CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 14 juin 2018, n° 16-13604
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bureau d'Information National et d'Action Sociale (Sté)
Défendeur :
Publications Maine Vergniaud (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poiseaux
Conseillers :
Mmes Hecq Cauquil, Chesnot
Avocats :
Mes Aouizerate, Castellane
Vu l'appel interjeté le 20 juin 2016, par la SARL Bureau d'Information National et d'Action Sociale (Binas) d'un jugement en date du 21 mars 2016, par lequel le Tribunal de grande instance de Paris, disant n'y avoir lieu à exécution provisoire, a :
- Débouté la société Binas de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Binas aux dépens,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 2 août 2016 aux termes desquelles la société Binas demande à la cour, au visa des articles 1134 du Code civil, L. 134-1 et suivants et L. 134-12 du Code de commerce, de :
- Condamner l'association Les Publications Maine Vergniaud à lui payer la somme de 198 237,27 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,
Sur l'absence de préavis sur le support confié à la société Binas :
- condamner l'association à lui payer la somme de 24 779,65 euros avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,
Sur la rupture brutale :
- la condamner à 1 euro symbolique de dommage et intérêts et à la publication, à ses frais, de la décision de justice à intervenir dans le magazine " FGTA - FO " ainsi que dans un journal de renommée nationale,
- condamner l'association Les Publications Maine Vergniaud à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 1er décembre 2016 par l'association Les Publications Maine Vergniaud, tendant à voir :
- Confirmer cette décision,
- y ajoutant, condamner la société Binas aux entiers dépens et à lui payer la somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur ce, LA COUR :
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; il convient de rappeler que :
* La société Bureau d'Information Nationale et d'Action Sociale (Binas) a pour objet la prospection commerciale et l'édition publicitaire et l'association Maine Vergniaud, qui édite la revue FGTA - FO Magazine tirée à 35 000 exemplaires pour huit numéros par an, la mise en commun des moyens matériels nécessaire à la conception, la réalisation, l'impression, l'édition et à la diffusion des journaux, publications et toutes actions d'information ;
* selon convention non datée, l'association Les Publications Maine Vergniaud a confié à la société Binas pour une durée de deux ans tacitement renouvelable par périodes de même durée, la régie publicitaire de la publication " FGTA FO Magazine ", dont la dénonciation pouvait intervenir dans le 4e mois précédant la date anniversaire du contrat ; la fédération de l'agriculture et de l'alimentation FO lui a de même confié la régie publicitaire de la revue " Agriculture Alimentation Tabacs et Allumettes FO " ;
* parallèlement, le syndicat FGTA FO a mandaté la société Binas pour recueillir des annonces publicitaires pour les plaquettes de ses congrès et pour ses bulletins " spécial congrès " ;
* le 24 février 2014, l'association Les Publications Maine Vergniaud a mis un terme aux relations contractuelles, par lettre recommandée avec accusé de réception ;
* le 3 avril 2014, la société Binas a assigné la FGTA FO et l'association Les Publications Maine Vergniaud, aux fins de condamnation solidaire au paiement de l'indemnité compensatrice de l'agent commercial prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce, ainsi qu'à des dommages et intérêts pour rupture brutale ;
* par ordonnance du 23 février 2015, le juge de la mise en état a rejeté la demande de la FGTA FO aux fins d'injonction à la société Binas de produire des pièces justifiant du statut d'agent commercial allégué ;
* le 2 juin 2015, un accord transactionnel, visant les articles 2044 et suivants du Code civil, a été signé par la société Binas et la fédération générale des travailleurs de l'agriculture Force Ouvrière, prévoyant le désistement d'instance et d'action de la société Binas à l'encontre de la seule FGTA et, en conséquence, des demandes de condamnation solidaire de la FGTA et de l'association Les Publications Maine Vergniaud ;
* par ordonnance du 5 octobre 2015, le juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance et d'action de la société Binas à l'égard de la FGTA FO, la procédure se poursuivant entre la société Binas et l'association Les Publications Maine Vergniaud ;
* le 21 mars 2016 est intervenue la décision dont appel ;
Sur la qualification du contrat :
