CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 1 juin 2018, n° 15-20521
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Villeroy & Boch AG (SA), Villeroy & Boch Arts de la Table (Sasu)
Défendeur :
Cinar Trading BV (Sté), MT Import-Export (SARL), Selarlu Bailly MJ(ès qual.), Tuil, Vitexport (SARL), Canet (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Renard, Lehmann
Avocats :
Mes Flauraud, Legrand, Boccon-Gibod, Le Pechon-Joubert, Lesenechal
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société de droit allemand Villeroy & Boch AG est titulaire de deux modèles internationaux désignant la France sur une tasse à café et sa sous-tasse qui ont été respectivement enregistrés le 2 août 2002, sous le numéro DM/060 953 et le 12 février 2003 sous le numéro DM/062 896 et ont été renouvelés.
La société Villeroy & Boch Arts de la Table, filiale de la société Villeroy & Boch AG, assure la distribution exclusive des produits des arts de la table fabriqués par la société allemande et commercialise notamment les produits correspondant aux modèles en cause fabriqués en porcelaine sous la dénomination " New Wave Caffe " dans le service de vaisselle " New Wave ".
Madame Nathalie Plouvier épouse Tuil exploite, en nom propre, un commerce de décoration, architecture d'intérieur dans une boutique où elle vend des produits au détail comme des articles de vaisselle, sous l'enseigne " Claude Tuil " qui se situe au 238 rue du Faubourg Saint-Honoré, à Paris (75008).
La société Villeroy & Boch AG a découvert en 2013 que madame Tuil offrait à la vente dans son magasin des coffrets de 6 tasses à café reproduisant, selon elle, les tasses et sous-tasses de sa collection " New Wave Caffe " qui étaient revêtues au dos de la mention " Cinar ".
Dûment autorisée par ordonnance présidentielle, la société Villeroy & Boch AG a fait pratiquer le 18 mars 2013 une saisie-contrefaçon dans la boutique de madame Tuil.
Les opérations menées le 18 mars 2013 ont révélé que les produits litigieux avaient été achetés auprès des sociétés grossistes MT Import-Export et Vitexport.
C'est dans ces conditions que les sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la table ont fait assigner madame Tuil par exploit délivré le 29 mars 2013, en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire.
Postérieurement et suivant autorisations du président du Tribunal de grande instance de Paris, la société Villeroy & Boch AG a fait pratiquer deux nouvelles saisies-contrefaçon,
- le 12 avril 2013, au siège social de la société MT Import-Export, qui a notamment pour activité le commerce de gros en import -export de vaisselle, ustensiles de cuisine et quincaillerie.
- le 18 mai 2013, au siège social de la société Vitexport, qui pour activité la vente en détail et en gros des articles de cuisine et de décoration. Au cours de ces opérations, les sociétés grossistes ont révélé qu'un certain nombre de produits litigieux avaient été acquis auprès de la société de droit néerlandais Cinar Trading B.V (ci-après la société Cinar), située à Eindhoven aux Pays-Bas.
Sur requête en date du 7 mai 2013 déposée aux Pays-Bas, la société Villeroy & Boch AG a été autorisée à pratiquer une saisie-contrefaçon au siège social de la société Cinar selon la loi néerlandaise, pour obtenir des informations sur les produits litigieux commercialisés.
La saisie-contrefaçon a été pratiquée le 15 mai 2013 à Eindhoven.
Par exploits en date des 6 mai, 12 et 17 juin 2013, les sociétés Villeroy &Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la table ont fait assigner les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire.
Les procédures ont été jointes.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 11 juin 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré les moyens en défense de la société Cinar recevables,
- débouté les sociétés Villeroy & Boch AG de leur demande de rejet des pièces produites par la société Cinar n° 1 à 5, 7, 9, 14,
- débouté la société Cinar de sa demande de rejet des pièces des demanderesses n° 36, 37, 38, 39, 40, 41,
- déclaré la société Villeroy & Boch AG recevable à agir en contrefaçon des droits d'auteur et de la partie française de ses modèles internationaux DM/O60953 et DM/O62 696, correspondant aux tasses et sous-tasses de la collection " New Wave ",
- dit qu'en ayant importé, détenu, offert à la vente et vendu des tasses et sous-tasses qui reproduisent les caractéristiques essentielles originales du modèle de tasse et sous-tasse de la collection " New Wave " de la société (sic), madame Tuil et les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar ont commis des actes de contrefaçon des modèles au détriment de la société Villeroy & Boch AG et porté atteinte à ses droits d'auteur,
- dit que madame Tuil et les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Villeroy & Boch Arts de la Table,
En conséquence,
- interdit à madame Tuil et aux sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar d'importer, de détenir, d'offrir à la vente et de commercialiser, les produits portant atteinte aux droits d'auteur et des modèles de tasses et sous-tasses de la société Villeroy & Boch AG, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée, c'est-à-dire par tasse à café ou sous-tasse, cette astreinte prenant effet passe un délai d'un mois suivant la signification du jugement et courant pendant un délai de trois mois,
- ordonné aux sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar de détruire la totalité du stock de tasses et sous-tasses en leur possession en France, sous contrôle d'un huissier de leur choix et à leurs frais, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, c'est-à-dire par tasse à café ou sous-tasse, cette astreinte prenant effet passe un délai d'un mois suivant la signification du jugement et courant pendant un délai de trois mois,
- dit n'y avoir lieu au rappel des circuits commerciaux de toutes les tasses et sous-tasses contrefaisantes,
- constaté que les demandes de destruction à l'encontre de madame Tuil sont sans objet,
- s'est réservé la liquidation des astreintes ordonnées,
- condamné in solidum les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar à payer à la société Villeroy & Boch AG les sommes suivantes :
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à ses modèles et à son droit d'auteur,
- 12 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial consécutif aux actes de contrefaçon,
