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Décisions

Commission, 4 décembre 2017, n° 40495

COMMISSION EUROPÉENNE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

COMMISSION EUROPÉENNE

Défendeur :

Fédération nationale de l'artisanat automobile

Commission n° 40495

4 décembre 2017

Objet: Affaire AT. 40495 - Hyundai Garantie Constructeur

Décision de la Commission rejetant la plainte

(Veuillez rappeler cette référence dans toute correspondance)

Madame, Monsieur,

(1) Par la présente, je suis au regret de vous informer que la Commission européenne (la "Commission ") a décidé de rejeter votre plainte contre Hyundai Motor Europe GmbH (" Hyundai "), conformément à l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission1.

1. LA PLAINTE

(2) Par lettre du 7 mars 2017, vous avez demandé à la Commission d'ouvrir une enquête sur Hyundai, un constructeur automobile. Vous avez expliqué que la FNAA avait été alertée par certains de ses adhérents d'une lettre adressée le 24 février 2017 par Hyundai portant " modflcation importante de la Garantie Constructeur Hyundai ". Aux termes de ce courrier, le constructeur informait les revendeurs indépendants de véhicules de sa marque que " à compter du 1er mars 2017, la garantie constructeur Hyundai ne sera plus appliquée aux véhicules neufs vendus à un client final par un revendeur indépendant ou non autorisé, même si ces véhicules ont été initialement acquis auprès d'un distributeur ou concessionnaire autorisé Hyundai".

(3) Vous avez demandé à la Commission européenne de " déclarer nulle et non avenue cette clause, qui constitue une utilisation manifestement abusive de la garantie du constructeur, en raison des effets qu'elle produit sur le commerce intracommunautaire de véhicules neufs, notamment pour les consommateurs intéressés à faire jouer la concurrence entre les marchés nationaux comme c'est le cas des clients de certains garages adhérents à la FNAA, spécialisés dans l'acquisition intracommunautaire de véhicules neufs de l'Union européenne ".

(4) Vous avez ajouté que la décision de Hyundai " instaure une discrimination entre les consommateurs selon qu'ils achètent le véhicule neuf auprès de concessionnaires Hyundai ou auprès d'un revendeur indépendant ".

(5) Le 22 mars 2017, vous nous avez communiqué une version non confidentielle de la plainte.

(6) Par lettre du 18 juillet 2017, la Commission vous a informé de son intention de rejeter votre plainte. En réponse, vous avez présenté des observations supplémentaires dans votre courriel du 17 août 2017, faisant valoir que " l'interprétation stricte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes peut donner raison à Hyundai " mais que " la réalité des effets sur le marché national tend à montrer qu'à terme les opérateurs indépendants sont évincés : désormais, la garantie commerciale est dressée comme une barrière à l'entrée du marché de la vente de véhicules neufs par des entreprises hors réseau du constructeur Hyundai, qui offrent des prix plus compétitifs aux consommateurs ". Vous avez ajouté que " la modulation de la durée de la garantie en fonction de la qualité du vendeur initial place le consommateur dans une inconnue en cas d'acquisition du véhicule sur le marché de l'occasion, la difficulté étant de savoir jusqu'à quand court la garantie du constructeur. Le consommateur est ainsi contraint de s'adresser au réseau Hyundai pour avoir l'assurance de bénéficier d'une garantie étendue. Hyundai crée ainsi une distorsion de concurrence sur le marché de l'occasion ".

2. NÉCESSITÉ POUR LA COMMISSION DE FIXER DES PRIORITÉS

(7) La Commission n'est pas en mesure de donner suite à tous les cas d'infraction présumée au droit européen de la concurrence qui sont portés à sa connaissance. Ses ressources sont limitées et elle doit, par conséquent, se fixer des priorités conformément aux principes énoncés aux points 41 à 45 de la communication relative au traitement des plaintes2.

