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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 14 juin 2018, n° 17-01143

NÎMES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Mirbat (SA)

Défendeur :

Inates Isolation (Sasu), Torelli (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Rochette, M. Gagnaux

Avocats :

Mes Favre de Thierrens, Pericchi, Court Menigoz

T. com. Avignon, du 3 févr. 2017

3 février 2017

Vu l'appel interjeté le 20 mars 2017 par la SAS "Mirbat" à l'encontre du jugement prononcé le 3 février 2017 par le Tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n° 2015004208.

Vu les dernières conclusions déposées le 1er septembre 2017 par la SAS "Mirbat", appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 11 juillet 2017 par la Sasu "Inates isolation", Maître Frédéric Torelli, liquidateur judiciaire, et M. X, intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui l'a visée le 28 septembre 2017 en y portant la mention : " qui s'en rapporte à l'appréciation de la cour ", avis porté le 28 septembre 2017 à la connaissance des parties constituées.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure à effet différé au 15 mars 2018 en date du 15 septembre 2017.

La SAS Mirbat se présente comme une entreprise spécialiste de l'isolation par polyuréthane projeté. En 2008, elle a créé la marque Synersol(r) pour l'isolation des sols avec lancement d'un réseau de franchise.

Le 25 octobre 2013, la SAS Mirbat et M. X, agissant pour le compte de la Sasu Inates Isolation en cours de formation, ont conclu un contrat de franchise "Synermur". En préambule de ce contrat, le franchiseur et son concept ont été présentés de la manière suivante : "en s'appuyant sur son expertise de 30 ans dans les enduits de façade, les chapes fluides, l'isolation et plus récemment le béton ciré, la SAS Mirbat a développé un vrai savoir-faire en matière d'isolation à base de polyuréthane projeté. Ce savoir-faire est étudié pour offrir au client final une solution optimale qui allie qualité, prix, performance et simplicité. Une identité forte, des produits innovants, une image de qualité : autant d'ingrédients qui ont permis le développement du réseau Synersol et maintenant celui de Synermur pour l'isolation des murs et des combles"

Par courrier recommandé du 13 janvier 2015, la Sasu Inates Isolation a notifié à la SAS Mirbat sa volonté de résilier le contrat de franchise et elle a demandé la reprise par cette dernière des équipements et matériels spécifiques.

Par lettre recommandée du 23 janvier 2015, la SAS Mirbat lui a fait savoir qu'elle acceptait l'arrêt de la franchise mais qu'elle ne pouvait pas reprendre le matériel en raison d'une trésorerie trop basse.

Par acte d'huissier de justice du 19 mai 2015, la Sasu Inates Isolation a fait assigner la SAS Mirbat devant le Tribunal de commerce d'Avignon pour obtenir le prononcé de la nullité du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur et la condamnation de cette dernière au paiement de différentes sommes.

La Sasu Inates Isolation a été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Nîmes du 23 septembre 2015, puis en liquidation judiciaire par jugement du 20 septembre 2016. Me Frédéric Torelli a été désigné comme mandataire liquidateur.

Par jugement du 3 février 2017, le Tribunal de commerce d'Avignon a notamment :

- reçu les interventions volontaires de Me Torelli et M. X,

- considéré que le consentement de M. X, agissant pour le compte de la Sasu Inates Isolation a été vicié et prononcé la nullité du contrat de franchise Synermur signé le 25 octobre 2013,

- condamné la SAS Mirbat à verser à Me Torelli la somme de 91 107,70 euros,

- ordonné à Me Torelli de mettre à disposition de la SAS Mirbat le matériel et les produits dont les dates de péremption ne sont pas dépassées, objets de la facture n° 14050105 du 21 mai 2014,

- condamné la SAS Mirbat à verser à M. X la somme de 24 021,95 euros,

- rejeté toutes demandes, fins ou conclusions contraires,

- condamné la SAS Mirbat à verser à Me Torelli et M. X la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Mirbat a relevé appel de cette décision pour voir :

- dire et juger l'appel incident mal fondé en la forme et sur le fond,

- débouter la Sasu Inates Isolation, Me Torelli et M. X, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- dire et juger l'appel de la SAS Mirbat bien fondé en la forme et sur le fond,

- y faire droit, réformer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a reconnu la Sasu Inates Isolation débitrice de la somme de 9 616,99 euros au titre des factures impayées,

Statuer à nouveau sur le surplus :

Sur les demandes de Maître Torelli :

- dire et juger que Me Torelli ne démontre pas un manquement à l'obligation d'information précontractuelle incombant à la société concluante,

- dire et juger que Me Torelli ne fait aucunement état d'un vice du consentement et d'un préjudice en découlant,

- dire et juger que le concept contractualisé est un savoir-faire,

- dire et juger que la SAS Mirbat a respecté son obligation d'assistance envers la Sasu Inates Isolation,

Par conséquent :

- débouter Me Torelli de l'intégralité de ses demandes de nullité du contrat de franchise, et de ses demandes d'indemnisation principale et subsidiaire,

A titre très infiniment subsidiaire, si par extraordinaire il était fait droit à la demande de condamnation de la SAS Mirbat à hauteur de 55 549,43 euros au titre des matériels qu'elle se serait engagée contractuellement à reprendre :

- ordonner à Me Torelli de restituer ces matériels au siège social de la SAS Mirbat, et ce sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à venir.

Sur les demandes de M. X :

- dire et juger non fondées les demandes de M. X en droit et en fait.

- débouter M. X de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle de la SAS Mirbat :

- faire droit à la demande reconventionnelle en paiement des sommes dues,

- condamner Me Torelli à régler à la SAS Mirbat la somme de 9 916,90 euros correspondant à factures impayées.

- condamner Me Torelli à régler à la SAS Mirbat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- relever la SAS Mirbat de la forclusion, la Sasu Inates Isolation ayant volontairement omis de mentionner la créance de la SAS Mirbat,

- admettre au passif de la procédure collective ouverte à l'endroit de la Sasu Inates Isolation la somme de 9 916,90 euros,

- condamner M. X à porter et payer à la SAS Mirbat une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

La Sasu Inates Isolation, Me Torelli et M. X demandent à la cour, sur le fondement des articles L. 330-3 et R. 330-1 et suivants du Code de commerce, 1108 et suivants anciens, 1134 et 1147 anciens, ainsi que 1382 ancien du Code civil, de :

A titre principal, confirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de franchise conclu en octobre 2013 entre la SAS Mirbat et la Sasu Inates Isolation,

- condamné la SAS Mirbat à payer à M. X la somme de 24 021,95 euros en réparation de son préjudice financier,

- condamné la SAS Mirbat à payer à Me Torelli et M. X la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens

Faisant droit à l'appel incident des concluants, le réformer pour le surplus, et statuant à nouveau :

- condamner la SAS Mirbat à payer à Me Torelli les sommes suivantes :

* 97 095 euros au titre du prêt BPS contracté pour réaliser les investissements spécifiques à l'activité de franchisé Mirbat

* 54 396,30 euros au titre de la perte de chance de réaliser les résultats d'exploitations prévus

- condamner la SAS Mirbat à payer à M. X la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la nullité du contrat ne devait pas être retenue :

- condamner la SAS Mirbat à payer à Me Torelli les sommes suivantes : 55 549,43 euros, outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 13 janvier 2015 au titre des matériels qu'elle s'était contractuellement engagée à reprendre, et 80 966 euros au titre du préjudice résultant de son refus d'exécuter ses obligations contractuelles

- condamner la SAS Mirbat à payer à M. X les sommes suivantes : 24 021,95 euros en réparation de son préjudice financier et 15 000 euros en réparation de son préjudice moral,

En tout état de cause :

- dire et juger la SAS Mirbat irrecevable en ses demandes en l'absence de déclaration au passif

- débouter la SAS Mirbat de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SAS Mirbat à payer à Me Torelli et à M. X, chacun la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SAS Mirbat aux entiers dépens de l'instance

DISCUSSION

Sur la nullité du contrat de franchise pour manquement à l'obligation précontractuelle

Critiquant la décision des premiers juges ayant retenu ce manquement, la SAS Mirbat soutient qu'il résulte des stipulations mêmes du contrat qu'elle avait parfaitement respecté son devoir d'information préalable car dans le contrat du 25 octobre 2013, M. X qui avait bénéficié d'un délai de réflexion de 14 mois, avait déclaré avoir eu préalablement au jour de la conclusion du contrat connaissance des éléments d'information nécessaires pour un engagement en toute connaissance de cause tant sur le plan technique, commercial que financier.

Les intimés répondent que la déclaration d'information préalable prévue aux articles L. 330-3 et R. 330-1 et suivants du Code de commerce n'avait pas été remise et que les mentions vagues et formelles du contrat ne permettent pas d'établir le respect des obligation légales. Ils contestent l'argument d'un délai de réflexion de 14 mois au cours duquel des informations ponctuelles avaient été données.

L'article L. 330-3 du Code de commerce dispose que toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties de fournir à l'autre partie " un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ". Il prévoit que " ce document dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ". Il précise que " Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimums avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent ".

L'objet du contrat "Synermur" signé entre les parties a été ainsi défini : " le présent contrat concède au franchisé qui accepte le droit, pour la durée et dans les conditions définies aux présentes, d'exploiter la franchise "Synermur" c'est-à-dire la mise à disposition de ses signes distinctifs, la distribution des services pour l'unité définie à l'article 4 ainsi que la transmission du savoir-faire du franchiseur ".

Pour soutenir le respect de son obligation pré contractuelle d'informations, la SAS Mirbat se prévaut de la clause selon laquelle :" le franchisé reconnaît avoir reçu préalablement à ce jour, connaissance :

- de la structure et du fonctionnement tant sur le plan de la gestion que sur les plans technique, commercial et financier,

- du savoir-faire du franchiseur dont il a pu vérifier, antérieurement à ce jour l'originalité et le sérieux,

- et plus généralement de l'ensemble des informations lui ayant permis d'apprécier la qualité des apports et des prestations fournies par le franchiseur.

Il déclare également :

- s'être fait expliquer les données financières relatives à l'exploitation d'une unité indépendante et autonome "

- adhérer au projet d'entreprise et à la déontologie du réseau "Synermur "

- avoir compris que le choix du développement de ce concept impliquant un état des prix de partenariat réel, non seulement entre le franchiseur et les franchisés mais également entre tous les membres du réseau

- avoir la capacité d'être un professionnel indépendant et de bonne foi

- être économiquement et juridiquement dans la capacité de devenir franchisé du réseau "Synermur",

- n'avoir jamais fait l'objet directement ou indirectement, des mesures de nature à laisser planer un doute sur sa moralité, son honorabilité ou ses capacités financières

- le franchisé rappelle pour autant que de besoin que sa formation et son expérience, telles qu'il les a décrites au franchiseur au cours des négociations ayant précédé la conclusion du présent contrat l'avait partiellement préparé à l'activité de "Synermur"

Le franchisé déclare enfin qu'il a :

- librement choisi de devenir un franchisé du réseau "Synermur"

- étudié le présent contrat de franchise pour en avoir reçu un projet,

- préparé le financement des engagements financiers y liés,

- été informé par le franchiseur sur les risques que court tout entrepreneur indépendant et qui sont inhérents à la création et à l'exploitation du fonds artisanal,

et qu'en conséquence c'est en toute connaissance de cause, et après avoir pris tous conseils utiles qu'il a choisi de devenir un franchisé du réseau "Synermur".

Or cette clause n'établit pas que les éléments d'informations légales auraient été transmis dans leur exhaustivité à M. X dans les 20 jours précédant la signature du contrat de franchise.