- condamné in solidum les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar à payer à la société Villeroy & Boch Arts de la Table la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial consécutif aux actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- condamné Madame Tuil à payer à la société Villeroy & Boch AG la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice consécutif à l'atteinte aux modèles et aux droits d'auteur, et celle de 1 000 euros au titre du préjudice économique consécutif aux actes de contrefaçon,
- condamné Madame Tuil à payer à la société Villeroy & Boch Arts de la Table la somme de 1 000 euros au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
- condamné in solidum les sociétés MT Import-Export et Cinar Trading B.V à garantir madame Tuil de toutes condamnations mises à charge, indemnitaires et au titre des frais irrépetibles,
- débouté les sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table de leur demande d'information complémentaire,
- débouté les sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table de leur demande de publication judiciaire,
- débouté la société MT Import-Export de sa demande de garantie à l'encontre de la société Cinar,
- débouté Madame Tuil de sa demande en réparation du préjudice subi à l'encontre des sociétés Cinar Trading BV et MT Import-Export,
- débouté les sociétés MT Import-Export et Cinar de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar Trading BV à payer aux sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table la somme globale de 6 000 euros incluant les frais des saisies-contrefaçon au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné madame Tuil à payer aux sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table la somme globale de 2 000 euros incluant les frais de la saisie-contrefaçon au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à l'exception des mesures de destruction,
- condamné in solidum Madame Tuil et les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar Trading BV aux dépens entre elles,
- accordé à Maître Stéphanie Legrand de la SEP Legrand Lesage Catel Gaultier, avocats, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Les sociétés Villeroy & Boch AG, Villeroy & Boch Arts de la Table et Cinar ont respectivement interjeté appel du jugement par déclaration au greffe en date du 18 octobre 2015 et du 7 janvier 2016.
Les procédures ont été jointes.
Par ordonnance sur incident du 9 février 2017, le juge de la mise en état a :
- fait injonction à la société Cinar Trading BV, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance, de communiquer à la société Villeroy & Boch AG, pour l'ensemble des références de produits en cause dans l'actuel litige HYT047M - 2009000141, HYT047MG - 2010000104, HYT047MS - 2010000105, HYT047S - 2009000142, HYT047SG - 2010000106, HYT047SS - 2010000107, HYT047MD et HYT047MB, les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants basés en France, les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, le chiffre d'affaires résultant de la vente de ces produits, la durée de cette commercialisation, ainsi que les documents comptables justifiant de ces éléments, certifies conformes par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable.
- fait injonction à la société MT Import-Export, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, de communiquer à la société Villeroy & Boch AG, pour l'ensemble des références de produits en cause dans l'actuel litige HYT047M - 2009000141, HYT047MG - 2010000104, HYT047MS - 2010000105, HYT047S - 2000000142, HYT047SG - 2010000106, HYT047SS - 2010000107, HYT047MD et HYT047MB, les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants, les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, le chiffre d'affaires résultant de la vente de ces produits, la durée de cette commercialisation, ainsi que les documents comptables justifiant de ces éléments, certifiés conformes par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile à ce stade du litige.
- rejeté le surplus des demandes.
- réservé les dépens de l'incident.
- fixé un nouveau calendrier de procédure.
Par jugement en date du 27 mars 2015 le Tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la société Vitexport, la SCP Canet-Morand en la personne de maître Patrick Canet ayant été désignée liquidateur. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 29 novembre 2016.
Par jugement du 3 mai 2017, le Tribunal de commerce de Bobigny a prononcé une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'encontre de la société MT Import-Export, la Selarlu Bally MJ ayant été désignée liquidateur. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 28 février 2018.
Par ordonnance du 1er juin 2017, le juge de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance.
Par acte d'huissier du 17 décembre 2015, la SCP Canet-Morand, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société Vitexport, a été régulièrement assignée en intervention forcée.
Par acte d'huissier du 7 juin 2017, la Selarlu Bally MJ, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société MT Import-Export, a été régulièrement assignée en intervention forcée.
Madame Nathalie Plouvier épouse Tuil a été régulièrement citée le 11 janvier 2016 selon les modalités de l'article 659 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions électroniques notifiées le 27 septembre 2017, les sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table (ci-après les sociétés Villeroy & Boch) demandent à la cour, au visa des articles L. 122-4, L. 331-1-3, L. 335-2, L. 513-4, L. 513-5, L. 515-1 et L. 521-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, 10 de la Convention de l'Union de Paris, 1382 du Code civil et L. 121-1 du Code de la consommation, de :
