 9 000 euros, et au paiement d'une somme de 10 000 euros à M. K.-H. sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 7 mars 2018, les sociétés anonymes Sanofi et Sanofi Winthrop Industrie prient la cour, au visa des articles 1386-1 du Code civil et 202 du Code de procédure civile, de :

- Infirmer partiellement le jugement déféré ;

- mettre hors de cause la société Sanofi ;

- rejeter des débats l'attestation établie par M. J.Shahhosseini le 24 septembre 2011comme irrégulière au regard de l'article 202 du Code de procédure civile ;

- juger irrecevable l'action de la famille K.-H. en raison de l'absence de preuve de la délivrance et de l'administration d'Acomplia à M. K.-H. ;

- confirmer le jugement du 1er juin 2015 en ce qu'il a déclaré que le lien de causalité n'est pas établi entre la prise par M. Mahmoud K.-H. du médicament Acomplia et la pathologie qu'il a développée, et en ce qu'il a débouté M. Mahmoud K.-H., Mme Shahnaz K., M. Shahin K.-H. et Mme Shayan K.-H. de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Sanofi Winthrop Industrie ;

A titre subsidiaire sur les préjudices :

- Débouter les consorts K.-H. de l'ensemble de leurs demandes ;

A titre infiniment subsidiaire sur les préjudices :

Sur les demandes d'indemnisation des préjudices de M. K.-H.,

- ramener à une plus juste mesure les évaluations des indemnisations des préjudices sollicitées, indemnisations qui ne sauraient être supérieures aux sommes maximales suivantes :

Préjudices patrimoniaux temporaires :

- Frais divers :

Assistance tierce personne temporaire : l'indemnisation ne saurait être supérieure à la somme de 100 766 000 IRR (soit l'équivalent à ce jour de 3 001)

* Frais de transport aux accedits : l'indemnisation ne saurait être supérieure à la somme de 628,80 euros

* Frais d'hébergements lors des accedits : l'indemnisation ne saurait être supérieure à la somme 940 euros

- Perte de gains professionnels futurs : Débouté.

Préjudices patrimoniaux permanents :

- Perte de gains professionnels futurs : l'indemnité ne saurait être supérieure à la somme de 1 440M IRR (soit l'équivalent à ce jour de 50 033 euros)

Préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

- Déficit Fonctionnel Temporaire : l'indemnité ne saurait être supérieure à la somme de 2 726 euros

- Souffrances endurées : l'indemnité ne saurait être supérieure à la somme de 3 000 euros

- Préjudice esthétique temporaire : l'indemnité ne saurait être supérieure à la somme de 1 500 euros

Préjudices extra patrimoniaux permanents :

- Déficit Fonctionnel Permanent : l'indemnité ne saurait être supérieure à la somme de 10 000 euros

- Préjudice esthétique : l'indemnité ne saurait être supérieure à la somme de 750 euros

- Préjudice sexuel : l'indemnité ne saurait être supérieure à la somme de 1 000 euros ;

Sur les demandes d'indemnisation des préjudices de Mme Shahnaz K., M. Shahin K.-H. et Melle Shayan K.-H. :

-ramener à une plus juste mesure les évaluations des indemnisations des préjudices sollicités, indemnisations qui ne sauraient être supérieures aux sommes maximales suivantes :

- Préjudices de Mme K. épouse K.-H. :

* L'indemnité ne saurait être supérieure à 3 000 euros pour son préjudice d'affection

* L'indemnité ne saurait être supérieure à 1 000 euros pour son préjudice sexuel

- Préjudice de M. Shahin K.-H. :

* L'indemnité ne saurait être supérieure à 1 000 euros pour son préjudice d'affection

- Préjudice de Mme Shayan K.-H. :

* L'indemnité ne saurait être supérieure à 1 000 euros pour son préjudice d'affection ;

