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Décisions

Cass. 1re civ., 5 juillet 2017, n° 15-17.057

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

Grim Auto (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocats :

Me Rémy-Corlay, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret

Montpellier, du 19 févr. 2015

19 février 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 février 2015), que M. X... a acquis auprès de la société Grim Auto un véhicule de marque Maserati pour le prix de 138 190 euros ; que, se plaignant de dysfonctionnements affectant le système de freinage mais également certains accessoires et équipements du véhicule, il l'a assignée en référé, ainsi que la société Maserati West Europe, importateur, aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à procéder au remplacement à neuf du véhicule et à prendre en charge les frais liés à ce remplacement ; que la société Grim Auto a attrait en la cause la société italienne Maserati Spa ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° A 15-17.057 : - Attendu que la société Grim Auto fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes, alors, selon le moyen : 1°) que le juge des référés ne peut condamner une partie à verser une provision et à exécuter une obligation de faire qu'à condition que l'obligation ne soit pas sérieusement contestable ; qu'en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien ; que, toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut ; qu'il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur ; que le moyen, soulevé par le vendeur, tiré du coût manifestement disproportionné du remplacement du véhicule au regard de sa réparation, rend son obligation de remplacer le bien litigieux sérieusement contestable ; qu'en jugeant cependant que le remplacement du véhicule litigieux n'était pas de nature à " entraîner un coût manifestement disproportionné compte tenu des attentes de l'acquéreur ", la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse, violant les articles 809, alinéa 2, du Code de procédure civile et L. 211-9 du Code de la consommation ; 2°) que le créancier gagiste n'est pas tenu d'accepter une substitution de l'assiette de son gage ; que l'existence d'un gage sur le véhicule dont le remplacement est demandé rend l'obligation de remplacement, qui suppose la restitution du véhicule défectueux, sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le véhicule litigieux était grevé d'un gage, mais a énoncé que n'était pas démontrée l'impossibilité d'affecter le véhicule neuf à la garantie prise par l'organisme prêteur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a tranché une contestation sérieuse, a violé les articles 809, alinéa 2, du Code de procédure civile et L. 211-9 du Code de la consommation ; 3°) que la cour d'appel a relevé que la mise en cause de la société Maserati West Europe et ses rapports avec la société Grim Auto relevaient " de l'appréciation du seul juge du fond " ; qu'il ressortait de ces constatations que les rapports juridiques, existant entre la société Grim Auto, la société Maserati West Europe et M. X..., étaient sérieusement contestables ; que la question de la contribution à la dette, afin de savoir laquelle des deux sociétés procéderait effectivement au remplacement du véhicule, devait être tranchée par les juges du fond ; qu'en jugeant pourtant que les sociétés Grim Auto et Maserati West Europe devaient être condamnées solidairement en référé à remplacer le véhicule à neuf et à payer une provision à M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ; 4°) que l'existence non sérieusement contestable de non-conformités n'exclut pas que l'obligation de remplacer le bien soit, le cas échéant, sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, en jugeant que M. X... était fondé à solliciter en référé le remplacement ou la réparation de son bien, aux motifs inopérants que la non-conformité n'était pas sérieusement contestable, tandis que l'obligation pour la société Grim Auto de remplacer à neuf le véhicule était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé les articles 809, alinéa 2, du Code de procédure civile et L. 211-9 du Code de la consommation ; 5°) que la société Grim Auto faisait valoir que le remplacement à neuf du véhicule lui faisait supporter un coût manifestement disproportionné au regard de sa réparation ; que la société Maserati West Europe, en tant que constructeur, avait accepté de prendre en charge la réparation des désordres résiduels constatés par l'expert ; que la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le remplacement du véhicule n'était pas de nature à " entraîner un coût manifestement disproportionné compte tenu des attentes de l'acquéreur " ; qu'en se fondant sur les attentes de l'acquéreur, sans rechercher si cette solution était manifestement disproportionnée pour le vendeur, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 211-9 du Code de la consommation ; 6°) que la société Grim Auto faisait valoir que la réparation par le constructeur du véhicule litigieux, affecté de défauts mineurs, était possible selon l'expert ; que la société Maserati avait d'ailleurs proposé cette solution ; qu'en se bornant à énoncer qu'" aucune solution pérenne pour juguler les désordres résiduels sur le véhicule n'avait pu être proposée " et qu'aucune " autre modalité [que le remplacement de la voiture] ne pouvait être proposée ", sans rechercher, comme il lui était demandé, s'il ressortait du rapport d'expertise que la société Maserati, constructeur, était en mesure de réparer ces défauts, ce qu'elle avait d'ailleurs proposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 211-9 du Code de la consommation ; 7°) que la société Grim Auto faisait valoir qu'elle n'était plus, depuis le mois de janvier 2013, concessionnaire de la société Maserati, de sorte qu'elle était dans l'impossibilité de fournir le véhicule litigieux au titre de la restitution sollicitée ; qu'en effet, la société Grim Auto ne détenait ni ne diffusait plus aucun véhicule de la marque Maserati ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir relevé que, selon les conclusions de l'expert, le véhicule présentait des désordres qui ne le rendaient pas conforme à l'usage habituellement convenu pour ce type de véhicule haut de gamme et qu'aucune solution pérenne n'avait pu être proposée pour juguler les désordres résiduels l'affectant, la cour d'appel ne s'est pas bornée à retenir que le choix formulé par l'acquéreur, à savoir le remplacement à l'identique d'un véhicule conforme au contrat de vente, n'était pas de nature à entraîner un coût manifestement disproportionné compte tenu des attentes légitimes de l'acquéreur d'un véhicule de cette catégorie, mais a également relevé l'importance des défauts l'affectant et l'absence d'autre modalité pouvant être proposée ; qu'elle a pu en déduire, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans être tenue de répondre à un moyen inopérant, que l'obligation de remplacer à neuf le véhicule de M. X... n'était pas sérieusement contestable ;

