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Décisions

Cass. com., 13 juin 2018, n° 17-10.618

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Guinot (SAS)

Défendeur :

Francart, Prestige Beauté (Sté), Raulet (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocats :

SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, SCP Alain Bénabent

T. com. Paris, du 26 mars 2014

26 mars 2014

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après s'être rapprochée de la société Guinot qui anime un réseau d'instituts de beauté sous franchise, et reçu de celle-ci un document d'information précontractuelle (DIP), Mme Joliot épouse Francart (Mme Francart) a créé, le 7 octobre 2011, la société Prestige beauté, qui a conclu, le 17 octobre suivant, un contrat d'affiliation au réseau pour l'exploitation d'un magasin sous cette enseigne ; que le 2 avril 2013, la société Prestige beauté a été mise en liquidation judiciaire, la société Tirmant Raulet étant désignée liquidateur ; que reprochant à la société Guinot une omission d'information précontractuelle, Mme Francart et la société Prestige beauté l'ont assignée en annulation du contrat pour dol et en réparation de leurs préjudices ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches : - Attendu que la société Guinot fait grief à l'arrêt d'annuler le contrat d'affiliation alors, selon le moyen : 1°) que le dol implique l'intention de tromper ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que les prétendues omissions relatives à la présentation des sites pilotes, la rentabilité des affiliés, la présentation du marché et la nature de la concurrence des dépositaires, constitueraient des manœuvres dolosives, sans rechercher si lesdites omissions étaient intentionnelles de la part de la société Guinot et destinées à tromper son cocontractant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°) que la société Guinot produisait deux mails des époux Francart qui établissaient que ceux-ci avaient connaissance des instituts dépositaires avant la conclusion du contrat de franchise ; que l'absence de mentions des dépositaires dans le DIP n'a donc pu induire les époux Francart en erreur et ne pouvait par conséquent constituer une réticence dolosive ; qu'en considérant néanmoins que l'omission des dépositaires dans le DIP constituerait une manœuvre dolosive, la cour d'appel a violé l'article 1116 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 3°) que la société Guinot produisait deux mails des époux Francart qui établissaient que ceux-ci avaient connaissance des instituts dépositaires avant la conclusion du contrat de franchise ; qu'en considérant néanmoins que l'omission des dépositaires dans le DIP constituerait une manœuvre dolosive, la cour d'appel a dénaturé par omission les mails en question, en violation de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 4°) que la société Guinot produisait un mail des époux Francart par lequel les époux Francart disaient avoir photographié les devantures des dépositaires rémois et joindre les photos prises ; qu'en affirmant que la société Guinot n'apportait pas la preuve que les photos de devanture versées au dossier aient été prises par les affiliés pendant la période précontractuelle, la cour d'appel a dénaturé les conclusions des consorts Francart, en violation de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 5°) que même à supposer que les photos de devanture versées au dossier ne seraient pas celles que les époux Francart disaient avoir prises dans leur mail du 21 juillet 2011, il ressortait de ce mail que les époux Francart avaient bien pris des photos des devantures des dépositaires, et qu'ils connaissaient donc nécessairement les soins et produits proposés par les dépositaires ; qu'en affirmant que la société Guinot ne rapportait pas la preuve que les photos de devanture versées au dossier avaient été prises par les affiliés pendant la période précontractuelle, la cour d'appel a en tout état de cause statué par un motif inopérant, en violation de l'article 1116 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le DIP ne contient pas de présentation du réseau des affiliés et retient que la société Prestige beauté et Mme Francart n'ont été alertées ni sur la faible rentabilité des sites pilotes ni sur le fait que les résultats des affiliés faisaient apparaître des pertes au titre des deux premières années d'exploitation ; qu'il relève encore que le DIP ne mentionne pas la présence de quatre instituts " dépositaires ", dans la zone d'implantation prévue au contrat, lesquels ne sont cités que sur le site internet de la société Guinot, et retient que Mme Francart et la société Prestige beauté ont contracté dans la certitude que ces prétendus dépositaires ne bénéficiaient pas du savoir-faire Guinot et ne proposaient pas des soins et produits identiques à ceux des affiliés, de sorte qu'ils ne constituaient pas une réelle concurrence ; qu'il relève qu'elles n'ont découvert qu'en cours d'exécution du contrat que ces dépositaires bénéficiaient du savoir-faire Guinot et des mêmes avantages que les affiliés, soit, notamment, de formations, de signes de ralliement, du marketing, du matériel utilisé pour les soins et du logiciel ; qu'il ajoute que la société Guinot a dissimulé à Mme Francart la véritable nature de la concurrence des dépositaires et lui a même menti en lui affirmant, après qu'elle eut découvert leur existence, que les dépositaires n'avaient, en aucun cas, le même statut que les affiliés, dans la mesure où ils ne bénéficiaient pas de la formation ni du savoir-faire de la société ; qu'en l'état de ces seules constatations et appréciations, relevant de son pouvoir souverain et faisant ressortir que la société Guinot avait volontairement dissimulé des informations essentielles, déterminantes du consentement de Mme Francart et de la société Prestige beauté, la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en sa sixième branche, en ce qu'il est dirigé contre la condamnation de la société Guinot à payer à Mme Francart une certaine somme : - Attendu que la société Guinot fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Francart la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral alors, selon le moyen, qu'une demande faite à titre subsidiaire est formulée uniquement dans l'hypothèse où la demande principale ne serait pas accueillie ; qu'un juge ne peut par conséquent, sans méconnaître les termes du litige, accorder à la fois tout ou partie d'une demande principale et également tout ou partie d'une demande subsidiaire ; qu'au cas présent, les consorts Francart demandaient, à titre principal, l'indemnisation des pertes subies et du préjudice moral et, à titre subsidiaire, l'indemnisation des sommes perçues par la société Guinot et des investissements réalisés ; que, pourtant, la cour d'appel a alloué aux consorts Francart à la fois des sommes demandées à titre principal (50 000 euros au titre des pertes subies et 50 000 euros au titre du préjudice moral) et des sommes demandées à titre subsidiaire (9 375 euros au titre des sommes perçues par la société Guinot et 130 000 euros au titre des investissements réalisés) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est sans méconnaître les termes du litige que la cour d'appel a fixé le montant des dommages-intérêts dus à Mme Francart en réparation du préjudice moral qu'elle avait subi ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche, en ce qu'il est dirigé contre les condamnations de la société Guinot à payer à la SCP Tirmant Raulet, ès qualités, certaines sommes à titre de dommages-intérêts : - Vu les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ; - Attendu qu'après avoir constaté que la société Tirmant Raulet, ès qualités, demandait le paiement d'une somme, au titre des pertes subies, subsidiairement, d'autres sommes, au titre de celles perçues par la société Guinot d'une part, de l'investissement réalisé en pure perte d'autre part, et plus subsidiairement encore, d'une somme au titre du passif déclaré, l'arrêt condamne la société Guinot à payer à la société Tirmant Raulet, ès qualités, les sommes de 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat, de 130 000 euros, au titre des investissements réalisés en pure perte, et de 50 000 euros, au titre d'une partie des pertes subies ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d 'appel a méconnu les termes du litige et violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société Guinot à payer à la société Tirmant Raulet, prise en la personne de M. Raulet, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Prestige beauté, les sommes de 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat, de 130 000 euros, au titre des investissements réalisés en pure perte, et de 50 000 euros, au titre d'une part des pertes subies, l'arrêt rendu le 16 novembre 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.