En tout état de cause,

- condamner les consorts K.-H., à payer à la société Sanofi Winthrop Industrie la somme de 15 000 euros et à la société Sanofi la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance clôturant l'instruction de l'affaire a été rendue le 14 mars 2018.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de mise hors de cause de la société Sanofi :

Les sociétés intimées sollicitent l'infirmation du jugement qui a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Sanofi, en faisant valoir que le producteur du médicament Acomplia est identifié et présent au litige, s'agissant de la société Sanofi Winthrop Industrie laquelle est seule responsable du défaut de sécurité allégué, de sorte qu'il n'est pas utile d'appeler en la cause la société holding Sanofi qui n'est que la titulaire de la marque figurant sur le produit.

Aux termes de l'article 1386-6 devenu 1245-5 du Code civil, le fabricant d'un produit fini est désigné prioritairement comme producteur mais il est aussi prévu, pour l'application du régime des produits défectueux, édicté aux articles 1386-1 à 1386-18 devenus 1245-1 à 1245- 17 du même Code, que sont assimilés à un producteur deux autres types de professionnels, celui qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif et celui qui importe un produit dans la Communauté européenne. Il résulte de cette disposition que le législateur a entendu faciliter le recours de la victime en désignant comme responsables en qualité de producteur les personnes qui se présentent comme producteur ou qui sont des acteurs de la distribution du produit au sein de la Communauté européenne.

Aucune subsidiarité n'étant prévue par le texte, il n'y a pas lieu d'ajouter à la loi en interdisant au consommateur du produit défectueux d'assigner à la fois le propriétaire de la marque, assimilé au producteur, et le fabricant du produit désigné à titre principal comme " producteur ".

Le jugement ayant rejeté la demande tendant à la mise hors de cause de la société Sanofi est confirmé.

Sur le fond :

En vertu de l'article 1386-1 devenu 1245 du Code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Selon l'article 1386-4 devenu 1245-3 de ce Code, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, laquelle doit s'apprécier en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qu'il peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Ainsi, le seul fait que le produit soit intervenu dans la réalisation du dommage ne suffit pas à caractériser son défaut.

Enfin, il résulte de l'article 1386-9 devenu 1245-8 du même Code que " le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ". Cette preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes au sens de l'article 1353 ancien du Code civil.

Sur l'exposition au produit litigieux :

Les sociétés intimées soutiennent que M. K.-H. ne rapporte pas la preuve qu'il a réellement pris de l'Acomplia car il n'établit la délivrance de deux boites de ce médicament qu'en produisant une attestation rédigée par un ami, attestation d'une part non conforme aux exigences de l'article 202 du Code de procédure civile et devant de ce fait être écartée des débats et d'autre part composée de deux versions en langues anglaise et française comportant des différences significatives.

M. K.-H. répond que les experts judiciaires ont été convaincus qu'il a bien ingéré des comprimés d'Acomplia, que les dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et que l'attestation dont s'agit a été traduite par un traducteur assermenté.

Il est constant que le docteur Ebrahim S., médecin traitant de M. K.-H., lui a rédigé le 1er janvier 2008 une ordonnance comportant la prescription d'un comprimé d'Acomplia par jour, que ce médicament n'a jamais été commercialisé en Iran mais que M. K.-H. était en possession d'une boîte non consommée de ce médicament qu'il a pu transmettre à la société Sanofi Aventis à Téhéran pour contrôle ainsi que cela résulte des opérations d'expertise judiciaire. La date de fabrication de cette boîte, qui selon M. K.-H. faisait partie d'un achat simultané de deux boîtes comportant chacune 28 comprimés dont une seule a été consommée, est compatible avec une prise de ce médicament du 20 janvier et 17 février 2008 à raison d'un comprimé par jour (soit 28 comprimés d'une première boîte).

Les déclarations de M. K.-H. qui expose avoir demandé à un ami se rendant à l'étranger d'y acheter pour lui ce médicament sont compatibles avec ces faits constants.