(8) Pour déterminer les affaires auxquelles elle décide de donner suite, la Commission tient compte de différents facteurs. Il n'existe pas de critères bien définis, mais la Commission peut tenir compte de la probabilité avec laquelle, sur la base des informations disponibles, une enquête supplémentaire aboutira, au final, à la constatation d'une infraction.

3. ÉVALUATION DE VOTRE PLAINTE

(9) Au terme d'une évaluation préliminaire de votre plainte, la Commission n'a pas l'intention de mener une enquête approfondie sur vos allégations car la probabilité d'établir l'existence d'une infraction à l'article 101 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (" TFUE ") semble limitée en l'espèce.

(10) Au sein de l'UE, les constructeurs automobiles distribuent généralement leurs produits par l'intermédiaire de systèmes de distribution sélective qui comptent un nombre limité de concessionnaires agréés. C'est le cas pour Hyundai.

(11) La jurisprudence de la Cour de justice confirme que restreindre la validité d'une garantie aux produits vendus aux consommateurs par les membres d'un réseau de distribution sélective n'implique pas que les accords de distribution soient contraires à l'article 101 paragraphe 1 du TFUE. Vous le soulignez vous-même dans votre plainte en citant l'arrêt Cartier3, " dès lors qu'un système de distribution sélective satisfait aux critères de validité de l'article [101] du traité, tels qu'ils ont été précisés par la jurisprudence (voir arrêt du 11 décembre 1980, L'Oréal, 31/80, Rec. p. 3775), il y a lieu de considérer comme valide également la limitation de la garantie du fabricant aux produits contractuels acquis auprès des distributeurs agréés. " Dans cet arrêt, la Cour a donc affirmé que Cartier était en droit de refuser de fournir la garantie sur les produits vendus par Metro, qui ne faisait pas partie de son système de distribution sélective, et ce sur la base de l'article 101 paragraphe 1, sans même qu'une analyse au regard de l'article 101 paragraphe 3 du TFUE ne soit nécessaire4.

(12) Vous avez développé une autre interprétation de l'arrêt Cartier dans votre plainte, mais avez admis dans vos observations du 17 août 2017 que " l'interprétation stricte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes peut donner raison à Hyundai ". Les arguments développés dans vos observations ne sont pas de nature à remettre en cause l'interprétation de la jurisprudence de la Cour et n'ont pas apporté d'éléments tendant à démontrer que les critères de la jurisprudence Cartier ne sont pas remplis par Hyundai.

(13) Par ailleurs, quand bien même l'article 101 paragraphe 1 serait applicable, la probabilité d'établir une infraction est excessivement limitée. En effet, aux termes du règlement n° 461/2010 du 27 mai 2010, à partir du 1er juin 2013, le règlement général d'exemption n° 330/2010 sur les accords verticaux (" RAV ") s'applique aux accords verticaux entrant dans le champ d'application de l'article 101, paragraphe 1, du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (" TFUE ") et qui portent sur l'achat, la vente ou la revente de véhicules automobiles neufs. Les lignes directrices sur les restrictions verticales5 décrivent l'approche suivie par le Commission pour analyser les accords verticaux au regard du RAV.

(14) L'application de l'article 4(b) du RAV définit comme une restriction caractérisée qui entraîne l'exclusion de l'intégralité de l'accord vertical du champ d'application du règlement " les accords et pratiques concertées qui ont directement ou indirectement pour objet de restreindre les ventes réalisées par un acheteur partie à l'accord ou par ses client, pour autant que la restriction porte sur le territoire sur lequel, ou sur la clientèle à laquelle, l'acheteur ou ses clients peuvent vendre les biens ou services contractuels ". Selon le Paragraphe 50 des Lignes Directrices, cette restriction caractérisée peut notamment être le résultat de mesures indirectes destinées à dissuader le distributeur de vendre à ces clients, et peut " provenir du fait que le fournisseur n'assure pas un service de garantie à l'échelle de l'Union, que tous les distributeurs sont normalement tenus d'assumer et en contrepartie duquel ils sont remboursés par le fournisseur, même pour des produits vendus sur leur territoire par d'autres distributeurs ".

