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Décisions

CA Agen, ch. civ., 13 juin 2018, n° 15-01348

AGEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bella Esthetic (SARL), Leray (ès qual.)

Défendeur :

Beauty Koncept (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaté

Conseillers :

M. Benon, Mme Guengard

Avocats :

Mes Martial, Boutitie, Blazy

TGI Agen, du 17 sept. 2015

17 septembre 2015

FAITS :

La SARL Beauty Koncept a développé une franchise sous l'appellation Epil Story consistant essentiellement en des soins de beauté, épilation, bronzage et manucure.

Elle a déposé le nom Epil Story avec le slogan "l'épilation professionnelle sans rendez-vous" sur logo couleurs rose et gris, ainsi que le nom Epil Story sans slogan avec le même logo.

Elle a signé un contrat en vertu duquel la SARL Bell'Epil est devenue franchisée pour une exploitation située <adresse> à Agen.

Le 31 mai 2012, la SARL Bell'Epil a vendu son fonds de commerce à la SARL Bella Esthetic, comprenant l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage, à l'exception du nom Epil Story.

La SARL Bella Esthetic n'a pas adhéré à la franchise développée par la SARL Beauty Koncept.

Le 21 septembre 2012, la SARL Beauty Koncept a fait constater par huissier que la SARL Bella Esthetic utilisait le slogan "l'épilation professionnelle sans rendez-vous" et des éléments d'apparence identiques aux membres de la franchise.

Elle a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance d'Agen qui, par ordonnance du 13 novembre 2012, a ordonné à la SARL Bella Esthetic de retirer la mention "l'épilation professionnelle sans rendez-vous" de son enseigne et, le cas échéant, de tous documents et objets utiles à l'exercice de son activité, et ce dans un délai de 8 jours à compter de la décision, et lui a fait interdiction d'user de la dénomination Epil Story dans l'ensemble des documents utiles à l'exercice de son activité.

Par acte du 2 octobre 2012, la SARL Beauty Koncept a également fait assigner la SARL Bella Esthetic devant le Tribunal de grande instance d'Agen, statuant au fond, afin de la voir condamner à lui payer des dommages et intérêts pour contrefaçon et de lui voir interdire définitivement d'utiliser le slogan "l'épilation professionnelle sans rendez-vous", et cesser toute activité de nature à générer une confusion dans l'esprit de la clientèle.

La SARL ES Midi, franchisée du réseau Beauty Koncept <adresse> à Agen, est intervenue volontairement à l'instance aux côtés de son franchiseur.

Par jugement rendu le 17 septembre 2015, le Tribunal de grande instance d'Agen a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société ES Midi,

- débouté la société Beauty Koncept et la société ES Midi de leurs demandes de dommages et intérêts au titre d'actes de contrefaçon,

- ordonné la cessation immédiate des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société Bella Esthetic, en l'espèce en modifiant la décoration, l'agencement intérieur de son institut, en modifiant le mobilier et les affiches de prestations de soins dans sa vitrine,

- dit n'y avoir lieu à prononcer d'une astreinte,

- condamné la société Bella Esthetic à payer à la société ES Midi une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

- condamné la société Bella Esthetic à payer à la société Beauty Koncept une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

- dit que la société Beauty Koncept est en droit d'utiliser le fichier clientèle accessible sur le logiciel Avomark,

- dit que la société ES Midi est en droit de poursuivre les abonnements enregistrés dans le logiciel Avomark par l'ancien franchisé Bell'Epil,

- débouté la société Bella Esthetic de sa demande de dommages et intérêts liée à l'utilisation du fichier clientèle,

- condamné la société Bella Esthetic à payer à la société Beauty Koncept la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Bella Esthetic à payer à la société ES Midi la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la société Bella Esthetic de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné la société Bella Esthetic aux dépens, y compris ceux relatifs à la saisie contrefaçon.

Par acte du 23 octobre 2015, la SARL Bella Esthetic a régulièrement déclaré former appel du jugement en désignant la SARL Beauty Koncept en qualité de seule partie intimée.

Par jugement du 25 mai 2016, le Tribunal de commerce d'Agen a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SARL Bella Esthetic, Me Marc Leray étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 25 janvier 2017, la SARL Bella Esthetic a été placée en liquidation judiciaire, Me Leray étant désigné en qualité de liquidateur.

Me Leray a été appelé en cause par acte du 9 juin 2017.

La clôture a été prononcée le 24 janvier 2018 et l'affaire fixée à l'audience de la cour du 12 mars 2018.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par conclusions récapitulatives notifiées le 10 août 2017, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL Bella Esthetic prise en la personne de Me Leray présente les explications suivantes :

- la clientèle fait partie intégrante du fonds qu'elle a acheté et il est de principe qu'elle appartient au franchisé et non au franchiseur, indépendamment de l'enseigne Epil Story.

- pourtant la SARL Beauty Koncept dispose du fichier et adresse des messages à la clientèle.

- avant d'être assignée au fond, elle a retiré toute référence au réseau de franchise.

- elle était en droit d'utiliser la couleur rose, habituelle dans ce type d'activité, et des cartes de fidélité distinctes de celles utilisées par le réseau Beauty Koncept.