Attendu, ensuite, qu'en relevant que n'était nullement démontrée l'impossibilité d'affecter le véhicule neuf à la garantie prise par l'organisme prêteur au regard des dispositions relatives aux formalités d'inscription et aux formalités modificatives d'inscription de gage, la cour d'appel a pu en déduire que l'existence d'un gage ne constituait pas une contestation sérieuse ;

Attendu, enfin, qu'ayant constaté que les lettres émanant de " Maserati " adressées à M. X... comportaient en bas de page la référence de la société Maserati West Europe, pour en déduire que cette dernière devait être tenue solidairement avec la société Grim Auto à remplacer le véhicule de M. X... et à indemniser ce dernier, la cour d'appel a pu retenir que, s'agissant de la contribution à la dette, il appartenait aux sociétés Grim Auto, Maserati West Europe et Maserati Spa de faire trancher le litige entre elles par le juge du fond ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° F 15-17.269 : - Attendu que la société Maserati West Europe et la société Maserati Spa font grief à l'arrêt de condamner la première, solidairement avec la société Grim Auto, à remplacer à neuf le véhicule acquis par M. X... et à lui payer une provision, alors, selon le moyen, que le juge des référés ne peut accorder une provision ou ordonner l'exécution d'une obligation de faire que dans les cas où l'existence de l'obligation alléguée à l'encontre d'une partie n'est pas sérieusement contestable ; que la cour d'appel a relevé, s'agissant du moyen soulevé par la société Maserati West Europe tenant à sa demande de mise hors de cause " comme se fondant sur l'absence de toute intervention de sa part dans la chaîne contractuelle de vente ", qu'une telle demande relevait de l'appréciation du seul juge du fond, soit ne relevait pas de la compétence du juge des référés ; qu'il s'en inférait l'existence d'une contestation sérieuse sur la mise en cause de la société Maserati West Europe et sa demande de condamnation en appel de l'ordonnance de référé du 20 octobre 2011 ; qu'en décidant, néanmoins, de condamner la société Maserati West Europe, solidairement avec la société Grim Auto, au paiement d'une provision de 7 802 euros à valoir sur le préjudice de jouissance M. X... et de procéder à l'exécution de l'obligation de faire portant sur le remplacement à neuf du véhicule acheté par M. X... le 25 juin 2010, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres contestations et a violé l'article 809 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que, si la cour d'appel a retenu que la demande de mise hors de cause de la société Maserati West Europe relevait de l'appréciation du juge du fond, elle ne l'a décidé que pour les rapports entre les sociétés Grim Auto, Maserati West Europe et Maserati Spa, au titre de la contribution à la condamnation ; qu'ayant constaté que les lettres adressées à M. X... émanant de " Maserati " comportaient en bas de page la référence de la société Maserati West Europe, elle a pu en déduire que cette dernière était tenue, solidairement avec la société Grim Auto, aux mesures ordonnées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois.