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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 juin 2018, n° 16-10621

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Dray (ès qual.), Kadima (SARL)

Défendeur :

Esprit de Corp France (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Grappotte-Benetreau, Dujardin, Benayoun, Teytaud, Bonneau, Touraille

T. com. Paris, du 6 nov. 2013

6 novembre 2013

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 juillet 2006, la société Kadima, créée par M. et Mme David Dray à l'effet d'exploiter un fonds de commerce dans le centre commercial Auchan Lac à Bordeaux, a conclu avec la société Esprit de Corp. France, fabricant d'articles de prêt-à-porter et d'accessoires de mode pour femmes, hommes et enfants sous la marque " Esprit ", un contrat de concession d'enseigne " Esprit ", à compter du 21 septembre 2006, pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction par périodes successives d'une année.

Le 31 décembre 2009, en raison de retards dans les règlements des factures, les parties ont convenu d'un plan d'apurement de la dette, la société Kadima reconnaissant devoir la somme de 270 000 euros qu'elle s'engageait à régler en 24 mensualités.

Le 5 avril 2011, un second plan d'apurement a été mis en place entre les parties pour la somme de 298 146,92 euros que la société Kadima s'engageait à régler en 50 mensualités.

Le 9 avril 2011, les parties ont conclu un contrat de franchise se substituant au contrat de concession d'enseigne.

A compter du 23 juillet 2011, la gérante de la société Kadima, Mme Dray, a été gravement malade et a dû être hospitalisée pendant de longs mois. Par courrier du 16 janvier 2012, M. Dray a sollicité la résiliation du contrat d'un commun accord pour "un juste motif", comme prévu contractuellement, et a sollicité une réduction significative, compte tenu des circonstances, du montant de la dette s'élevant à 192 208,20 euros.

Par courrier du 20 mars 2012, la société Esprit a accepté la résiliation du contrat de franchise à l'amiable.

Le 19 juillet 2012, les parties ont convenu d'un plan de rééchelonnement de la dette s'élevant à 119 892,39 euros en 10 mensualités.

Le 15 octobre 2012, la société Kadima a confirmé à la société Esprit la signature d'un compromis de vente portant sur le fonds de commerce, la vente devant intervenir en janvier 2013.

Le 21 mars 2013, la société Esprit a indiqué à la société Kadima que le solde restant dû était de 104 565,90 euros, montant auquel elle limitait son opposition sur le prix de vente du fonds de commerce formée auprès du notaire, Maître Thibault Sudre.

Par exploit du 23 août 2013, la société Esprit a assigné la société Kadima et Maître Thibault Sudre, notaire, devant le Tribunal de commerce de Paris, en sollicitant le paiement de la somme de 104 565,90 euros. La société Kadima lui a, notamment, opposé l'exception de nullité du contrat de franchise, demandant subsidiairement la résiliation du contrat aux torts de la société Esprit et en toute hypothèse, la condamnation de cette dernière à l'indemniser à hauteur de 350 000 euros du fait de manquements à son obligation précontractuelle d'information, à ses obligations contractuelles d'information, d'assistance et de conseil et aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Par jugement du 6 novembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a :

- pris acte du désistement d'instance de la société Esprit à l'encontre de Maître Thibault Sudre,

- dit irrecevables les demandes de nullité ou de résiliation du contrat de franchise formulées par la société Kadima,

- condamné la société Kadima à payer à la société Esprit la somme de 104 565, 90 euros,

- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Kadima aux dépens.

Le 17 décembre 2015, la société Kadima a été dissoute et Maître Dray a été désigné en qualité de liquidateur amiable.

LA COUR

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 21 septembre 2016 par lesquelles la société Kadima et Maître David Dray, ès qualités de liquidateur de la société Kadima, appelants, invitent la cour à :

- donner acte à M. Dray, ès qualités de liquidateur de la société Kadima, de son intervention volontaire,

- réformer intégralement le jugement entrepris faisant droit aux moyens de l'intimée.