Ces éléments établissent à suffisance que M. K.-H. a été effectivement exposé au médicament Acomplia sans qu'il soit nécessaire d'examiner la régularité et la force probante de l'attestation litigieuse.

Sur le dommage :

Les sociétés Sanofi font valoir que selon avis médical établi par le docteur Jean-Marc L., neurologue désigné par l'association pour la recherche en neurologie à laquelle elles s'étaient adressées pour obtenir un avis indépendant, le dommage subi par M. K.-H. serait vraisemblablement une myélopathie (myélite) de niveau dorsolombaire dont la cause serait indéterminée, que ce diagnostic n'a pas été évoqué par les experts judiciaires et rend pour le moins aléatoire l'appréciation de toute responsabilité au titre du produit Acomplia. Elles concluent donc à de fortes incertitudes sur la nature exacte de la pathologie dont a souffert M. K.-H..

M. K.-H. répond que les experts judiciaires ont longuement fait la démonstration de ce que son affection rentrait dans le cadre des polyneuropathies et plus précisément dans le sous-groupe des polyradiculoneuropathies ou polyradiculonévrites, que l'avis rédigé par le docteur L. qui entretient par le biais de la Société française de neurologie dont il était le président des liens financiers avec le groupe Sanofi n'est pas de nature à remettre en question les conclusions contradictoirement établies par le collège d'experts judiciaire. Il conclut à la confirmation du jugement qui a retenu que son dommage était parfaitement établi.

La cour rappelle de manière liminaire qu'il appartient d'abord à M. K.-H. de rapporter la preuve du dommage subi et que la question de la cause de ce dommage sera examinée dans le cadre de la preuve du lien de causalité entre le produit allégué comme défectueux et le dommage.

L'existence du dommage subi par M. K.-H. sera appréciée au vu du rapport d'expertise médicale établi par un collège de trois experts dont les spécialités se complètent, leur désignation dans le cadre d'une mesure judiciaire attestant de leur indépendance alors que l'avis médical rédigé par le docteur L., dont les compétences médicales ne sont pas en cause, ne peut pas se voir accorder le même crédit dès lors qu'il a été réclamé par les sociétés intimées à la Société française de neurologie dont le docteur L. était le président puis le secrétaire général et qui entretient des liens de mécénat avec le groupe Sanofi.

La cour relève, comme les premiers juges, que les experts ont adopté des conclusions claires et parfaitement argumentées, l'impression de confusion qui leur est reprochée ne résultant que de la présentation formelle de leurs réponses aux dires. Ils ont posé le diagnostic de " neuropathie périphérique sensitive " et de paresthésies dans la synthèse générale du rapport, après avoir précisé dans le corps du rapport que : " Dans le cas présent, le caractère aigu et partiellement réversible des troubles neurologiques est très évocateur d'une polyradiculo-neuropathie avec peut-être une atteinte médullaire associée (un signe de Babinsky aurait été constaté à la phase aïgue. (...) On peut donc affirmer que, selon toute vraisemblance, l'affection de M. K. H., selon la classification de l'HAS, rentre dans le cadre des polyneuropathies, et plus précisément dans le sous-groupe des polyradiculo-neuropathies ou polyradiculonévrites ".

Ces conclusions s'appuient sur les comptes-rendus des électromyogrammes effectués les 18 mars 2008 (" Ses résultats sont compatibles avec une polyneuropathie périphérique démyélinisante et axonale mixte sensori-motrice symétrique chronique. ") et 19 juin 2008 (" Conclusion : Polyneuropathie périphérique sensori-motrice mixte démyélinisante et axonale, principalement démyélinisante (...) Myélite supplémentaire + NP ne peuvent pas être écartées par EMG ", la cour observant comme les experts que ces comptes-rendus n'excluent pas une atteinte médullaire associée.