Au terme de ses conclusions, la SARL Bella Esthetic demande à la cour :

- de réformer le jugement,

- de dire qu'elle n'a commis aucun acte de parasitisme économique,

- d'ordonner à la SARL Beauty Koncept de ne pas utiliser le fichier clientèle,

- de condamner cette dernière à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'utilisation du fichier client, outre 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 5 décembre 2017, auxquelles il est également renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL Beauty Koncept présente les explications suivantes, après avoir rappelé que le jugement est définitif à l'égard de la SARL ES Midi :

- le fichier clientèle n'a pas été cédé avec le fonds et les abonnements des clients auprès de la SARL Bell'Epil, constitué de la clientèle gérée par la société Avomark, n'a pu être transmis.

- la SARL Bell'Epil n'a développé aucune clientèle locale de sorte que la SARL Bella Esthetic n'a acquis qu'une clientèle de passage et non d'abonnés.

- elle a mis à disposition de son nouveau franchisé, la liste des clients afin qu'ils poursuivent leur abonnement.

- la SARL Bella Esthetic a continué à chercher à attirer la clientèle du réseau de franchise par les mêmes agencements, présentations et couleurs et a ainsi commis des actes de parasitisme économique préjudiciant au véritable franchisé, comme l'a reconnu le tribunal.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la cour de confirmer le jugement en fixant sa créance aux sommes allouées, et en y ajoutant une somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS :

En premier lieu, en l'absence d'appel à l'encontre de la SARL ES Midi, les dispositions du jugement relatives à cette société sont définitives.

En deuxième lieu, les parties ne critiquent pas les dispositions du jugement qui ont rejeté les prétentions formées par la SARL Beauty Koncept sur le fondement de l'action en contrefaçon de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Le rejet de l'action sur ce fondement sera confirmé.

En troisième lieu, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal après avoir pris connaissance des constats d'huissiers établis les 21 septembre 2012, 27 juin 2013 et du procès-verbal du 2 juillet 2013, a mis en évidence que l'agencement des locaux exploités par la SARL Bella Esthetic, le mobilier et sa disposition, les couleurs utilisées, les affiches de vente, sont très similaires à ceux du réseau franchisé au point que cette dernière s'est placée dans le sillage du réseau créé par la SARL Beauty Koncept, et a considéré que la SARL Bella Esthetic s'est livrée à des actes de parasitisme économique.

Ainsi, par exemple, sur les documents publicitaires, la SARL Bella Esthetic utilisait une rubrique "nos engagements" identique à celle du réseau franchisé, un cartouche "abonnements" et "chèque bon cadeau" très similaires.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a reconnu le caractère parasitaire de ces agissements et ordonné leur cessation.

En quatrième lieu, c'est également par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a dit que la SARL Beauty Koncept est en droit d'utiliser le fichier clientèle accessible sur le logiciel Avomark et débouté la SARL Bella Esthetic de sa demande de dommages et intérêts liée à l'utilisation de ce fichier.

Il suffit de préciser les éléments suivants :

- le fichier des clients géré par la société Avomark lui a été confié par la SARL Beauty Koncept, est lié à l'appellation Epil Story et n'est mis à disposition que des seuls franchisés.

- les abonnements inscrits dans ce fichier, liés à la franchise, n'ont pas été transmis à la SARL Bella Esthetic lors de la cession du fonds.

- il appartenait à la SARL Bella Esthetic de gérer la clientèle qu'elle pouvait développer au titre de son activité personnelle sur un logiciel, ou tout autre support, qui lui était propre.

En cinquième lieu, c'est également par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a alloué à la SARL Beauty Koncept la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Toutefois, en application des articles L. 622-7, L. 622-21 et L. 622-23 du Code de commerce, du fait de l'ouverture de la procédure collective postérieurement à la décision du tribunal, la SARL Bella Esthetic ne peut pas être condamnée à payer la somme réclamée, née antérieurement à la procédure collective.

La somme due doit seulement faire l'objet d'une fixation de créance, ainsi que l'indemnité allouée par le tribunal au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le jugement doit, compte tenu de cet élément nouveau, être infirmé sur ce point.

Enfin, l'équité permet de condamner, en cause d'appel, la SARL Bella Esthetic à payer à l'intimée la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, étant précisé que cette somme, allouée par la cour, trouve son origine dans le présent arrêt, postérieur à l'ouverture de la procédure collective et entre dans les prévisions de l'article L. 622-17 du Code de commerce, de sorte que la SARL Bella Esthetic peut être directement condamnée à la payer.

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort, constate que le jugement est définitif en ses dispositions relatives à la SARL ES Midi ; confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Bella Esthetic à payer à la société Beauty Koncept une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Statuant à nouveau sur ces points, fixe la créance de la SARL Beauty Koncept à la liquidation judiciaire de la SARL Bella Esthetic aux sommes suivantes : 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de parasitisme économique, 3 000 euros au titre de l'indemnité allouée par le tribunal en application de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la SARL Bella Esthetic, prise en la personne de Me Leray, à payer à la SARL Beauty Koncept la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne la SARL Bella Esthetic, prise en la personne de Me Leray, aux dépens.