Cass. com., 13 juin 2018, n° 16-20.910
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Espace participations (Sté) (ès qual.)
Défendeur :
Daimler AG (Sté), Mercedes Benz France (SAS), Paul Kroely France 67 (SAS), Paul Kroely Etoile 57 (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
M. Richard de la Tour
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, Robillot
LA COUR : - Joint les pourvois n° 16-20.933 et 16-20.910 qui attaquent le même arrêt ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 avril 2016), que la société Grand Garage des Halles 4GH (la société 4GH) a conclu, les 6 décembre 2002 et 1er janvier 2003, deux contrats à durée indéterminée de distribution sélective de véhicules neufs de la marque Smart et de services de réparation avec la société Smart GmbH, aux droits de laquelle est venue la société Daimler Chrysler AG (la société Daimler), et avec la société Mercedes Benz France, son mandataire ; que cette dernière a conclu le 15 février 2011, avec effet au 20 décembre 2010, avec la société Paul Kroely étoile 57 (la société Kroely 57), installée à Woippy, appartenant au groupe Paul Kroely automobiles, distributeur et réparateur de véhicules légers, un contrat de distribution de véhicules neufs de la marque Smart, puis, le 15 décembre 2011, avec la société Paul Kroely étoile 67 (la société Kroely 67), installée à Bischheim, un contrat de services de réparation des véhicules de cette marque ; que le 20 décembre 2010, les sociétés Kroely 57 et Kroely 67 ont conclu un contrat d'apporteur d'affaires permettant à la première d'intervenir dans la commercialisation des véhicules Smart neufs en réponse à la demande de la clientèle de la seconde; que le 22 février 2012, la société Mercedes Benz France a notifié, avec un préavis de vingt-quatre mois, la résiliation des contrats de distribution et de services passés avec la société 4GH ; qu'invoquant la nullité de la notification de cette résiliation et la responsabilité des sociétés Mercedes Benz France et Daimler dans la résiliation des contrats de distribution et de services et reprochant des actes de concurrence déloyale aux sociétés Kroely 57 et Kroely 67, la société 4GH les a assignées en paiement de dommages-intérêts ;
Sur les premiers moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que la société 4GH, aux droits de laquelle vient la société Espace participations, fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de résiliation des contrats de distribution et de services aux torts exclusifs des sociétés Mercedes Benz et Daimler et de condamnation de celles-ci à réparer ses préjudices alors, selon le moyen : 1°) que la rupture d'un contrat par une personne qui n'avait pas qualité pour le faire rend nécessairement celle-ci irrégulière et constitue de ce seul fait une faute ouvrant droit, pour le distributeur, à des dommages-intérêts compensant le préjudice qu'il a subi du fait de cette résiliation ; que la responsabilité ainsi encourue est délictuelle à l'égard de celui qui a irrégulièrement résilié le contrat et contractuelle à l'égard de celui qui avait seule compétence pour la notifier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que la rupture du contrat de distribution avait été notifiée à la société 4GH par la société Mercedes Benz France alors que celle-ci n'avait pas compétence pour le faire, la société Daimler AG étant seule restée liée par le contrat de distribution, mais qui n'a pas réparé le préjudice que la société 4GH avait subi du fait de cette résiliation irrégulière, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134, 1147, 1184 et 1382 du Code civil ; 2°) qu'en se bornant à prononcer la nullité de la notification de la résiliation par la société Mercedes Benz France sans se prononcer, ainsi que cela lui était expressément demandé, sur les conséquences indemnitaires de l'irrégularité de la résiliation dont la société 4GH soutenait qu'elle imposait la réparation des préjudices qu'elle avait subis du fait de cette résiliation, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie et a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que la société 4GH n'ayant pas soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la nullité de la résiliation pour défaut de capacité et de pouvoir de la société Mercedez Benz France constituait à elle seule une irrégularité fautive ouvrant droit à dommages-intérêts, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel, devant laquelle la société 4GH se bornait à demander réparation du préjudice résultant de la mise en œuvre fautive de la clause de résiliation pour manquement au devoir de contrôle du réseau et à l'obligation de bonne foi, a statué comme elle a fait ; que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur les deuxièmes moyens, rédigés en termes identiques, réunis : - Attendu que la société Espace participations fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts dirigée contre les sociétés Kroely 57 et Kroely 67 alors, selon le moyen, que si la conclusion d'un contrat d'apporteur d'affaires par les sociétés membres d'un réseau de distribution exclusive n'est pas par elle-même illicite, la conclusion d'un tel contrat entre une société disposant d'un contrat de réparateur agréé sur un secteur géographique déterminé et une société disposant d'un contrat de distribution exclusive de la même marque sur un autre secteur géographique, en ce qu'il conduit nécessairement le réparateur agréé à adresser les clients de son secteur à son cocontractant situé sur un autre secteur géographique et ce, au détriment de la société qui dispose de l'exclusivité de la distribution sur le même secteur géographique que celui du réparateur agréé, désorganise nécessairement, au détriment de ce dernier, le réseau de distribution exclusive et constitue ainsi un acte de concurrence déloyale ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, contrairement aux allégations du moyen, le contrat d'apporteur d'affaires n'a pas été conclu entre membres d'un réseau de distribution exclusive, mais entre membres d'un réseau de distribution sélective ; que le moyen, qui procède d'un postulat contraire, ne peut être accueilli ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisièmes moyens des pourvois, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois.