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Décisions

Cass. 1re civ., 6 juin 2018, n° 17-13.101

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

SCP Nataf Fajgenbaum et associés

Défendeur :

Lederman, Selas De Gaulle Fleurance et associés

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Girardet

Avocat général :

M. Drouet

Avocats :

Me Balat, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer

Paris, pôle 2, ch. 1, du 18 janv. 2017

18 janvier 2017

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2017), que, faisant grief à son ancien associé, M. Lederman, avocat, qui avait exercé son droit de retrait, et à la société d'exercice libéral par actions simplifiée De Gaulle Fleurance et associés (la Selas DGFA), d'avoir capté une partie de sa clientèle et d'avoir eu un comportement déloyal, contraire aux règles déontologiques de la profession, la société civile professionnelle Nataf Fajgenbaum et associés (la SCP NFA) a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats qui a condamné M. Lederman et la Selas DGFA à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice ;

Attendu que la SCP NFA fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes dirigées contre M. Lederman et la Selas DGFA, alors, selon le moyen : 1°) que, une société civile professionnelle d'avocats détenant la clientèle commune de ses associés, méconnaît son obligation de loyauté, un associé retrayant qui en détourne une partie ; qu'en relevant, pour écarter tout manquement de M. Lederman à son obligation de loyauté vis-à-vis de la SCP NFA, que l'ensemble des clients qui l'ont suivi au sein de la Selas DGFA avaient des dossiers traités personnellement par lui et étaient donc attachés à lui intuitu personae, la cour d'appel, qui a statué par une motivation totalement inopérante à écarter des actes de concurrence déloyale de l'avocat retrayant, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil ; 2°) qu'un associé retrayant, qui par un processus de démarchage organisé et prémédité, capte une partie de la clientèle de la société civile professionnelle, commet un acte de concurrence déloyale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que pendant le délai de prévenance, M. Lederman, dont le contrat conclu avec la Selas DGFA révélait que sa rémunération avait été négociée et fixée en prévision de l'apport d'une partie de la clientèle de la SCP NFA, n'avait pas avisé ses associés de ce qu'il avait signé un contrat avec un autre cabinet, avait refusé de signer un communiqué commun informant les clients de la SCP NFA de son départ, les avait personnellement informés de son départ pour rejoindre la Selas DGFA en des termes " ignorés de la cour ", avait dissimulé à ses associés l'existence d'une assignation délivrée le 6 juin 2014 à l'un d'eux, interdit à ses associés l'accès à son agenda électronique, assisté seul à une réunion importante auprès d'un des clients les plus influents du cabinet et refusé de participer à leur coté à un rendez-vous avec la directrice juridique d'un autre client prestigieux ; qu'elle a encore relevé que dans la semaine ayant suivi son départ, la SCP NFA avait reçu plusieurs courriers de ses clients les plus prestigieux lui demandant de faire suivre leurs dossiers à M. Lederman au sein de la Selas DGFA ; qu'en considérant que la SCP NFA n'établissait pas que M. Lederman avait organisé le détournement d'une partie de sa clientèle, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1382, devenu 1240, du Code civil ; 3°) que, pendant la durée du délai de prévenance, l'avocat retrayant reste tenu vis-à-vis de la structure qu'il quitte et de ses associés de toutes ses obligations, parmi lesquelles le respect de la confraternité et de la loyauté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que, pendant le délai de prévenance, M. Lederman n'avait pas avisé ses associés de ce qu'il avait signé un contrat avec un autre cabinet, avait refusé de signer un communiqué commun informant les clients de la SCP NFA de son départ et avait informé personnellement ces derniers de son départ pour rejoindre la Selas DGFA ; qu'en considérant que M. Lederman n'avait pas failli à son obligation de loyauté sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce comportement n'était pas constitutif d'un manquement aux règles déontologiques de confraternité et de loyauté à l'origine du transfert d'une partie de la clientèle de la structure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil, ensemble l'article 1.3 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat et P.46.3 du règlement intérieur du barreau de Paris ; 4°) qu'une pratique commerciale est trompeuse dès lors qu'elle repose sur une allégation fausse ou de nature à induire en erreur le consommateur, le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que dans tout support d'information au public, la Selas DGFA présentait à tort ses collaborateurs comme étant des associés ; qu'en se bornant à dire qu'il s'agissait d'un comportement regrettable mais qu'il n'était pas établi que cette présentation erronée de M. Lederman avait eu un impact sur le choix des clients de le suivre sans rechercher, comme elle y était invitée, alors qu'elle avait constaté que les conditions financières du contrat conclu entre M. Lederman et la Selas DGFA révélaient que cette dernière ne le recrutait pas uniquement en raison de ses compétences mais dans l'espoir de le voir rejoindre le cabinet avec des clients prestigieux, si cette pratique trompeuse n'était pas constitutive d'une manœuvre frauduleuse lui permettant, ainsi qu'à son collaborateur, M. Lederman, de retenir la clientèle de ses concurrents, dont celle de la SCP NFA, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil, ensemble l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; 5°) que la cour d'appel a expressément constaté que M. Lederman avait annoncé brutalement à ses associés, et de façon peu délicate, qu'il se retirait et entendait partir avec les dossiers qu'il traitait personnellement ; qu'elle a encore relevé un comportement déloyal de sa part consistant à avoir adressé un projet de conclusions à la société Mango sans le soumettre à M. Fajgenbaum, comme la sentence du 8 juillet 2014 le lui imposait, d'avoir dissimulé à ses associés l'existence d'une assignation délivrée le 6 juin 2014 à la société Mango par la société Zadig et Voltaire, enfin, d'avoir avisé certains clients de ce départ pour rejoindre la Selas DGFA alors même que la SCP NFA était laissée dans l'ignorance de ce qu'il intégrait ce cabinet ; qu'en se contentant de dire que le comportement en partie fautif de M. Lederman était sans lien de causalité avec le préjudice patrimonial invoqué par la SCP NFA, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il n'était pas générateur d'un préjudice moral, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé, à bon droit, qu'il appartient à la SCP NFA de démontrer que les clients en litige ont sollicité le transfert de leurs dossiers à la Selas DGFA en raison de manœuvres de M. Lederman et de ce cabinet, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que l'information de son départ de la SCP NFA, que M. Lederman avait donnée aux clients dont il suivait les dossiers, se soit accompagnée d'une incitation à transférer leurs dossiers, et relève que divers clients ont précisé qu'ils avaient fait d'eux-mêmes le choix de le suivre, compte tenu des liens de confiance noués avec lui, pour certains depuis de nombreuses années, et non parce qu'il rejoignait un cabinet qu'il aurait présenté comme plus prestigieux ; qu'il ajoute qu'il n'est pas davantage démontré que le comportement M. Lederman ait désorganisé la SCP NFA pendant le délai de prévenance et, s'agissant des autres griefs, que la présentation de M. Lederman comme associé du cabinet DGFA, alors qu'il n'a pas cette qualité, n'a pas eu d'incidence sur le choix de la clientèle ; qu'ayant ainsi souverainement apprécié les éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu retenir que ces faits n'étaient pas de nature à caractériser des actes de concurrence déloyale en l'absence d'incidence avérée sur le chiffre d'affaires et que le préjudice invoqué était sans lien avec le comportement partiellement fautif de M. Lederman ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.