- confirmer le jugement du 11 juin 2015 en ce qu'il a débouté la société Cinar de sa demande de rejet des pièces produites par les sociétés Villeroy & Boch sous les n° 36, 37, 38, 39, 40 et 41, déclaré la société Villeroy & Boch AG recevable et bien fondée à agir en contrefaçon des droits d'auteur et de la partie française de ses modèles internationaux DM/060 953 et DM/062 696, correspondant aux tasses et sous-tasses de la collection " New Wave Caffe ", dit qu'en important, en détenant, en offrant à la vente et en vendant des tasses et sous-tasses qui reproduisent les caractéristiques essentielles originales du modèle de tasse et sous-tasse de la collection New Wave Caffe, madame Tuil et les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar Trading BV se sont rendues coupables, au préjudice de la société Villeroy & Boch AG, de contrefaçon de droits d'auteurs et de la partie française des modèles internationaux DM/060 953 (reproductions n° 9.1 à 9.4) et DM/062 896 (reproductions n° 1.1 à 2), dit que Madame Tuil et les sociétés MT Import Export, Vitexport et Cinar Trading BV ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Villeroy & Boch Arts de la Table, interdit à Madame Tuil et aux sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar Trading BV d'importer, de détenir d'offrir à la vente et de commercialiser, les produits portant atteinte aux droits d'auteur et des modèles de tasse et sous-tasses de la société Villeroy & Boch AG, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, c'est-à-dire par tasse de café ou sous-tasse, cette astreinte prenant effet passé un délai d'un mois suivant la signification du jugement et courant pendant un délai de trois mois, ordonné aux sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar Trading BV de détruire la totalité du stock de tasses et sous-tasses en leur possession en France, sous contrôle d'un huissier de leur choix et à leurs frais, sous astreinte de 100 euros par infractions constatées, c'est-à-dire par tasse de café ou sous-tasse, cette astreinte prenant effet passé un délai d'un mois suivant la signification du jugement et courant pendant un délai de trois mois, débouté les société MT Import-Export et Cinar Trading BV de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 Code de procédure civile, condamné in solidum Madame Tuil et les société MT Import-Export, Vitexport et Cinar Trading BV aux dépens et accordé à Maître Stéphanie Legrand de la SEP Legrand Lesage-Catel Gaultier, Avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
- l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,
- constater que la société Cinar n'entend plus se prévaloir du catalogue produit en première instance sous le n° 14 ; écarter en conséquence cette pièce des débats,
- écarter des débats comme dépourvues de toute valeur probante les photocopies illisibles et les captures d'écran ou pièces d'origine inconnue produit par la société Cinar Trading BV sous les n° 3.1, 3.2, 3.3, 3.4, et 5.4,
- juger que les astreintes assortissant les mesures d'interdiction et de destruction du stock en leur possession prononcées par le tribunal seront portées à 150 euros par infraction constatée et produiront effet, en ce qui concerne la société Vitexport, à l'encontre de la SCP Canet-Morand, liquidateur judiciaire et en ce qui concerne la société MT Import-Export, à l'encontre de la Selarlu Bally MJ, liquidateur judiciaire,
- ordonner le rappel des circuits commerciaux et la destruction devant huissier, sous leur contrôle et aux frais des sociétés Cinar Trading BV, MT Import-Export prise en la personne de la Selarlu Bally MJ, liquidateur judiciaire, de la société Vitexport prise en la personne de la SCP Canet-Morand, liquidateur judiciaire, et de Madame Plouvier épouse Tuil tenues in solidum, de tous les articles contrefaisants et/ou constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire, et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- se réserver la liquidation des astreintes ordonnées,
- condamner in solidum les sociétés Cinar, MT Import-Export et madame Plouvier épouse Tuil à verser à la société Villeroy & Boch AG :
- la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts pour l'atteinte portée aux droits dont elle est titulaire sur le modèle international DM/060 953,
- la somme de 50 000 euros à titre dommages intérêts pour l'atteinte portée aux droits dont elle est titulaire sur le modèle international DM/062 896,
- la somme de 161 117 euros à titre de dommages intérêts, sauf à parfaire ou compléter (sic), en réparation du préjudice résultat de la marge industrielle perdue par elle,
- fixer aux mêmes sommes la créance de la société Villeroy & Boch AG à l'encontre de la société Vitexport prise en la personne de la SCP Canet-Morand, liquidateur judiciaire, et de la société MT Import-Export, prise en la personne de la Selarlu Bally MJ, liquidateur judiciaire,
- condamner in solidum les sociétés Cinar Trading, MT Import-Export et Madame Plouvier épouse Tuil à verser à la société Villeroy & Boch Arts de la Table :
- la somme de 898 863 euros à titre de dommages intérêts, en réparation du préjudice résultat de la marge commerciale perdue par elle sur les produits vendus par les sociétés Cinar Trading BV, MT Import-Export, Vitexport et Madame Plouvier épouse Tuil
- et la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts au titre du détournement de ses investissements promotionnels,
- fixer aux mêmes sommes la créance de la société Villeroy & Boch Arts de la Table à l'encontre de la société Vitexport prise en la personne de la SCP Canet-Morand, liquidateur judiciaire, et de la société MT Import-Export prise en la personne de la Selarlu Bally MJ, liquidateur judiciaire,
- débouter la société MT Import-Export et Cinar Trading BV de l'ensemble de leurs demandes,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, in extenso ou par extraits, dans cinq journaux ou périodiques de leur choix et aux frais avancés des sociétés Cinar Trading BV et de Madame Plouvier épouse Tuil tenues in solidum, dans la limite de 5 000 euros HT par insertion,
- fixer à la même somme la créance des sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table à l'encontre de la société Vitexport prise en la personne de la SCP Canet-Morand, liquidateur judiciaire, et de la société MT Import-Export prise en la personne de la Selarlu Bally MJ, liquidateur judiciaire,
- condamner in solidum les sociétés Cinar Trading BV, MT Import-Export prise en la personne de la Selarlu Bally MJ, liquidateur judiciaire, et Vitexport prise en la personne de la SCP Canet-Morand, liquidateur judiciaire, et Madame Plouvier épouse Tuil à verser à chacune des sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,
- les condamner in solidum à rembourser en sus à la société Villeroy & Boch AG les débours, frais et honoraires d'huissier par elle exposés à l'occasion des opérations de saisie-contrefaçon des 18 mars, 12 avril, 17 et 18 mai 2013,
