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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 22 juin 2018, n° 14-10144

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Remorque Assistance Habitat (SARL)

Défendeur :

Piroux Industrie (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mme Le Potier, M. Pothier

Avocats :

Mes Postic, Briec, Chaudet, Chevalier Piroux

TGI Quimper, du 28 oct. 2014

28 octobre 2014

Suivant bon de commande du 7 octobre 2003 l'entreprise Remorque Assistance Habitat a procédé à la vente et à l'installation chez Monsieur X d'un insert à granulés de bois. Au mois de décembre 2006 Monsieur X a été victime d'un incendie de cheminée.

Monsieur X a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Quimper qui par ordonnance du 8 septembre 2010, a ordonné une mesure d'expertise. Le rapport a été déposé le 16 décembre 2011.

Monsieur X a assigné la SARL Remorque Assistance Habitat et la SARL Piroux Industrie en sa qualité de fabricant en réparation de ses préjudices devant le Tribunal de grande instance de Quimper qui par jugement du 28 octobre 2014 a :

Dit que la responsabilité contractuelle de la société Piroux Industrie est engagée s'agissant des vices cachés affectant l'insert installé au domicile de Monsieur X en 2003 ;

Dit que la responsabilité contractuelle de la société Remorque Assistance Habitat est engagée s'agissant des défauts d'installation dudit insert ;

Condamné in solidum la société Piroux Industrie et la société Remorque Assistance Habitat à verser à M. X la somme de 5 829,34 € en remplacement du poêle défectueux ;

Condamné la société Remorque Assistance Habitat à verser à M. X la somme de 2 463,43 € pour la création d'une arrivée d'air neuf ;

Condamné in solidum la société Piroux Industrie et la société Remorque Assistance Habitat à verser à M. X la somme de 2 463,43 € au titre du préjudice de jouissance ;

Débouté Monsieur X de ses demandes au titre de travaux d'embellissement ;

Débouté la société Piroux Industrie de ses demandes de dommages intérêts ;

Condamné in solidum la société Piroux Industrie et la société Remorque Assistance Habitat à verser, la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais de référé et d'expertise.

La société Remorque Assistance Habitat a interjeté appel de cette décision et par dernières conclusions signifiées le 10 juillet 2015, elle demande de :

- Infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a retenu la responsabilité contractuelle de la société Remorque Assistance Habitat et l'a condamnée à indemniser Monsieur X ;

- Débouter Monsieur X et la société Piroux Industrie de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Remorque Assistance Habitat ;

- Condamner la partie succombante au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- Condamner la société Piroux Industrie à garantir la société Remorque Assistance Habitat de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées au bénéfice de Monsieur X en principal, dommages et intérêts, intérêts et frais ;

- Condamner la société Piroux Industrie à régler à la société Remorque Assistance Habitat la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Piroux Industrie aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions signifiées le 18 mai 2015, la société Piroux Industrie demande de :

Déclarer l'appel incident régulier et recevable,

A titre principal,

Réformer le jugement en ce qu'il a dit que la responsabilité contractuelle de la société Piroux Industrie est engagée ;

En conséquence, débouter Monsieur X de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à garantie de la société Piroux Industrie ;

En conséquence, débouter la société Remorque Assistance Habitat de sa demande de garantie des condamnations ;

En tout état de cause,

Condamner Monsieur X à payer à la société Piroux Industrie la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamner solidairement Monsieur X et la société Remorque Assistance Habitat à payer à la société Piroux Industrie la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 en cause d'appel ;

Condamner la société Remorque Assistance Habitat aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Brebion Chaudet sur son affirmation de droit.

Par dernières conclusions signifiées le 15 septembre 2015, Monsieur X demande de :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés Piroux Industrie et Remorque Assistance Habitat.

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

Condamné in solidum la société Piroux Industrie et la société Remorque Assistance Habitat à verser à M. X la somme de 5 829,34 € en remplacement du poêle défectueux ;

A titre subsidiaire les condamner in solidum ou l'une à défaut de l'autre à payer la somme de 3 802 € (3 345 + 457), augmentée des intérêts capitalisés depuis le jour du paiement (07/10/2003) ;

Condamné la société Remorque Assistance Habitat à verser à M. X la somme de 2 463,43 € pour la création d'une arrivée d'air neuf ;

Condamné in solidum la société Piroux Industrie et la société Remorque Assistance Habitat à verser à M. X la somme de 6 000 € au titre du préjudice de jouissance ;

Condamné in solidum la société Piroux Industrie et la société Remorque Assistance Habitat à verser, la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais de référé et d'expertise ;

Débouter la société Piroux Industrie de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Y additant,

Condamner in solidum les sociétés Remorque Assistance Habitat et Piroux Industrie au paiement de la somme de 4 777,60 € pour la réfection des embellissements au rez-de-chaussée ;

Les condamner in solidum au paiement d'une indemnité de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est constant que la société Remorque Assistance Habitat a procédé à la livraison et pose au domicile de Monsieur X d'un insert de cheminée acquis auprès de la société Piroux Industrie.