à titre principal,

- dire que le contrat de franchise du 9 avril 2011 est nul,

- dire que la société Esprit de Corp. France a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de son franchisé en raison de sa réticence dolosive d'informations précontractuelle,

- condamner par conséquent, la société Esprit à payer à M. Dray, ès qualités de liquidateur de la société Kadima, la somme de 350 000,00 euros (trois cent cinquante mille euros) à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la compensation entre les condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société Kadima et celles qui seront prononcées à l'encontre de la société Esprit,

à titre subsidiaire,

- dire que la société Esprit de Corp. France a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de son franchisé par son manquement à son obligation précontractuelle d'information.

- dire que la société Esprit de Corp. France a ensuite, une fois le contrat conclu, engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de sa franchise, par son manquement à ses obligations contractuelles d'information d'assistance et de conseil ainsi qu'aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- condamner par conséquent, la société Esprit à payer à M. Dray, ès qualités de liquidateur de la société Kadima, la somme de 350 000 euros (trois cent cinquante mille euros) à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la compensation entre les condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société Kadima et celles qui seront prononcées à l'encontre de la société Esprit,

en toute hypothèse

- condamner la société Esprit de Corp. France au paiement d'une indemnité de 10 000 euros (dix mille euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront directement recouvrés par la SCP Grappotte Benetreau, en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 novembre 2017 par lesquelles la société Esprit de Corp. France, intimée, demande à la cour, au visa de l'article 1134 du Code civil et sans préjudice de ses conclusions d'incident devant M. le conseiller de la mise en état, de :

- dire la société Kadima mal fondée en son appel,

en conséquence,

- débouter la société Kadima de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 6 novembre 2013,

y ajoutant,

- condamner la société Kadima à verser à la société Esprit de Corp. France une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Kadima aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Il y a lieu de constater l'intervention volontaire de Maître David Dray, ès qualités de liquidateur amiable de la société Kadima.

Sur la demande en annulation du contrat pour réticence dolosive

Sur la recevabilité de l'exception de nullité du contrat de franchise du 9 avril 2011

En première instance, en défense à la demande en paiement d'une somme de 104 565,90 euros qu'elle resterait devoir, la société Kadima a opposé l'exception de nullité du contrat de franchise.

Pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que cette demande était irrecevable, en relevant que les parties avaient convenu de mettre un terme au contrat de franchise d'un commun accord et que le contrat s'était achevé le 20 mars 2012 sans que ni sa validité ni son exécution n'aient été remises en cause, les appelants font valoir, en substance, que la nullité d'un contrat qui n'a pas l'effet d'une simple rupture, peut être sollicitée avant comme après sa rupture.

La société Esprit réplique que le contrat étant résilié d'un commun accord, le franchisé ne peut plus remettre en cause sa validité à raison d'un prétendu manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information.

Mais, dès lors qu'elle est exercée dans le délai de prescription, l'exception de nullité d'un contrat reste recevable même si le contrat est résilié, peu important à cet égard qu'il l'ait été d'un commun accord dès lors qu'il ne ressort d'aucun élément, comme en l'espèce, que les parties aient entendu expressément renoncer à l'invoquer.

Par suite, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en nullité du contrat de franchise.

Sur la demande en nullité du contrat de franchise du 9 avril 2011 pour réticence dolosive

Invoquant les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, les appelants soutiennent essentiellement que le franchiseur n'a pas fourni à la société Kadima le document d'information précontractuelle qu'il était censé lui avoir remis en avril 2011 et qu'il s'est donc abstenu de communiquer à son franchisé des informations essentielles sur l'état de son réseau, lui dissimulant ainsi la baisse générale de ses résultats sur le territoire national, la fermeture successive de multiples magasins à son enseigne et la déconfiture de nombreux franchisés, et lui donnant l'illusion que sa marque et son enseigne connaissaient encore un succès et une prospérité commerciale prometteuse, ce qui était faux. Ils en concluent que cette absence de communication sur l'état exact du réseau au moment de la conclusion du second contrat, qui constitue une information essentielle, a vicié le consentement de la société Kadima qui ne se serait pas engagée si elle l'avait connue. Ils ajoutent qu'il importe peu que les stipulations contractuelles affirment que le franchisé reconnaît s'être vu remettre le document d'information précontractuelle, cette stipulation ne permettant pas à la société Esprit de se libérer de son obligation.