- condamner enfin in solidum Madame Tuil et les société MT Import-Export, prise en la personne de la Selarlu Bally MJ, liquidateur judiciaire, Vitexport et Cinar Trading BV en tous les dépens, dont distraction au profit de leur conseil par application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions électroniques notifiées le 25 août 2016, la société Cinar demande à la cour de :
- infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 11 juin 2015 sauf en ce qu'il a déclaré recevables ses moyens en défense, débouté les sociétés Villeroy & Boch de leur demande de rejet des pièces produites par elle, en première instance n° 1 à 5, 7, 9, 14, dit n'y avoir lieu au rappel des circuits commerciaux de toutes les tasses et sous-tasses contrefaisantes, débouté les sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table de leur demande de publication judiciaire, débouté la société MT Import-Export de sa demande de garantie et madame Tuil de sa demande en réparation du préjudice subi à l'encontre des sociétés Cinar et MT Import Export,
Et, statuant à nouveau :
A titre principal,
- prononcer la nullité du modèle de sous-tasse DM/062 896 pour défaut de nouveauté et de caractère propre,
- prononcer la nullité du modèle de tasse DM/060 953 pour défaut de caractère propre,
- dire que la sous-tasse et la tasse de la collection New Wave Caffe ne présentent aucun caractère d'originalité et sont donc insusceptibles d'être protégées au titre du droit d'auteur,
- constater l'absence de situation de concurrence entre Cinar et Villeroy & Boch Arts de la Table,
- dire qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire à l'encontre de Villeroy & Boch A ou de Villeroy & Boch Arts de la Table,
- débouter en conséquence Villeroy & Boch AG ou de Villeroy & Boch Arts de la Table de l'intégralité de leurs demandes,
A titre subsidiaire,
- constater qu'il n'est pas démontré qu'elle a commis des actes de contrefaçon sur le territoire français,
- débouter en conséquence, Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table de l'intégralité de leurs demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
- écarter des débats les pièces adverses n° 36 et 37,
- constater que Villeroy & Boch AG ne justifie pas d'un préjudice spécifique justifiant la condamnation de Cinar à une somme forfaitaire au titre de " l'atteinte à ses modèles ",
- constater que les préjudices commerciaux démontrés par Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table au titre de la contrefaçon et concurrence déloyale qui peuvent être associés à Cinar s'élèvent à moins de 100 euros,
- rejeter toute demande de condamnation in solidum,
En tout état de cause,
- rejeter toutes les autres demandes formulées à son encontre, y compris les demandes d'information et de publication judiciaire et les demandes de garanties,
- condamner solidairement Villeroy & Boch AG ou de Villeroy & Boch à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile,
- condamner (sic) aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La SCP Canet-Morand, es-qualités de liquidation judiciaire de la sociétés SARL Vitexport, n'a pas constitué avocat.
La Selarlu Bally MJ, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société MT Import-Export, n'a pas constitué avocat.
Nathalie Plouvier épouse Tuil n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 décembre 2017.
A la demande expresse de la cour, les sociétés Villeroy & Boch ont produit en cours de délibéré, le 11 Mai 2018, les extraits d'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés des sociétés MT Import-Export et Vitexport, à jour, ainsi qu'une fiche à jour concernant madame Nathalie Plouvier épouse Tuil, sur le site société.com.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les pièces
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats une pièce dont la société Cinar ne se prévaut plus devant la cour soit du catalogue produit en première instance sous le n° 14 ;
Considérant par ailleurs que le défaut allégué de force probante de pièces, en l'espèce des pièces n° 3.1, 3.2, 3.3, 3.4 et 5.4 produites par la société Cinar, n'est pas un motif de rejet de celles-ci et il appartiendra à la cour d'en apprécier la portée ;
Sur le caractère protégeable de la tasse et de la sous-tasse revendiquées
* au titre des modèles déposés
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre ;
Que selon l'article L. 511-3 du même Code, un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou de la date de la propriété revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants ;
Qu'enfin l'article L. 511-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.
Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur de la réalisation du dessin ou modèle ;
Qu'il est constant que la nouveauté et le caractère propre doivent être appréciés au jour du dépôt du modèle, soit en l'espèce le 2 août 2002 et le 12 février 2003 ; qu'en conséquence, les pièces produites par la société Cinar qui n'ont pas de date certaine ou qui sont postérieures à ces dates sont sans portée telles notamment les captures d'écran internet qui n'ont de date certaine que celle de leur impression ; qu'il en est de même de celles qui ne permettent pas de distinguer leur contenu ;
Considérant en l'espèce, qu'il a été dit que la société Villeroy & Boch AG a procédé le 2 août 2002 au dépôt d'un modèle international désignant la France du 2 août 2002, enregistré sous le numéro DM/060 953 (ci-après le modèle 953) et régulièrement renouvelé, dont les reproductions n° 9.1 à 9.4 couvrent une tasse, ainsi qu'au dépôt, le 12 février 2003, d'un modèle international désignant la France, enregistré sous le numéro DM/062896 (ci-après le modèle 896) et régulièrement renouvelé, dont les reproductions n° 1.1 à 2 couvrent une sous-tasse ;
Que le modèle 953 est décrit comme étant plus précisément une tasse en forme de tronc de cône dont la pointe est tronquée, dotée d'une anse en forme de ruban ondulé de largeur décroissante constituant le prolongement en spirale de la partie supérieure de la tasse et se raccordant à son pied ;
Que le modèle 896 est décrit comme étant plus précisément une sous-tasse présentant les caractéristiques de forme suivantes :
- vue de dessus, cette sous-tasse dont la forme est issue d'un rectangle déformé, comporte deux bords longitudinaux en forme de " S ", un léger renfoncement délimité par une bordure au voisinage de l'une de ses extrémités et un autre renfoncement de forme sensiblement circulaire au voisinage de l'autre,