Considérant que la société Binas fait valoir que les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce sont applicables à son statut, puisque, en tant que régie publicitaire, elle a agi au nom et pour le compte de l'association, vendeur d'espace, pendant trente ans, avec pour mission de rechercher tout concours publicitaire, établir un relevé de comptes, encaisser les commissions, s'agissant d'un mandat d'intérêt commun, et qu'elle a été rémunérée par cette dernière en qualité d'agent commercial par des commissions :
Qu'elle soutient que, par application de l'article L. 134-11 Code de commerce, le contrat à durée déterminée dont l'exécution se poursuit après son terme est réputé transformé en une relation à durée indéterminée et que le caractère civil d'une association ne lui interdit pas de contracter avec un agent commercial, l'intimée ne pouvant soutenir ne pas avoir vocation à contracter avec un agent commercial et de but lucratif, alors qu'il n'est pas nécessaire que l'activité économique considérée soit l'activité principale du mandant, que l'activité d'agent commercial a une nature civile et non commerciale, que l'association Les Publications Maine Vergniaud fournissait un service aux annonceurs et qu'elle a perçu pendant trente ans les revenus du travail de l'agent, notamment la somme globale de 297 355,91 euros sur les trois dernières années de relation contractuelle, de 2011 à 2013 ;
Qu'elle conteste l'application de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, comme ne visant pas les régies publicitaires mais les intermédiaires mandataires de l'annonceur, l'article 26 disposant que la régie publicitaire est considérée comme vendeur d'espace, alors qu'elle n'était pas chargée, au nom de l'annonceur, de négocier le prix de l'espace publicitaire, mais de vendre au nom et pour le compte de l'association un espace publicitaire auprès des annonceurs souhaitant être intégrés à un magazine syndical ;
Considérant que l'association Les Publications Maine Vergniaud réplique que le contrat ne peut être qualifié d'agent commercial, les ressources de l'association étant constituées par le montant des droits d'entrée et des cotisations, les subventions des pouvoirs publics et les participations de supports promotionnels et faute d'exercice d'une activité de fourniture de services se rattachant à celle de producteur, commerçant ou industriel prévues à l'article L. 134- 1 du Code de commerce ;
Qu'elle fait valoir que la vente d'espaces publicitaires étant exclusive du statut d'agent commercial, en application de l'article 26 de la loi du 29 janvier 1993, les contrats de régie publicitaire invoqués par la société Binas ne peuvent être qualifiés de contrats d'agent commercial ;
Qu'elle ajoute que le contrat en cause est d'une durée limitée à deux ans, renouvelable par tacite reconduction par période égale à la durée initiale, de sorte que la société Binas n'a pas été chargée par l'association de façon permanente, de rechercher tous concours publicitaires et promotionnels ;
Qu'elle rappelle très subsidiairement que la société Binas ne peut en aucun cas rechercher sa condamnation solidaire avec la FGTA FO, aucune clause de solidarité entre PMV et FGTA n'ayant été stipulée aux contrats de régie publicitaire et que l'action à son encontre n'a plus d'objet, la transaction mentionnant en page 5 paragraphe 4, que la société Binas se désistera aussi de sa demande concernant le support FGTA FO Magazine et qu'elle n'est intervenue que " pour le compte de FGTA FO " quels que soient les supports ;
Considérant que l'article L. 134-1 du Code de commerce dispose que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.
Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières ;
Qu'aux termes de l'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, tout achat d'espace publicitaire, sur quelque support que ce soit, ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat.
Ce contrat fixe les conditions de la rémunération du mandataire en détaillant, s'il y a lieu, les diverses prestations qui seront effectuées dans le cadre de ce contrat de mandat et le montant de leur rémunération respective. Il mentionne également les autres prestations rendues par l'intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération. Tout rabais ou avantage tarifaire de quelque nature que ce soit accordé par le vendeur doit figurer sur la facture délivrée à l'annonceur et ne peut être conservé en tout ou partie par l'intermédiaire qu'en vertu d'une stipulation expresse du contrat de mandat.
Même si les achats mentionnés au premier alinéa ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur ;
Que selon l'article 26 alinéas 1 et 2, "Pour l'application des articles 20 à 25 de la présente loi, la régie publicitaire est considérée comme vendeur d'espace.