L'intimée réplique que la société Kadima est dans l'incapacité de démontrer un quelconque vice de consentement. Elle rappelle que les parties ont conclu un contrat de concession d'enseigne le 21 juillet 2006, aux termes duquel la société Kadima se voyait concéder le droit d'utiliser l'enseigne Esprit sur son magasin situé au Centre commercial de Bordeaux Lac, puis 5 ans plus tard, un contrat de franchise, le 9 avril 2011 se substituant ainsi au contrat de concession d'enseigne et ce, pour le même magasin, de sorte que les relations commerciales s'étant poursuivies dans la même boutique, la société Kadima disposait des informations essentielles lui permettant de conclure le contrat de franchise. Elle en conclut que la société Kadima avait donc une connaissance précise de l'état du réseau quand bien même la nature du contrat avait changé.

L'article L. 330-3 du Code de commerce dispose que " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ".

Il est constant que la méconnaissance, par un franchiseur, de son obligation précontractuelle d'information n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il est démontré que celle-ci est constitutive d'un dol, d'une réticence dolosive ou d'une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé.

Si la société Kadima reconnaît avoir disposé d'informations sur l'état du réseau Esprit, lors de la conclusion du premier contrat du 21 juillet 2006, intitulé "concession d'enseigne", elle soutient, sans être contredite, que la société Esprit s'est abstenue de lui communiquer des informations actualisées lors de la conclusion du contrat de franchise le 9 avril 2011.

Toutefois, un tel manquement à l'obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante qu'il aurait provoquée.

La société Kadima, qui supporte la charge de la preuve, soutient que la société Esprit s'est sciemment abstenue de cette remise afin de masquer la dégradation de son réseau de franchisés. Elle se prévaut à cet égard d'articles de presse qui font état de l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par la société Esprit.

Or, ce plan de sauvegarde, qui a fait l'objet d'une large publicité, a été établi plus de trois ans après la conclusion du contrat de franchise. En outre, à supposer que le réseau Esprit ait connu déjà des difficultés, lors de la souscription du contrat de franchise en avril 2011, la société Kadima, qui exploitait sous enseigne Esprit depuis presque 5 ans, ne peut sérieusement prétendre qu'elle n'en ait pas eu connaissance. En outre, elle s'abstient d'expliquer en quoi son consentement aurait été vicié, se contentant d'indiquer qu'elle ne se serait pas engagée dans un contrat de franchise dépourvu en réalité de toute sécurité économique. Elle ne caractérise pas l'erreur, déterminante de son consentement, qu'elle aurait commise du fait de son éventuelle absence de connaissance de la baisse générale des résultats du réseau Esprit, et a fortiori, celle d'un dol.

Par suite, les appelants ne démontrent pas que l'absence de remise du document d'information précontractuelle a vicié le consentement de la société Kadima. Ils seront donc déboutés de leur demande en annulation du contrat de franchise.

Sur la demande en paiement de la société Esprit

Il ressort des pièces versées aux débats, dont notamment des factures, bons de commandes et bons de livraison (pièce intimée n° 19) et le décompte annexé à la lettre du 21 mars 2013 (pièce n° 15), et il n'est d'ailleurs pas contesté par les appelants, qu'il reste dû à la société Esprit la somme de 104 565,90 euros au titre de factures impayées. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande principale en dommages et intérêts pour réticence dolosive

Il a été vu ci-dessus qu'aucune réticence dolosive n'était caractérisée de sorte que la demande en dommages et intérêts formée à ce titre sera rejetée.