- vue de profil, cette sous-tasse dessine un mouvement ondulatoire en forme de " S ",
- vue de dessous, cette sous-tasse comporte au voisinage de l'une de ses extrémités une arête droite et au voisinage de l'autre un pied de forme sensiblement circulaire, étant précisé que l a reproduction n° 2 de ce dépôt de modèle 896 couvre l'ensemble constitué par la sous-tasse et la tasse ci-dessus décrites ;
Que la société Cinar conteste la nouveauté et le caractère propre du modèle 896 et le caractère propre du modèle 953 au regard des antériorités qu'elle verse aux débats, et partant leur protection ;
Que s'agissant du modèle de sous- tasse 896 déposé le 12 février 2003, elle oppose au titre du défaut de caractère propre, un modèle international visant la France DM/051291 déposé le 7 février 2000 par la société allemande Rosentahl Aktiengesellschaft, des modèles internationaux visant la France DM/062032- 1et DM/062032-5 déposé le 21 novembre 2002 par la société allemande Porzellanfabriken Christian Seltmann GmbH, un modèle 930173 déposé le 14 janvier par Jacques Pascot, un modèle 010812-011 déposé le 5 février 2001 par la SA Arc International, un modèle 025348 déposé le 30 août 2002 par Montgolfier Etang, indiquant au préalable qu'il ne saurait être tenu compte des éléments purement fonctionnels dans l'appréciation de la validité de ce modèle, et au titre du défaut de nouveauté, la collection New Wave de Villeroy & Boch 2001 en général et en particulier un modèle international déposé par Villeroy & Boch AG sous le n° DM/055181 le 14 févier 2001 ;
Que s'agissant du modèle de tasse 953 du 2 août 2002, elle oppose au titre du défaut de caractère propre, un modèle international visant la France DM/004629 déposé par Rosenthal Akt le 29 juillet 1985, un modèle international visant la France DM/009065 déposé par Rosenthal Akt le 4 août1987, un modèle international visant la France DM/032138-8 déposé par Rosenthal Aktiengesellschaft le 16 février 1995, tous couvrant des tasses, ainsi que les tasses créées par Olen jensen en 1997 ;
* sur la nouveauté du modèle 896
Considérant que la société Cinar soutient, au vu des extraits de catalogue Villeroy& Boch de mai 2001 et d'un rapport annuel de la société également de 2001, que la collection New Wave 2001 antériorise le modèle 896 ;
Considérant toutefois, qu'aucune des pièces produites n'est de nature à établir une divulgation dès 2001 de produits de la collection New Wave, s'agissant d'un catalogue qui comporte une date manuscrite, non certaine, et qui au demeurant montre, quand il est lisible, un ensemble d'articles de vaisselle non identifiés par l'intimée, ou encore du rapport annuel Villeroy & Boch de 2001 qui n'établit pas une prétendue divulgation à cette date de produits de la collection " New Wave " et encore moins de la sous-tasse objet du dépôt 896 ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le fait d'avoir divulgué la collection New Wave dans laquelle s'inscrit le style de la tasse et la sous-tasse avant leur dépôt ne prive pas les modèles de leur nouveauté ;
Considérant par ailleurs, que le modèle DM/055181 fait apparaître deux articles de vaisselle différents dont les caractéristiques de forme, proportions et dimensions présentent des différences avec la sous-tasse 'New Wave Caffe', ce que reconnaît d'ailleurs la société Cinar;
Qu'il résulte de ces éléments que le modèle de sous tasse 896 est nouveau ;
* sur le caractère propre des modèles 896 et 953
Considérant que force est de constater que la fonction de stabilité de la sous tasse objet du modèle 896 aurait pu être remplie par l'utilisation de formes autres que celle du renforcement circulaire à une extrémité de la sous-tasse et d'une arête à l'autre ;
Que par ailleurs, aucune de ces pièces versées aux débats ne donne à voir une sous-tasse ou une tasse présentant les caractéristiques ci-dessus décrites et telles que revendiquées ; que ces antériorités se distinguent nettement des modèles déposés par la société Villeroy & Boch AG de part leurs caractéristiques propres et leurs proportions ; que les différences relevées au vu des pièces versées aux débats quant à la forme, les proportions et les caractéristiques des modèles revendiqués produiront sur l'utilisateur averti, défini comme étant doté d'une vigilance particulière et disposant d'une certaine connaissance de l'état de l'art antérieur dans le domaine des arts de la table, une impression globale différente de celle produite par les antériorités opposées ;
Qu'il en résulte que le modèle international numéro DM/060 953 et le modèle international DM/062896 doivent être considérés comme présentant un caractère propre ;
Que le jugement doit donc confirmé de ce chef en ce qu'il a déclaré valables ces deux modèles et rejeté la demande en nullité ;
* au titre du droit d'auteur
Considérant que le droit d'auteur protège toutes les œuvres de l'esprit, quels que soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, à la condition que ces œuvres présentent un caractère original ;
Que selon l'article L. 112-2 10 °du Code de la Propriété Intellectuelle, les œuvres des arts appliqués sont considérées comme œuvres de l'esprit ;
Considérant en l'espèce, que la société Villeroy & Boch AG revendique des droits d'auteur :
- sur la tasse New Wave Caffe caractérisée par la combinaison de la forme conique de la tasse dont la partie supérieure se prolonge avec une anse ruban en spirale de largeur décroissante qui fait corps avec la tasse et se raccorde à son pied, le tout produisant un effet visuel propre né de l'impression de mouvement de cette anse, en forme de ruban et qui décrit une double rotation,
- sur la sous-tasse " New Wave Caffe " se caractérisant par la combinaison des caractéristiques esthétiques suivantes :
- vue de dessus, cette sous-tasse dont la forme est issue d'un rectangle déformé, comporte deux bords longitudinaux en forme de " S ", un léger renfoncement délimité par une bordure au voisinage de l'une de ses extrémités et un autre renfoncement de forme sensiblement circulaire au voisinage de l'autre,
- vue de profil, cette sous-tasse dessine un mouvement ondulatoire en forme de " S ",
- vue de dessous, cette sous-tasse comporte au voisinage de l'une de ses extrémités une arête droite et au voisinage de l'autre un pied de forme sensiblement circulaire ;
Que selon la société Cinar, cette tasse et cette sous-tasse ne comporteraient aucune caractéristique originale ni aucun apport créatif spécifique susceptible de les différencier des produits d'art de la table présents sur le marché ;
Mais considérant que n'est versée aux débats aucune pièce probante à l'appui de ces affirmations, le prétendu caractère actuel ou banal des caractéristiques revendiquées n'étant nullement démontré pas plus que l'appartenance au fonds commun des arts de la table ;
Qu'au contraire, l'originalité de la tasse et de la sous-tasse New Wave Caffe réside dans la combinaison des éléments qui les caractérisent selon un agencement particulier, et qui confèrent aux ensembles leur physionomie propre et traduit un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Que cette tasse et cette sous-tasse doivent donc bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur instaurée par le Livre I du Code de la propriété intellectuelle ;
Que le jugement sera donc également confirmé de ce chef sauf à dire que la condition d'originalité requise est une condition de la protection par le droit d'auteur et non pas une condition de recevabilité de l'action en contrefaçon ;
Sur la contrefaçon
Considérant que selon l'article 513-4 du Code de la propriété intellectuelle, " Sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle " ;
Que l'article L. 513-5 du même Code précise que " La protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente. " ;
Qu'enfin l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause est illicite ;
Qu'en l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats, et notamment des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et des pièces qui y sont annexées, que :
- Madame Tuil a vendu les modèles argués de contrefaçon et a produit une facture de la société MT Import-Export en date du 25 novembre 2011 portant sur deux jeux de tasses dénommées sur la facture " Villeroy grand " et un service " Villeroy petit " moyennant un prix unitaire respectif de 15 euros et de 12 euros,
- la société MT Import-Export a vendu les produits argués de contrefaçon, intitulés " petit " et " grand " Villeroy en 2011 et a écoulé la fin du stock au début de l'année 2012 ; qu'elle a déclaré avoir acheté 300 pièces, auprès de la société Cinar trading B.V. les 20 avril et 4 juillet 2011et a remis à l'huissier des factures,
- qu'au siège de la société Vitexport l'huissier a constaté la présence de six sortes de coffrets contenant 6 tasses et 6 sous-tasses identiques et a prélevé 13 exemplaires de coffrets , et que pour 11 de ces coffrets le dos des tasses et des sous-tasses comporte la mention " Cinar " ;
Considérant que les tasses litigieuses vendues sous différentes références sont en porcelaine blanche, de forme conique avec une partie supérieure se prolongeant avec une anse ruban en spirale de largeur décroissante qui fait corps avec la tasse et se raccorde à son pied, le tout produisant un effet visuel propre né de l'impression de mouvement de cette anse, en forme de ruban et qui décrit une double rotation ;
Que les sous-tasses litigieuses dont la forme est issue d'un rectangle déformé, comportent quant à elles vues de dessus, deux bords longitudinaux en forme de " S ", un léger renfoncement délimité par une bordure au voisinage de l'une de ses extrémités et un autre renfoncement de forme sensiblement circulaire au voisinage de l'autre, vues de profil, un mouvement ondulatoire en forme de " S " et vues de dessous, au voisinage de l'une de ses extrémités une arête droite et au voisinage de l'autre un pied de forme sensiblement circulaire ;
Que ces produits reprennent ainsi dans une même combinaison l'ensemble des caractéristiques non imposées dès lors qu'il existe une grande liberté de création en matière d'articles de vaisselle, de la tasse et de la sous-tasse New Wave, qui correspondent aux modèles n° 953 et 896 déposés par la société Villeroy & Boch AG , l'impression visuelle d'ensemble se dégageant des produits en cause n'étant pas différente ni altérée par les quelques différences relevées notamment quant à la présence d'éléments décoratifs sur certains des coffrets saisis, ce qui n'est finalement pas contesté par la société Cinar ;
Que la contrefaçon de modèles déposés et la contrefaçon de droits d'auteur est donc caractérisée, la société Cinar, qui a reconnu devant le tribunal avoir importé et vendu en France au moins 600 sets composés des tasses et sous-tasses litigieuses et qui en tout état de cause a offert à la vente, vendu, et mis sur le marché et/ou importé sur le territoire français les produits contrefaisants ne pouvant valablement soutenir qu'elle n'a pas la qualité d'importateur en France de ces produits, ses relations avec les sociétés MT Import-Export et Vitexport, à les supposer exonératoires de sa responsabilité, n'étant pas opposables aux sociétés appelantes, la cour relevant en tout état de cause que l'attestation comptable communiquée par la société Cinar dans le cadre de la mise en œuvre du droit d'information des sociétés Villeroy & Boch concerne notamment des ventes des produits litigieux en France ;
Que le jugement sera en conséquence également confirmé en ses dispositions relatives à la contrefaçon ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Considérant que les actes de contrefaçon ci-dessus caractérisés constituent le préjudice de la société Villeroy & Boch Arts de la Table qui assure la distribution exclusive des produits des arts de la table fabriqués par la société Villeroy & Boch AG et commercialise notamment les produits correspondant aux modèle en cause fabriqués en porcelaine sous la dénomination " New Wave Caffe ", des actes de concurrence déloyale, la société Cinar étant bien comme il a été dit, importatrice des produits en cause ;
Considérant par ailleurs, que la société Villeroy & Boch Arts de la Table justifie par les pièces qu'elle produit, notamment des catalogues et documents comptables établis par son directeur administratif et financier et vérifiés par son expert-comptable, tant de la notoriété et du succès commercial constant des produits concernés par le présent litige que des investissements engagés pour ces produits, et ce au moins depuis 2002 ;
Qu'en important et commercialisant les produits incriminés, les intimées se sont donc manifestement placées dans son sillage pour tirer profit de la renommée attachée aux produits " New Wave " et ont ainsi profité de ses investissements dans le but de bénéficier, sans bourse délier, d'un avantage concurrentiel substantiel ;