Le fait que la première prise de contact entre la SAS Mirbat et M. X ait eu lieu le 19 juin 2012 et qu'elle ait été suivie d'échanges par mails sur la collaboration future ne supplée pas à la formalité du document d'information précontractuelle d'autant qu'ils ne donnent, de manière lapidaire, que de brèves informations alors que les dispositions de l'article R. 330-3 impose la fourniture d'éléments précis au nombre desquels : (...)

4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

(...) complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices (...) ;

5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte : a) (...), b) (...), c) (...), d) (...)

6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.

Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation".

Les intimés font à cet égard grief à la SAS Mirbat de ne pas avoir :

- réalisé une présentation sincère et sérieuse du marché local des produits et services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché alors qu'elle était seule à détenir les informations sur le potentiel de rentabilité et de compétitivité des activités de son concept et de ses produits

- communiqué les comptes de ses 2 derniers exercices,

- effectué une présentation du réseau Synermur comportant la liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elle du mode d'exploitation convenue,

- précisé la nature et le montant des dépenses et des investissement spécifiques à l'enseigne ou à la marque,

- obtenu les avis techniques nécessaires sur [le] produit Synermur qui avait ensuite été remplacé par le produit Walltite.

Sur ce dernier point, il résulte en effet des pièces produites et des explications non contredites que la Sasu Inates Isolation n'a débuté son activité que le 27 février 2014, date de son immatriculation et qu'en mars 2014, la SAS Mirbat s'est associée à la société américaine BASF pour la vente sur le marché français du Produit Walltite dont elle affirme sans aucune démonstration qu'il est en tous points identique au produit Synermur. Elle a de fait approvisionné la Sasu Inates Isolation avec ce produit dès le mois de mars et cette dernière l'a effectivement proposé à sa clientèle après s'être équipée des signes distinctifs Walltite.

Mais ce changement de produit a été inopiné et la SAS Mirbat ne démontre en avoir au préalable avisé la Sasu Inates Isolation par lettre recommandée comme le lui imposait l'article 40 du contrat en cas de modification du contrat. Ainsi les quelques informations données par mails à M. X avant la signature du contrat étaient d'autant moins opérantes qu'elles se rapportaient aux potentialités d'un produit qui n'a jamais été mis à la disposition de la Sasu Inates Isolation.

Or les textes légaux obligent la délivrance d'informations sincères ce qui implique un degré de précision suffisant pour permettre au franchisé de s'engager en connaissance de cause. A fortiori, les informations doivent évidemment porter sur le produit concerné par la clause d'exclusivité...

Et s'ils n'obligent pas le franchiseur à la délivrance d'une véritable étude du marché local à charge pour le candidat à l'adhésion à ce réseau de procéder lui-même à une analyse d'implantation précise, il s'avère que M. X n'a pu établir son prévisionnel qu'en fonction des renseignements parcellaires donnés par la SAS Mirbat entre juin 2012 et octobre 2013 (notamment un "tarif public 2011") et en considération d'un produit certes nouveau mais porté par l'expérience et la renommée de la SAS Mirbat qui avait déjà commercialisé avec succès un produit connu du public sous la marque Synersol. Elle lui a d'ailleurs adressé entre février 2013 et octobre 2013 quelques dizaines de demandes de renseignements faites par des clients potentiels intéressés par ce produit, exclusivement.

Il résulte ensuite des pièces produites qu'en juin 2012 la SAS Mirbat a communiqué à M. X un "devis modèle portant sur la station mobile de projection de polyuréthane pour l'isolation murale" nécessaire à l'activité future, pour un montant de 33 966,40 euros comprenant le coût de la formation pour 3 000 euros TTC (mail de juin 2012). Mais elle a établi le 17 septembre 2013 une facture ayant le même objet pour un montant de 75 091,46 euros, ne comprenant même pas le coût de la formation que la Sasu Inates Isolation a dû acquitter par ailleurs. Puis "le mobil system et accessoires composant la station mobile de projection de Polyuréthane pour l'isolation des murs" a fait l'objet d'une autre facture en date du 21 mai 2014 pour un montant de 76 914,60 euros TTC.