Sur la demande subsidiaire en dommages et intérêts

Il convient de relever que les premiers juges, bien que saisis de cette demande en dommages et intérêts, se sont abstenus d'y répondre.

Pour manquement à l'obligation précontractuelle d'information

La société Kadima rappelle, à juste titre, que le franchisé peut solliciter des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information précontractuelle du franchiseur. Elle soutient qu'en l'espèce, ce manquement justifie, à lui seul, réparation de son préjudice.

Mais faute pour la société Kadima de caractériser, à tout le moins, le préjudice qu'elle aurait subi du fait d'un manque d'information sur l'état du réseau, elle sera déboutée de sa demande formée à ce titre.

Pour manquements à l'obligation d'assistance et de conseil pendant l'exécution du contrat

Il y a lieu de rappeler que si le franchiseur est tenu de procurer une assistance technique et commerciale pendant l'exécution du contrat, ce qui constitue une obligation de moyens, le franchisé est un commerçant indépendant seul responsable de la gestion de son entreprise et que les manquements du franchiseur à son obligation d'assistance ne se déduisent pas du seul fait de l'existence de difficultés financières rencontrées par les franchisés. En effet, l'exploitation d'un fonds de commerce est soumis à de multiples aléas dont notamment ceux liés à la gestion du franchisé et à la situation économique du marché de référence.

La société Kadima soutient que la société Esprit a manqué à son obligation essentielle d'assistance et de conseil et lui reproche :

- un défaut d'adaptation dès lors que, bien qu'alertée dès le mois de mai 2010, sur la baisse constante de ses résultats, elle n'a formulé aucune proposition pour remédier à ses difficultés liées à des surstockages inadaptés et à une inadéquation des volumes de commande,

- un défaut de conseil en s'abstenant de lui conseiller de cesser son activité aussitôt que celle-ci ne pouvait assurément plus être pérenne.

Elle ajoute que la société Esprit ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant :

- un rééchelonnement de la dette qui, en réalité, n'a été accordé que pour préserver ses seuls intérêts et démontre sa mauvaise foi contractuelle,

- l'octroi d'un crédit vendeur qui a retardé le processus de désengagement de son franchisé et l'a placé dans une situation de dépendance économique encore plus importante puisque son franchiseur était son fournisseur exclusif de marchandises,

- la reprise des invendus qui n'est que l'application du contrat.

Mais comme le fait valoir, à juste titre, l'intimée, sauf clause contractuelle particulière, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'obligation d'assistance n'impose pas au franchiseur, en cas de difficultés rencontrées par le franchisé, de lui conseiller de cesser son activité et de prendre une autre orientation. En outre, la société Esprit justifie avoir respecté son obligation d'assistance :

- par la communication aux débats de diverses fiches de visites en février, octobre et novembre 2011 et janvier, février, avril, juin et octobre 2012 (pièce intimée n° 22) qui attestent qu'elle s'est rendue à plusieurs reprises sur le lieu d'exploitation de la franchise et qu'à l'issue de ses visites, elle a effectué de nombreuses préconisations,

- par la mise en place, à deux reprises en décembre 2009 et en avril 2011, d'un plan de rééchelonnement de la dette afin d'apurement,

- en lui accordant une remise exceptionnelle de 50 000 euros HT afin de soutenir son activité et des remises dégressives afin de permettre d'atteindre un équilibre financier (pièce intimée n° 8 lettre du février 2011),

- en reprenant l'intégralité des invendus pour un montant total de 83 811,39 euros (pièce intimée n° 24) alors même que le contrat prévoyait une reprise par le franchiseur de " partie de la saison en cours au moment de la résiliation du contrat ou d'une partie de la saison précédente ".

Dès lors, les appelants ne démontrent pas que le franchiseur a failli à son obligation d'assistance et de conseil. Par suite, ils seront déboutés de la demande en dommages et intérêts formée à ce titre.