Il en résulte que le dommage dont se plaint M. K.-H., qu'a minima, on peut désigner comme une " polyneuropathie ", est parfaitement établi quand bien même il résulte de l'expertise judiciaire qu'en l'état des données médicales présentées aux experts, et notamment en l'absence du compte-rendu de la ponction lombaire réalisée le 20 mars 2008, il est difficile de trancher entre une neuropathie périphérique et une atteinte médullaire ou même pour une pathologie unique ou la coexistence des deux types d'atteinte neurologique.

Sur le lien de causalité entre la prise du médicament et le dommage :

Si la responsabilité du fait des produits défectueux requiert que le demandeur prouve le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, la participation du produit à la survenance du dommage est un préalable implicite, nécessaire à l'exclusion éventuelle d'autres causes possibles de la maladie.

M. K.-H. affirme qu'il ne peut pas être exigé du demandeur une preuve scientifique certaine du rôle causal du produit et qu'il appartient aux juges de rechercher si les circonstances peuvent constituer des présomptions graves, précises et concordantes d'une imputabilité de la polyneuropathie au médicament Acomplia. Dans ce cadre, il fait valoir que son cas n'est pas isolé puisqu'il est acquis que les troubles neurologiques et les paresthésies sont des complications fréquentes d'Acomplia, que les premiers signes de la maladie se sont développés juste après la prise du médicament, que toute interaction médicamenteuse a été exclue par les experts. Il soutient que l'hypothèse d'une origine diabétique est à écarter dès lors que la neuropathie a disparu en bout de quelques mois alors qu'il était toujours diabétique, cette rémission s'expliquant au contraire par l'arrêt des effets du médicament, que les experts ont admis le diagnostic de neuropathie diabétique après avoir éliminé toute autre cause possible, que le postulat d'un diabète mal équilibré est erroné et cette maladie subie depuis 13 années à l'époque des fait ne lui avait jamais fait subir des troubles neurologiques, que même si on admet que le diabète a pu être un facteur favorisant, le lien de causalité entre le médicament et la pathologie n'est pas pour autant rompu dès lors que ce médicament est justement destiné aux personnes diabétiques. Il conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce que les premiers juges ont dit en se contredisant que le lien de causalité pouvant se déduire de présomptions graves, précises et concordantes n'était pas établi avec certitude.

Les sociétés Sanofi font valoir qu'en l'espèce, les critères chronologique, sémiologique et bibliographique, habituellement retenus pour déterminer l'imputabilité du dommage au produit défectueux, ne sont pas remplis, que les experts judiciaires ne retiennent que l'existence d'un lien de causalité " vraisemblable " sans pouvoir exclure la responsabilité du diabète dont souffre M. K.-H., qu'après avoir étudié les RCP d'Acomplia, les données de pharmacovigilance et les effets secondaires rapportés par la littérature, le docteur L. retient que le lien de causalité est douteux quelle que soit la pathologie retenue (neuropathie périphérique ou myélite), qu'au surplus, il y a lieu de retenir que le cas de M. K.-H. est unique du fait de la particulière gravité de sa pathologie et que la maladie diabétique, qu'elle soit équilibrée ou non, est la première cause de neuropathie dans le monde. Les intimées concluent donc à la confirmation du jugement déféré.

Les premiers juges ont relevé à juste titre que les experts judiciaires, après avoir évoqué les antécédents médicaux de M. K.-H., notamment un diabète de type II diagnostiqué en 1995, ont retenu que les premiers symptômes de la pathologie dont il a été victime sont apparus début mars 2008, soit 15-20 jours après la dernière prise d'Acomplia, précisant que tous les effets secondaires causés par Acomplia se manifestaient, dans plus de 50 % des cas au cours du premier mois de traitement, et dans plus de 80 % des cas au cours des trois premiers mois de traitement et qu'ils ont également tenu compte des relevés de pharmacovigilance fournis par les laboratoires pharmaceutiques Sanofi-Aventis, lesquels font état de paresthésies (19,30 % des 751cas analysés) et de neuropathies périphériques (1,07 % des 751 cas analysés, soit huit cas) et qu'ils en concluent que le lien de causalité entre la pathologie de M. K.-H. et la prise du médicament Acomplia est vraisemblable (cotation 3) sur une échelle codifiée comme suit : 0 = exclu, 1 = douteux, 2 = possible, 3 = vraisemblable, 4 = très vraisemblable, 5 = certain.