Dans son rapport l'expert judiciaire a relevé :

- un défaut d'étanchéité de l'évacuation des fumées entre l'insert et la base du conduit d'évacuation des fumées qu'il impute à un défaut de conception et de réalisation de l'appareil à la charge de la société Piroux Industrie. Ce défaut d'étanchéité a pour conséquence la diffusion d'oxyde de carbone dans les locaux d'habitation.

- l'absence d'amenée d'air neuf comme demandée par le fabricant dans sa documentation technique qu'il impute à un défaut de l'installation par la société Remorque Assistance Habitat.

- l'insuffisance du diamètre du conduit d'évacuation des fumées et le raccordement défectueux sur la partie fixe, ainsi que le défaut de mise en œuvre de la sortie hors toiture de ce conduit imputé à la société RC Novation.

L'expert judiciaire constatant que l'appareil est coulissant a mis en évidence qu'il ne dispose d'aucun système de blocage permettant de garantir lors de la mise en fonctionnement que la pièce d'évacuation des fumées de l'appareil se raccorde de manière étanche au conduit d'évacuation des fumées vers l'extérieur ; qu'il en résulte une incertitude permanente quant au bon raccordement entre les deux pièces ;

La société Piroux Industrie conteste sa mise en cause en faisant valoir qu'elle n'est pas le fabricant de l'insert litigieux, la conception de l'appareil relevant d'une société Maisons et Foyers ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation clôturée en 2006.

Mais il convient de relever que si l'insert litigieux a pu être conçu par la société Maisons et Foyers, il a été fabriqué et commercialisé par la société Piroux Industrie qui l'a vendu à la société Remorque Assistance Habitat suivant facture du 24 octobre 2003 ;

Si la société Piroux Industrie fait valoir que l'installation d'un système de blocage tel que retenu par l'expert n'était aucunement obligatoire, il demeure que l'absence d'étanchéité de l'appareil du fait de l'absence de système à même de garantir le raccordement étanche de l'appareil au conduit d'évacuation caractérise un défaut caché de la chose au sens de l'article 1641 du Code civil dont elle doit garantie en sa qualité de vendeur professionnel.

En sa qualité de revendeur professionnel la société Remorque Assistance Habitat est réputée avoir eu connaissance de l'existence de ce vice envers Monsieur X son acquéreur profane.

La société Remorque Assistance Habitat conteste tout manquement au titre de l'absence de création d'une arrivée d'air neuf en objectant que cette absence n'est pas en lien avec les dysfonctionnements constatés et que l'absence de création de cette arrivée n'avait été relevée par aucun intervenant antérieur. Elle fait valoir qu'en tout état de cause et à défaut de lien entre cette absence d'amenée d'air et les dysfonctionnements de l'appareil il appartiendrait à Monsieur X d'en supporter le coût.

Mais l'expert judiciaire a relevé que la création d'une amenée d'air neuf nécessaire pour l'insert si elle ne résulte pas de l'application du DTU applicable à l'époque de l'installation résultait des préconisations du fabricant dans sa notice ; l'expert a relevé que cette amenée d'air était d'autant plus nécessaire que la pièce était mise en dépression par la ventilation mécanique contrôlée de l'habitation et que l'absence d'amenée d'air contribuait au mauvais fonctionnement de l'insert.

Il résulte de ces éléments que c'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont retenu qu'à défaut de respecter les prescriptions du fabricant en prévoyant la création d'une amenée d'air la société Remorque Assistance Habitat a commis une faute contractuelle dont elle doit réparation.

S'agissant de la réparation des préjudices subis la société Remorque Assistance Habitat fait grief au jugement d'avoir fait droit aux demandes de Monsieur X en la condamnant in solidum avec la société Piroux Industrie au paiement d'une somme de 5 829,34 euros au titre du remplacement de l'insert cette somme excédant le prix de l'installation.