Pour soumission à un déséquilibre significatif

L'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce dans sa version applicable au moment des faits en cause prévoit que :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : ...

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; ... "

Au visa de cet article, les appelants soutiennent que la société Esprit a imposé à la société Kadima des obligations de commandes au titre de 12 collections annuelles ainsi qu'un volume par référence au volume de commandes de l'année précédente, et que ces obligations ont créé un déséquilibre significatif à son détriment. Ils se référent à la clause 7-7 du contrat de franchise et à "deux règles (qui) prédominaient :

- commander au titre des 12 collections annuelles

- commander un volume par référence au volume de commandes de l'année précédente", lesquelles seraient contenues au guide du merchandising. Ils ajoutent que la mise en place de ce système d'approvisionnement forcé a compromis la pérennité de l'activité de la société Kadima et l'a conduite à céder son droit au bail le 25 janvier 2013, comme cela ressort de l'examen sommaire de sa comptabilité qui suffit à établir qu'en lui imposant une obligation d'approvisionnement totalement inadaptée, la société Esprit a irrémédiablement creusé la dette fournisseur de son franchisé.

L'intimée réplique qu'elle ne lui a jamais imposé un volume de commandes sans tenir compte de son stock restant et de sa situation financière. Elle ajoute que le franchisé était parfaitement libre quant aux commandes et aux actions promotionnelles et qu'il pouvait évidemment annuler les commandes passées à n'importe quel moment.

L'article 7-7 du contrat de franchise dispose que le franchisé devra disposer d'un stock d'un volume important de produits, notamment ceux des collections en cours. Stipulé en des termes généraux, cet article n'est pas susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties.

S'agissant du guide de Merchandising qui reproduirait les deux règles que la société Kadima aurait été contrainte d'appliquer, il n'est pas produit aux débats. En outre, il ne ressort d'aucun élément que la société Kadima ait été contrainte de passer de telles commandes. La société Esprit explique, sans être contredite, qu'une fois par mois, le franchisé établissait avec un commercial une prévision de volume de commandes établie sur la base du chiffre d'affaires réalisé sur le précédent trimestre. Elle relève, à juste titre, que les pièces produites par les appelants, établissent qu'entre 2010 et 2011 et 2011 et 2012, la société Kadima a réduit son volume d'achat respectivement de 15,49 % et de 24,31 % alors que ses volumes de vente avaient accusé une baisse de 13,22 % et de 10 %, contredisant ainsi l'allégation de la société Kadima selon laquelle la société Esprit lui aurait imposé des commandes sur la base du chiffre d'affaires réalisé l'année précédente. Par ailleurs, la seule attestation de M. Roche, qui a assuré la gestion temporaire de la société durant l'hospitalisation de Mme Dray, selon laquelle la société Esprit aurait refusé d'annuler des commandes, est insuffisante à établir l'existence de ce grief, faute d'être corroborée par d'autres éléments.

Par suite, la société Kadima, qui échoue à démontrer qu'elle a été soumise par la société Esprit à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de parties au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, sera déboutée de la demande formée à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

La société Kadima, qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et devra verser à la société Esprit de Corp. France la somme totale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, constate l'intervention volontaire de Maître David Dray, ès qualités de liquidateur amiable de la société Kadima ; infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Kadima à payer à la société Esprit la somme de 104 565,90 euros et aux dépens de première instance ; statuant à nouveau, déclare recevable l'exception de nullité du contrat de franchise ; déboute la société Kadima et Maître David Dray, ès qualités de liquidateur amiable de la société Kadima, de leur demande en annulation du contrat de franchise ; déboute la société Kadima et Maître David Dray, ès qualités de liquidateur amiable de la société Kadima, de l'intégralité de leurs demandes en dommages et intérêts ; condamne la société Kadima aux dépens d'appel ; autorise Maître Teytaud, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; condamne la société Kadima à verser à la société Esprit de Corp. France la somme totale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.