Cette conclusion résulte aussi, selon les experts, du fait que le cas de M. K.-H. est exceptionnel en raison de la sévérité de l'atteinte neurologique et surtout de l'atteinte motrice.

En qualifiant de vraisemblable le lien de causalité entre l'ingestion du médicament et la survenue de la pathologie, les experts n'ont pas totalement exclu l'existence d'un tel lien qui pourrait être établi par un faisceau composé d'autres indices relevés et justifiés par le demandeur.

Toutefois, force est de constater, à l'instar des premiers juges, que les experts ont également noté que " le rôle possible du diabète ne peut en effet certainement pas à être exclu formellement, soit comme facteur étiologique unique soit comme facteur associé ou favorisant. (...) Rien ne distingue formellement une polyradiculonévrite d'origine diabétique ou d'origine médicamenteuse. " En réponse à un dire des sociétés Sanofi, les experts indiquent que le diabète figure en première place des causes de polyneuropathie relevées dans le guide de l'HAS publié en 2007 et que : " On voit donc que, dans le cas de M. K.-H., deux causes possibles étaient présentes : le diabète et un facteur médicamenteux. "

Dès lors, il existe bien une autre cause possible aux troubles neurologiques subis par M. K.-H., peu important de savoir si le diabète était bien ou mal équilibré à cette époque dès lors que la maladie diabétique est susceptible en elle-même de susciter des troubles neurologiques, le mauvais contrôle du diabète, ainsi que sa durée, n'entraînant qu'une augmentation des risques.

Dans ces conditions, dès lors qu'une polyneuropathie périphérique peut être causée par la maladie diabétique et que M. K.-H. a été atteint soit d'une polyneuropathie périphérique soit d'une myélite, les autres présomptions tirées de la chronologie des faits, de l'absence d'interaction d'Acomplia avec les traitements suivis par M. K.-H., de l'absence d'antécédents chez M. K.-H., de l'indication dans les documents médicaux (Vidal, RCP et relevé de pharmacovigilance) de troubles identiques chez les patients traités par Acomplia ne permettent pas d'établir le lien de causalité nécessaire entre la prise du médicament et la pathologie développée.

La cour retient par ailleurs que la particulière sévérité, qui n'avait pas été observée chez les huit cas sur 751 analysés par la société Sanofi-Aventis dans son relevé de pharmaco-vigilance, de la pathologie subie par M. K.-H. ainsi que la perte brutale, quelques jours après l'arrêt du traitement, de onze kgs alors qu'il n'était pas prévu que le traitement entraîne un amaigrissement si important, constituent des présomptions en faveur d'une autre cause que l'ingestion du médicament Acomplia.

Il en résulte que, sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la défectuosité du médicament Acomplia, le jugement déféré qui a débouté M. K.-H. de son action fondée sur la responsabilité des produits défectueux en raison de l'absence de preuve d'un lien de causalité entre le dommage et la prise du médicament est confirmé.

Sur les autres demandes :

Les consorts K.-H. qui succombent en leur appel supporteront la charge des dépens.

Compte-tenu des circonstances de la cause et des situation économiques respectives des parties, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit des sociétés intimées.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par décision contradictoire, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne in solidum M. Mahmoud K.-H., Mme Shahnaz K. , M. Shahin K.-H. et Mme Shayan K.-H. aux entiers dépens de la procédure d'appel ; Rejette toute autre demande. Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.