Il est donc exact que le devis communiqué en juin 2012 a été largement sous-évalué, et que la facturation finale du matériel nécessaire a augmenté du simple à plus du double sans qu'aucune explication ne soit donnée sur ce point.

S'agissant du prévisionnel, il est constant que les dispositions légales ne mettent pas à la charge du franchiseur une obligation de fournir des comptes prévisionnels mais qu'elles lui imposent de satisfaire, s'il y procède, une obligation de sincérité. Ces comptes doivent être en conséquence sérieux, raisonnables, être établis quand cela est possible par la production des comptes de franchisés établis dans les zones de chalandises comparables et ne pas être exagérément optimistes. L'obligation pesant sur le franchiseur est une simple obligation de moyens imposant la démonstration d'une faute par le franchisé.

En l'occurrence, le 27 juin 2012, la SAS Mirbat a transmis à M. X un prévisionnel d'exploitation Franchise laissant apparaître un résultat de 43 027 euros la première année, 275 282 euros la seconde année et de 322 791 euros la troisième année. L'intimé ne s'est pas engagé sur la foi de ce prévisionnel puisque dans le cadre des démarches entreprises pour l'obtention de la qualification d'artisan et du label Eco artisan, il avait lui-même établi un prévisionnel d'activité de janvier 2014 à décembre 2016 donnant des chiffres plus prudents de 5 840 euros en 2014, 65 252 euros en 2015 et de 110 229 euros en 2016.

Mais indépendamment de leurs différences notables, ces prévisions ont été établies en considération d'un produit et de renseignements qui ne pouvaient être efficients puisqu'ils se rapportent aux données d'un produit spécifique, Synermur auquel a été substitué le produit Walltite. La SAS Mirbat a donc encore manqué à son obligation de sincérité.

Enfin le 24 octobre 2012, la SAS Mirbat assurait M. X de l'obtention de l'avis technique afférent à l'isolation des murs par l'intérieur pour le printemps 2013 et elle lui précisait que le dossier technique relatif à l'isolation des murs par l'extérieur serait présenté au mois de juin 2013 pour obtention d'avis technique. Le 9 juillet 2013, elle l'informait en ces termes : "la CSTB lui avait délivré la certification CSTBat pour Synersol et Synermur. Elle sera effective lors du passage en GS de l'avis technique Synermur IsilaYr Murs intérieurs en octobre. Avis technique Synermur Cellules ouvertes toujours prévu pour fin d'année. Avis technique Synermur ITE en juin 2014".

Finalement, l'annexe 5 du contrat indique que "le calendrier d'obtention des avis techniques pour l'isolation des murs et des combles est prévu comme suit :

- 28 janvier 2014, présentation au GS20 du dossier technique pour l'isolation des murs par l'intérieur

- juin 2014, présentation au GS20 du dossier technique pour l'isolation combles,

- juillet 2014 : présentation au GS20 du dossier technique pour l'isolation des murs par l'extérieur

Ces dates prévisionnelles peuvent être modifiées en fonction des résultats des tests et audits imposés par le CSTB".

Il convient encore de relever que l'information pré contractuelle donnée sur ce point n'était pas sincère puisqu'annoncé pour le printemps 2013, le dossier nécessaire pour l'obtention de l'avis technique n'avait même pas été présenté au GS 20. Force est de constater ensuite qu'il n'est justifié d'aucune obtention d'avis technique et a fortiori d'aucune présentation du dossier technique. Seul est produit l'avis technique référencé N° 20/14-317 relatif au procédé d'isolation thermique et d'étanchéité à l'air de murs intérieurs par projection de Polyuréthanne Mirbat Walltite, qui n'a fait l'objet d'un enregistrement que le 18 juillet 2014 seulement.

Il doit donc être retenu un défaut d'information précontractuelle par délivrance d'informations non sincères ayant empêché M. X de se faire une exacte représentation des circonstances de fait et de droit avant de consentir à l'acte. Son consentement n'a donc pas été éclairé en raison de renseignements inexacts l'ayant induit en erreur sur les qualités substantielles du contrat en termes de produits et de rentabilité de l'opération qui n'a effectivement pas été au rendez-vous puisque la Sasu Inates Isolation a enregistré un résultat déficitaire de 51 025 euros au 31 décembre 2014 et a été placée en redressement judiciaire le 23 septembre 2015, converti en liquidation judiciaire le 20 septembre 2016.

Si l'intention de tromper de la SAS Mirbat n'est pas établie, il n'en demeure pas moins que l'erreur de M. X était excusable car son expérience professionnelle antérieure était limitée à celle d'un directeur technique au service d'une société œuvrant dans un domaine traditionnel de gros de bois et de matériaux de construction.

Et s'il a accepté ensuite de commercialiser le produit Walltite, cette circonstance ne permet pas de présumer une novation du contrat et s'explique davantage par la contrainte économique dans laquelle l'avait placé le recours aux emprunts. Ce comportement ultérieur n'enlève rien au fait qu'il s'est engagé au terme d'une fausse représentation de son activité future,

Il convient en conséquence de prononcer la nullité du contrat au visa des articles précités pour manquement à l'obligation précontractuelle constitutive d'une erreur déterminante de l'engagement de la Sasu Inates Isolation.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat

* quant au préjudice de la Sasu Inates Isolation

Soutenant que la nullité entraîne la remise en état du franchisé et que le préjudice résultant du manquement à une obligation contractuelle d'information est constitué par la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, les intimés soutiennent le droit de la Sasu Inates Isolation à réclamer la somme de 97 095 € correspondant au montant débloqué par la BPS pour le financement de son activité mais également une perte de chance de réaliser les gains espérés évalués à 30 % des résultats prévus sur 3 ans soit 54 396,30 euros

La SAS Mirbat oppose le fait que la Sasu Inates Isolation demande plus que la remise en l'état antérieur et qu'elle est infondée en ses demandes en l'absence de dol, la déconfiture ne s'expliquant que par le défaut d'implication de M. X. De plus, au moment de la signature du contrat, la Sasu Inates Isolation ne lui avait réglé aucune somme ayant acquis le matériel et le véhicule auprès d'une centrale d'achat indépendante. Et ne pouvant reprendre possession du véhicule qui a déjà été vendu et du matériel acquis, la satisfaction de la demande adverse caractériserait un enrichissement sans cause. Enfin la demande en dommages intérêts pour perte d'exploitation pour annulation du contrat est toute aussi infondée puisqu'il serait alors réputé n'avoir jamais existé. Subsidiairement, elle exclut être tenue de prendre en charge le passif de la liquidation de la Sasu Inates Isolation en rappelant que le contrat a été résilié d'un commun accord et que la reprise du matériel n'est pas contractuellement prévue au terme de seulement une année d'activité.

La nullité d'un contrat de concession exclusive entraîne la restitution des frais imposés au concessionnaire pour obtenir et conserver cette qualité.

La SAS Mirbat qui ne démontre pas que les fonds perçus à ce titre l'auraient été pour une centrale d'achats indépendante doit être condamnée à rembourser à la Sasu Inates Isolation la somme de 73 095 euros relative aux investissements engagés spécifiquement pour la marque, déduction faite du prix de vente du fourgon Mercédès déjà obtenu (24 000 euros HT).

Il est constant que le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information est constitué par la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et non pas celle d'obtenir les gains attendus. La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Il convient à cet égard d'apprécier si le préjudice de la perte de chance d'avoir conclu un contrat de franchise profitable est certain.