(15) Ce raisonnement ne peut cependant être étendu aux véhicules qu'un distributeur agréé a vendus à un distributeur non agréé. L'article 4(b)(iii) du RAV prévoit en effet une exception à la qualification de restriction caractérisée définie à l'article 4(b) pour les clauses qui ont pour but de " restreindre les ventes par les membres d'un système de distribution sélective à des distributeurs non agréés, dans le territoire réservé par le fournisseur pour l'opération de ce système ". Il s'ensuit que dans la mesure où la Garantie Constructeur Hyundai est indissociablement liée aux accords de distribution sélective de Hyundai, les termes de cette garantie ne font pas obstacle à ce que les accords entre Hyundai et ses distributeurs agréés bénéficient de l'exemption par catégorie prévue par le RAV. Ni votre plainte, ni vos observations ne comportent d'élements tendant à démontrer que Hyundai dépasse le seuil de part de marché de 30 % défini à l'article 3 du RAV pour bénéficier de l'exemption.

4. CONCLUSION

(16) Compte tenu des considérations qui précèdent, la Commission, exerçant son pouvoir discrétionnaire en matière de fixation des priorités, est parvenue à la conclusion qu'il n'existe pas de motifs suffisants justifiant la poursuite de son enquête concernant l'allégation d'infraction et rejette par conséquent la plainte conformément à l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 773/2004.

5. PROCÉDURE

5.1. Possibilité de contester la présente décision

(17) La présente décision est susceptible de recours devant le Tribunal de l'Union européenne, conformément à l'article 263 du TFUE.

5.2. Confidentialité

(18) La Commission se réserve le droit d'envoyer une copie de la présente décision à Hyundai. Par ailleurs, elle peut décider de publier cette décision, ou un résumé de celle-ci, sur son site internet6. Si vous considérez que certaines parties de la présente décision contiennent des informations confidentielles, je vous saurais gré d'en informer X dans un délai de deux semaines à compter de sa réception, indiquer clairement les informations en question et expliquer pourquoi vous estimez qu'elles devraient être traitées de manière confidentielle. En l'absence de réponse dans le délai imparti, la Commission considérera que vous estimez que la décision ne contient pas d'informations confidentielles et qu'elle peut être publiée sur le site internet de la Commission ou envoyée à Hyundai.

(19) À votre demande, votre identité peut être masquée dans la version publiée de la présente décision, mais uniquement si cela est nécessaire pour la protection de vos intérêts légitimes.

NOTES :

1 Règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE, 30 L 123 du 27.42004, p. 18.

2 JO C 101 du 27.4.2004, p. 65. Voir également le rapport de la Commission sur la politique de concurrence 2005, p. 25-27.

3 Arrêt de la Cour du 13 janvier 1994, Metro SB-Grossmarkte GmbH & Co. KG contre Cartier SA, Affaire C-376/92, Recueil de jurisprudence 1994 page J-15, paragraphe 34.

4 Vous relevez que, dans un communiqué de presse légèrement postérieur à l'arrêt Cartier, la Commission a déclaré ne pas retenir le principe jugé applicable par la Cour aux accords de distribution de véhicules automobiles qui bénéficiaient de l'exemption par catégorie visée au règlement n° 123/85. L'article 5, paragraphe 1, de ce règlement subordonnait en effet l'exemption à la condition que le service d'assistance gratuite soit fourni au consommateur final, indépendamment du fait que ce dernier ait acquis le véhicule auprès d'un revendeur agréé ou indépendant (IP/94/488 du 6 juillet 1994). Ce communiqué de presse n'était pas légalement contraignant.

5 Lignes directrices sur les restrictions verticales, Journal Officiel C 130, du 19.5.2010.

6 Voir paragraphe 150 de la communication de la Commission concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d'application des articles 101 et 102 du TFUE, JO C 308 du 20.10.2011, p. 6.