Que le jugement doit en conséquence être également confirmé en ce qu'il a dit que les intimées avaient commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société Villeroy & Boch Arts de la Table ;
Sur les mesures réparatrices et les condamnations
Considérant que selon les articles L. 331-1-3 et L. 521-7 du Code la propriété intellectuelle, issus de la loi du 29 octobre 2007 :
" Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte " ; Considérant en l'espèce, qu'il résulte des extraits d'immatriculation au Registre du Commerce des sociétés intimées produits en cours de délibéré par les sociétés Villeroy & Boch à la demande expresse de la cour, que la liquidation judiciaire de la société Vitexport a été clôturée pour insuffisance d'actif le 29 novembre 2016 et la société radiée le même jour, et que la liquidation judiciaire de la société MT Import-Export a été clôturée pour le même motif le 28 février 2018 et la société radiée le même jour ; qu'en conséquence, aucune demande de condamnation ou de fixation de créances ne peut prospérer à l'encontre de ces deux sociétés ;
Considérant par ailleurs, que la participation aux faits incriminés d'une part de madame Tuil, laquelle a, selon l'extrait du site société.com produit, cessé l' activité qu'elle exerçait à titre individuel le 25 juin 2014, et d'autre part de la société Cinar, est parfaitement identifiable ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit aux demandes de condamnations solidaires ;
Considérant que la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens ; qu'il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les pièces produites par les sociétés appelantes sous les n° 36 et 37 issues de la saisie-contrefaçon diligentée le 15 mai 2013 au siège de la société Cinar situé aux Pays- Bas dès lors que la validité de cette saisie n'est pas contestée par la société Cinar aux termes du dispositif de ses dernières écritures devant la cour ; par ailleurs il a été dit que le défaut allégué de force probante de pièces n'est pas un motif de rejet de celles-ci ;
Considérant que les mesures d'interdiction et astreintes prononcées seront confirmées sauf à faire mention du présent arrêt ;
Que ces mesures étant suffisantes à faire cesser les actes illicites, la demande de retrait du marché aux fins de destruction sera rejetée ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment des opérations de saisies-contrefaçon pratiquées en France les 18 mars, 12 avril et 18 mai 2013 que :
- madame Plouvier épouse Tuil a reconnu devant le tribunal avoir acquis et revendu 7 coffrets de 6 tasses et 6 sous-tasses litigieuses,
- la société MT Import-Export a remis à l'huissier une facture de 120 boîtes acquises auprès de la société Cinar contenant 6 tasses et soucoupes achetées 6,75 euros et une facture de 180 boîtes acquises auprès de la société Cinar contenant 6 tasses et soucoupes achetées 10 euros, soit un total de 300 coffrets de 6 tasses et 6 sous-tasses,
- la société Vitexport a remis à l'huissier une facture à entête Cinar en indiquant que les 11 des coffrets de 6 tasses et 6 sous-tasses prélevés provenaient des 24 produits référencés " koffeset 3955 " d'où un total de 324 coffrets de 6 tasses et sous-tasses, ou 1 944 sets composés d'une tasse et d'une sous-tasse achetés à la société Cinar et revendus en France, étant précisé qu'au moins deux autres modèles ont été acquis auprès de la société Cinar (références HYT047MD et HYT047MB),
- la société Cinar a reconnu en première instance que la commercialisation de 600 sets composés d'une tasse et d'une sous-tasse (soit 100 coffrets), ayant généré un préjudice s'élevant au plus à 55 080 euros avant de prétendre devant la cour que " la seule présence sur le territoire français des produits reproduisant des caractéristiques similaires à la tasse et à la sous-tasse prétendument contrefaites et attribuables à Cinar se résume à 6 tasses et 6 sous-tasses présentes chez Vitexport " ;
Que les opérations de saisie- contrefaçon diligentées le 15 mai 2013 au siège de la société Cinar aux Pays-Bas ont révélé que :
- cette dernière a acquis les coffrets litigieux composés de 6 tasses et 6 sous-tasses auprès d'une société chinoise Fengxi Porcelain Ind.Trade i-e Corp et que la première vente en France de ces coffrets est intervenue le 18 décembre 2009,
- une seule facture n° HY012117 du 19 janvier 2013, relative à l'achat par la société Cinar de 2.840 coffrets de 6 tasses et 6 sous-tasses, correspondant à 6 modèles différents a été remise à l'huissier sur un total de 8 200 coffrets contenant ces 6 modèles, soit 49 200 sets d'une tasse et sous-tasse qui ont été vendus en France par la société Cinar à 55 revendeurs entre le 18 décembre 2009 et le 15 mai 2013,
- la société Vitexport a acquis 60 coffrets de 6 tasses et 6 sous-tasses des modèles susvisés et la société MT Import-Export 496 coffrets de 6 tasses et 6 sous-tasses des modèles susvisés ;
Que les informations communiquées en exécution de l'ordonnance de mise en état du 9 février 2017 ont révélé que :
- 9 198 coffrets de 6 tasses et 6 sous-tasses, soit 55 188 sets d'une tasse et sous-tasse ont été vendus en France par la société Cinar entre le 19 octobre 2009 et le 24 août 2013, ces produits lui ayant été fournis par trois sociétés chinoises différentes,
- l'expert-comptable n'a pas trouvé dans les documents de la société Cinar les références HYT047MD et HYT047MB alors que la société Vitexport a déclaré lors des opérations de saisie contrefaçon avoir acquis les produits ainsi référencés auprès de la société Cinar et que ces références figurent au dos des produits saisis dans le magasin Vitexport ;
Considérant par ailleurs que les sociétés appelantes justifient d'un prix de vente moyen d'une tasse new Wave Caffe par la société allemande Villeroy & Boch AG à sa filiale française de 2,40 euros en 2011 avec un taux de marge industrielle moyen de 47,4 % et d'un prix moyen de revente par cette dernière pour la même année de 9,83 euros avec une marge brute moyenne de 71,7 %, ainsi que d'un prix de vente moyen d'une sous- tasse new Wave Caffe par la même société allemande à sa filiale française de 2,23 euros en 2011 avec également un taux de marge industrielle moyen de 47,4 % et d'un prix moyen de revente par cette dernière pour la même année de 7,84 euros avec une marge brute moyenne de 67 % ;
Que la société MT Import-Export a facturé le 25 novembre 2011 à madame Tuil deux sets de tasses dénommés " Villeroy grand " et " Villeroy petit " moyennant un prix unitaire respectif de 15 euros et de 12 euros et laquelle a revendu le coffret " 6 tasses à café " au prix de 35 euros TTC ;
Qu'en considération de l'ensemble de ces éléments il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné madame Nathalie Plouvier épouse Tuil à payer à la société Villeroy & Boch AG la somme de 1 000 euros au titre de l'atteinte aux modèles déposés dont elle est titulaire et de ses droits d'auteur, ainsi que la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice économique consécutif aux actes de contrefaçon, et à la société Villeroy & Boch Arts de la Table la somme de 1 000 euros au titre du préjudice commercial consécutif aux actes de concurrence déloyale parasitaire ;
Qu'il sera en revanche infirmé sur les montant des condamnations mises à la charge de la société Cinar, laquelle sera condamnée à payer :
- à la société Villeroy & Boch AG la somme de 20 000 euros au titre de l'atteinte aux modèles déposés dont elle est titulaire et de ses droits d'auteur, ainsi que la somme de 80 000 euros au titre de son préjudice économique consécutif aux actes de contrefaçon, - à la société Villeroy & Boch Arts de la Table la somme de 200 000 euros au titre du préjudice commercial consécutif aux actes de concurrence déloyale parasitaire ; le surplus des demandes indemnitaires étant rejeté ;
Qu'à titre d'indemnisation complémentaire, il sera en revanche fait droit à la demande de publication dans les termes ci-après définis au dispositif du présent arrêt ;
Sur les autres demandes
Considérant que la société Cinar et madame Tuil, qui succombent seront condamnées aux dépens, qui comprendront notamment les frais de saisie-contrefaçon, et ce dans les proportions ci-après définies ;
Considérant enfin, que les sociétés appelantes ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
Par ces motifs, LA COUR, Déboute chacune des parties de ses demandes de rejet de pièces. Confirme le jugement rendu le 11 juin 2015 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a : - débouté la société Cinar de sa demande de rejet des pièces des appelantes n° 36 et 37, - interdit aux sociétés MT Import-Export et Vitexport d'importer, de détenir, d'offrir à la vente et de commercialiser, les produits portant atteinte aux droits d'auteur et des modèles de tasses et sous-tasses de la société Villeroy & Boch AG, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée, c'est-à-dire par tasse à café ou sous-tasse, cette astreinte prenant effet passe un délai d'un mois suivant la signification du jugement et courant pendant un délai de trois mois, - ordonné sous astreinte aux sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar de détruire la totalité du stock de tasses et sous-tasses en leur possession en France, sous contrôle d'un huissier de leur choix et à leurs frais, - condamné in solidum les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar à payer à la société Villeroy & Boch AG les sommes de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à ses modèles et à son droit d'auteur, et de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial consécutif aux actes de contrefaçon, - condamné in solidum les sociétés MT Import-Export, Vitexport et Cinar à payer à la société Villeroy & Boch Arts de la Table la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial consécutif aux actes de concurrence déloyale et parasitaire, - condamné in solidum les sociétés MT Import-Export et Cinar Trading B.V à garantir madame Tuil de toutes condamnations mises à charge, indemnitaires et au titre des frais irrépetibles. Statuant dans cette limite et y ajoutant, Déclare la société Villeroy & Boch AG bien fondée à agir en contrefaçon de droits d'auteur et de la partie française des modèles internationaux DM/O60953 et DM/O62 696 correspondant aux tasses et sous-tasses de la collection " New Wave ". Constate que la liquidation judiciaire de la société Vitexport a été clôturée pour insuffisance d'actif le 29 novembre 2016 et que celle de la société MT Import-Export a été clôturée pour le même motif le 28 février 2018 et dit en conséquence qu'aucune demande de condamnation ou de fixation de créances ne peut prospérer à l'encontre de ces deux sociétés. Interdit à madame Tuil et à la société MT Cinar Trading BV d'importer, de détenir, d'offrir à la vente et de commercialiser, les produits objets du litige portant atteinte aux droits d'auteur et aux modèles de tasses et sous-tasses de la société Villeroy & Boch AG, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée, c'est-à-dire par tasse à café ou sous-tasse, cette astreinte prenant effet passe un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt et courant pendant un délai de trois mois. Condamne la société Cinar Trading BV à payer : - à la société Villeroy & Boch AG la somme de 20 000 euros au titre de l'atteinte aux modèles déposés dont elle est titulaire et de ses droits d'auteur, ainsi que la somme de 80 000 euros au titre de son préjudice économique consécutif aux actes de contrefaçon, - à la société Villeroy & Boch Arts de la Table la somme de 200 000 euros au titre du préjudice commercial consécutif aux actes de concurrence déloyale parasitaire ; Autorise la publication du présent arrêt par extraits, dans deux journaux ou périodiques au choix des sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table et aux frais avancés de la société Cinar Trading BV et ce, dans la limite de 4 000 euros HT par insertion. Condamne madame Tuil à payer aux sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table, ensemble, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Cinar Trading BV à payer aux sociétés Villeroy & Boch AG et Villeroy & Boch Arts de la Table, ensemble, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette le surplus de demandes. Condamne madame Tuil aux dépens la concernant, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et qui comprendront en outre les frais de saisie-contrefaçon du 18 mars 2013. Condamne la société Cinar Trading BV aux dépens la concernant, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et qui comprendront en outre les frais de saisie-contrefaçon du 15 mai 2013.