Or cette démonstration n'est pas faite et les appelants seront déboutés de la demande en paiement de 54 396,30 euros évaluée de surcroît à 30 % des résultats espérés

* quant aux préjudices de M. X

La SAS Mirbat critique l'absence de motivation de la décision déférée sur ce point en soulignant le défaut de preuve de ce que les prêts accordés à M. X à hauteur de 24 021,95 euros auraient eu un rapport avec l'activité professionnelle aucune preuve n'étant apportée quant à la destination de ces fonds et aucun fondement juridique et factuel n'étant donné à l'appui des demandes

Soutenant son droit en qualité de gérant de la société et de tiers au contrat de franchise de demander au franchiseur, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation du préjudice personnel causé par les agissements dolosifs allégués contre le franchiseur, M. X rappelle avoir effectué divers apports en comptes courants notamment grâce à des prêts "Initiative Gard" et "Nacre" ayant permis l'acquisition du matériel informatique, du site Internet etc. Il rappelle être le débiteur du remboursement de ces prêts à hauteur de la somme de 24'021,95 euros dont il demande l'indemnisation s'ajoutant à celle du préjudice moral.

Il est justifié de la souscription par M. X d'un contrat de prêt sur l'honneur auprès d'Initiative Transmission, de 23 000 € le 11 avril 2014 et d'un second contrat de prêt Nacre d'un montant de 5 000 € le 11 avril 2014, ayant respectivement pour objet de financer la réalisation du projet de création de l'entreprise " Sasu Inates Isolation" et de répondre à un besoin de fonds de roulement. M. X s'est engagé au remboursement de ces fonds portés en compte courant de la société sur ses deniers personnels.

L'attitude dolosive de la SAS Mirbat n'a pas été retenue. Mais il n'en demeure pas moins que M. X est recevable sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et du manquement de la SAS Mirbat à son obligation pré-contractuelle d'information à demander l'indemnisation du préjudice financier en raison de la faute commise. La décision de première instance sera confirmée sur ce point.

Il convient également de retenir un préjudice moral tenant la nécessité dans laquelle se trouve M. X aujourd'hui salarié dans une imprimerie pour un revenu de 1 429 euros par mois, de recourir à l'aide familiale pour subvenir aux besoins de sa famille. Il lui sera alloué la somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral

Sur la demande reconventionnelle de la SAS Mirbat

La SAS Mirbat soutient que la Sasu Inates Isolation lui doit encore la somme de 9 916,90 euros selon facture en date du 24 octobre 2014 ayant pour objet la livraison de mousse Polyuréthane en expliquant n'avoir pas été en mesure de déclarer sa créance car la Sasu Inates Isolation avait volontairement omis de la mentionner son passif, en demandant à ce titre un relevé de forclusion au visa de l'article L. 622-26 du Code de commerce.

Les intimés objectent effectivement l'irrecevabilité de la demande en paiement au visa de l'article L. 622-21 du Code de commerce, en expliquant que la SAS Mirbat n'avait pas déclaré sa créance et qu'aucune compensation ne pouvait être retenue.

Il n'est pas discuté que la créance en cause n'a pas été déclarée au passif de la Sasu Inates Isolation et il n'appartient pas au juge de droit commun de relever la SAS Mirbat de la forclusion encourue de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande en paiement voire en compensation à ce titre

Sur les frais de l'instance :

La SAS Mirbat, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à Me Torelli ès qualités et M. X une somme de 2 000 € à chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a : - prononcé la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement, - condamné la SAS Mirbat à payer à M. X la somme de 24 021,95 euros en réparation de son préjudice financier - rejeté la demande en paiement au titre de la perte de chance - condamné la SAS Mirbat à payer à Me Torelli ès qualités et à M. X la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la SAS Mirbat à payer à Me Torelli ès qualités de mandataire liquidateur de la Sasu Inates Isolation à lui payer la somme de 73 095 €, Condamne la SAS Mirbat à payer à M. X la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral, Déboute les intimés de leurs autres demandes, Déboute la SAS Mirbat de sa demande reconventionnelle, Dit que la SAS Mirbat supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à Me Torelli ès qualités et à M. X une somme de 2 000 € à chacun par application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles engagés en appel.