Mais il convient de rappeler que par application des dispositions de l'article 1645 du Code civil qu'en leur qualité de professionnelles, les sociétés Remorque Assistance Habitat et Piroux Industrie sont réputées avoir connu les défauts cachés de la chose vendue et qu'elles sont tenues de tous dommages intérêts envers l'acquéreur profane qui ne sauraient se limiter au coût de la prestation réalisée.

C'est également par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont condamné la société Remorque Assistance Habitat au paiement d'une somme de 2 423,43 euros correspondant au coût de création d'une arrivée d'air frais qu'il appartenait à la société Remorque Assistance Habitat de prévoir dans le cadre du marché initial conclu avec Monsieur X, l'installateur ne pouvant se prévaloir de ses propres manquements pour en mettre le surcoût à la charge de son client.

S'agissant du préjudice de jouissance réclamé par Monsieur X celui-ci sollicite confirmation du jugement querellé qui a fixé à la somme de 800 euros par an le montant de l'indemnisation liée à l'impossibilité de bénéficier du chauffage par insert depuis le mois de décembre 2006, soit la somme de 6 000 euros.

La société Remorque Assistance Habitat conclut au rejet des demandes présentées contre elle de ce chef en faisant valoir que le préjudice de jouissance n'est que la conséquence des dysfonctionnements de l'insert imputables à la société Piroux Industrie. Subsidiairement elle sollicite la garantie de la société Piroux Industrie.

La société Piroux Industrie conteste l'existence de ce préjudice.

Il ressort des éléments du rapport d'expertise et des pièces produites aux débats que par suite l'impossibilité de faire usage de l'insert, Monsieur X a fait l'acquisition d'un système de chauffage de substitution constituant en un poêle à pétrole ; que si l'usage de ce dernier n'a pas engendré de surcoût de consommation, l'expert relève que l'usage d'un poêle à pétrole est d'un confort moindre que le chauffage par insert du fait de l'humidité générée dans l'atmosphère par ce type de chauffage ; en considération de ces éléments, il apparaît que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu un préjudice de jouissance consécutif à l'impossibilité de faire usage de l'insert pendant une période de 5 années.

Au regard des éléments de l'espèce il apparaît que c'est par une juste appréciation des éléments de l'espèce que les premiers juges ont fixé à la somme de 6 000 euros le montant de la réparation du préjudice de jouissance subi par Monsieur X en ce compris le coût d'acquisition du chauffage de substitution.

S'agissant des demandes présentées par Monsieur X au titre des travaux d'embellissement, si l'expert dans son rapport a retenu que l'humidité générée par l'usage d'un poêle a pétrole imprégnait le papier peint et provoque "à terme" l'apparition de moisissures, force est de relever qu'il ne ressort d'aucun élément du rapport que des désordres aux embellissements aient pu être effectivement constatés lors des opérations d'expertises réalisées au cours de l'année 2011.

Il apparaît ainsi que c'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont débouté Monsieur X de sa demande de ce chef à défaut d'établir l'existence d'un préjudice réel et certain à ce titre.

S'agissant de la demande de garantie formée par la société Remorque Assistance Habitat il sera constaté qu'en sa qualité de professionnel en charge de l'installation de l'insert litigieux, l'installateur n'a pu ignorer le défaut de l'insert résultant de l'absence de système de blocage à même de garantir l'étanchéité de l'insert ; qu'elle a contribué au dysfonctionnement de l'installation en s'abstenant de procéder à la création d'une amenée d'air frais ; qu'en considération de ces éléments, le fournisseur et l'installateur ayant contribué au mauvais fonctionnement de l'installation, la société Remorque Assistance Habitat sera déboutée de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société Piroux Industrie.

Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions sauf à rectifier l'erreur matérielle affectant le dispositif relativement au montant de l'indemnité pour trouble de jouissance portée par erreur pour 2 463,43 euros au lieu de 6 000 euros.

La société Piroux Industrie qui succombe au principal, sera déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages intérêts pour procédure abusive et de sa demande au titre des frais irrépétibles.

La société Remorque Assistance Habitat qui succombe en cause d'appel sera condamnée aux dépens et à payer à Monsieur X la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement rendu le 28 octobre 2014 par le Tribunal de grande instance de Quimper en ce qu'il a condamné in solidum la société Piroux Industrie et la société Remorque Assistance Habitat à verser à M. X la somme de 2 463,43 € au titre du préjudice de jouissance ; Condamne in solidum la société Piroux Industrie et la société Remorque Assistance Habitat à verser à M. X la somme de 6 000 euros au titre du préjudice de jouissance ; Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ; Y ajoutant, Condamne la société Remorque Assistance Habitat à payer à Monsieur X La somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la société Remorque Assistance Habitat aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.