Le mandataire mentionné à l'article 20 n'est pas considéré comme agent commercial au sens de l'article 1er de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants" ;
Considérant que la charge de la preuve de l'existence d'un contrat d'agence incombe à la société Binas qui le revendique ;
Considérant qu'en l'espèce, selon l'article 1er de la convention liant l'association Les Publications Maine Vergniaud et la société Binas, Les Publications Maine Vergniaud confient à Binas la régie publicitaire de sa publication " FGTA FO Magazine " ; que l'article 2 précise que Le régisseur publicitaire aura la mission de rechercher tous concours publicitaires et promotionnels suivant un tarif établi par acte séparé et modifiable suivant les nécessités du marché, ceci pour le compte des Publications Maine Vergniaud. Il reste la possibilité à Maine Vergniaud de recueillir directement des participations publicitaires ; qu'aux termes des articles 3 et 4, En sa qualité de Régie publicitaire, qu'il indiquera sur ses propres documents commerciaux, il établira toute facturation découlant des prises d'ordre. Ceci sera réputé être fait pour le compte des Publications Maine Vergniaud. Les conditions de paiement seront celles habituelles du secteur de la publicité et Binas encaissera, pour le compte des Publications Maine Vergniaud, le règlement des factures prévues à l'article 3. Il prendra toutes les mesures pour que ces créances deviennent liquides. Pouvoir lui est donné d'entreprendre toutes actions judiciaires pour en obtenir le règlement ; que le compte rendu mensuel de sa mission est prévu à l'article 5 et que la rémunération du régisseur est visée à l'article 6, prévoyant que Pour prix de ses services et de ses soins, Binas recevra une commission égale à cinquante pour cent (50 %) du montant hors taxes des encaissements effectifs des ordres prix (sic) dans le cadre de ce contrat ;
Que l'objet du contrat porte sur la vente et non sur l'achat d'espaces publicitaires ; que, dès lors, la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ne lui est pas applicable et ne constitue pas les dispositions législatives particulières excluant les dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce ;
Que l'activité de l'association Les Publications Maine Vergniaud, soit, selon ses statuts, la mise en commun des moyens matériels nécessaires à la conception, à la réalisation, à l'impression, à l'édition et à la diffusion des journaux, publications, et toutes actions d'information de chacun des membres, correspond, au moins à titre secondaire en ce qu'elle propose à la vente des emplacements publicitaires dans le magazine qu'elle édite, à celle de producteurs ou de commerçants au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce ;
Que la société Binas produit le contrat non daté, une lettre d'accréditation non datée de l'association Les Publications Maine Vergniaud, deux bons de commande à en tête de FO FGTA prévoyant le règlement à l'ordre de Binas et trois factures d'ordres d'insertion publicitaire, à son en tête, datant de l'année 2012 et seize relevés mensuels de commissions, établis par l'association Les Publications Maine Vergniaud et réglés pour les années 2011 et 2012 ;
Que ces éléments sporadiques n'établissent pas qu'elle était chargée, de façon permanente, de la vente des espaces publicitaires par l'association Les Publications Maine Vergniaud, étant rappelé de surcroît que les relations commerciales antérieures à 2011 ne sont pas justifiées ;
Qu'aux termes de l'article 2 du contrat de régie publicitaire "Le régisseur publicitaire aura la mission de rechercher tous concours publicitaires et promotionnels suivant un tarif établi par acte séparé et modifiable suivant les nécessités du marché, ceci pour le compte de Publications Maine Vergniaud" ; que selon l'article 3 in fine, sur la Facturation des produits, "Les conditions de paiement seront celles habituelles du secteur de la publicité" ;
Que, si ces dispositions caractérisent l'existence d'un mandat, elles démontrent que la société Binas ne disposait pas, de façon permanente et indépendante, d'un pouvoir de négocier des contrats au nom et pour le compte de l'association Les Publications Maine Vergniaud, les tarifs et modes de règlement étant fixés par la convention des parties ; que la société Binas ne produit aucun élément en faveur de son autonomie dans l'exercice de son activité ;
Qu'il résulte de ce qui précède que la société Binas ne justifie pas de la réunion des conditions du texte qu'elle invoque et ne peut revendiquer la qualité d'agent commercial et l'application des articles L. 134-1 et suivant du Code de commerce, notamment solliciter la réparation du préjudice subi par l'indemnité prévue par L. 134-12 du Code de commerce ; que, dès lors, il ne peut être dérogé aux dispositions contractuelles prévoyant la rupture du contrat ;
Sur la demande d'indemnisation :
Considérant que selon l'article 9 du contrat Chaque partie a la possibilité de mettre fin au présent contrat à son terme. Pour ce faire, elle devra le dénoncer, par tout moyen, y compris par lettre recommandée avec accusé de réception, ceci dans le quatrième mois qui précédera la date anniversaire des présentes ; que l'article 10 Indemnité prévoit que "En cas de rupture par l'une ou l'autre partie pour quelque raison que ce soit, pour autant qu'elle le fut dans les formes prévues au présent contrat, il ne sera dû aucune indemnité de part et d'autre" ;
Que la dénonciation du contrat n'est pas soumise à la condition d'une faute ; qu'il n'est ni allégué, ni établi que le courrier de résiliation de l'association, en date du 24 février 2014, ait été émis hors délai ; que la rupture, intervenue en application de l'article 9, ne peut être qualifiée de brutale ; que les formes contractuelles ayant été respectées, aucune indemnité n'est due à la société Binas en application de l'article 10 de la convention ;
Considérant que, par ces motifs propres et contraires à ceux des premiers juges, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Sur les autres demandes :
Considérant que les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile doivent bénéficier à l'association Les Publications Maine Vergniaud ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 3 000 euros ; que la société Binas qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée sur ce même fondement ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Y ajoutant, Condamne la société Bureau d'Information National et d'Action Sociale (Binas) à payer à l'association Les Publications Maine Vergniaud la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; Rejette toutes autres demandes contraires à la motivation ; Condamne la société Bureau d'Information National et d'Action Sociale (Binas) aux dépens.