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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 13 juin 2018, n° 17-02787

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Levant Réalisation (SAS)

Défendeur :

Toyota France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lottin

Conseillers :

M. Samuel, Mme Feydeau Thieffry

Avocats :

Mes Poncet, Merigot

TGI Rouen, du 25 avr. 2017

25 avril 2017

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Groupe Levant Réalisation (désignée ci-après GLR) a vendu un véhicule Toyota Corolla d'occasion à M. X le 17 décembre 2009, au prix de 12 900 €, le véhicule ayant été mis en circulation le 16 mai 2006 et affichant 58 500 km au compteur.

M. X, constatant un bruit anormal au niveau du moteur a, au mois de juin 2010, consulté son garagiste, qui l'a invité à se rapprocher du concessionnaire Toyota (Les Établissements Toys Motors), lequel a conclu à une rupture du vilebrequin nécessitant un remplacement complet du moteur, ce pour un coût de 8 265,48 €.

Une expertise technique été menée dans un cadre amiable au mois d'août 2010 par le cabinet Expertise auto (missionné par l'assureur de M. X), en présence du cabinet AEC SARL (missionné par l'assureur de la société GLR). Les deux experts ont conclu à la nécessité de remplacer le moteur, et ont relevé que la rupture du vilebrequin était la conséquence de l'inversion des bielles dans les cylindres, lors de l'intervention réalisée le 19 décembre 2008 par la SARL Mondial Diffusion, concessionnaire Toyota situé Roncq (59).

Par acte d'huissier du 30 mai 2011, M. X a assigné la SAS GLR devant le président du Tribunal de grande instance d'Evreux, statuant en référé, aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.

La SAS GLR a appelé dans la cause la SARL Mondial Diffusion, auteur de la réparation critiquée.

Suivant ordonnance en date du 29 juillet 2011, M. Y a été désigné en qualité d'expert.

L'expert a déposé son rapport le 1er décembre 2011.

Par acte d'huissier en date du 26 septembre 2012, M. X a assigné la SAS GLR devant le Tribunal de grande instance de Rouen, à titre principal sur le fondement du dol pour obtenir l'annulation de la vente, à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie des vices cachés, pour obtenir sa résolution.

Par acte d'huissier en date du 28 mars 2013, la SAS GLR a appelé en garantie le constructeur, la société Toyota France.

Par jugement du 25 juin 2015, le Tribunal de grande instance de Rouen a débouté M. X de sa demande d'annulation du contrat de vente pour dol et rejeté le moyen tiré de l'inopposabilité de l'expertise judiciaire soulevé par la société Toyota France. Sur la garantie des vices cachés, il a ordonné avant dire droit un complément d'expertise désignant de nouveau Y avec mission de rechercher les éléments permettant de déterminer si la cause du désordre affectant le véhicule acquis par M. X, à savoir la rupture du vilebrequin, existait antérieurement à la vente ou encore si elle existait à l'état de germe au moment de cette vente.

L'expert judiciaire a déposé son rapport d'expertise complémentaire le 22 février 2016.

Par jugement du 25 avril 2017, le Tribunal de grande instance de Rouen a :

- prononcé la résolution de la vente intervenue le 17 décembre 2009 entre la SAS GLR et M. X et portant sur un véhicule Toyota Corolla immatriculé <xxxxxxx>,

condamné la SAS GLR à payer à M. X :

- 12 900 € correspondant au prix de vente contre restitution du véhicule,

- 1 305,43 € correspondant aux dommages et intérêts au titre des frais de dépose du moteur,

- 272 € au titre des frais de certificat d'immatriculation,

- 1 602,47 € de dommages et intérêts au titre des cotisations d'assurance inutilement réglées,

- 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que M. X est tenu de restituer le véhicule à la SAS GLR laquelle en est propriétaire,

- ordonné l'exécution provisoire sauf pour les sommes dues au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la SAS GLR aux dépens, en ce compris le coût des expertises judiciaires.

La SAS GLR, qui a acquiescé au jugement à l'égard du demandeur, M. X, réglant les condamnations prononcées au profit de ce dernier, a formé appel de la décision exclusivement sur le rejet de sa demande d'indemnité formée à l'encontre de la SAS Toyota France, n'intimant que cette dernière.

Par dernières conclusions du 5 février 2018, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la SAS GLR demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté ses demandes formées à l'encontre de la SAS Toyota France et statuant à nouveau :

- de dire qu'elle est fondée à engager à l'encontre de la société Toyota France sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil une action rédhibitoire en garantie du vice caché,

- de condamner en conséquence la SAS Toyota France au paiement des sommes suivantes :

- 12 900 € correspondant au prix de vente contre restitution du véhicule,

- 1 305,43 € correspondant aux dommages et intérêts au titre des frais de dépose du moteur,

- 272 € au titre des frais de certificat d'immatriculation,

- 1 602,47 € de dommages et intérêts au titre des cotisations d'assurance inutilement réglées,

- 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, les dépens comprenant le coût des expertises judiciaires : (première expertise : 2 327,94 € et deuxième expertise : 2 976,74 € : total des expertises 5 304,68 €),

- 1 603,86 € représentant les intérêts au taux légal tels que calculés en exécution du Jugement par Monsieur L.,

- de condamner la SAS Toyota France au paiement d'une indemnité de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'ensemble de ses interventions réalisées en référé dans le cadre de l'expertise judiciaire, pour la procédure de première instance mais encore devant la cour d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Poncet Deboeuf et associés, Avocat aux offres de droit.

Par dernières conclusions du 3 octobre 2017, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la SAS Toyota France demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la SAS GLR de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui régler la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2018.

Motifs

En vertu de l'article 1641 du Code civil, " le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ".

Le tribunal a débouté la SAS GLR de sa demande dirigée à l'encontre de la SAS Toyota France, estimant que sur le fondement de la garantie des vices cachés, il ne ressortait pas de l'expertise que le défaut affectant le vilebrequin existait lors de la première vente et que sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la preuve d'une faute commise par la SAS Toyota France n'était pas rapportée.

La SAS GLR, qui limite en appel son argumentation à la garantie des vices cachés, critique la motivation du jugement, en faisant valoir que la pièce défectueuse est nécessairement d'origine puisque aucun changement de cette pièce n'est intervenu durant la vie du véhicule. Elle considère que la société Toyota a admis cet état de fait, en acceptant, suivant courrier du 15 avril 2011, de prendre en charge 100 % des pièces de rechange du moteur et de la main d'œuvre sur la base d'un devis de réparations présenté par son concessionnaire Toys Motors.

Cependant, c'est à juste titre que le tribunal a relevé que l'expert judiciaire avait simplement mis en évidence que le vice affectant le vilebrequin existait antérieurement à la vente intervenue entre M. X et la SAS GLR, sans nullement affirmer que le défaut existait au moment de la vente originaire par la société Toyota France, constructeur du véhicule.

En effet, si M. M. évoque dans son rapport un défaut originel de conception, force est de constater qu'il le fait en des termes plus que prudents, voire même sous une forme interrogative :

" Le fait que le constructeur accepte la prise en charge du remplacement du moteur pièces et main d'œuvre tendrait à nous faire penser que la rupture de cette pièce pourrait (souligné par la cour) provenir de sa conception. Cependant, cette prise en charge est accordée à titre purement commercial ".

" La question sur la bonne conception même du moteur se pose (souligné par la cour)".

La cour relève en outre que deux experts, dans un cadre amiable, ont clairement identifié que " la rupture du vilebrequin était la conséquence de l'inversion des bielles dans les cylindres, lors de l'intervention en garantie du 19 décembre 2008 " et que " les bielles auraient dû être remontées dans leur cylindre d'origine, les coussinets ne s'usant pas uniformément sur chaque cylindre ", sans que l'expert judiciaire n'exprime un quelconque avis sur ces éléments de fait pourtant essentiels, qui vont dans le sens non pas d'un défaut originel mais d'une réparation fautive.

Enfin, la preuve d'un vice existant dès l'origine ne peut se déduire du seul octroi d'un geste commercial par la société Toyota France.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

La SAS GLR supportera la charge des dépens d'appel, sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile et réglera à ce titre à la SAS Toyota France la somme de 3 000 €.

Par ces motifs : LA COUR, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort, confirme le jugement déféré, y ajoutant, déboute la SAS GLR de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la SAS GLR à payer à la SAS Toyota France la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la SAS GLR aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats en ayant fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.